En voilà une nouvelle 
.
Une idée qui a germé dans ma tête la semaine dernière. Une p'tite innovation. Et je me suis bien amusée à l'écrire
J'espère que vous aimerez 
.
pour ceux qui ne connaissent pas, seule chose à savoir :
Henry est un lycan et Magnus, une centenaire.
voilà.
bonne lecture 
°o°o°
Quand Will était entré au Sanctuaire, il n’avait plus de famille. Plus d’encrage. Plus de racines.
« Pour moi, c’est comme si tu étais mort ». Les mots tranchants d’un père déshonoré qui apprend que son fils veut devenir psychiatre.
Le poignard qui s’abat sur l’enfant quand il comprend qu’il est désormais seul pour affronter la vie.
On le vouait à une brillante carrière militaire.
Son père le premier. Projetant une vie qu’il n’avait jamais pu avoir, lui simple sous – officier.
Mais Will avait d’autres projets, d’autres rêves.
Alors que tous voyaient en cette décision l’ultime affront d’un enfant rebelle, lui voyait des promesses d’avenir et de vie heureuse.
Il avait fait son choix.
Pourtant son père et sa sœur, Maïli, étaient tout ce qu’il avait.
Orphelin depuis l’âge de 9 ans, ils étaient sa famille, ses piliers, son sang.
Mais lui, le fils prodige destiné à une vie de gloire et de médailles, était finalement devenu la honte et la déception de son entourage.
Alors il avait claqué la porte. Refusant de sacrifier ses rêves.
Et il ne s’était jamais retourné.
Les liens du sang n’avaient pas suffi. Son père l’avait rejeté, il n’avait plus rien à faire dans cette maison.
Livré à lui – même, il avait lutté pour survivre.
Il s’était battu pour réaliser ses rêves. Pour leur prouver à tous combien ils se trompaient.
Lentement, il s’était construit, avec le regret d’un père absent et la rancœur d’une sœur qui n’avait pas choisi son camp.
Pourtant, au fil des années, Will avait fini par renouer contact avec Maïli, faisant table rase du passé.
Indispensable pour avancer.
Mais père et fils, eux, ne s’étaient jamais reparlés, l’un et l’autre bien trop fiers pour admettre leurs torts.
Jusqu’à ce jour où Will avait cru y rester.
Agonisant, il avait composé le numéro de son père qu’il n’avait jamais oublié.
Ses jours étaient comptés. C’était le moment où jamais.
« Papa, quand tu auras ce message, s’il te plait viens au Sanctuaire, 33 West Avenue. Demande Magnus, elle saura tout t’expliquer. C’est urgent. Je … Je voulais te dire que … Je … Je regrette toutes ces années perdues… Tu … Tu me manques tu sais ». Et aussitôt il avait raccroché, coupable de l’aveu de sa faiblesse.
Mais finalement les choses avaient bien tournées.
Et Magnus avait trouvé le moyen de le sauver.
Oubliant cet épisode fâcheux, il avait repris sa vie.
Jusqu’à un autre appel …
°o°o°
Allongé dans son lit, Will profitait des premiers rayons de soleil qui éclairaient sa peau douce.
A côté de lui, Henry n’était pas du même avis et trouvait dérangeant ces petits importuns qui le forçaient à se réveiller. Dans un grognement, il se retourna et cacha son visage contre l’épaule de Will. Le jeune homme sourit, et il allait déposer un baiser sur son front quand Henry lui proposa plutôt ses lèvres, qu’il accepta sans rechigner. Alors que le baiser se faisait plus intense, un grésillement les fit relever la tête.
Et merde !
« Will… Will je sais que vous m’entendez… Il faut que vous veniez tout de suite au bureau… Il … Enfin, quelqu’un vous demande… C’est urgent. »Will soupira.
Bordel !
En quatrième vitesse ils s’habillèrent avant de rejoindre la jeune femme au salon tandis que Will pestait tout ce qu’il savait :
« Magnus, putain, c’était mon jour de repos auj … »
Il s’arrêta net.
Elle n’était pas seule. Il y avait un homme avec elle.
Cette silhouette …
La voix hésitante de la jeune femme s’éleva :
« C’était important … Je lui ai expliqué en quoi consistait votre travail … »Alors que l’homme se retournait, Will en eut le souffle coupé.
