Pov omniscient
La situation ne cessa de se dégrader durant les jours qui suivirent la dispute. Mozart ne mit plus les pieds chez son amant et Salieri ne quitta pas sa demeure. Maria avait tenté de les faire revenir à la raison pendant plusieurs jours, puis, devant ses échecs répétitifs, elle demanda à une amie de l’héberger, excédée par l’entêtement des deux musiciens.
En ce moment-même, Salieri fixait son piano d’un regard morne, vide… L’instrument criait silencieusement pour obtenir la libération que lui aurait offerte les avances passionnées de l’Italien, mais l’inspiration avait définitivement fait faux bond au compositeur tant aimé de Joseph II. Ces temps-ci, son seul réconfort se trouvait dans les verres d’alcool qu’il enchainait inlassablement, quelle que soit l’heure de la journée.
Les effets de l’alcool s’estompait malheureusement, et un miroir eu le malheur de croiser le chemin de Salieri au même moment. La vision qu’il lui renvoya contraria l’Italien qui envoya son poing pour supprimer cette image, entaillant la peau de sa main. La souffrance n’aida en rien le compositeur à se calmer. A la place il s’écroula sur le sol froid et laissa ses larmes lacérer ses joues, ignorant sa main dont s’écoulait un liquide rubis.
De son côté Mozart ne faisait plus rien. Lui aussi bloqué devant son clavier, toutes ses pensées se dirigeaient vers celui qui l’aimait mais le blessait en même temps. Contrairement à son aimé, il laissa ses doigts vagabonder sur les touches, rejouant un air de celui qui détenait son cœur. Les larmes dévalèrent ses joues, s’écrasant sur ses mains en témoignant ainsi de sa souffrance.
Au comble de son désespoir, l’Autrichien se leva et poussa un cri de douleur, se laissant tomber à genoux pour s’écrouler au sol en laissant s’exprimer ses sanglots.
_ Pourquoi… pourquoi…, geignit-il abattu. POURQUOI ?s’égosilla-t-il au milieu de son salon.
Et il répandit ses larmes sur le sol inhospitalier, tout comme son amant à quelques rues seulement de lui. Les deux compositeurs sombrèrent dans un sommeil torturé.
XxXxXxXxXxXxX
Deux jours s’étaient écoulés et l’état des deux amants était bien loin de s’améliorer. Les petites gens de la cour avaient cru bon de répandre la rumeur que le couple que formaient Mozart et Salieri était définitivement brisé, une histoire de maîtresse selon leurs dires…
Da Ponte gravitant toujours autour de l’empereur, il n’avait pas tardé à apprendre cette nouvelle qu’il attendait avec impatience. Le jour même il se para minutieusement et se rendit chez son ami, un sourire triomphant aux lèvres. Inutile de préciser qu’il ne s’attendait vraiment pas à être confronté à la loque que Mozart était devenu en l’absence de Salieri. N’abandonnant pas pour autant sa politesse, l’Autrichien l’invita à partager un verre de vin avec lui. Une fois assis, Da Ponte alimenta la discussion, puisque Mozart n’avait visiblement pas la tête à se répandre en paroles joyeuses.
_ Je suis bien heureux d’apprendre que vous avez quitté Salieri, mon ami. Je savais depuis le début que ce mécréant ne vous apporterez que des ennuis, fanfaronna le librettiste.
Amorphe une seconde plus tôt, Mozart bondit sur ses pieds en entendant les accusations proférées à l’encontre de celui qu’il aimait. L’adrénaline courait dans ses veines, colmatant le gouffre géant qui s’était formé dans son cœur. Personne n’avait le droit d’insulter son amant ! Nul n’était en mesure de juger leur relation ! Salieri était un géni et un amant d’une tendresse méconnue.
_ Je vous interdis !s’érigea Mozart fou de rage. De quel droit vous permettez-vous de juger un homme que vous ne connaissez qu’en façade ?
Ne pouvant se contenir, l’Autrichien balaya d’un geste vif son verre de la table à défaut de pouvoir assouvir la violence de sa colère sur Da Ponte.
_ Antonio m’a quitté pour…, commença Mozart avant de s’interrompre brusquement. _ Pour pouvoir rejoindre sa maîtresse ?proposa Da Ponte sarcastiquement. _ Pour me protéger, chuchota l’Autrichien en réalisant avec stupeur quels étaient les desseins de son aimé. _ Allons ! Tout cela n’a aucun sens Mozart !tenta de le raisonner le librettiste. Salieri est égoïste, seule sa petite personne le préoccupe ! _ Sortez Da Ponte, exigea Mozart encore tremblant de sa révélation. _ Mais… _ SORTEZ !hurla l’Autrichien en pointant la porte de son index.
Le librettiste s’exécuta avec une volonté résolument mauvaise et claqua la porte derrière lui. Mozart eu enfin la possibilité de réfléchir calmement à tout ça. Il aurait bien voulut que son cerveau traite une idée à la fois mais tout affluait dans une cacophonie totale et il s’embrouillait plus qu’autre chose. Il opta alors pour une longue marche aboutissant au lac dans lequel il s’était baigné avec son aimé. L’Autrichien se déshabilla pour aller s’y rafraichir, profitant quelques secondes des bienfaits de la nature avant de se remettre à penser.
