Je ne sais pas si certains connaissent ici le système des "5 fois/1 fois" qu'on retrouve souvent dans les fics anglophones. Le principe est simple : écrire cinq choses qu'une personne fait et écrire ensuite la réciproque. Ici, quatre fois où Hannibal s'est occupé de Looping et une où Looping s'est occupé d'Hannibal. J'ai volontairement zappé un drabble parce que je manquais un peu de temps et d'inspiration.
Bonne lecture néanmoins et merci de vos commentaires !
♣♣♣♣♣Quatre fois où Hannibal s’est occupé de Looping...♣♣♣♣♣- Tu penses que-
- J’sais pas. Peut-être bien.
Plongés au cœur de la nuit, Futé et Barracuda entretenaient un bien obscur discours, accroupis près du ruisseau où ils nettoyaient les gamelles du repas. A quelques mètres, près du feu, Hannibal s’était assis sur l’un des vieux coffres rouillés. Sur lui, allongé, les bras entourant le cou de son supérieur, Looping dormait à poings fermés.
C’était précisément cette dernière information qui intriguait les deux Rangers : qu’avaient-ils bien pu rater dans cette aventure ? Le pilote était quelqu’un de généreux – et de fou, reprit Barracuda – et ne rechignait jamais à les étreindre. Mais quelque chose dans les gestes, les postures du Colonel et du Capitaine provoquaient la curiosité des deux jeunes hommes.
Comme cette manière douce et lente avec laquelle Hannibal balaya quelques mèches brunes, soufflant dans les cheveux qui humaient la poudre et le kérosène. Embrassant tendrement la tempe du pilote, il avait réajusté sa position et caressait le dos de son protégé du revers de la main.
Depuis, Barracuda et Futé étaient réapparus autour du foyer, grattant les buches pour l’un, étendant les sacs de couchage pour l’autre. Une nouvelle nuit à la belle étoile, souffla le précieux Futé, rêvant au lit et aux draps propres d’un motel.
- Il est malade, Boss ? S’enquit le colosse, fronçant les sourcils à la vue de la carcasse de Looping, mollement échouée sur le corps du Colonel.
- Ses médicaments lui donnent parfois mal au ventre… Il s’est endormi, là, répondit Hannibal, à voix basse, prenant une attention toute particulière à ne pas réveiller son comparse.
Assis sur le sol, Futé porta sa gourde à la bouche avant de l’abaisser aussitôt, ayant enfin trouvé le courage nécessaire pour aborder certains sujets fâcheux.
- C’est pas comme si je te connaissais pas depuis dix ans… Mais-
- Oui… C’est oui, trancha amicalement Hannibal en posant un autre baiser sur le front de son protégé. Ca te dérange, toi, Bosco ?
Barracuda tourna rapidement la tête vers le Lieutenant. Celui-ci lui fit un signe positif, l’encourageant à répondre à leur supérieur. Il bredouilla et toussa, avant de reprendre la parole pour une réponse claire :
- Que vous soyez à … A deux ? Non, pas du tout. Aussi longtemps que ce taré reste loin de mon van.
Le Colonel éclata de rire. Son torse se souleva au rythme des éclats qui éveillèrent Looping. Celui-ci ouvrit alors de grands yeux confus et demanda, la voix pâteuse, ce qu’il y avait de si drôle. Encore désorienté par la dose de médicaments et par la sieste qu’il venait de prendre, il grommela quelques mots inaudibles, le visage écrasé contre le torse d’Hannibal. Celui-ci joua distraitement avec quelques mèches de cheveux, les entortillant entre ses doigts :
- Rien, mon grand. Rendors-toi.
- T’aime, Boss.
- Moi aussi.
Lorsque le Colonel releva les yeux, ses deux autres acolytes sourirent bêtement, attendris ou au moins désarçonnés par ce spectacle inhabituel. Suffisamment taquin pour ennuyer Hannibal, ils changèrent illico d’avis lorsque la main, timide et petite, du pilote froissa la chemise de son compagnon. Qui pouvait encore se moquer de ça ?
♣♣♣♣♣Billy était décédé tôt au matin, un mercredi. Il était vieux : Looping maintenait qu’il devait avoir une trentaine d’années. Ce qui, après un calcul de logarithme, d’exposant et de divisions effectué par le pilote, lui donnait deux siècles terriens. Un fichu chien invisible auquel le Capitaine semblait si attaché qu’il contamina les trois autres par sa peine. Et, en particulier, son compagnon.
Recroquevillé dans son lit depuis trois heures, Looping sanglotait, hoquetant de détresse lorsqu’il laissait vagabonder ses idées, retombant sur l’un ou l’autre souvenir le liant à Billy. Barracuda avait promis de lui trouver un cabot, un vrai. Futé lui avait assuré la même chose, mais rien n’y faisait : le pilote semblait éteint, maussade et pitoyable dans ce vieux T-shirt informe et délavé.
