Bon anniversaire MAPI... une petite songfic pour toi qui, j'espère te plaira.
Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Michael Brandt et Derek Haas. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Les dialogues en couleur sont ceux de l’épisode 112 : Les bons et les mauvais choix, sur lequel est basée cette fiction.
Je voudrais tant que tu comprennes
Matthew Casey entra dans le bar, le cœur battant la chamade. Cependant, à peine le seuil franchi, il se forgea un visage calme, bien loin de refléter le tumulte qui l’agitait. Il repéra immédiatement Kelly Severide, installé au bar et il se dirigea vers lui d’un pas presque nonchalant, mettant en œuvre tous les automatismes acquis dans son métier pour ne rien laisser transparaître des sentiments réels qu’il ressentait.
Lorsque le lieutenant des secours l’aperçut, il se contenta d’un laconique :
- Salut !Et il s’entendit répondre, alors qu’il aurait voulu lui dire tellement d’autres choses :
- Sacrée journée hein ?
- Ouais.D’un geste, Severide indiqua au barman de venir servir son invité et le silence s’installa quelques secondes. Matthew cherchait ses mots : que pouvait-il dire, que devait-il dire, quelles phrases pouvaient réconforter celui frappé aussi durement ? Comment lui faire comprendre qu’il pouvait compter sur lui sans trop se dévoiler ? Finalement, il biaisa :
- Tu sais quoi ? Après ton opération, la rééducation t’oublie. Ou plutôt tu la fais chez nous : j’te mets aux exercices à l’échelle. On fera de toi un pompier, tu verras.Il s’attendait à une protestation indignée de son collègue, au rappel automatique que ceux des secours valaient mille fois ceux de l’échelle et que c’était là qu’on trouvait les vrais pompiers. Mais Kelly n’avait pas le cœur à plaisanter et il se contenta de répondre :
- Ouais… Puis, sans le regarder il enchaîna :
- Justement, à ce sujet je voulais te dire que cette amie… Renée… Elle est mutée à Madrid et elle m’a trouvé un centre là-bas où je pourrai faire ma rééduc.Une phrase… Une simple phrase et soudain son monde se fracassait !
Je voudrais tant que tu comprennes
Toi qui va me quitter ce soir*
Que l'on peut avoir de la peine
Et sembler ne pas en avoir
Il s’était rendu à ce rendez-vous en proie à la confusion. Que Severide lui ait demandé, et à lui seul, de venir lui parler l’emplissait à la foi de joie et de peur… Que pouvait donc avoir à lui dire cet ami mais concurrent auquel il n’aurait fallu qu’un mot pour qu’il devienne tout autre chose ? Allait-il lui reprocher d’être toujours en poste quand lui, désormais, était sur la touche et risquait peut-être de le rester à jamais ? Voulait-il lui demander d’intercéder en sa faveur auprès de Bowden ? Avait-il simplement besoin d’une oreille attentive, comme Vargas avant lui ?
En pensant à leur collègue si cruellement touché, Casey réprima un frisson : il ne laisserait pas Severide en arriver là ! Il ne le retrouverait pas un soir juché sur le rebord d’un toit, prêt à faire le grand saut parce que sa vie serait désormais vide de tout ce qu’il aimait ! Il serait là pour lui, jour après jour et nuit après nuit…
S’il le fallait il cesserait de voir sa mère, sa sœur et tous ceux qu’il pouvait avoir pour se consacrer uniquement à ce rival qui était avant tout son frère. Kelly lui avait sauvé la vie lorsqu’il l’avait extrait de ce brasier : certes il l’aurait fait pour n’importe qui d’autre, mais que ce soit lui qui soit venu avait, à ses yeux, un goût particulier…
Et à l’instant précis où le chef du secours trois lâchait sa bombe, tout ce à quoi il avait pensé, tous les vagues projets qu’il avait commencé à échafauder s’effondrèrent comme un château de carte, remplacés par une seule obsession : ne pas craquer, ne rien montrer de la souffrance qui venait soudain de l’envahir.