Lorsque Salieri l’avait surprit en présence de Constance, son amant l’avait tout simplement abandonné pour se rendre en Italie, Mozart ne s’en rappelait que trop bien, mais il n’y était pas allé par plaisir. En y réfléchissant bien, l’Autrichien comprit que son aimé lui avait laissé la possibilité de choisir la compagnie des femmes, sacrifiant son propre bonheur pour garantir le sien. La réaction qu’il avait eu après la dispute provoquée par Aloysia était exactement la même, Salieri voulait juste que celui qu’il aimait assouvisse son désir de fonder une famille.
Mozart se sentit tellement bête de n’y avoir pas songé plus tôt. Il avait fait souffrir son amant en comprenant tout à l’envers, et lui aussi avait enduré cette séparation comme la pire des tortures, alors que tout aurait put être facilement évité s’ils en avaient tout simplement parlé.
Ce fut avec une détermination renouvelée que Mozart sortit de l’eau pour s’habiller avec empressement. Qu’importe que ses vêtements soient trempés ! Il savait qu’il avait de quoi se changer chez son compagnon. L’Autrichien courut dans les rues Viennoises, faisant de son mieux pour éviter de bousculer les habitants, et arriva haletant sur le seuil de la porte. Il ne prit pas la peine de frapper, étant tellement habitué des lieux, et se faufila silencieusement au salon, où se trouvait justement son aimé.
Salieri se trouvait dos à lui, complètement inconscient d’être observé, un verre de bourbon à la main. L’Italien était sobre pour le moment, mais la douleur qu’il ressentait ne l’encourageait pas à le rester. Mozart lui manquait atrocement, ce n’était un secret pour personne. Jamais il n’aurait cru pouvoir s’attacher si vite à cet exubérant personnage, mais la vérité c’était qu’il ne pouvait plus s’en passer désormais.
L’Italien manqua de renverser le contenu de son verre dans le soubresaut violent qui le secoua lorsqu’une voix connue éclata sa bulle de pensées noires.
_ Tu sais ce que c’est ton problème Tonio ?l’interpella railleusement Mozart en passant devant lui pour lui dérober son verre d’alcool. Tu te remets en question. La vie est trop courte mon amour ! _ Que me veux-tu Wolfgang ?soupira l’Italien en voyant son précieux liquide s’éloigner. _ Oh, trois fois rien, s’amusa le prodige. Juste te prévenir que je n’aurais de cesse que tu reviennes sur ta décision. Je ne te lâcherais pas, je voulais juste que tu le saches. _ Et quelle brillante pensée a inspiré cette décision ?ironisa son compagnon en se levant de son siège pour poser son verre sur la table voisine. _ Je sais à quoi tu joues maintenant, le nargua Mozart avec un coup d’œil gourmand sur son corps. Il faut que tu arrêtes de te faire du souci Antonio ! Sois égoïste mon amour !
L’Italien laissa passer un blanc, réellement choqué par le conseil de son aimé, puis la frustration prit le dessus et il finit par plaquer ce dernier contre un mur. Quand il perdait le contrôle, il avait la mauvaise habitude de recourir à la violence, Mozart le savait bien. L’Italien n’était pas très doué avec les mots, alors sa musique et ses actes parlaient pour lui. N’étant pas en mesure de s’expliquer, il cherchait juste à repousser celui qu’il aimait même s’il n’approuvait pas lui-même cette décision.
_ Je ne sais pas à quoi tu joues Wolfgang, mais tu dois arrêter, grogna l’Italien. J’essaie juste de t’empêcher de gâcher ta vie ! _ Sois égoïste mon chéri !répéta Mozart. Je te veux, et tu me veux, alors où est le problème ? Si je pouvais, je vendrais mon âme au diable pour passer l’éternité à tes côtés, mais c’est impossible alors je dois me contenter de mon existence de mortel. S’il-te-plait mon amour, profitons de la chance qui nous est donnée ! Fais-moi tiens pour toujours !
Voyant l’hésitation dans les prunelles de son amant, Mozart profita de leur proximité pour taquiner une partie particulièrement sensible du corps de son amant. Il avait bien remarqué la bande entourant son poing –n’ayant même pas besoin de demander comment c’était arrivé-, raison pour laquelle il ne poussa pas plus loin en la guidant pour reproduire le même schéma sur lui, mais son compagnon eut droit à de très suggestives avances.
_ Ce n’était pas une proposition, c’était un ordre, l’informa Mozart avant de capturer ses lèvres pour un baiser farouche.
Mozart se sentait d’humeur violente, entaillant à dessein la lèvre inférieure de son amant avec ses dents. Son sang envahit sa bouche, le meilleur des vins auxquels il avait pu goûter, et le combat de leurs langues se fit plus frénétique, comme vital. Quand, haletant fortement, l’Autrichien se sépara des lèvres de celles de son compagnon, ce ne fut que pour l’aguicher davantage.
_ Je vais te faire crier mon nom jusqu’au bout de la nuit, promit ambitieusement le prodige. Tu en oublieras même le tiens. Quand j’en aurais finis avec toi –pour la journée-, tu seras tellement fatigué que tu n’auras même plus la force de bouger le petit doigt ! Je peux te jurer qu’après tu ne songeras plus jamais à « essayer de m’empêcher de gâcher ma vie » !