« Bonjour mon fils ».°o°o°
« Papa ?! »Juste pour s’assurer qu’il était bien là.
Son père s’avança et lui tendit une main qu’il serra machinalement.
Les mots sortirent de sa bouche sans qu’ils ne les aient commandés :
« Qu’est – ce que tu fais là ? »Question stupide.
« Tu m’as appelé ».Réponse stupide.
L’air serein, l’homme lui sourit :
« Je crois qu’on a du temps à rattraper ». Ce serait donc si simple ?
Des éclats de voix le ramenèrent sur terre.
Une tape sur l’épaule.
Kate.
Une caresse discrète dans le dos qui le fit frissonner.
Henry.
Une claque un peu trop forte qui secoua son pauvre cerveau.
Bigfoot.
Chacun s’assit sur le canapé. Pas tout à fait remis du choc, Will entraîna son père devant eux et fit les présentations :
« Papa, euh … je te présente Kate, Bigfoot, et Henry ».A la vision de Bigfoot, son père baissa les yeux, visiblement mal à l’aise, mais ne dit rien. Connaissant Magnus, elle avait dû tout lui expliquer et trouver les arguments nécessaires pour le convaincre.
Que ferait – il sans elle ?
Les présentations faites, tout le monde retourna à son occupation et Will conduisit son père jusque dans une chambre.
« Tu restes combien de jours ? »Will s’apprêtait à sortir.
« Une semaine… Enfin si tu veux toujours de moi… »Une manière d’amener les réconciliations ?
Possible.
Alors le jeune homme décida finalement de rester. Fermant la porte, il fit demi-tour.
Tout le monde a le droit à une deuxième chance, non ?
Pendant des heures ils discutèrent.
De tout.
Du passé, du présent, du futur.
De sa mère, de sa sœur, d’eux.
Vint le temps des reproches.
« Où étais – tu quand j’ai eu besoin de toi ? »
« Où était – ce père fier de son fils qui était censé m’épauler ? »
« Vous étiez tout ce qu’il me restait. Pourquoi m’avoir tourné le dos ? »Vint le temps des regrets.
« Je n’ai pas été un bon père Will … »Effectivement.
« J’ai projeté des rêves sur toi qui n’étaient pas les tiens… »Tout juste.
« Je t’ai abandonné Will, j’en ai conscience. J’ai été lâche et méprisable. Je t’ai rejeté et je t’ai fait souffrir ».Il n’avait pas idée à quel point.
« Toutes ces années je m’en suis voulu. Mais je n’ai pourtant rien fait. Trop fier pour recoller les morceaux avec son fils. Lamentable. »Touché.
Vint le temps du pardon.
« Je m’en veux Will, si tu savais comme je m’en veux ».Et instinctivement il crut en ses paroles coupables.
« En m’appelant, tu as fait le premier pas. A moi de faire le second… Pardonne – moi »Oui, pardonner …
Il était peut-être temps d’essayer.
°o°o°
Minuit sonna.
Lessivé, Will sortit de la chambre de son père pour rejoindre la sienne.
Quand il entra, la pièce était baignée d’une douce lueur propagée par la petite lampe de chevet. Sans bruit, il avança et rejoignit Henry endormi tout habillé sur le lit.
Doucement il se blottit contre lui, cherchant cette chaleur familière réconfortante.
A son contact, Henry se réveilla et resserra son étreinte avant d’à nouveau retomber dans un sommeil profond.
°o°o°
8h59
Le réveil sonna forçant Will et Henry à se lever.
Difficilement. Comme tous les matins.
Will se saisit de son arme et de son téléphone, et alors qu’Henry allait franchir la porte, il lui attrapa le bras et le plaqua contre un mur. L’embrassant avec fougue, il ne rompit le baiser que lorsque l’air vint à manquer.
« Mon père ne sait pas pour nous deux… Je n’ai pas encore trouvé le courage de lui dire. Je ne suis pas sûr de supporter une autre humiliation. Pour le moment, il vaut mieux qu’on se fasse discret … »
« Je comprends. Je te promet de ne rien tenter de … compromettant ». Ce mec était un ange !
Henry s’approcha et scella cet accord dans un baiser passionné.
Probablement le dernier de la journée.
°o°o°
2 jours se passèrent sans qu’aucun élément ne vienne perturber la tranquillité du Sanctuaire.