Le coeur blessé encore sourire
Indifférent apparemment
Aux derniers mots, qu'il faut écrire
Lorsque finit mal un roman
Il remercia les années de self-control entamé durant cette enfance chaotique massacrée par la guerre entre ses parents qui s’était terminée ce jour où sa mère avait pris les clés abandonnées sur le comptoir et était allé tuer celui qui avait partagé sa vie et qu’elle avait fini par haïr à force de trop l’aimer. Il remercia le rigoureux entraînement des pompiers qui vous obligeait à ne rien laisser transparaître de ce que vous ressentiez, même au plus fort de l’action, au bord de la panique ou de la révolte. Il remercia la dure réalité de sa vie qui lui avait appris à se forger un visage où on ne lisait rien de son tumulte intérieur tandis qu’il répliquait :
- Ah… Bien… Tu restes longtemps ?Sans le regarder, Kelly laissa tomber sa seconde bombe :
- Je pars m’y installer.Continuer à vivre, jour après jour, loin de lui, sans le voir, sans savoir ce qu’il faisait, sans entendre sa voix… Continuer comme si de rien n’était et accepter qu’un autre prenne sa place… Comment serait-ce possible ? Comment réussir à cacher son chagrin et ce manque de lui qui déjà l’envahissait ?
L'âme éperdue, sauver la face
Chanter des larmes plein les yeux
Et dans un univers de glace
Donner l'impression d'être heureux.
Il aurait aimé pouvoir hurler ou cogner sur le premier venu. Il aurait voulu pouvoir se tourner vers son collègue et le secouer d’importance pour lui ouvrir les yeux : cette fille n’était rien pour lui, ne pourrait jamais être celle qu’il attendait.
Mais il ne fit rien… Il se contenta de serrer un peu plus fort son verre dans sa main crispée et de rassembler toute sa discipline pour rester juste l’ami dont semblait avoir besoin Severide ce soir-là.
Bien sûr il aurait pu tenter sa chance, dire les mots qui, peut-être, allaient tout changer. Mais il y avait des mois qu’il se taisait, qu’il cachait cette attirance qui, dans leur milieu, ne serait pas particulièrement bien acceptée, à commencer par l’objet de son tourment d’ailleurs. Le lieutenant Kelly Severide s’était battu des mois durant contre la douleur et la peur et il venait de prendre une décision qui risquait de bouleverser sa vie en l’arrachant à ce métier qu’il aimait passionnément ; ce n’était certes pas le moment de faire vaciller d’autres certitudes chez lui, comme celle de son orientation sexuelle.
Non… Matthew Casey aurait eu dix mille occasions de tenter de lui faire comprendre ce qu’il ressentait vraiment pour lui, ce qu’il n’avait jamais osé lui dire…
Maintenant il était trop tard et, plutôt que les mots qui lui brûlaient les lèvres, il parvint à articuler après avoir laissé échappé une sorte de ricanement qui s’étrangla dans sa gorge serrée :
- C’est une blague ? Tu te fous de moi ?Il voulait croire encore, croire en dépit des apparences que Kelly ne faisait que le mener en bateau, cherchant peut-être à l’embarrasser ou à le pousser dans ses retranchements pour l’amener enfin à se dévoiler. Mais se dévoiler pour quoi ? Pour l’agonir d’insultes ou répondre à ses sentiments ?
Il voulait croire qu’un jour il aurait l’occasion, qu’un jour il recevrait un signe, qu’un jour celui qui hantait ses nuit lui adresserait un de ces messages sur lesquels il est impossible de se tromper, quelque chose qui lui permettrait enfin de se lancer sur cette pente vertigineuse qu’il dévalait seul depuis trop longtemps.