Les menaces de l’Autrichien rendirent à l’Italien la contenance qui lui manquait. Si son amant était si déterminé à renoncer aux femmes, alors pourquoi ne pas lui laisser accéder à ses désirs ? Ils avaient connus des phases douloureuses, certes, mais ils profitaient un maximum de leur passion et le bonheur était toujours au rendez-vous. Les seuls problèmes qu’ils avaient rencontrés étaient dus à la mise en place de cette relation semblable à nulle autre. Alors que la volonté de la détermination vacillait dangereusement, une goutte rubis perla de sa lèvre et le prodige Autrichien élança sa langue sur sa peau de son amant pour se l’approprier. Un gémissement de plaisir échappa à Salieri qui ferma les yeux pour profiter de l’instant. L’Italien ne quittait pas le visage de son amant des yeux, jubilant d’avoir la situation parfaitement sous contrôle. Quand l’Italien releva les paupières, ses prunelles étaient obscurcies d’un épais voile de luxure répondant à la lueur non équivoque de convoitise brillant dans les yeux de Mozart.
_ Tu es déjà en train de craquer, susurra sensuellement Mozart. Dans mon de 5 minutes tu seras à ma merci. _ Je te trouve bien prétentieux, mon amour, le taquina Salieri. _ Tu vas pouvoir constater que j’ai les moyens de mes ambitions… _ Je ne demande qu’à voir.
Mozart s’exécuta avec un plaisir qu’il ne prit même pas la peine de dissimuler. Les deux compositeurs copulèrent durant des heures, comme s’ils essayaient de rattraper le temps perdu, et les deux trouvèrent enfin la sérénité d’esprit qui leur avait manqué ces derniers temps.
/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\/\
Pov Mozart
Il y avait quelque chose d’étrange… Tout allait bien depuis que j’avais montré à mon Tonio chéri que nous ne pouvions tout simplement pas être séparés, mais il s’absentait assez souvent. J’avais d’abord pensé à une maîtresse, peut-être que le corps d’une femme était plus attirant pour lui, mais Maria avait rassuré mes craintes, m’assurant qu’il travaillait sur un projet qu’il projetait de me présenter très prochainement.
En arrivant chez nous –du moins c’était comme ça que je voyais les choses-, le majordome m’informa que le maître de maison était absent et que seule Maria était autorisée à entrer dans sa demeure. La panique prit immédiatement le dessus. Où était mon aimé à une heure si tardive ? Pourquoi ne m’avait-il pas averti de ses projets ? Pourquoi n’avais-je pas l’autorisation de rentrer chez lui ?
Ne sachant pas où me réfugier, je me dirigeai vers ma maison, puisque je ne risquai pas de me voir l’accès refusé là-bas au moins… C’est en trainant des pieds, les yeux fixant le sol, que je me rendis chez moi. L’ennui faisait déjà de moi son jouet, et la tristesse s’amusait à compresser mon cœur transi d’amour.
Après avoir franchi la porte d’entrée, je la refermais violemment. Ce fut en apercevant les lourds rideaux tirés que je réalisai qu’il y avait un problème. Je venais de passer par la porte d’entrée, or je l’avais verrouillée la dernière fois que j’étais venu et les rideaux étaient ouverts.
Une odeur douce et sucrée me parvint de l’étage. Je me faufilais là-bas sur la pointe des pieds, voulant surprendre l’intrus, mais comme il faisait sombre, je ne contournai pas le petit meuble dont j’avais oublié la présence et renversai le vase qui y trônait. Dans sa rencontre précipitée avec le sol, il éclata en mille morceaux. Je pestai contre moi-même avant de m’avancer sans prendre plus de précautions vers ma chambre dans la porte laissait s’échapper un mince filet de lumière douce.
Soudain moins téméraire, je poussai lentement le porte et aperçu le dos d’un homme vêtu d’une chemise blanche. Toute la pièce était parsemée de pétales de roses bien rouges et de bougies, lui donnant un aspect terriblement sensuel et romantique.
_ Je commençai à me dire que tu ne viendrais plus, me railla mon Tonio en se retournant vers moi.
Heureux de le voir et surtout de savoir que c’était ce qu’il me cachait, je lui sautais dans les bras et l’embrassai avec ferveur. Mon Tonio répondit l’espace de quelques secondes et me priva de ses lèvres pour me tendre un verre de vin. Je secouai la tête dans la négation.
_ Non, ce soir je ne m’enivre que de toi, susurrais-je en laissant ma main se balader vers une certaine partie de son anatomie.
Mon Italien reposa le verre sans quitter mes yeux, une flamme de passion et d’amour brillant dans les siens. Il me poussa gentiment jusqu’au lit, déboutonnant avec une lenteur calculée ma chemise. Lorsqu’il en repoussa les pans, mon Italien chéri s’appliqua à parsemer ma peau de baisers auxquels il savait parfaitement que je ne résistai pas.
_ Pas que je m’en plaigne mon amour, je trouve d’ailleurs cette initiative adorable, mais pourquoi t’être donné tant de mal ?le questionnais-je incapable de taire ma curiosité.
Mon amant m’adressa un sourire carnassier, ses lèvres remontant mon ventre en frôlant ma peau avant de ses poser sur les miennes pour un baiser tendre.
_ Ne te rappelles-tu pas de ce qui s’est passé ici la dernière fois que tu as voulu qu’on inaugure ce lit ?m’interrogea-t-il. _ Un échec total, soupirais-je. _ Et tout le monde sait que le grand Mozart ne s’avoue jamais vaincu, qu’il ne part jamais sur un échec. _ Exactement, soufflais-je très enthousiasmé.
