Merci c'est trés gentil ^^ Alors voici le troisième chapitre!!!!!
Chapitre 3: Tenter
- Ah ! Enfin me revoilà ! Dans cette bonne vieille ville de Paris.
L’homme qui venait de pénétrer dans la maison le matin même à dix heures se nommait Prosper. Un homme haut de taille, assez mince, frôlant la trentaine, assez beau aussi avec ses cheveux bruns et ses yeux noisettes… Théo le regardait poser ses bagages dans le hall d’entrer et donner, ou plutôt lancer, son manteau à Emma. Celle-ci fit une grimace de dégoût qui fit rire le jeune homme. Au moins, quelqu’un partageait son idée. Il restait dans le couloir, ne laissant entrevoir qu’un œil pour mieux l’espionner, avec ses habits à trois milles balles et ses chaussures bien cirée, un exemple typique de la grosse tête que l’on peut avoir lorsque l’on a de l’argent. Mais Théo ne voulait pas se faire voir.
Prosper était son cousin. Le fils de la sœur de sa mère. Une femme dont on parlait très souvent dans la maison et qui, paraît-il, aurait été internée dans un asile d’aliénés. Il n’en sait pas plus car on ne parle d’elle qu’au passé. Comme si elle était morte mais ça, c’était à peu près normal. Prosper, lui, était un homme hautain et moqueur, ne manquant jamais de faire de bonnes blagues sur les gens de la petite société et trouvant toujours un moyen de les rouler dans la boue. Un homme que Théo ne pouvait pas supporter.
Prosper était marié depuis deux ans à une jeune canadienne dont on a jamais entrevu le bout du nez et dont il ne parlait jamais sinon quand on lui posait quelques questions comme : Va-t-elle bien ? Et ce bébé, c’est pour quand ? Un bébé ? Théo savait que son mariage n’était qu’un prétexte pour cacher son homosexualité. Car, quand tout le monde dort, à une heure bien tardive, il l’avait déjà vu sortir de la maison pour aller dans des lieux de drague comme le Marais. Et aussi…, ce qui embêtait le plus Théo, était qu’il essayait tout pour le séduire.
Oui, Prosper voulait à tout prix l’attirer dans son lit à ça depuis plus de un an, depuis la première fois qu’ils se sont vus. Il avait bien essayé de l’embrasser, de la toucher… Un peu comme Joey hier soir mais Théo détestait cet homme. Il priait pour ne jamais le revoir, pour qu’il le laisse tranquille mais non, rien n’y fait. Et malgré ses refus, Prosper ne lâchait pas prise.
C’est pourquoi Théo se cachait. Et il ne sait pourquoi, il aurait alors tout donné pour voir Joey descendre à ce moment-là même si ça ne changerait rien. Rien que pour qu’ils se rencontrent et qu’il voit lui aussi à quel point Prosper était odieux.
- Marianne ! Cher tante ! Quel plaisir de vous revoir. Je voulais vous dire que votre décoration est exquise mais votre maître d’hôtel très simplet. Il ne m’a pas aidé à retirer mon manteau. Je trouve cela déplaisant.
Théo tourna la tête vers l’escalier et vit sa mère, habillée d’une robe bleue pastel qui lui serrait démesurément la taille, descendre vers lui, un grand sourire aux lèvres, et les bras tendus pour l’accueillir.
- Je sais, lui dit-elle avec un air de compassion, mais tu sais à quel point de nos un maître d’hôtel est difficile à remplacer.
- Oui, ils préfèrent s’affairer aux champs et aux usines que nous rendre la vie plus facile, n’est-ce pas méprisant ?
Ils éclatèrent de rire en cœur. Théo secoua désespérément la tête. Il en avait déjà trop entendu et décida de s’épargner le reste de la conversation.
- Théo ! Théo ! Quel bonheur de te revoir enfin !