Hannibal, lui, avait disparu depuis une heure déjà. Barracuda lui avait prêté son van, après mil et unes recommandations, et personne n’avait plus eu de nouvelles depuis. Jusqu’à cinq heures, à peu près, dans l’après-midi. La porte de la bicoque s’était brutalement ouverte, libérant la voie pour un Colonel dont les bras étaient chargés de paquets. Ramassant un puis deux sachets, Futé les tendit à son supérieur, intrigué, mais n’obtint aucune réponse.
Se réfugiant dans la chambre où Looping sanglotait depuis l’aube, Hannibal se débarrassa de ses emplettes, dans un coin de la pièce, et s’approcha du lit, lentement. S’allongeant sur le flanc, il tira sur la couverture et découvrit Looping, en position fœtale, un mouchoir écrasé contre le nez.
- Billy a eu une longue vie heureuse, mon ange.
Inconsciemment, sa main avait franchi les quelques centimètres qui les séparaient et caressait à présent les cheveux en bataille de son protégé. L’attirant contre lui, il recueillit les dernières larmes de son partenaire. Lorsque le pilote se calma enfin, il s’écarta légèrement, désignant le monticule de paquets d’un signe de la tête :
- Je sais que c’est un peu tôt mais-
- Qu’est-ce que c’est ? Demanda Looping avec les yeux brillants et la curiosité d’un enfant qui guetterait les présents sous un sapin. Hannibal, dis, dis, Hannibal, dis.
Le chagrin était oublié pour quelques instants au moins, se félicita le Colonel en attrapant le premier sachet qu’il tendit à son partenaire, posant un baiser sur son menton. Pressé, déchiquetant le papier glacé, le Capitaine extirpa une laisse, un bol d’eau et un jouet qui couina grotesquement lorsqu’il appuya dessus.
- Je sais que c’est tôt. Mais Billy n’aurait pas voulu que tu sois triste. Tu ne penses pas que tu pourrais reprendre un autre chien ? Ce ne sera pas ton bon vieux cléb-
Hannibal fut bâillonné par des lèvres douces, ceinturé par des bras qui l’enlacèrent en un rien de temps. Les yeux encore rouges, Looping acquiesça vivement :
- Oui. Billy n’aurait… Jamais voulu que je sois aussi triste. On pourrait adopter un chien… à deux ?
Le Colonel accepta immédiatement, séchant les dernières perles qui naquirent aux coins des yeux du pilote. Il imagina volontiers un bichon ou un bâtard directement échappé de l’imagination de son adorable compagnon. Mais certainement pas le Saint-Bernard, bien vivant cette fois-ci, que lui ramena Looping, deux semaines plus tard.
Heureusement pour eux, la famille où ils rendirent un menu service accepta de s’occuper de l’énorme bête. Attendrie, la maîtresse de maison promit à une dizaine de reprises d’envoyer quelques cartes postales. Depuis, à chaque fête, le pilote recevait une charmante photographie de Bongo, le plus heureux des Saint-Bernard de l’Arkansas.
♣♣♣♣♣ Même au cœur de la nuit, même malade ou exténué, Hannibal ne dormait que d’un œil. Le moindre bruit l’éveillait ; sa main était prête à extirper son arme pour parer un éventuel vandale ou la moindre menace. Il veillait sur ses hommes, son homme.
Cette-nuit là, il n’y eut aucun voleur, pas un seul chien errant et aucune trace de voiture de police. Juste Looping, étendu dans son sac de couchage, se rapprochant doucement mais sûrement de son compagnon. Le Capitaine tremblait, les yeux grands ouverts. S’inquiétant immédiatement, Hannibal fondit sur lui, l’entourant pour repousser les cauchemars qui prenaient parfois son partenaire.
- J’ai la phobie… de l’orage.
Hannibal tendit l’oreille, éberlué. Visiblement son sommeil était plus profond qu’il ne l’imaginait : dehors, le tonnerre grondait et de menaçants éclairs zébraient le ciel. Resserrant son étreinte, une bouffée de fierté l’envahit soudainement :
- Contre toi, j’ai plus peur de rien.
Pendant deux longues heures, malgré la fatigue qui le tiraillait et ses lourdes paupières, le Colonel berça son Capitaine, lui murmurant quelques mots doux. Ce genre de déclarations qui lui brûlait les lèvres mais qu’il était toujours plus facile, plus acceptable, d’avouer au cœur de la nuit lorsque personne ne l’écoutait :
- Je t’aime.
A deux doigts de rejoindre les bras de Morphée, Hannibal distingua une sensation agréable, connue. Ecartant légèrement l’élastique, une main se glissa dans son caleçon, se livrant à quelques caresses. Jetant un bref coup d’œil, Hannibal s’assura que Barracuda et Futé dormaient à poings fermés. Dehors, la foudre s’abattait avec autant d’intensité qu’en début de nuit :
- Looping, c’est pas une bonne idée…
- Je sais. Mais que veux-tu ? Le courant passe trop bien entre nous...
Prononçant ces derniers mots, le pilote referma ses dents sur le lobe d’oreille de son Colonel, faisant aussitôt taire les objections de son supérieur.