Mes lèvres s’accrochèrent aux siennes, attirées comme des aimants. Ses mains chaudes et légèrement calleuses –il faudrait que je lui demande comment ça se faisait, mais certainement pas maintenant…- parcoururent mon corps avec tendresse et sensualité. Une série de gémissements m’échappa et mon amant en profita copieusement. Trouvant qu’il jouait beaucoup trop avec moi, j’inversai nos positions pour pouvoir déboutonner sa chemise. Une fois son torse mis à ma disposition, je m’appliquai à lui faire subir les mêmes tortures. Lui non plus ne faisait plus le fier maintenant que je menai la danse. Après un baiser langoureux, nous nous séparâmes haletants et mon Tonio passa ses mains sur mes épaules et faire glisser ma chemise au sol, caressant avec douceur ma peau jusqu’à rencontrer les rebords de mon bas, me faisant ainsi frissonner de désir.
_ Je t’aime, mon Tonio, avouais-je avec passion. Je ne te laisserais jamais partir. _ Ça tombe bien puisque je ne compte pas partir de si tôt, me répondit mon aimé dans un soupir.
Je me penchais pour l’embrasser tendrement. Mes mains se reposèrent sur son ventre et les siennes remontèrent pour qu’il finisse par enlacer mon cou. L’élu de mon cœur me fit basculer sous lui, s’allongeant sur moi, sans pour autant reposer tout son poids sur moi, et m’embrassa avec tout l’amour qu’il me portait.
Les vêtements volèrent et nos corps s’aimèrent de la façon dont je rêvais depuis que j’avais pensé pour la première fois à cette délicieuse soirée.
XxXxXxXxXxXxX
J’étais heureux et tendu à la fois. Mon cœur battait la chamade alors que je ressortais de la modeste boutique. Il me tardait de rejoindre mon Tonio ! Il dormait encore quand j’avais quitté le lit, mais je lui avais laissé une note pour qu’il sache que j’avais une course à faire en ville. Même s’il ne l’admettrait jamais, du moins pas en public, je savais qu’il s’inquiétait quand je disparaissais sans rien dire.
Les passants me dévisageaient avec insistance. Je devais avoir l’air bête avec mon sourire niais aux lèvres, mais c’était plus fort que moi ! J’aurais voulu crier au monde entier que j’aimais Antonio Salieri, le grand compositeur –et amant- qui partageait ma vie depuis quelques temps déjà, mais pour l’instant je me contentais d’épandre ma passion sur mes partitions. Mon Antonio savait lire les déclarations d’amour que j’y notais, tout comme je savais sentir le sentiment qu’il communiquait par sa musique.
Je rentrais chez nous en toute hâte mais ne trouvais pas mon aimé. Le majordome s’approcha de moi, s’inclinant respectueusement.
_ Maestro Salieri est partis il y a moins d’une heure, m’informa-t-il sur un ton monotone. Il m’a dit que vous pouviez « le retrouver au lac » si tel est votre désir. _ Merci bien mon brave, souris-je. Prenez donc votre journée, vous la méritez amplement.
En fait je n’en savais rien mais je n’avais pas envie de l’avoir dans mes pâtes lorsque nous rentrerions. Je repartis sans attendre sa réponse. Le temps était étonnamment doux pour la période et se prêtait parfaitement à la promenade. Trottinant, je m’empressai de rejoindre le lieu de rendez-vous, à la fois empli de joie et anxieux.
Il ne me fut pas très difficile de repérer mon aimé une fois arrivé. Il prenait le soleil, assis les yeux fermés, resplendissant dans sa chemise blanche et lumineuse à la lumière du jour. Je m’approchai de lui sans bruit et l’enlaçai par derrière, déposant un baiser dans son cou, à l’endroit même où il m’avait lui-même laissé une marque rouge la veille. Un sourire étira ses lèvres bien qu’il n’ouvre pas les yeux pour autant.
_ Tu m’as manqué ce matin, m’avoua-t-il sans me le reprocher vraiment. Où étais-tu encore parti ?
Le moment était donc venu. J’étais tétanisé par la peur mais il me fallait le faire. Le silence perdurant, mon aimé ouvrit les yeux et les posa sur moi.
_ Tu ne te sens pas bien mon amour ? Tu es trempe de sueur, s’inquiéta mon amant. _ Antonio, j’ai quelque chose à te dire mais il faut que tu me promettes de ne pas te mettre en colère, le prévins-je. _ Tu m’inquiètes Wolfgang…
Je soupirais et m’asseyais en face de lui pour le regarder droit dans les yeux. Avant de prendre la parole, j’attrapai sa main et la posai sur mon cœur affolé.
_ Je t’aime Antonio, commençais-je d’une voix tremblante. Et je veux t’appartenir autant qu’il est possible à une personne d’appartenir à une autre personne. _ Nous sommes aussi proches que deux personnes peuvent l’être, me fit remarquer mon aimé. _ Oui, mais c’est autre chose. Je veux que ma vie t’appartienne en plus de ton cœur, et que tout le monde le sache. Et je veux que tu sois tout à moi. Alors…
Je sortis l’élégant coffret de ma poche, mes mains tremblantes. Il s’agissait là de la petite course dont j’avais dû m’occuper le matin même. J’avais trouvé un artisan bijoutier de grand talent à qui j’avais commandé deux alliances sobres –puisque je savais qu’il n’aimait pas les choses trop extravagantes- comportant la gravure « La symphonie des amants » à l’intérieur.
_ Alors, repris-je en ouvrant l’écrin devant lui. Antonio Salieri, je te demande très officiellement de devenir mon compagnon pour toute la vie.
Antonio alterna entre mon visage plein d’espoir et l’écrin, éberlué par mes actes.