Père et fils réapprenaient petit à petit à se connaître. Toutes leurs journées ils les passèrent ensemble, déliant les langues et tissant un lien paternel qui avait depuis longtemps disparu.
Il n’était pas question d’oublier, non, mais de recommencer.
Un matin qu’ils étaient tous les deux au salon, Kate entra et déposa un plateau devant eux :
« Je me suis dit que ça vous ferait plaisir ». Will lui sourit.
Elle aussi elle en avait parcouru du chemin. Ancienne hors la loi, la vie ne lui avait pas fait de cadeau. Jusqu’à ce que le Sanctuaire la prenne sous son aile, lui offrant cette stabilité et ce refuge qu’elle n’avait jamais eu.
Elle lui rendit son sourire et tourna les talons au moment même où Will recevait un coup de coude dans les côtes.
« Je crois que tu lui as tapé dans l’œil ».
« Pardon ? »
« Tu lui plais et elle te plait… Tente ta chance. »Kate ?
Certainement pas !
Son père perdait les pédales !
« Ça va pas non ! »
« Tu ne vas pas rester célibataire toute ta vie ! »En quoi ça le regardait ?
Il y avait des côtés paternels dont il se serait bien passé.
°o°o°
Mais comme toujours, cette tranquillité ne dura pas.
« Will, Henry, Kate, Bigfoot, je veux tout le monde au salon ». La voix douce mais sans équivoque de Magnus les tira brusquement de leurs activités.
En 2 mots, la jeune femme leur expliqua de quoi il s’agissait.
Un réseau de criminels peu commun.
Les Vengeurs.
C’était leur nom.
Des tueurs à gage se donnant pour mission d’éliminer tous les phénomènes qui dérangeaient.
- Wendigo, Trolls, Djinns, Stryges, Sirènes -
Peu importe leur race ou leur espèce. Tant qu’ils n’étaient pas comme
eux, ils représentaient une menace.
Justiciers des temps modernes, ils devenaient progressivement dangereux car de toutes ces victimes, beaucoup étaient innocentes.
Cette mission en soit ne représentait pas de réelles difficultés.
Seul problème majeur.
C’étaient des lycans.
Henry crut qu’il allait s’étouffer.
Pardon ? Des lycans ?
Impossible.
Et pourtant …
Magnus proposa alors une infiltration. Les attaquer de front ne ferai que régler la partie émergée de l’iceberg, alors qu’attaquer de l’intérieur permettrai d’éradiquer le problème en profondeur.
Tout le monde fut d’accord avec elle et le père de Will se joignit même à eux :
« Je pourrais être utile… J’ai un peu d’expérience militaire ».« Bien Monsieur Zimmerman, vous pouvez rester ». Après tout, c’était elle la patronne.
Les détails ne se mirent pas en place tout de suite. La mission commença par une simple surveillance.
Connaître les habitudes de l’ennemi. Primordial quand on veut devenir l’un des leurs.
Le père de Will semblait s’acclimater au Sanctuaire, aidant du mieux qu’il pouvait la belle et insondable Magnus.
Puis vint le grand jour. Ce jour où la mission prit un tout autre tournant.
°o°o°
Réunis dans le salon, les membres de l’équipe attendaient.
Mais Will avait un mauvais présentiment.
Quand Magnus entra dans la pièce suivit de son propre père, elle évita soigneusement son regard, et le jeune homme su instinctivement que ce qui allait suivre n’allait pas lui plaire.
Alors qu’elle levait ses prunelles majestueuses vers eux, elle déclara :
« Henry, c’est toi qui prendra cette mission ». Et merde !
« Non Magnus, c’est trop dangereux ! » Les mots étaient sortis tous seuls. Comme un cri du cœur.
« Ecoutez Will, nous avons retourné le problème dans tous les sens, et Henry est le seul capable d’accomplir cette tâche. Nous ne connaissons aucun autre loup-garou et frauder ne servirait à rien si ce n’est à nous mettre en péril … ». Magnus semblait tiraillée par sa décision, mais à cet instant précis, Will s’en foutait bien.
« Donc vous avez décidé de choisir Henry ? Mais il n’a aucune expérience du terrain. Comme nous tous ici d’ailleurs ! Je … »
« Will, elle a raison, Henry est le mieux placé pour cette infiltration… ». Cette voix lui fit l’effet d’un électrochoc. Fichu lien du sang. Son père ralliait la cause de Magnus.