Théo se figea. Non, il aurait dû carrément ne pas descendre et rester cloîtrer dans sa chambre. Bon, calme, on fait comme si de rien était.
Il se tourna vers Prosper qui avait ouvert en grand les bras et s’élançait vers lui.
Ils les referma autour de ses épaules et le serra contre lui. Théo cru qu’il allait étouffer dans cette étreinte d’homme, une étreinte puissante de laquelle il ne pouvait pas s’échapper. Quand, enfin, il se décida à le lâcher, le jeune homme baissa la tête et reprit son souffle.
- Tu m’as manqué mon cœur, lui murmura alors Prosper à l’oreille avec discrétion. Puis il se retourna vers sa mère et la prit par la taille.
- Allons au salon. J’ai tellement de choses à vous dire.
Théo était resté immobile, espérant au fond que son séjour ne serait pas très long.
- Mais, combien de temps comptes-tu rester mon chou ?
- Oh ! Un jour ou deux, peut-être plus. Cela dépendra de mes affaires à New York.
Et bien espérons un jour tout au plus !
- Théo ! Tu viens avec nous au salon ?
- Heu…, il réfléchi, cherchant à tout prix une excuse, je vais aller au premier, je dois aider Emma…
- Emma, répéta Prosper en fronçant les sourcils.
Ca y est ! Se dit Théo, il est en train de penser que c’est ma petite amie. Remarque, tant mieux !
- La gouvernante, lui assura sa mère avec moquerie.
- Ah ! Parut soulagé Prosper mais il changea soudain d’expression, Aaaah ! Tu vas aider une servante ?!!!
Théo sourit à pleines dents, trouvant là un moyen de le contredire.
- Oui, je vais aider une gouvernante.
Et il ne demanda pas son reste, gardant en souvenir la tête dégoûtée de Prosper qui de toute façon, ne changerait pas d’avis sur ses sentiments, même à cause de ça. Mais, c’était quand même un bon moment de satisfaction.
Théo se dirigea vers la salle de bain en face de sa chambre.
En inspirant profondément il enleva ses lunettes et s’aspergea le visage d’eau. Prosper n’était décidément pas et ne sera jamais son type de mec. Si seulement il pouvait le comprendre… Mais il était trop fier pour se mettre dans la tête que quelqu’un pouvait lui résister donc il insistait. Mais ce qui inquiétait encore plus Théo était ce qu’il tenterait de faire pour arriver à ses fins.
Peut-être qu’un jour il se rendra à l’évidence que rien n’était possible entre eux et qu’il ne suffisait pas de vouloir quelque chose à tout prix pour se croire en possibilité de l’acquérir, qu’il ne suffisait pas en amour de désirer quelqu’un alors que ce n’est pas réciproque… En tout cas, Théo l’espérait tellement.
Bon, mieux valait ne pas y penser et faire comme si de rien était. Ne rien répondre à ces murmures et l’éviter coûte que coûte, c’était la meilleure chose à faire.
Théo respira un bon coup et remit ses lunettes en place. Puis il ouvrit la petite armoire près de la glace et prit sa ventoline. Il leva le visage vers le plafond, inhala une grande bouffée, se boucha le nez et baissa la tête entre ses genoux. Il répéta cette danse deux fois avant de remettre le tube à sa place.
Il était asthmatique depuis son plus jeune âge et devait contrôler ses crises le plus souvent possible. Il lui arrivait d’en avoir une très grave lors d’un gros choc, mais ce n’était pas arrivé depuis des mois. Alors pour l’instant, s’il suivait bien les prescriptions du médecin, il n’y avait aucun problème. Encore une preuve de cette fragilité qu’il détestait tant.
Il sortit de la salle de bain et allait rentrer dans sa chambre quand il vit Emma. Elle portait un gros paquet de linge sale plutôt encombrant dans les bras. Il voulu aller à sa rescousse mais elle s’arracha à ses bras.