_ Mais… enfin… Tu sais bien que c’est impossible Wolfgang, bafouilla mon aimé. L’Eglise n’autorisera jamais deux hommes à se marier. _ Nous n’avons pas besoin de leur bénédiction ! C’est purement symbolique, nous n’irons pas devant un prêtre. Je veux juste que tu sois tout à moi…, finis-je en murmurant timidement.
Je baissai la tête, honteux de me heurter au refus tant redouté, mais la main chaude de mon amant me releva le menton pour me faire croiser son regard tendre.
_ Je ferais tout pour toi, tu le sais bien. Et je veux bien être ton compagnon, pour toute la vie, sourit-il doucereux.
Mon cour bondit dans ma poitrine et je lui sautais dessus pour l’embrasser amoureusement. Nous basculâmes en arrière, Antonio riant de mon enthousiasme débordant, puis nous nous embrassâmes durant de longues et merveilleuses minutes. Quand nous nous séparâmes haletants, mon compagnon prit le temps d’examiner de plus près l’alliance, souriant au souvenir de notre « symphonie des amants » qui avait en fait marqué sa promesse de ne plus me quitter, puis je récupérai la bague pour lui enfiler à l’annulaire gauche. Je fouillais dans mes poches pour trouver sa sœur et Antonio me la subtilisa dès que je l’eu en main, répétant les mêmes gestes sur moi. Nous échangeâmes une nouvelle fois de doux baisers et nos sourires témoignèrent de notre bonheur partagé.
_ Mais, comment as-tu su quelle taille de bague il me fallait ?m’interrogea mon compagnon au bout d’un moment. _ Ta chevalière, fanfaronnais-je. Celle que tu gardes toujours dans ton coffre mais que tu ne mets jamais.
Mon compagnon me sourit tendrement et m’embrassa du bout des lèvres. Mécontent de ce trop léger toucher, je l’attrapai par la nuque et approfondis le baiser. Toujours allongé sur l’herbe fraiche, nos langues se caressèrent avec un amour partagé et nos mains parcoururent chastement le torse de l’autre.
_ Pourquoi ne pas rentrer pour fêter notre engagement ?lui suggérais-je avec un haussement de sourcil aguicheur. _ Mmm, je ne pense pas que ce soit possible dans l’immédiat, joua mon aimé. Il y a beaucoup d’étapes avant… _ Lesquels ?m’étonnais-je. _ La réception, la… euh… _ Juste une réception ? Allons-y vite alors !
Alors que je sautais sur mes pieds, mon aimé ricanait. Impatient, je le pressai à se lever, lui tendant les mains pour l’aider à se relever à son tour. Riant toujours, mon amant attrapa mes mains et je le tirais assez fort pour qu’il se heurte à mon torse. Prestement, je passai mes bras autour de lui et capturai ses lèvres sans lui laisser une seule occasion de s’y opposer. Mon amant força mes lèvres à ouvrir et entremêla ses doigts à mes cheveux pour me tenir plus près de lui. La situation commençait à dégénérer quand mon aimé se recula brusquement, haletant fortement alors que ses étaient colorées d’une alléchantes couleur pivoine.
_ Rentrons, trancha-t-il fébrile. _ Je savais que tu te montrerais raisonnable, fanfaronnais-je.
Mon aimé me fit taire en m’attrapant par la chemise pour écraser mes lèvres sur les siennes. C’était un bien agréable moyen d’être contraint au silence. A l’avenir je ferais en sorte de bavasser plus souvent pour l’obliger à recourir à cette méthode.
Une fois séparés à nouveau, mon Antonio m’attrapa la main et me conduisis à travers les rues de Vienne. Quand nous arrivâmes à la maison –la notre puisque nous étions ‘’mariés’’, non ?-, mon aimé ne me mena pas dans la chambre comme je l’attendais, mais dans le salon pour s’installer devant le piano. C’est presque boudeur que je l’y rejoignais.
M’adressant un sourire rieur, il laissa ses doigts voler au-dessus des touches du piano, m’offrant une mélodie encore inédite. Cette délicieuse création était à la fois sensuelle, riche en émotions et pleine d’engouement. Je perçu tout l’amour et les émotions qui s’était bousculées dans son être lors de ma demande. Mes doigts se mêlèrent aux siens pour donner mon point de vue sur ce merveilleux moment, concevant ainsi une mélodie envoutante.
_ Ce sera notre marche nuptiale, chuchotais-je quand la dernière note s’éleva dans les airs.
Mon aimé hocha silencieusement la tête et attrapa du papier à musique vierge. Il me donna une plume, gardant l’autre, et débuta la rédaction de la mélodie, me passant ensuite la feuille pour que j’y ajoute mes idées. Le travail fut rapidement achevé et mon cœur s’emballa à l’idée de ce qui allait suivre. Mon compagnon laissa perdurer le suspens pour me titiller davantage. Quand il releva enfin les yeux vers moi, je su que la suite allait être très agréable… Mais c’était entre lui et moi !
XxXxXxXxXxXxX
Six jours s’étaient écoulés depuis que j’avais demandé à mon Antonio chéri d’être ce qui pouvait s’associer à mon mari. L’empereur était maintenant conscient de notre « union » et l’avait vivement approuvée, allant jusqu’à demander les services de compositeurs amateurs et prometteurs. Bon, aucun d’eux n’arrivait à la cheville de mon Antonio chéri –même quand ce dernier était d’une humeur massacrante et qu’il n’arrivait pas à avoir la patience ou l’inspiration pour écrire une mélodie le satisfaisant-, mais ce geste restait appréciable. Seulement ce n’était pas ce que je souhaitais pour célébrer notre alliance.