Comme lorsqu’il était gosse, il se retrouvait seul contre tous. Le schéma se répétait. Inexorablement.
Mais il ne lâcherait pas sans se battre. Il refusait de le perdre.
« Mais c’est du suicide ! »La tension montait.
Will était prêt à exploser.
« Rien ne pourra lui arriver. Nous serons là au moindre problème … » Et c’était censé le rassurer ?
« Henry, n’y va pas…»Dernière tentative.
« Tout se passera bien, Will, ne t’inquiète pas. Il faut que je le fasse… » Echec.
Et Will céda.
« Putain ! »Le regard noir et les dents serrées, il sortit brusquement de la pièce.
Henry voulut le rattraper, mais une main sur sa poitrine l’en dissuada. Magnus le regarda avec insistance.
Ne pas se compromettre. Il en avait fait la promesse.
Kate comprit et le remplaça :
« J’y vais ». °o°o°
Sur la terrasse, Will tentait de ravaler sa rage.
Dire qu’il ne pouvait rien faire pour empêcher cette mission.
Oui, il avait conscience que tout le monde faisait de son mieux : Magnus, son père, Henry …
Oui, il savait avec certitude que si ce lien ne les unissait pas tous les deux, il n’aurait jamais hésité à le laisser partir.
Oui, il avait conscience qu’Henry était le mieux placé pour cette mission et que c’était la seule chose à faire.
Mais non, il ne l’acceptait pas.
Une main sur son épaule le fit sursauter.
« Hey ! Ça va aller ? »La voix douce de la jeune femme le réconforta quelque peu. Kate avait toujours été là pour lui.
Comme une sœur, comme une amie, comme une confidente. Un lien du cœur indestructible.
« Ouai… »Même lui ne croyait pas en ce qu’il disait.
« En fait non. Kate, je la sens pas … »
« Je sais Will, mais je suis sûre que tout ira bien et puis … »
« Tu ne comprends pas. S’il lui arrive quelque chose je … » Mais avant qu’il n’ait pu finir sa phrase, la jeune femme l’attira dans ses bras.
« Magnus sait ce qu’elle fait ».
Elle omit de préciser :
« en temps normal ». Car même la superbe centenaire avait ses failles. L’erreur est humaine après tout.
Au loin, un père observait la scène touchante de son fils et d’une jeune femme dans les bras l’un de l’autre. Souriant pour lui –même il se dit qu’il avait visé juste.
S’il savait combien il se trompait…
°o°o°
Magnus prépara Henry.
Débriefing, habillage, équipement. Tout fut passé en revue.
Cette mission, ça faisait maintenant plusieurs jours qu’ils la préparaient. Ils étaient fin prêts.
Après une ultime vérification, Henry descendit dans les rue de Vancouver avant de prendre la direction d’un restaurant miteux et mal éclairé.
Le QG des Vengeurs.
L’oreillette en place, le souffle saccadé, il détaillait le moindre de ses faits et gestes, ses directions, les gens douteux, les bruits bizarres …
Alors qu’il se rapprochait de son but, la peur monta d’un cran. Seul dans ce coin sombre, il se mit tout à coup à douter. Baissant le ton, il s’adressa à Magnus :
« Et Will ? ». La jeune femme ouvrit la bouche mais une voix la coupa.
« Oui, je suis là ».Le jeune psychiatre prit place devant l’écran de contrôle, mit son oreillette et activa la mini caméra posée sur Henry.
« C’est bon, je t’aies en direct ». La main de son père vint se placer sur son épaule.
La voix d’Henry, plus grave et plus sérieuse, vint briser le silence :
« Will, je suis désolé pour tout à l’heure. Et je voulais te dire que … »
« Tu me le diras quand tu rentreras. Sois prudent s’il te plait… »Reviens – moi…C’était plutôt ça qu’il aurait voulu lui dire.
Fichu silence qu’il s’imposait.
Fichu désir de ne pas décevoir son père une nouvelle fois.
Prisonnier de sa propre situation. Voilà ce qu’il était.
°o°o°
L’infiltration en soit se passa plutôt bien.
Accepté comme l’un des leurs, il se mit à vivre à leur rythme.
