LOTR PARK
Sus à l’axe du mâle !
Cybelia, Scilia et Orlidom étaient en plein visionnage de ce qu’elles appelaient « un film de fille », à savoir un film avec beaucoup de beaux mâles dans la fleur de l’âge et peu de vêtements. En plein milieu d’une scène particulièrement alléchante, l’image se brouilla tout à coup et un vrombissement se fit entendre sur le toit de la maison d’Orlidom où elles s’étaient établies ce jour-là. Intriguées, elles sortirent dans le jardin pour voir avec un air déconcerté un hélicoptère couper le moteur et un petit bonhomme généreusement enveloppé, barbu et chevelu, vêtu d’un polo bleu et d’un short beige, en sortir.
- Hé ! Mais qu’est-ce que vous foutez-là ??? lança Orlidom, agacée que l’on se permette ainsi de se servir de son toit comme aérodrome.
Le petit bonhomme sauta sur la verrière de la véranda, la fissurant copieusement, puis dans le parterre de fleurs. Complètement berserk, Orlidom avança vers lui avec un doigt accusateur tendu dans sa direction :
- Nom de Dieu pour qui vous vous prenez ?
- Je m’appelle Peter Jackson, répondit le barbu et chevelu en serrant le doigt tendu, mais mes intimes m’appellent PJ, ou encore Peete ou Peetou… Mais bref, je suis venu vous parler d’une affaire qui pourrait bien vous intéresser, si nous rentrions… ?
Abasourdies, les trois filles rentrèrent à l’intérieur et Orlidom servit des jus de fruit pour tout le monde.
- Aaaah, c’était bien gouleyant ! Bon, à présent voici le pourquoi de mon intrusion dans votre noble demeure : vous êtes bien les trois spécialistes en « films de fille » ?
- Eh bien… Oui, reconnut la maîtresse de maison, je me nomme Orlidom et je vous présente mes associées et amies Cybelia et Scilia.
- Formidable, formidable ! déclara Peter Jackson en serrant les mains. Alors voilà : seriez-vous prête à travailler pour moi pour, disons, une durée de quelques semaines ?
- Mais… comment cela ? interrogea Cybelia.
PJ eut soudain une expression rêveuse.
- Je possède une île… au large de l’Australie… J’y tente la plus grande expérience cinématographique de tous les temps. J’ai dépensé sans compter. Je veux créer un film qui attire des millions de spectateurs et plaise à tout le monde. La gageure est celle-ci : combler autant les garçons que les filles. Pour la première condition, pas de problème, le fond de l’histoire va directement dans ce sens. En revanche pour les filles… c’est un pari beaucoup plus délicat. C’est pour cela que j’ai besoin de VOUS (il pointa un doigt vers chacune des jeunes femmes) pour mener à bien ce projet…
- Nous ? Mais… commença Scilia, dubitative.
Peter ferma les yeux et leva la main pour la prier de ne pas en dire plus.
- Allons, allons… Pas de fausse modestie. Nous savons tous que vous êtes les meilleures dans le domaine. D’autant plus que… vos services pourraient bien être rondement rémunérés… comme par exemple par le financement total de… vos VHS et DVD… dit le petit homme en se resservant du jus de fruit.
Cybelia expliqua :
- Cette année, on n’en a pas regardé beau…
- Pour les trois prochaines années…
Les trois filles se regardèrent, ébahies, puis finalement, à petites voix hésitantes, répondirent :
- Eh bien…
- Oui, on pourrait…
- C’est d’accord…
Ils trinquèrent tous joyeusement et les trois demoiselles tombèrent dans les bras les unes des autres.
Quelques jours plus tard, elles se retrouvaient dans le même hélicoptère avec Peter Jackson, une petite jeune à lunettes de soleil, et une un peu plus âgée avec un calepin et un crayon.
- Cet hélicoptère est aux normes, mon cher Peter ? interrogea cette dernière.
- Mais vi, mais vi…
Elle inscrivit quelques notes sur son carnet.
- Ouahou ! Trop de la bamba c’te vue ! s’exclama soudain l’autre, penchée à la fenêtre.
- Il faudra vous habituer au professeur DDL, expliqua Jackson à ses nouvelles employées, elle a une fâcheuse tendance à inventer des mots, mais elle est extrêmement performante pour ce qui est de l’observation. Quant au docteur Galou, elle est là pour vérifier que mes acteurs évoluent dans de bonnes conditions. Elle est un peu pointilleuse mais que voulez-vous… il faut ce qui faut ! J’ai dépensé sans compter…
- Et comment va se présenter notre travail, concrètement ? interrogea Scilia.
- Il se fera en plusieurs temps, je suppose… Pour commencer, je vous munirai d’appareils sophistiqués et vous serez chargées de prendre de belles prises de vues de mes acteurs. Les plus réussies serviront à la promotion du film. Vous devrez également me dire ce que vous pensez des acteurs en question, s’ils sont aptes, à votre avis, à séduire le public… Voyez-vous, je ne recherche pas des sex-symbols reconnus tels Hugh Jackman, Georges Clooney ou Brad Pitt…. Moi ce qu’il me faut c’est du neuf ! Je veux que les gens se rendent compte que le charisme d’un acteur ne se trouve pas forcément dans un modèle de conformité esthétique, vous voyez… ?
Les trois jeunes femmes acquiescèrent, ne voulant pas passer pour des béotiennes.
- Ah… On arrive !
Ils virent en effet poindre les côtes de Nouvelle-Zélande. L’hélicoptère se posa dans un chaos assez noir sur la piste d’atterrissage. Aussitôt qu’ils furent descendus, ils virent deux petites tornades, l’une en robe rouge, l’autre en tee-shirt noir du Donjon de Naheulbeuk si long qu’il lui faisait aussi une robe, se précipiter vers eux en criant :
- GRAND-PERE !!!
-Les enfants !
Deux fillettes se jetèrent sur Peter Jackson, le renversant par terre dans un éclat de rire bon enfant. Orlidom et Cybelia regardèrent la scène avec un œil attendri, Scilia un air plutôt effaré, DDL était trop occupée à regarder l’environnement et Galou notait toujours sur son calepin. L’une des petites se redressa et lança :
- Papy ! Papy ! Aujourd’hui je t’ai dessiné une pomme !
La deuxième ajouta :
- Vi ! Et moi je t’ai fabriqué un anneau en argile !
- On va les voir bientôt, les garçons, dis ?
- Vi ! Je veux voir les garçons !
Peter se releva enfin et attrapa ses deux petites filles qu’il assit sur ses épaules :
- Nasty, Half, un peu de calme, nous avons des invités !
Sa voix cependant avait beaucoup de mal à garder un ton sérieux.
Les deux jeunes filles se retournèrent et, en voyant le reste de la troupe, s’exclamèrent avec une verve effrayante :
- CÂLIIIIN !!!!
Scilia se voulut se précipiter hors de portée… une seconde trop tard.