- Non, je vais y arriver. Vous, allez vous préparer. Regardez donc cet accoutrement ! Mais, ce sont les mêmes habits qu’hier ! Ce soir, un grand dîner se prépare en l’honneur de votre cousin alors vous avez intérêt à vous mettre sur votre trente et un.
- « En l’honneur » ?! « Sur mon trente et un » ?! Tu rigoles j’espère !
- Non, allez ! Oust !
Théo fut poussé sur le côté pour la laisser passer. Il rie discrètement puis secoua la tête. Quelle idée ! Un dîner en l’honneur de Prosper. Et dire qu’il va falloir qu’il le supporte tout ce temps-là !
Il ouvrit la porte de la chambre et, les yeux baissés vers le sol, la referma lentement.
Pourquoi fallait-il qu’il descende ? Il pouvait très bien se porter malade et rester là-haut ! Comme cela il n’aurait pas à subir son regard… Mais sa mère trouverait une nouvelle raison de le faire descendre, rien que pour le mettre mal à l’aise.
Théo ferma les yeux et posa le front sur la porte.
Il voudrait tant s’enfuir loin de cette maison, de ces gens, de ce monde. Réaliser ses rêves. Etait-ce trop demander de vouloir réaliser ses rêves ? Partir dans d’autres pays, découvrir cet univers immense qu’il arpentait dans les livres, apprendre d’autres langues et parler avec d’autres gens qui peut-être le comprendrait un peu mieux… Et… trouver… ce que tout le monde recherche… ce dont l’on est souvent en manque… l’autre…
Un jour il s’enfuirait d’ici…
Théo sourit, il rêvait…
Il s’enfuirait et que pourraient alors ces gens-là ? En dessous ? Rien, plus rien. Il serait libre de penser ce qu’il veut. Libre d’être ce qu’il veut. Il pourrait enfin vivre sa vie.
Et le trouver… cet autre… l’amour dont il rêve. L’amour auquel il ne croit pas vraiment. Cet être parfait qui ferait comme Joey la nuit dernière. Il approcherait sa main et voudrait lui caresser les cheveux. Et il ne fuirait pas cette fois-ci à ce geste pourtant si… anodin, si simple, si tendre… il en rêve… de ce geste. Mais il le fuit encore.
- Joey…, murmura Théo, tout doucement, il avait peur de se faire entendre même si au fond il ne se rendait pas vraiment compte qu’il le prononçait.
Théo rouvrit subitement les yeux. Qu’avait-il dit ?! Impossible ! Il pensait encore à ce qui s’était passé ce matin ?
Il se retourna et voulu s’adosser au mur mais…
… il resta cloîtré sur place.
Là, sur son lit, allongé sur son lit…
Joey !
Théo sentit son cœur s’arrêter de battre pendant quelques secondes. Il était allongé sur son lit, en train de dormir sur son lit, la tête sur son oreiller, sur sa couverture…
Le jeune homme ne savait pas quoi faire… Le réveiller ? Oui, c’était une évidence… Pourtant…
Théo s’avança sans bruit vers le lit. Joey était vêtu d’une chemise bleue très foncée qui lui descendait jusqu’à la taille, d’un jean bleu aussi mais plus clair. Ses jambes étaient longues et minces… musclées… mais pour ce que pouvait en faire Théo… ses cheveux bruns étaient en bataille, il était allongé sur le ventre… et tout le côté gauche de son visage était enfoncé dans l’épaisseur de l’oreiller blanc. Théo s’approcha encore un peu… Il allait le réveiller… mais… il était si… mignon comme ça… Les yeux fermés, calme, la respiration lente… si apaisé…
Théo pencha un peu la tête de côté pour bien voir son visage. Oui, il était beau. Le jeune homme sourit machinalement devant ce spectacle. Devait-il vraiment le réveiller ? Il semblait si fatigué… Il ne devait pas avoir dormi de la nuit.