Les justiciers continuaient leur génocide tandis qu’Henry restait en retrait, pas encore apte à chasser avec eux.
Et c’était tant mieux.
Il n’était pas un criminel.
Certainement pas.
Mais un jour, Henry sentit que les choses changeaient.
Il y avait comme un goût de méfiance dans leurs paroles, un parfum de trahison dans leurs mots, une odeur de vengeance dans leurs actes.
Situation critique.
Mauvais. Très mauvais.
Magnus décida qu’il était temps de le rapatrier. Et Henry ne se fit pas prier.
Discrètement, il sortit par l’arrière, se retrouvant dans une ruelle sombre et sordide. Encore une.
Pendant une seconde, à l’autre bout de la caméra, Will pensa qu’il était tiré d’affaire.
Terminé. Il rentrait à la maison.
Jusqu’à ce qu’Henry s’arrête net et se retourne.
Lentement. Comme conscient du danger qui le guettait.
« Où vas – tu Henry ? »Une voix sortie de nulle part. Un homme. Un Vengeur. Suivit de 3 autres.
Ne pas faire de faux pas.
« Chasser. J’ai faim ».Bien joué.
« Ne me prend pas pour un con ». Ah, pas tout à fait.
« Il y a un traître parmi nous… » Merde. Les choses se gâtaient.
« J’ai confiance en tout le monde ». La roulette russe. Il détestait ça.
« Sauf en toi ».Surtout quand c’est lui qui était touché.
Merde.
Il était grillé.
« Henry, sors de là ! Maintenant putain ! Va – t – en ! »A travers l’oreillette, Will comprit l’enjeu de cette révélation. Henry n’avait plus aucune assurance vie. Tout pouvait virer au drame d’un moment à l’autre.
Trop loin pour intervenir.
Trop prêt pour ne pas angoisser.
Le sortir de là. C’est tout ce qui comptait.
Mais c’était trop tard. La machine était en marche.
Tenu en joug, Henry n’avait plus d’échappatoire.
« Pour qui tu travailles ? »Ne pas faire de faux pas. Ne pas s’enliser. Surtout pas.
« Mais pour personne ! »La panique s’emparait de lui. C’était perceptible à l’oreillette.
Une silhouette s’approcha de la mini caméra et l’arracha d’un coup sec, coupant la liaison visuelle.
Will et le Sanctuaire avançaient désormais en aveugle, guidés seulement par leurs paroles.
Mais le silence s’était installé.
Jusqu’à ce qu’un coup sec le brise. Un bruit sourd
Non, un coup de feu.
« Henry !! ». La voix de Will dérailla tandis que tous les membres de l’équipe retenaient leur souffle.
Pas ça…
Et l’oreillette cessa d’émettre.
N’écoutant que son cœur, Will se leva précipitamment et se saisit de son arme qu’il chargea et enclencha.
Magnus tenta de l’en empêcher, consciente que sa fureur pourrait le mener à sa perte, mais il résista et s’empressa de prendre la route. Seul dans l’habitacle, il roulait comme un fou.
Quand le restaurant fut en vue, il descendit en quatrième vitesse et se mit à courir. Reconnaissant les lieux, il dégaina et avança prudemment. Les criminels étaient peut – être encore là, tapis dans l’ombre, comme de sales rapaces.
Un bruissement de feuilles attira son attention. Réajustant sa visée, il se crispa.
Une créature longiligne se trouvait devant lui.
Un homme.
De dos.
Au moment où Will enclencha l’arme, l’individu se retourna.
Ses dents pointues luisaient dans la nuit et ses yeux ébène brillaient comme l’astre nocturne tandis qu’une tâche de sang maculait son teint blafard.
Nikola …
Se léchant les lèvres, le vampire s’inclina
« La violence est inutile ». Et Will baissa son arme.
« Qu’est – ce que tu fou ici ? »« Pourquoi tant de haine ? »Will le fusilla du regard. L’heure n’était pas à la plaisanterie
« Disons que j’ai senti qu’on avait besoin de moi ... »Le jeune homme contempla les corps gisant sur le sol. Pas un survivant. Les lycans avaient perdu la bataille.
« Tu les as tous tués ? » Nikola leva les yeux aux ciels
« Voyons, tu me prends pour qui ? Je n’ai pas presque réussi à faire renaître ma race entière pour être impressionné par deux – trois chiens méchants ! »Presque …
« Oh ça va hein ! »Le vampire avait l’ouïe fine.