Alors que mon aimé dormait, épuisé par notre nuit mouvementée, j’avais fait un tour en ville pour confier une coursive. J’avais reçu la réponse que j’attendais alors, après avoir profité pleinement de nos douces attentions du matin, je me rendis en ville pour aller chercher mes invités.
Après de chaleureuses retrouvailles, nous nous rendîmes chez mon Tonio chéri –qui était notre chez nous maintenant- pour découvrir une scène qui faisait partie de mon quotidien et qui choqua pourtant mes invités.
Mon Tonio pourchassait Maria qui tenait une enveloppe dans sa main, pouffant en se moquant de l’endurance de mon aimé. N’ayant toujours pas réalisé qu’ils n’étaient pas seuls, ils poursuivirent leurs gamineries alors que je m’accoudais au mur du hall d’entrée.
_ Maria ! Rend-moi ça !râlait mon aimé.
Le rire mutin de notre chanteuse préférée lui fit écho. De là où je me trouvais, j’avais une vue parfaite sur le salon et j’assistai à la rébellion de mon amant qui se jeta sur son amie d’enfance, basculant ainsi avec elle sur le canapé rembourré. A cheval sur sa taille, mon compagnon tentait tant bien que mal d’attraper la lettre que Maria détenait. Mes invités interprétant mal leurs rapports, je préférai écourter leurs plaisanteries et récupérai la lettre moi-même.
_ Tricheur !bouda Maria. _ Non, c’est juste qu’il est corrompu, sourit triomphalement mon aimé en se levant pour venir m’embrasser.
Les yeux de Maria s’allumèrent d’une étincelle de curiosité alors qu’elle jetait un coup d’œil derrière nous.
_ Tu ne nous présentes pas ?me reprocha gentiment ma chanteuse lyrique. _ Oh ! C’est vrai !me rappelais-je assez brusquement. Mon Tonio chéri, Maria, je vous présente mon père et ma sœur : Léopold et Narnnel Mozart. Mon père, Narnnel, je vous présente mon compagnon : Antonio ; et notre chanteuse lyrique et amie : Maria.
L’amie d’enfance de mon compagnon s’empressa de venir enlacer ma sœur sans s’encombrer des manières ridicules de la cour et reçu les hommages respectueux de mon père avec le sourire doux qui ne la quittait que très rarement. Mon Antonio alla saluer ma famille à son tour, faisant des efforts pour se montrer aimable même si je savais qu’il n’était pas très friand des rapports humains non prévus. Il avait voulu une réception ? Qu’il assume ! Nous avions maintenant réunis les personnes qui comptaient le plus pour nous, alors autant en profiter un maximum.
_ C’est vraiment un grand honneur de vous rencontrer, déclara sincèrement mon aimé alors qu’il saluait mon père. _ Ne soyez pas si indulgent, détourna modestement ce dernier. L’empereur parle de vous comme le meilleur compositeur du pays. _ Je pense que mon travail ne vaut pas grand-chose à lui tout seul. En revanche, les compositions que j’ai écrites avec la collaboration de votre fils sont de pièces que j’’estime énormément. Votre fils a un véritable don pour la musique, et je crois qu’une grande part de ce mérite vous revient. _ Oh, vous savez, Wolfgang n’en faisait qu’à sa tête, et ce déjà à son plus jeune âge !rit mon père. _ Je suis toujours là !protestais-je.
Mon aimé m’adressa un sourire amusé. Oui, la roue tournait en sa faveur pour le moment, mais rien ne disait que cette situation allait perdurer encore longtemps…
_ Vous devez être las de votre voyage, devina Maria. Suivez-moi au salon, je vais vous servir une tasse de thé. Les garçons se chargeront de monter vos valises.
Elle ne nous laissa même pas le temps de protester avant de les amener avec eux. Mon aimé regarda avec découragement les quatre lourdes valises qui encombraient le hall d’entrée et m’adressa un regard triste. Je grimaçai en calculant l’effort à fournir, toute cette énergie que je ne pourrais pas utiliser à faire crier mon nom à mon amant… Quel gâchis…
Nous nous mîmes tout de même à la tâche, parfaitement conscient que Maria ne nous en ferait pas grâce. Après avoir eu un mal fou à monter les affaires de ma sœur à l’étage, nous nous accordâmes une petite pause dans notre chambre, écroulés sur notre lit, mais Maria vint rapidement nous déloger de là pour nous faire rejoindre nos invités au salon. Mon Italien chéri eu droit à un questionnaire très détaillé qui servait à satisfaire la curiosité de mon père. Le sujet de la musique vint très vite combler les discutions et nous pûmes même faire une démonstration de notre travail en collaboration.
Les heures filaient si vite… S‘en était troublant… Il fut bien trop vite temps d’aller se coucher. En quelques heures, mon Antonio chéri avait su obtenir l’approbation de mon père et Maria était devenue une grande amie de ma sœur. Le seul problème que posait leur visite ? Je n’allais pas pouvoir faire crier mon amant aussi fort que je le désirais. Avec Maria nous n’avions pas de problèmes, elle avait choisi la chambre à l’opposé du couloir, mais c’était une toute autre histoire avec les chambres d’hôtes…
Alors que Narnnel et Maria faisaient les lits à l’étage et que mon Tonio faisait… -faisait quoi d’ailleurs ? Il faudra que je pense à vérifier…-, bref, pendant qu’ils étaient occupés, je ressortis l’enveloppe destinée à mon aimé, me rappelant soudainement que j’avais oublié de lui remettre. Le nom de l’élu de mon cœur était écrit en lettre d’une très belle calligraphie qui m’était d’ailleurs inconnue. Pensant qu’il ne m’en voudrait pas si je lisais son courrier –après tout, nous partagions absolument tout, non ?-, je déchirai avec soin le papier épais et en sortis une lettre très longue.