Mais ! Non ! Que faisait-il dans sa chambre ?! Pourquoi n’était-il pas dans la chambre de sa mère ?! Théo se ressaisit et chercha un moyen de le réveiller… en douceur quand même parce qu’il avait l’air de bien dormir.
- Heu…, Joey ? Tu… Vous ! Vous êtes dans… Non…
Il se redressa, serrant les poings. Joey n’avait pas l’air de bouger. Quoi dire ? Crier ?
- Joey ! Réveillez-vous ! Essaya-t-il de dire d’une voix plus forte et plus sûre d’elle.
Mais rien n’y faisait.
Théo soupira. Il hésita en le regardant en coin puis… tendit une main et toucha son épaule d’un doigt.
- S’il vous plaît… réveillez-vous…
Cette fois-ci, il avait parlé doucement.
Joey bougea légèrement et ouvrit une paupière…
… il se redressa tout d’un coup an reconnaissant Théo.
- Théo ! Je… Que faîtes-vous là ? Bredouilla-t-il en se frottant les yeux.
Théo rigola gentiment. Joey semblait si surpris de le voir ! Et il était trop drôle avec ses yeux bouffis de sommeil, un vrai enfant.
- C’est ma chambre ici. Je vous retourne la question.
Joey reprit ses esprits. Il entendait Théo rire doucement près de lui… Heureusement, il n’était pas en colère. Il avait si sommeil ! Il n’avait dormi que quelques heures pas plus et sa tête la torturait. Il n’arrivait qu’à apercevoir la silhouette fluette de Théo.
- Désolé, murmura-t-il. Oh ! J’ai mal au crâne.
- Migraine ? Attendez, j’ai de l’aspirine dans l’armoire.
Théo lui tendit un comprimé et lui montra la bouteille d’eau posée près du lit.
- Tout ce qu’il faut, dit-il en avalant la pilule.
Théo restait silencieux, assez éloigné de lui, mais il pouvait entendre son souffle. Il avait était retourné de le trouver dans sa chambre.
- Désolé encore, répéta-t-il en posant lentement les pieds sur le sol.
- Qu’est-ce que vous foutez ici ? Demanda Théo.
Joey se raidit un peu, croyant que c’était un reproche mais quand il leva les yeux vers le jeune homme et vit son petit sourire en coin, il se sentit rassurer. Il ne voulait pas se brouiller encore plus avec lui après cette nuit. Sinon, tout serait foutu.
- La chambre de votre mère est fermée à clé. A mon avis, elle n’a pas entièrement confiance en ceux qui vivent sous son propre toit. J’ai bien essayé de la trouver pour lui demander de m’ouvrir mais je crois qu’elle reçoit quelqu’un et on ma interdit de la voir tant qu’elle ne m’aurait pas demandé. Je n’ai pas dormi de la nuit, je suis crevé. J’ai ouvert machinalement une porte et j’ai vu qu’il s’agissait d’une chambre alors je me suis… permis d’entrer. Jamais je n’aurai pensé que ce serait la votre. Drôle de coïncidence vous ne trouvez pas ?
- Oui, répondit Théo sans vraiment y faire attention. C’était un oui mécanique.
Joey le regarda avec un peu plus de précision. Il remarqua les yeux de Théo qui se baissaient à chaque fois qu’il se sentait gêné, et la manière dont ses petites mains avaient de se tortiller quand il cherchait désespérément quelque chose à dire. Là, il paraissait amusé de le trouver là même s’il ne s’y attendait pas. Ou alors il cachait son malaise derrière ce sourire. Un sourire doux et frêle. Joey se surprit à aimer ce sourire, et le rire qu’il avait parfois. Un rire vrai, et non comme d’autres rires obligés. Le sien n’était pas voulu, il ne le contenait pas. Il était vrai.
- Merci pour le cachet. J’espère que je ne vous ai pas trop dérangé.