Un mouvement sur sa droite attira l’attention de Will.
Henry …
Rangeant son arme, il se précipita vers le corps inconscient de son ami.
Alors qu’il s’accroupit, une tâche sombre sur le sol attira son attention.
Noire.
Non rouge.
Du sang.
Henry était touché.
Une balle s’était fichée dans sa poitrine.
Merde.
« Henry répond moi … »Délicatement, le jeune homme le retourna sur le dos. Posant une main sur sa joue glaciale, il caressa sa peau marquée de terre et de sang.
Henry gémit. Faiblement.
Bien trop faiblement.
Will décala ses doigts sur sa carotide pour vérifier son pouls.
Lent et irrégulier.
Son état était critique.
« Hey, hey reste avec moi ». Nikola arriva à sa hauteur
« Je n’ai pas pu lui éviter la balle ».Mais Will n’entendait plus rien. Les larmes lui brûlant les yeux, il ne voyait plus que ses mains couvertes de sang et le visage pâle du corps entre ses bras.
Il avait besoin d’aide.
Maintenant.
Magnus. Oui, il fallait qu’il appelle Magnus. Elle devait déjà être en route.
C’était son dernier espoir. Se saisissant de son talkiewalkie, il tenta :
« Magnus ? Magnus, vous êtes là ? » Un grésillement lui répondit.
Merde.
« Bordel Magnus répondez !! Henry … Henry est touché ! »Rien.
« Magnus, je vous en pries … » Ils étaient désespérément seuls.
« On est là Will ». Peut – être pas tant que ça finalement...
« On arrive dans une minute »Et de nouveau ses poumons se remplirent d’air.
Rallongeant le corps blessé de son ami, le jeune homme ôta son unique tee – shirt et comprima du mieux qu’il put la plaie ensanglantée.
Le sang ne cessait de couler, emportant avec lui les dernières forces d’Henry.
Il fallait à tout prix limiter l’hémorragie.
C’était sa seule chance de s’en sortir.
Torse nu, Will se mit à frissonner quand le froid mordant le frappa de plein fouet.
A côté de lui, Nikola roula des yeux.
Ces humains alors !
Avec grâce il enleva sa veste de costume impeccable et la déposa sur les épaules du jeune psychiatre.
« Mets ça, tu vas attraper froid ». Le jeune homme le dévisagea avec méfiance et incrédulité.
Ce mec était un véritable mystère.
« Ben quoi ? Si tu n’en veux pas, je la récupère ! ».
« Non, non… Merci ». Et c’était sincère.
Magnus arriva quelques secondes après. Rapidement, elle prit les choses en main et lui procura les premiers secours.
Terminant le pansement, elle dévisagea Nikola :
« Qu’est-ce que tu fais là ? »Le vampire croisa les bras
« Mais qu’est – ce que vous avez tous avec cette question ? »
« Excuse-moi, mais c’est pas commun de te croiser dans les parages »Nikola soupira, las de toujours devoir s’expliquer.
« Regardez un peu comme je suis traité ! Je venais juste en aide à un … ami ».Le mot sembla lui écorcher les lèvres. Des amis, il les comptait sur les doigts d’une main.
Désignant du regard les lycans achevés, Magnus demanda :
« Ils étaient à ton goût ? ». Nikola secoua la tête.
« Un peu trop âpre pour moi. Je déteste ces bestioles ! »Will lui lança un regard assassin.
« Oui bon presque toutes ces bestioles ». La voix de Magnus le fit frissonner :
« Merci Nikola ».Et le jeune vampire fut frappé par sa sincérité.
Tout d’un coup mal à l’aise, il se lécha les lèvres et déclara «
Maintenant si vous voulez bien m’excuser, il faut que j’aille m’enlever ce mauvais goût de la bouche … »Et comme un artiste sort de scène, il s’inclina majestueusement et se détourna, lançant au loin «
Will, tu emmèneras ma veste au pressing avant de me la rendre n’est – ce - pas ! »Et il disparut, englouti par la nuit noire et ténébreuse.
Cet homme était un paradoxe à lui tout seul. Envoûtant et dangereux, charmant et arrogant, égocentrique et humble, il restait insaisissable.