♣♣♣♣♣
Riant de bon cœur, Hannibal enfila le gant de toilettes qu’il savonna allégrement avant de le promener sur la peau humide de Looping :
- Et tu comptais te savonner comment avec les deux mains bandées, mon grand ?
- J’sais pas… Mais ça m’emmerde ces pansements, je-
- Après-demain. Tu ne voudrais pas que les brûlures s’infectent, n’est-ce pas ?
Debout, nus sous les trombes d’eau chaude, le Colonel décrassa avec une patience et une minutie touchante le pauvre pilote, complètement dévasté après l’explosion d’une camionnette. Hilare, il lui signala que son sourcil gauche n’avait survécu qu’à moitié. Heureusement, aucune blessure n’était réellement préoccupante. A l’exception des légères égratignures et brûlures aux mains qui devraient restées propres et hydratées pour quelques jours.
- Tu as besoin de te détendre, non ?
Délaissant le gant de toilette, Hannibal revint à la peau savonneuse, caressant celle-ci et massant les épaules tendues. Looping avait été admirable, une fois de plus. Ses garnements avaient magnifiquement occupés leur poste.
Réalisant quelques cercles avec ses pouces, il détendit les muscles de la nuque, accueillant avec plaisir les soupirs contentés du Capitaine. Celui-ci railla doucement, lui assurant qu’il en ferait autant si il disposait de ses deux mains.
L’idée prit instantanément Hannibal. Sous son masque de fierté toute masculine, il corrigea son compagnon :
- Moi, moi, Monsieur, je suis capable de beaucoup de choses ! Même sans mes mains.
Looping le regarda, hagard. Lorsqu’Hannibal s’agenouilla, face à lui, les mains tirées dans le dos, le pilote admit une chose : cet homme savait parfaitement comment le détendre après une dure journée.
♣♣♣♣♣♣♣♣♣♣Et une fois où Looping s'est occupé d'Hannibal...Si on omettait un ou deux incidents de parcours, les rafales de semi-automatiques, les coups de couteaux, les explosions n’atteignaient jamais Hannibal. Cet homme semblait invincible, imbattable. Et c’était peut-être ce qui rendait son état actuel aussi risible.
Un rhume, un simple rhume. Le Colonel n’avait pas pour autant abandonné ce cigare infâme qui lui engluait les bronches, avait clairement refusé l’écharpe qui lui proposait Futé lors des sorties dans l’air froid du mois de novembre. Refusant de s’avouer malade, ce simple nez bouché était devenu une toux grasse, incontrôlable. Il avait nié les faits jusqu’à ce que la maladie le cloue pour de bon au lit, avec trente-neuf de fièvre et une poignée d’antibiotiques à prendre pour contrer sa bronchite.
Les traits tirés, les yeux cernés, Hannibal faisait peine à voir à n’importe qui. Personne n’osait cependant lui dire, redoutant les crises d’autorité du Colonel qui clamait qu’il était en pleine forme et que ses hommes n’avaient pas à le materner ainsi. Les trois comparses l’avaient aussitôt rassuré : ils ne le maternaient pas, non.
Barracuda se contentait de préparer des litres de café et de lui lire les nouvelles du jour. Futé, lui, repassait à intervalles réguliers pour tasser l’oreiller de son supérieur ou relever la couverture sur ses épaules lorsqu’il dormait. Looping, lui, faisait de véritables miracles en matière de persuasion.
- C’est l’heure du dîner, boss !
- J’ai pas faim, répliqua Hannibal, boudeur, d’une voix éraillée.
- Si, si, le médecin l’a dit : tu dois manger pour te remettre.
- Quel médecin ? Ce blanc-bec ? Il n’a même pas fait la guerre du Golfe !
Le pilote leva les yeux au ciel et déposa le plateau sur l’un des meubles de la chambre. Derrière lui, le malade continuait son laïus sur l’inutilité de se reposer et les mérites d’un cross matinal pour remettre le corps d’aplomb. Coupant court aux babillages de son compagnon, Looping se posa sur un coin du lit, lui tendant une assiette :
- Puisque tu n’écoutes rien de ce qu’on te dit… Tu n’as qu’à lire ! Tu n’as toujours pas faim ?
Inspectant les toasts tartinés de tapenade, Hannibal repéra quelques petits points jaunes : des pâtes en forme de lettres dessinaient une courte phrase : «
Je t’aime. Et mange.»
Touché, Hannibal posa son assiette sur les genoux. Gratifiant Looping d’un sourire sincère, il mordit généreusement dans sa tartine grillée.
S’allongeant sur le flanc, Looping posa sa tête contre l’épaule de son patient si spécial. Barracuda et Futé avaient tord : ce n’était finalement pas un problème de mauvaise volonté. Juste de communication.
♣♣♣♣♣ J'espère que ce Loonibal vous a plu.
Je me suis, en tout cas, bien amusée à écrire sur ces deux là.
Je pense que je reproduirai l'affaire. Merci à vous pour vos lectures !