Voici la première moitié d'une toute ch'tite fic que je voudrais dédier à Cybelia, notre admin bien aimée qui a permis notre réunion à toutes (wouaaais!!!
). Comme d'aucunes le savent, je ne suis pas super fière de cette production dans laquelle j'ai essayé d'innover sans forcément faire mouche...
Bah, j'espère que vous passerez tout de même un bon petit moment, et que vous prendrez cela comme une mini-oeuvre sans prétention...
A Cyboulette, donc! :wink:
-Il est arrivé hier soir. Quand je l’ai vu passer les deux grandes portes coulissantes qui ressemblent à des mâchoires qui, jusqu’alors, ne s’étaient ouvertes que sur des étrangers, le cœur m’a… comme manqué. Je ne sais pas si vous avez déjà éprouvé la saveur, la spécialité de l’instant où on retrouve enfin le visage qu’on connaît, et a fortiori qui nous est cher, au beau milieu d’une foule d’anonymes. Enfin, c’était vraiment un instant en suspension… Je voulais lever le bras pour lui faire signe, ouvrir la bouche pour l’appeler mais quelque chose en moi le refusait, comme s’il cherchait à conserver cette inertie. Peut-être que je voulais le mettre au défi, aussi, et voir s’il parviendrait également à me retrouver de son côté… Enfin, bon, il a mis très peu de temps à me repérer. J’ai vu ses yeux s’éclairer brusquement et il s’est mis à cavaler parmi les autres voyageurs, en slalomant entre eux avec sa valise à roulettes, c’était assez épique ! Alors, du coup, j’ai été débloqué et je suis rapidement passé par-dessous la barre qui ménage l’accès des arrivants, et je me suis précipité à sa rencontre. Vous voyez, on dit de nos fans, mais… on n’est pas plus reluisants quand on adore quelqu’un ! … Finalement, il a laissé tomber sa valise et m’a carrément sauté dans les bras. J’ai ri parce que, d’ordinaire, c’est moi l’expansif… Il s’est agrippé à moi comme s’il y avait des alligators par terre, et je crois même qu’il y a une grand-mère qui n’a pas trouvé ça très décent. Enfin, nous avions d’autres choses à nous préoccuper, à ce moment-là. Je riais doucement, en essayant de le soutenir contre moi sans choir sur un passager innocent, mais lui ne disait rien. Il avait le visage enfoui dans ma nuque, et son cœur battait très vite. Je ne pouvais pas bien l’étreindre parce qu’il avait un gros sac à dos, et puis, il faut dire qu’il n’est pas aussi léger qu’il en a l’air quand on le voit en costume ! Enfin, je crois qu’il s’est passé peu de temps avant qu’il ne remette pied à terre, pour finir… Et j’ai enfin pu voir un sourire rayonnant, communicatif, et presque innocemment goguenard sans raison ; le sourire qu’il m’est toujours resté de lui. Il m’a simplement dit qu’il était content de me revoir, et j’ai répondu que moi aussi. On s’est sur le champ tirés de l’aéroport. En partant j’ai vu une jeune femme brune qui nous souriait avec un drôle d’air… vous voyez, un mélange d’ironie et de gaieté. J’ai remarqué qu’elle avait un appareil photo en bandoulière, j’espère que ce n’était pas une journaliste ! … Bref, tout ça pour dire qu’on a pris la bagnole et qu’on a filé chez moi. On a beaucoup bavardé sur le chemin. On a parlé amis, boulot, société… L’enthousiasme nous rendait excités comme des puces, et je crois qu’on a eu de la chance de ne pas croiser de flics. En rentrant, après qu’on ait installé ses affaires dans ma chambre, je lui ai proposé de manger un morceau, mais il a répondu qu’il n’avait pas faim. Il n’était qu’environ 19h, d’ailleurs, donc on s’est décidés à boire un petit coup avec des cacahuètes et des chocolats, et ce genre de cochonneries. Enfin, de toute façon, on n’a pas