Il voulait croire… Mais la réponse de Severide le heurta de plein fouet :
- Non Matt. J’ai pris mon billet d’avion il y a une heure.Je voudrais tant que tu comprennes
Puisque notre amour va finir
Que malgré tout, vois-tu je t'aime
Et que j'ai mal à en mourir.
Ne rien laisser paraître ! Ne pas pleurer ! Ne pas hurler !
Il se contenta de le regarder tandis qu’il vidait son verre, cherchant désespérément quoi dire, quoi faire…
Ca allait donc se terminer ainsi, dans ce bar ? Mais terminer quoi ? Quelque chose qui n’avait jamais commencé, qui n’avait jamais existé ! Et tout cela par sa seule faute ! Il aurait dû prendre le risque, quitte à se manger un pain ! Il aurait dû oser lui dire les mots qu’il lui susurrait dans le creux de ces nuits où ils étaient tous les deux , ces nuits dont il se réveillait dans des draps souillés et un peu plus frustré encore.
Il avait choisi de se taire, de préserver leur amitié aux dépens d’un amour qui n’était peut-être qu’une chimère. Il avait choisi la sécurité : mieux valait une amitié sincère qu’un amour bancal, un amour à sens unique, un amour qui, peut-être finirait par se muer en haine. L’exemple de ses parents restait trop imprégné en lui pour qu’il puisse facilement se laisser aller à ce sentiment. Pourtant, entre eux, tout avait commencé sous les meilleurs auspices avec ce coup de foudre brutal et violent, cette passion qui avait préludé à leur relation durant toute leur vie, finissant aussi violemment qu’elle avait débuté, lorsque l’amour fou était devenu haine viscérale.
Comment, avec cet exemple pathétique imprégné dans ses chairs, aurait-il pu oser tenter l’impensable ? Kelly voguait de femme en femme, de lit en lit… Lui-même avait été si longtemps fiancé à Ally… Deux hétéros dans un monde d’hétéros : comme les flics, les pompiers n’étaient pas le milieu le plus propice aux amours homosexuelles, quand bien même Shay était parfaitement intégrée et jamais brimée à cause de ses choix de vie. Mais Shay était une fille et pour des mecs, deux filles ensemble relevaient plus du fantasme que de la morale, alors que deux mecs ensemble…
Severide et lui étaient des exemples qu’on citait aux jeunes recrues. Leurs hommes avaient une confiance aveugle en eux et un respect incommensurable. Ils étaient officiers dans la même caserne, intervenaient sur les mêmes sinistres… Outre le fait que leurs subordonnés pourraient les regarder autrement s’ils venaient à avoir une relation, leur hiérarchie pourrait voir d’un mauvais œil ce rapprochement qui pourrait conduire à des incidents sur les interventions.
Et puis, cette relation… elle n’existait que dans ses rêves parce que rien chez Severide ne lui permettait d’espérer. Alors non, il n’avait jamais osé prendre le risque. Il avait choisi la voie des lâches : celle du silence et de la passivité…
Et maintenant il en payait le prix tandis qu’il réussissait à desserrer sa gorge pour laisser filtrer ces mots niais :
- Bon alors… Tchin… A ta nouvelle vie.
- Tchin.Ils vidèrent leurs verres sans se regarder. Au moment où Kelly posa le sien, Casey le regarda, grimaça, ouvrit la bouche puis la referma et détourna la tête au moment précis ou Severide lui jetait un coup d’œil furtif, comme si, lui aussi, aurait aimé dire quelque chose qu’il n’arrivait pas à formuler.
Je voudrais tant que tu comprennes
Malgré tout ce qui s'est passé
Que je t'aimais plus que moi-même
Et que je ne peux t'oublier
Kelly Severide était rentré chez lui, fatigué de cette journée trop riche en émotions, bouleversé de devoir repenser une vie qu’il imaginait toute tracée, exaspéré de n’être pas capable de trouver les mots pour exprimer ce qu’il ressentait vraiment.