Pas très enthousiasmé, je décidai de lire en diagonale pour en retirer l’idée maîtresse.
« Mon cher ami Antonio »
Qui que ce soit, il devait ignorer que c’était mon Antonio à moi ! Tout son corps et son âme m’appartenaient… Je sautais délibérément les banalités d’usages présentes dans les premières lignes.
« Tu sais à quel point je t’estime et t’apprécie …» Euh… Déjà là, ça dérapait… Cette phrase avait une connotation trop intime, elle ne me plaisait pas du tout…
« … ainsi tu peux aisément comprendre que je désapprouve le choix de ton ’’union’’ avec Mozart. »
Qui était cette personne pour se permettre de nous juger ? Nous nous aimions ! N’était-ce pas le principal ?
« Bien que je ne puisse pas réellement comprendre ton attirance pour les hommes, je suis prêt à l’accepter, mais tu dois te défaire de l’emprise de Mozart. Combien de fois a-t-on fait étalage de ses aventures indécentes ? Ne vois-tu donc pas que tu n’es qu’une nouvelle expérience pour lui ? »
Une première larme roula le long de ma joue. Etait-ce de la rage ou de la tristesse ? Certainement un savant mélange des deux. J’avais peur que mon aimé croit les mots de cet ignoble, et me quitte sans espoir de réconciliation, et je détestai ce personnage pour écrire de pareilles horreurs. Trop bouleversé pour continuer à lire ces bêtises, je me contentais de jeter un coup d’œil aux dernières lignes.
« Tu sais bien que j’ai toujours eu énormément d’affection pour toi. Je serais toujours là si tu as besoin, tu peux me demander n’importe quoi… »
Mes sourcils s’arquèrent. Cette personne osait faire des propositions suggestives à mon amant en plus ! J’étais le seul à qui j’autorisai ce droit ! Bien, voyons qui était cet énergumène…
« Ton ami dévoué, Joseph Haydn »
Un froid s’empara de mon être tout entier. L’avis d’Haydn était toujours fortement considéré par mon aimé, son influence pourrait le convaincre de me quitter. J’en mourrais si c’était le cas…
Sans que je m’en rendre compte, les larmes commencèrent à baigner mes joues. Un sanglot retentit, me surprenant, d’autant plus lorsque je réalisai qu’il venait de moi. Je laissai la lettre tomber au sol, trop affligé par ma peine, et éclatai en sanglots. C’était tout simplement trop dur. A chaque fois que nous étions heureux ensemble, quelqu’un s’interposait pour briser notre bonheur… Pourquoi était-ils si jaloux ?
_ Que comptes-tu faire de cette lettre ?me demanda une voix masculine dans mon dos.
Je sursautai. Plusieurs minutes s’étaient écoulées et mon père avait eu le temps de récupérer la lettre que j’avais laissé s’échouer sur le sol et l’avait parcourue sans même que je remarque son arrivée. Son visage était à la fois grave et compatissant. Il posa sa main sur mon épaule et me laissa le temps de me reprendre.
_ Je… je ne sais pas, bégayais-je.
Mon père soupira et s’abima dans le silence quelques instants.
_ Tu devrais lui accorder plus de confiance, me conseilla-t-il. Quand il parle de toi…
Il s’arrêta brusquement, captant mon attention. Un sourire doux et aimant habilla ses lèvres, comme lorsqu’il se souvenait de maman.
_ Je ne te l’ai jamais raconté, mais quand j’ai rencontré ta mère, ses sœurs étaient farouchement opposées à notre mariage. Elles ne m’appréciaient guère… et il fallait dire que c’était réciproque, rajouta mon père en m’adressant un clin d’œil complice. Toujours est-il que j’ai eu la chance de pouvoir intercepter une conversation sans qu’elle en soit consciente. Ce jour-là, elle défendait l’amour qu’elle me portait avec tant d’ardeur ! J’ai vu cette étincelle dans ses yeux, brillant telle une flamme qu’on ne peut éteindre. Cette étincelle que tu voies dans les yeux de la personne qui ne cessera jamais de t’aimer.
Nouvelle pause. Cet interlude m’en avait presque fait oublier ma peine. Mon père pressa mon épaule avec plus de force et me sourit avec bienveillance. En quoi l’étalage de son idylle amoureuse était-il censé m’aider à surmonter cette nouvelle passe difficile ? Me voyant froncer les sourcils, mon père reprit.
_ J’ai eu de nombreuses occasions pour m’entretenir avec ton compagnon. Quand il parle de toi, il a cette même étincelle, celle qui ne fait aucun doute sur la profondeur de ses sentiments. Un couple motivé par l’amour doit conserver une base solide fondée sur la confiance. Ton compagnon t’aime, mais s’il apprend que tu lui as caché cette lettre il t’en voudra certainement, et toi de ton côté tu culpabiliseras. Ne sois pas toi-même la source de ton malheur. Si tu veux être heureux et le rester, donne-toi les moyens de l’être.