vraiment eu l’occasion de se sustenter grandement, enfin pas de… « basses nourritures terrestres », si vous voyez l’idée. En fait, une fois posés, l’enthousiasme s’est dilué… il n’est pas tombé proprement dit, il s’est plutôt, c’est ça, dilué pour se transformer en… béatitude bienheureuse. … C’est là qu’il a commencé à se faire câlin, ou peut-être que c’était nous deux, je n’en sais rien… Là encore, d’habitude c’est moi qui initie le contact tactile. Il s’est retrouvé dans mes bras, doucement, à me raconter à voix basse tout ce qui ne se dit pas dans un aéroport. Son cœur battait normalement, cette fois, je le sentais là, sur le côté de ma poitrine. Je ne parvenais pas à formuler de réponse décente, et je me contentais d’acquiescer, ou de le serrer un instant plus fort, mais ma bouche n’arrivait pas à former de mots appropriés. J’ignore si c’est à cause de cela mais il a fini par m’étreindre plus fort, et il y a eu un profond soupir dans sa respiration ; là c’est mon cœur qui s’est mis à jouer au marteau-piqueur. Si vous saviez… si vous saviez ce que c’était vraiment la manière dont nous nous sommes… offerts l’un à l’autre. C’était comme si on voulait forcer la communion en nous serrant l’un dans l’autre. Ses membres étaient fermement crispés, et pourtant ça n’enlevait rien à la tendresse de l’instant… presque au contraire, d’ailleurs, ça lui donnait de l’intensité. … Mes bras et ma tête luttaient contre une résistance intangible, pour l’avoir plus près encore de moi. Un peu comme si… comme s’il avait fallu rattraper en quelques minutes des kilomètres et des mois de séparation. Ce qui me faisait plaisir, c’était de me sentir accueilli avec autant de fébrilité que la mienne… plus ça va, plus je réalise la rareté des échanges où l’estime et l’affection sont à ce point poussées à l’unisson. … Il était juste entre mes bras, là… chaud, lourd, et tendre… comme un enfant qui n’a plus aucune peur. Enfin, pas vraiment un enfant mais… vous voyez… peut-être plutôt comme si nous étions des enfants tous les deux. … Alors je lui ai dit. … Je lui ai dit qu’il fallait qu’il sache quelque chose et… je l’ai dit. Il a commencé par me répondre… … il a commencé par me répondre qu’il m’aimait aussi, et a voulu reposer sa tête derrière mon épaule, mais je lui ai dit non, qu’il se trompait, qu’il ne comprenait pas ce que je voulais lui dire. … Je commençais à m’affoler, à dire vrai. … Il a semblé perplexe l’espace d’un instant. Ensuite ces yeux verts qui avaient été si joyeux et lumineux à son arrivée, et qui à présent étaient foncés par la pénombre, sont progressivement devenus incrédules, puis se sont immédiatement baissés. Il a osé à nouveau un coup d’œil hésitant. L’expression qu’il avait à ce moment-là est vraiment indéfinissable, et je n’ai pas pu la voir longtemps. … Il s’est retiré de mon étreinte, qui était devenue inerte, et à ce moment précis… j’ai cru mourir. Réellement. Je sais que des tas de gens ont déjà dû vous dire ce genre de chose, mais je vous assure que dans ce cas-là… c’était ça. C’était une sensation de mort. Omnipotente.
Le silence se fit.
-Pensez-vous que la douleur que Billy ait pu provoquer en vous soit plus réelle que celle du reste du monde ?
Dominic Monaghan releva les yeux vers le Dr Melfi, sans tourner sa tête qu’il avait penchée vers les lacets de sa basket droite, relevée sur son genoux gauche.
-Oui. Oui, je le pense, et après ? Encore un témoignage de mon égocentrisme juvénile hypertrophié, c’est ça ? Oh, et puis que le reste du monde aille se faire foutre ! Il est bien le cadet de mes soucis pour le moment !