Tandis que Magnus fermait sa trousse de secours, Will s’approcha d’Henry et le prit dans ses bras. Sans un mot, le visage dur et le regard noir, il regagna la voiture et se laissa conduire jusqu’au Sanctuaire.
°o°o°
Sur la table d’opération, Henry risquait sa vie. Et Will retenait son souffle.
S’il devait y rester, alors il le suivrait. Et de près.
Et ce n’était pas négociable.
L’opération fut un succès, et une interminable attente commença. Allongé sur un lit d’hôpital, relié à des tas de tuyaux, Henry luttait pour s’en sortir.
Derrière la vitre, Will veillait sur lui, le cœur lourd de reproches. Une main sur l’épaule le fit sursauter.
Le regard douloureux, son père se tenait à ses côtés.
Il aurait voulu consoler son fils, le soulager de sa peine. Mais il avait oublié comment faire. Toutes ces années l’avaient écarté du chemin paternel. Désarmé, il souhaitait faire plus sans savoir comment s’y prendre.
Néanmoins, quelque chose le dérangeait. Cette affaire touchait son fils de beaucoup trop près. Les poings serrés et les larmes aux yeux, Will semblait souffrir plus que les autres. Marchant sur un fil invisible, il oscillait entre colère et désespoir.
Pourquoi ?
« Ca va aller Will … »Seul le silence lui répondit.
Comme pour se rassurer, il tenta une autre approche :
« Ecoute Kate et toi vous allez surmonter ça et ... »Mauvais calcul.
Et Will explosa :
« Il n’y a rien entre Kate et moi bordel ! » Il se dégagea de l’emprise de son père. Les dents serrées, il cracha presque ses mots
« Tu vois ce mec là – bas. Celui allongé dans ce foutu lit d’hôpital hein ? Tu le vois ? Et bien c’est pour lui que mon cœur bat ! Ok ? C’est lui qui m’a réappris à vivre. C’est lui qui a réparé mes blessures. C’est lui qui m’a rendu heureux. C’est lui que j’aime, c’est assez clair comme ça ? »
Son père parut choqué. Par le ton employé, par ses paroles assassines, par son aveu honteux.
Hésitant, il poursuivit la conversation : «
Ecoute fiston, tu sais Henry … je veux dire … c’est un … un … »L’expression de dégoût sur le visage de son père fit mal à Will, et sa colère s’intensifia :
« Un homme. C’est ça que tu veux dire ? Et tu crois quoi ? Que Kate est mieux pour moi. Mais qu’est – ce que tu en sais ? Jusqu’à présent je n’ai jamais eu besoin de toi pour diriger ma vie ! »« Mais Will … »Mais le jeune homme avait trop de rancœur et trop de haine pour s’arrêter en si bon chemin :
«
Non ! Laisse-moi parler ! Tu fais irruption dans ma vie, tu prétends vouloir renouer contact avec moi mais tu bouleverses tout. Tout redevient comme avant. Tu ne fais que diriger ma vie. Seulement les décisions, c’est toujours moi qui les ai prises et comme je l’entendais. J’ai peut – être fait des erreurs, mais c’est ce qui m’a permis d’avancer. J’ai fait mes choix et c’est comme ça que j’en suis arrivé où j’en suis. Le Sanctuaire m’a sorti de la merde. J’ai rencontré des gens bien qui m’ont aidé à tourner la page. Et je suis tombé amoureux d’un homme qui en vaut la peine. Je sais que je te déçois une nouvelle fois, mais je ne sortirai jamais avec Kate. Parce que c’est Henry que j’aime, et si t’as un problème avec ça, tu connais la sortie ! »Voilà son véritable cri du cœur.
Les vieilles blessures sont finalement bien plus longues à cicatriser.
Un instant bouche – bé, son père n’osa rien répliquer. Baissant la tête, il murmura simplement «
Tu as sans doute raison. Décidément, je fais tout de travers … » Et il prit la direction de sa chambre.
Et merde.
Will y était allé trop fort. Il avait tout fait foiré. Donnant un violent coup contre le mur, le jeune homme se laissa glisser au sol.
Son passé et son présent se télescopaient. C’était trop pour lui. Ses nerfs étaient en train de lâcher.
°o°o°
Sans s’en rendre compte, il s’endormit, à même le sol.