Renée n’était pas là, déjà partie à Madrid où il était censé la rejoindre le lendemain et Shay passait la nuit chez Dawson pour une soirée entre filles.
Il jeta un coup d’œil autour de lui : cet appartement il l’aimait, comme il aimait sa colocataire, comme il aimait son boulot, comme il aimait…
Mais non… Cet amour là il n’avait pas le droit d’en parler. Ce soir, il lui avait enfin donné une chance, une chance infime, mais une chance quand même… Il avait entrouvert la porte, prêt à accepter qu’elle s’ouvre tout à fait, prêt à affronter ce bouleversement supplémentaire. Tant qu’à changer de vie, autant aller jusqu’au bout et laisser enfin parler ce cœur qu’il muselait depuis trop longtemps.
Certes il tenait à Renée, elle lui donnait beaucoup de plaisir et sans doute il n’avait jamais eu une relation aussi intense avec aucune autre femme. Il savait qu’elle l’aimait profondément aussi, c’est pourquoi il envisageait, pour la première fois, de s’installer avec elle. Mais il savait que tout cela n’était pas vraiment lui, que quoi qu’il dise, quoi qu’elle fasse, jamais il ne serait tout à fait heureux auprès d’elle, ni auprès d’aucune autre… Il savait mais il s’était tu jusqu’à l’instant où le choix s’était imposé.
Mais la porte s’était refermée à peine entrebâillée : visiblement ses sentiments n’étaient pas partagés, parce que, si les rôles avaient été inversés, il aurait tempêté, hurlé, trouvé mille arguments pour détourner Casey de son projet. Celui-ci s’était contenté de lever son verre à sa santé.
Sa santé ! Un ricanement amer lui échappa. Cette putain de saloperie de santé qui ne lui avait jamais fait défaut et qui d’un coup venait lui voler tout ce qu’il avait construit ! Tout ! Sa vie ! Son rang ! Son équipe ! Et cet amour secret qui le tourmentait mais qui était si doux à porter tant qu’il voyait son objet jour après jour, même en simple ami, même en rival acharné…
Lorsque demain il monterait dans cet avion, il n’aurait plus rien, il serait vide et pourtant il devrait sourire parce que Renée ne méritait pas qu’il lui fasse payer ses propres erreurs.
La sonnette de l’entrée l’arracha à ses pensées moroses et, surpris qu’on puisse venir le voir à cette heure-ci, il alla ouvrir.
Il resta figé sur le seuil en découvrant Matthew devant lui.
- Qu’est-ce qui se passe ? parvint-il à articuler.
- Je ne veux pas que tu partes Kelly ! fut la réponse inattendue de Casey.
Puis celui-ci entra dans la pièce et fondit directement sur les lèvres de son ami qui, d’abord surpris, se laissa vite aller à l’étreinte qui répondait à ses désirs les plus violents. Et lorsqu’à bout de souffle ils se séparèrent, Matthew reprit d’une voix rauque :
- Ne pars pas… Je n’y arriverai pas sans toi…
Ils avaient mille choses à se dire mais à cet instant précis les mots étaient devenus superflus. Ils savaient qu’ils avaient cheminé sur des voies parallèles et qu’il était temps maintenant que leurs trajets se rejoignent. Et peu importait ce qui se passerait.
A l’instant précis où il lui avait offert ses lèvres, Kelly Severide avait su qu’il ne partirait pas pour Madrid et qu’il ne rejoindrait jamais Renée. A l’instant précis où il avait pris sa bouche, Matthew Casey avait compris que Gabriella ne serait jamais qu’une amie.
A l’instant précis où leurs souffles se mêlèrent, les deux hommes surent qu’ils avaient enfin trouvé ce qu’ils cherchaient depuis longtemps.
Et que je ne peux t'oublier
FIN
Chanson de Marie Laforêt
*Paroles originales : Toi que je vais quitter ce soir