Joey se leva mais fut soudain prit d’un vertige, sa tête tourna et sa vue se brouilla, une douleur incommensurable s’insinua au creux de ses tempes. Il porta sa main à son front, fronçant les sourcils et faillit basculer. Mais il fut retenu par les mains de Théo. Il avait presque accouru à son secours et avait posé ses mains sur ses épaules. Joey se maintint sur lui, frôlant par la même occasion sa taille.
Ils étaient proches maintenant, aussi proches que Joey pouvait l’espérer. Il lui suffirait peut-être de lever la tête et d’ouvrir les yeux pour les plongés dans les siens et lui faire part secrètement de son envie. Et rapprocher ensuite son visage du sien… Mais la douleur ne disparaissait pas facilement et tandis qu’il essayait de la dissiper les mains de Théo commençaient à trembler. Il se rendait compte de la situation…
Joey se décida et leva les yeux vers lui comme il le voulait. Théo croisa son regard…
- Vous devriez vous rasseoir, dit-il dans un murmure qui prenait plus d’un ordre que d’une subjection. La main de Joey sur sa taille resserra son étreinte. La douleur était quasiment partie.
Et bien ! pensa Théo, il ne perd pas le nord celui-là. Il sentait les doigts serrer un peu plus sa taille comme ils avaient essayé de frôler sa nuque. Encore cette sensation d’impossibilité, cette chaleur timide qui l’envahissait, encore ces questions sans réponse et ce refus. Cette petite voix dans sa tête…
- Ca va ? Bredouilla Théo, le souffle court, sentant le danger… Ils sont trop proches, la limite est franchie… Pas plus loin…
Mais le regard de Joey captivait le sien. Un regard qu’il n’avait jamais vu. Doux et sauvage à la fois, mêlé à cette envie de se rapprocher… Un regard qui lentement se baisser vers ses lèvres puis revenait vers ses yeux… Un regard de cendre… Théo sentait son souffle se perdre, se couper…
Joey rapprochait son visage… Vas-t-en ! Se criai intérieurement Théo, Repousse-le ! Mais ses membres étaient pétrifiés, des tremblements commençaient à prendre possession de lui.
Les lèvres de Joey, petites et fines, s’entrouvrir. Théo les fixait alors qu’elles s’approchaient des siennes… Mais son cœur battait à tout rompre… La main resserra encore sa taille et une autre vint se joindre à elle de l’autre côté. Il était prisonnier… Mais son souffle ! Il ne pouvait plus respirer !
-Non ! Eut du mal à dire Théo alors que d’une main il repoussa Joey. Celui-ci n’essaya pas de le retenir.
Heureusement ! Théo tentait de reprendre son souffle, de chercher de l’air… Sa gorge semblait se rétracter et l’empêcher d’inspirer. Son cœur cognait contre sa poitrine.
Il se recula en respirant bruyamment, son visage était en feu, il sentait des gouttes de sueur perler de son front. Son dos heurta le mur et il glissa par terre. Joey se précipita vers lui, ses doigts frôlèrent les cheveux de Théo alors qu’il avait mis sa tête entre ses genoux pour retrouver son souffle.
- Théo !
La voix de Joey paraissait paniquée… Inquiète ? Théo leva un bras vers lui et montra un point imperceptible dans la chambre.
- … Ven…toline… Bureau… Ti… roir…, tenta-t-il d’articuler. Mais Joey avait compris car il l’entendit fouiller à côté de lui. Quelque chose tomba… Des feuilles volèrent… Puis Joey revint vers lui et s’agenouilla. Il lui mit la ventoline dans la main. Théo releva la tête.
Joey regardait Théo inhaler sa bouffée de médicament.