Dominic décroisa et recroisa les jambes, les mains crispées sur le bras du fauteuil. La psychiatre resta silencieuse quelques secondes, attendant de voir si le jeune homme allait reprendre son récit de son propre chef.
-Qu’est-il arrivé, ensuite ?
-Ensuite ? reprit Dom avec un ton presque acide. Il m’a dit tout net qu’il pensait que ce serait mieux pour lui de rester à l’hôtel ce soir-là. Comme si… s’il avait soudain peur que je ne lui saute dessus, ou je ne sais quoi. Il a pris son sac à dos, et il est sorti en lançant qu’il m’appellerait aujourd’hui.
-Et… ?
-Pas un coup de fil, rien. Et pourtant, je n’avais que ça à attendre de la journée. Si ça se trouve, il est déjà reparti direction l’Ecosse, pendant qu’on parle bien gentiment.
-Avez-vous essayé de le contacter vous-même ?
-Vous êtes folle ? Après ce que je venais d’accomplir, ç’aurait été la dernière des choses à faire !
-… Qu’avez-vous ressenti lorsque Billy est reparti ?
-De la honte, répondit immédiatement l’acteur, les yeux rivés sur un point de la moquette claire. De la honte, et de la colère. Je m’en voulais comme jamais ça n’avait été le cas de ma vie, et pourtant vous êtes bien placée pour savoir qu’il y a déjà eu de bonnes occasions. Je vous en voulais aussi. Je me maudissais d’avoir suivi vos conseils sur l’honnêteté nécessaire à la conservation de la pureté d’une relation, et autres belles conneries de ce genre. … Alors qu’au fond, je crois que j’ai pris la décision moi-même, n’est-ce pas ?
Le visage du docteur ne se rida que d’un pâle et très bref sourire en réponse à l’interrogation du jeune homme.
-J’ai pleuré sur mon plumard comme un ado en perdition la nuit dernière.
Dominic détourna à nouveau les yeux.
-Et je me suis masturbé, comme un ado en perdition.
Aucune émotion ne transparut sur le visage du médecin, et pourtant, Monaghan redressa ses pieds en tailleur sur le fauteuil avant de lancer en la considérant avec un défi à peine dissimulé :
-C’est dégueulasse, hein… s’exciter tout seul de désespoir à cause de son meilleur ami quand on approche des trente berges.
-Vous faites à plusieurs reprises allusion à une régression de votre part. Ne pensez-vous pas que le problème soit moins le retrait de votre ami qu’un retour avec le conflit de l’interdit par lequel nous sommes tous plus ou moins traumatisés ?
-Mais qu’est-ce que vous racontez ?
-Êtes-vous certain que Billy refuse davantage cette relation que vous, dans l’état actuel des choses ?
-Ca me paraît évident, non ? Vous n’allez quand même pas réussir à me démontrer que c’est moi suis en fuite, sur ce coup-là !
Le Dr Melfi ne répondit pas immédiatement, laissant à l’acteur le temps d’analyser ses paroles.
-Je ne suis pas sûre d’avoir tout cerné dans le départ de Billy : a-t-il tout emporté avec lui ou a-t-il laissé les affaires qu’il avait installées ?
Dom reposa à terre ses pieds nus chaussés d’une marque inconnue.
-Il les a laissées. Ca vous fait rire si je vous dit que j’ai dormi blotti contre une veste ?
-Il vous serait profitable de vous affranchir de dignité superflue avec vous-même autant qu’avec votre public… Enfin, Dominic : il vous a laissé une part de lui ce soir-là. Il ne s’est pas enfui comme un voleur ! Je pense que vous auriez dû prendre ce geste comme un témoignage de confiance et une promesse de retour de sa part !
-Ou comme la précipitation dans son besoin soudain de quitter mon foyer ?
-Peut-être ! Peut-être cette pulsion impérieuse s’est-elle fait ressentir en lui mais vous ne devez pas vous borner à l’interpréter de manière négative et à le blâmer tandis que vous vous flagellez avec une certaine complaisance, reconnaissez-le au fond de vous !