Une légère secousse sur son bras droit le força pourtant à se réveiller.
« Will réveillez – vous ». Avec difficulté, il ouvrit les yeux.
Magnus…
« Henry est sorti du coma ».Lentement, il se releva et se dirigea vers la salle de réveil.
Kate était déjà là.
Assis sur le lit et le sourire aux lèvres, Henry mangeait une sorte de gelée verte peu ragoutante.
Will se passa une main sur le visage.
Il avait dormi combien de temps ?
Dans un sourire, Kate préféra s’éclipser :
« Je vais vous laisser ». Henry rabattit ses jambes contre lui et fit signe à Will de venir s’asseoir.
« T’as une mine affreuse ».Le jeune psychiatre sourit
« Très drôle ». Will prit place sur le bord du lit tandis qu’Henry happait déjà ses lèvres.
Front contre front, leurs respirations se mêlèrent pour ne faire plus qu’une.
« Putain, ce que j’ai eu peur ». Oh ça oui !
« Je sais. T’inquiète pas, je ne compte pas recommencer ». Il n’avait pas intérêt de toute façon !
Une main sur sa joue, Henry lui demanda «
Tu as parlé à ton père ? ». Et devant le regard inquisiteur de Will, il crut bon de préciser «
Magnus ».
« Non … disons que la dernière fois qu’on s’est parlé, j’y suis pas allé de main morte... Et au passage, il sait pour nous deux … »
« Je me doute… Essayer de repartir du bon pied. C’est l’occasion ou jamais. Profites – en avant qu’il ne disparaisse à nouveau de ta vie…»
« Depuis quand c’est toi le plus sage de nous deux ? ». Pour toute réponse, Henry l’embrassa avec fougue.
« Un brin de sagesse pour trois grains de folie ».Et Will n’eut pas le temps de lui dire que ce n’était pas ça le proverbe.
°o°o°
Seul dans sa chambre, le père de Will pensait.
Son fils avait raison.
Il avait depuis longtemps perdu le droit de diriger sa vie.
Rangeant ses affaires dans son sac de voyage, il entendit à peine les trois coups donnés à sa porte.
« Je peux entrer ? »Will…
« Oui, bien sûr ». Il cessa son activité et se tourna vers son fils, l’air coupable.
Avec hésitation, Will commença :
« Ecoute pour tout à l’heure, je suis désolé. Je me suis emp… »Mais son père le coupa :
« Non. Au contraire, tu avais entièrement raison. »Tirant une chaise, Will s’assit et écouta à son tour ce qu’il avait à dire.
« Je me suis incrusté dans ta vie, sur un simple appel. J’ai cru que je pouvais revenir comme ça, en rayant simplement le passé. Mais ce n‘était pas si simple. Tu as appris à te construire sans moi… Et tu es devenu quelqu’un de merveilleux, Will ». Il poursuivit :
« Concernant Henry, je ne te juge pas. Le principal est que tu sois heureux. Je suis fier de toi mon fils, et je te demande pardon si je t’ai fait penser le contraire… ». Will se frotta les yeux.
Ce dernier mois avait été très éprouvant pour lui.
Son passé était revenu le frapper de plein fouet, ouvrant des cases qu’il avait depuis des années verrouillé et le forçant à affronter une réalité qu'il avait préféré oublié. Dans un même temps, il avait failli perdre l’homme qu’il aimait, et sa vie avait manqué de se terminer là.
Will se leva et attira son père dans ses bras.
Un pacte de paix.
Après tout, on n’a qu’un père.
Et le sien avait manqué à sa vie pendant bien trop longtemps.
« Je crois qu’on a encore beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Il va juste nous falloir du temps … ». Oui, du temps. Le seul capable de véritablement cicatriser les blessures.
°o°o°
Le lendemain, le père de Will quitta le Sanctuaire. Seul. Comme lorsqu’il y était entré.
Mais cette fois – ci, avec la certitude qu’au prochain repas de famille, son fils occuperait cette place qu'il n’aurait jamais dû quitter.
Il n’aurait pas de petit fils. Certes. Mais il avait un fils. Et ça, ça n’avait pas de prix.
°o°o°
Fin
Connexion
M’enregistrer
FAQ
Rechercher
vraiment contente que tu aies aimé 
... La detresse de Will quand Henry est blessé est superbement décrite...