Le visage de Théo était mouillé de sueur et blême comme la mort. Joey avait eu si peur. Comment avait-il pu tenter une telle chose ? Comment aurait-il pu savoir qu’il était asthmatique ? Son cœur battait la chamade. Il posa doucement, aussi doucement qu’il pu, ses mains sur les épaules tremblantes de Théo et baissa la tête pour le voir, pour capter son regard.
- Ca va mieux ?
Théo le fixa d’un regard vide, fatigué, ses jambes repliées sous son menton, ses bras entourant ses genoux.
- Oui, marmonna-t-il d’une voix faible. Puis il le regarda avec plus de vie et lui sourit, ça va mieux.
Joey soupira de soulagement et laissa retomber tous ses membres comme s’il avait été libéré d’un poids terrible. Il secoua la tête et s’écarta de Théo pour s’asseoir près de lui contre le mur.
- J’ai eu peur, lui avoua-t-il, pardonnez-moi. Jamais je n’aurais dû tenter de… Je ne pensais pas que…
Mais il avait beau chercher, il ne trouvait pas les mots pour exprimer son embarras. Mais quel con ! S’injuria-t-il, quelle pauvre cloche tu fais !
- Vous ne pouviez pas savoir, le rassura Théo.
- Mm. Je suis vraiment désolé.
Théo se leva et commença à marcher de long en large en regardant ses pieds. Une manière de savoir si il allait suffisamment bien pour ne pas s’allonger. Joey resta assit par terre. Il le fixait. Essayait de comprendre comment il avait pu faire aussi peur à ce jeune homme.
- Pourquoi avez-vous peur quand on vous touche ?
Théo se tourna vers lui et Joey fut frappé par la vitesse avec laquelle ses joues avaient repris leur couleur naturelle.
- Vous avez essayé m’embrasser. Ca fait toujours peur. Mais moi je suis asthmatique, le moindre choc me déclenche une crise.
- Vous n’avez pourtant pas eu de crise hier quand je vous ai à moitié sauté dessus dans le couloir.
- Heu… J’ai… failli !
- Je ne voulais pas vous faire de mal pourtant.
Théo croisa les bras.
- Mais vous devez comprendre que si je ne veux pas vous embrasser et que vous, vous insistez, vous me voulez quand même un peu de mal.
- Vous ne voulez pas m’embrasser.
- Non !
- Pourquoi ?
Joey se leva à son tour et mit ses mains dans ses poches. Il jouait au fier et il savait que Théo s’en rendait compte.
- Vous pensez que puisque je couche avec la mère je n’ai pas le droit d’embrasser le fils.
Théo parut frappé par ce qu’il venait de dire, il baissa les bras et arrondit les yeux, ses lunettes lui tombaient à moitié sur le nez. Joey s’avança, tendit une main… Théo se recula soudainement.
- Les lunettes…, lui dit-il remarquer.
Le jeune homme, partagé entre les paroles de Joey et ce geste soudain, rajusta maladroitement ses lunettes.
- Oui, c’est un peu vrai. Vous couchez avec ma mère. Mais aussi… je ne vous connais que depuis hier ! C’est pas un peu direct non ?
- Ah donc, vous me dîtes que quand même, vous avez envie de m’embrasser mais que vous voulez attendre…
- Mais non ! Je n’ai pas envie de… de vous embrasser. Arrêtez avec ça ! Vous ne pouvez être qu’un ami pour moi. C’est déjà bien.
- Un ami ? Vous ne croyez pas au… Comment ça s’appelle ? Coup de foudre ? Ca au moins, on a besoin que de quelques secondes avant le premier baiser.
Théo haussa les épaules en souriant.
- Ne me dîtes pas que vous, vous croyez au coup de foudre.
- Impossible ? Ce n’est pas parce que je baise avec des tonnes de personnes que je suis immunisé contre ce genre de sentiment.
- Peut-être ! Mais pas ici en tout cas.
- Comment cela ?
- … J’en ai marre ! Je ne veux pas vous embrasser un point c’est tout. J’ai peur quand les gens me touche parce que j’ai peur de ce qui pourrait se passer après. Et je ne crois pas au coup de foudre !