Il y eut cette fois une longue pause. Dom tentait de laisser les paroles de sa psy envahir pleinement sa conscience, le réconforter, le rassurer d’une nouvelle étincelle d’espoir un peu réprobatrice. Les mots et les idées semblaient retenus par une toile d’araignée invisible dans son esprit. Le conflit intérieur qui nichait en lui depuis la veille s’en trouvait brusquement ravivé, comme une plaie dont on a gratté la croûte sans attendre de guérison. Lorsqu’il releva les yeux vers le Dr Melfi, ceux-ci étaient à présent empreints de fragilité, nuancée d’abattement.
-Ce type a un tel pouvoir sur moi…
Elle sourit un peu tristement, avec la « neutralité bienveillante » du psychiatre modèle.
-Oui, je l’ai remarqué.
-J’ai maintenant le sentiment que… tout ce qui m’importe, c’est d’obtenir sa reconnaissance et son estime… et que, je me contrefous du reste ! J’ai l’impression que le seul souhait qui m’anime c’est… qu’il me renvoie la même affection que je lui porte. Ce fut le cas, longtemps, et je n’avais aucune raison d’en douter… à présent que j’ai changé les données… l’entièreté n’est plus là, vous comprenez ?
-Le but de chaque homme sur cette Terre… être reconnu par l’autre ; et, a fortiori, gagner plus que son admiration et s’attirer de l’amour de sa part.
-Mais cette quête me torture, à présent ! Et je ne peux m’en prendre qu’à moi-même ! Maintenant que j’ai probablement brisé toute la cohésion qui nous liait, Billy et moi, je me retrouve… vide.
Dominic semblait interroger silencieusement la quarantenaire brune qui lui faisait face, toujours si posée, toujours si raisonnable et irréprochable. La maîtrise de l’existence humaine.
-Cette passion dévorante qui vous attache à votre ami ne doit néanmoins pas vous couper du reste du monde, et vous ôter tout intérêt pour lui. Loin de moi l’idée de vous lancer à la figure des clichés de journalistes étrangers à votre nature intrinsèque mais… vous avez jusqu’à présent considérablement réussi dans votre vie ; vous disposez de bien plus que la plupart des hommes de votre âge, Dominic, et vous faites envie à beaucoup, eux qui ne savent pas ce qui habite réellement vos inquiétudes.
-Ca vous pouvez le dire. J’ai une armée de jouvencelles à moi tout seul qui se déshydratent devant des photos de moi sur leurs PCs…
-Encore le grand égocentrique… sourit Melfi avec tendresse. Enfin, notez tout de même la richesse de votre existence, même en-dehors de Billy.
Dom commença à secouer la tête, mais la psychiatre garda la parole :
-Je sais que celui-ci met en sommeil le reste de votre entourage, mais je tenais juste à vous faire remarquer que vous avez jusqu’à présent su éviter les écueils de l’échec, sans que votre récompense ne vous tombe toute cuite dans le gosier, si vous me pardonnez l’expression. Pourquoi ce soudain défaitisme ? Est-ce parce qu’il vous semble que l’issue de ce nouveau désir ne tient pas, cette fois, qu’à vos capacités personnelles ?
-Sans doute… Probablement aussi parce qu’il s’agit des sentiments que l’être que j’ai jamais eu de plus cher nourrit à mon endroit, que ceux-ci se trouvent brusquement en équilibre instable. …et je me sens si insignifiant, et presque si minable dans toute cette histoire… … J’ai parfois l’impression que… je veux toujours ce que je ne peux pas avoir.
-C’est assez schématique mais, Freud pensait qu’il n’y avait pas de désir sans interdit. Je perçois chez vous un constant refoulement de votre volonté d’ordinaire si acérée. Vous avez déjà fait un premier pas fort louable. Ne vous repliez pas maintenant sur votre morbidité. Allez jusqu’au bout dans la cassure de cette palissade qui vous aliène. Avez-vous peur de ce que vous pourriez trouver derrière ?