Sans réaction pendant quelques secondes, j’essayais de me remémorer certains échanges qui avaient eu lieu entre mon père et mon Antonio. Je ne pouvais nier que mon aimé était passionné dans ses propos, et mon père l’écoutait avec une grande attention. Mon père avait un don pour cerner les gens, et s’il jugeait mon Antonio digne de confiance, alors mon jugement ne devait pas être si aveuglé par l’amour… Quoi qu’il en soit, mon père avait raison, je ne pouvais pas commencer à lui cacher des choses, ça ne nous mènerait à rien. Je l’aimais, il fallait que je lui donne ce courrier qui ne m’était absolument pas destiné, il fallait que je lui fasse confiance parce qu’il en était plus que digne.
_ Vous avez raison père !m’exclamais-je plein d’engouement. Je ne peux pas lui cacher. Je m’en vais de ce pas lui donner.
Alors que je courrais déjà vers la maison, mon père me rattrapa par le poignet. Etonné, je me retournai pour le voir afficher un sourire satisfait.
_ De tout ce que j’ai réalisé dans ma vie, je n’ai aucun doute que ta sœur et toi êtes mes plus grandes réussites. Vous êtes mes plus grandes fiertés.
L’émotion soulevée par cet aveu me remplit à nouveau les yeux de larmes et je me jetai dans ses bras pour l’enlacer.
_ Allez, va mon fils, m’encouragea-t-il après avoir répondu à mon étreinte.
Je hochai la tête et me précipitai à l’intérieur. Narnnel et Maria discutaient toujours mais mon Antonio consultait sa correspondance archivée dans notre chambre. Je le voyais lire en fronçant les sourcils d’un air contrarié. Le moment était donc idéal pour lui remettre ce dernier courrier.
_ Antonio ?l’interpellais-je doucement.
Il reposa le papier qu’il tenait et se retourna vers moi avec un sourire doux. D’un geste, il m’invita à prendre place sur ses genoux, ce que je fis sans la moindre hésitation. Oubliant l’espace de quelques instants la lettre contrariante, je lui ravis ses lèvres pour un baiser fougueux qu’il accepta avec un bonheur manifeste. Lorsque nous nous séparâmes, à court d’air, mon aimé déposa un doux baiser sous mon oreille, ne manquant pas de me faire frissonner. Ah non ! Ça n’allait pas du tout ! S’il me déconcentrait en me déroutant sur les chemins sinueux de la débauche, comment étais-je censé aller jusqu’au bout de ma démarche ? Non non non ! C’était lui qui était supposé être sérieux dans notre couple, il ne pouvait pas me faire ça !
_ Non Antonio, soupirais-je. Non…
L’élu de mon cœur retira ses lèvres comme si je l’avais brûlé, effrayé de m’avoir contraint d’une quelconque façon. Désireux de le rassurer, je l’embrassai chastement sur les lèvres mais il resta de glace, ne sachant absolument pas sur quel pied danser. Je me levais, pris une grande inspiration et me lançai.
_ Voilà, j’ai quelque chose à te dire, et je sais que tu ne vas pas être content du tout, mais il faut que je te le dise quand même.
Mon aimé me regardait de façon sceptique, ne m’interrompant pas pour autant.
_ Je… _ Tu ?m’incitas mon Tonio en me voyant en pleine hésitation. _ Jailutoncourrier !débitais-je d’un coup. _ Tu voudrais bien me faire le plaisir de ralentir ?me demanda ironiquement mon aimé. Je n’ai absolument rien compris. _ J’ai lu ton courrier, avouais-je honteux.
Mon Italien chéri arqua un sourcil et finit par afficher un sourire contrit en tendant la main pour que j’y remette le courrier que j’avais intercepté. Il le lu minutieusement la lettre, hochant positivement la tête par moment, puis négativement. A la fin de sa lecture, il ricana en repliant le papier. Je restai sonné par sa réaction si passive. Craignant que ce comportement ne dissimule une colère sourde, je tentai de m’expliquer.
_ Ecoute, je suis désolé, je ne pensai pas te contrarier ! Je t’aime, et tu le sais, mais je pensais qu’on pouvait se permette de partager absolument tout, sinon je ne me serais pas permit de lire ton courrier ! Je t’en prie mon amour, tu ne vas tout de même pas écouter ses bêtises ! Je t’en supplie mon amour, ne me laisse pas, je…
Mon compagnon m’interrompit par un nouvel éclat de rire. Je ne comprenais vraiment plus rien à son attitude… Mon compositeur chéri rassembla sa correspondance et s’approcha du feu pour l’y jeter.
_ Mais… qu’est-ce que tu fais ?m’étonnais-je. _ Toutes ces lettre ont été écrites par Joseph, m’informa-t-il immuable en poursuivant son activité. Et, comme tu as pu le lire dans la dernière, le thème tourne autour de son « soutient » à ma personne et de sa haine pour toi. _ Je ne te suis pas là…, admis-je dérouté. _ Je pense que Joseph aime les hommes, mais qu’il n’arrive pas à se l’avouer. Il te déteste parce que tu n’as peur de rien, et moi je t’aime pour les mêmes raisons. Je ne compte pas te quitter mon amour, il n’y a aucune raison valable dans ces lettres pour que je le fasse. Je ne vais pas commencer à écouter ses divagations sur mes relations non professionnelles. Quand j’ai accepté ta demande, je savais parfaitement que je m’engageai à vie et je ne compte pas retirer ma parole.
Je me jetais dans ses bras et l’embrassai passionnément. Mon aimé délaissa sa tâche, jetant le tas de lettre dans le feu sans plus s’en soucier. Notre baiser devint de plus en plus langoureux et nous finîmes écroulés sur le sol, palpant frénétiquement le corps de l’autre devant cette cheminée dans laquelle le papier se consumait encore.
|