Théo lui tourna le dos et se baissa pour ramasser les feuilles que Joey avait fait tomber. Ce dernier ne bougeait plus. Il était assez content de ses questions pertinentes, il avait réussi à le déstabiliser une fois de plus et il ne résisterait plus très longtemps.
Mais il se rendit compte que Théo respirait encore difficilement.
- Ca va ? Demanda-t-il.
Théo ne répondit rien, il continuait à ranger ses feuilles comme si il n’avait rien entendu.
- Bien, Je cois que je vais…
Joey bailla.
- AaaaaaaahMmmmm…, Je vais me trouver une autre chambre où finir ma nuit. Il se pencha un peu vers Théo. Puisque ici je ne suis plus le bienvenu…
Aucune réponse encore une fois.
Joey haussa les épaules et soupira bruyamment. Il se dirigea vers la porte, les yeux baissés et s’arrêta soudain. Un regard en coin vers Théo qui lui tournait toujours le dos… Joey se pencha discrètement et ramassa avec toute la prudence possible une feuille manuscrite et sortit… Théo n’avait rien vu, peut-être trop en colère pour faire encore attention à ses gestes… Peut-être espérait-il trop entendre le bruit de la porte qui se ferme après son départ…
La porte se ferma et Théo releva les yeux en s’asseyant sur le sol. Enfin parti… Enfin seul… Tout seul. Il porta les mains à son visage et le couvrit… cette image encore dans sa tête… Cette silhouette se penchant vers lui et son souffle qui se coupe… la peur qui l’envahit… et pourtant… quelque chose s’était passé… quelque chose se passait en ce moment même en lui… quelque chose qu’il n’avait jamais ressentit avant… physique… un sentiment… d’envie et de frustration. Sa tête lui tournait et… l’image des lèvres de Joey se rapprochant tout doucement vers les siennes… Théo se mit à rougir, une chaleur insoutenable lui brûla les yeux, les mains, son entrejambe le titillait bizarrement… il commençait à avoir ce qu’il avait lu plusieurs fois dans les livres… la trique !!!
Théo se leva et faillit tomber à le renverse… encor levé trop vite idiot !!! Mais il se rattrapa et se dirigea vers la salle de bains. Arrivé, il examina son visage rouge devant la glace et se massa les joues, puis il porta lentement une main vers son entrejambe, le frôla légèrement… Une petite décharge de plaisir l’envahit… Que lui arrivait-il ?
Mon Dieu non ! Je suis en train de bander pour un homme qui ne vent son corps que pour de l’argent et… je sais qu’il ne veut que jouer avec moi, seulement jouer, seulement et rien d’autre, seulement me…?!!! Et pourtant je… le désirerai ? Pourquoi ? Juste parce qu’il a voulu m’embrasser ? Pourquoi merde !!! Prosper me court après depuis des mois et voilà Joey… et il me suffit de quelques minutes pour… ressentir ça ! Cette envie sexuelle ! Mais je ne peux pas ! Je n’ai pas le droit !!! C’est impossible !!!
Théo sentit ses yeux se mouiller, l’image de Joey restait gravé dans son esprit et sa trique n’en devenait que plus forte… Il se déshabilla lentement et entra dans la douche, fit coula de l’eau froide afin de sa rafraîchir les idées et posa le front contre le carrelage du mur. Il se retenait de se toucher… refusant cet éventuel plaisir… mais en serait-il encore longtemps capable ? Ca ne lui était jamais arrivé et aujourd’hui… Jamais il ne l’aurait cru. Comment faire maintenant ? Il fallait qu’il se retienne… ces pulsions sexuelles s’estomperaient bien un jour ou l’autre, c’est certain. Et néanmoins les lèvres de Joey persistaient à vouloir s’approcher… Jamais. Jamais !!!