Merci à tout le monde, je manque cruellement de temps mais je n'aime pas laisser les choses inachevées alors j'espère que cette fin ne vous paraîtra pas trop bâclée
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Bien sûr, James se méfiait des sentiments que cet éphèbe frêle au regard de braise faisait naître au fond de sa poitrine. Parce qu'ils rappelaient à sa mémoire trop de cicatrices enfouies prêtes à se rouvrir. Mais Angel savait ce qu'il voulait et il n'avait vraiment plus rien d'un môme lorsqu'il se mouvait avec cette grâce féline et qu'il posait ses prunelles incandescentes sur lui de
cette manière là. Et puis, s'il devait être honnête, James le désirait. La jeunesse d'Angel n'était pas vraiment une excuse. Il ne s'était d'ailleurs pas donné la peine de lui demander son âge. Il avait juste pris pour habitude de vivre retiré du monde, le plus loin possible des sentiments trop forts qui imprègnent les cœurs sensibles de souvenirs amers inaltérables.
Mais tout chez Angel transpirait la sensualité. Tout était un appel à la luxure et à la volupté. Ses lèvres pulpeuses, l'arête fière de son nez, ses cheveux sauvages et indisciplinés, les courbes presque féminines de ses reins alliées à la virilité de ses muscles... tout faisait vibrer les cordes de l'âme du peintre. C'était si déroutant de se sentir à nouveau
si vivant, si incroyablement humain.Le simple fait de toucher sa peau délicate semblait réactiver en lui des milliers de connexions nerveuses oubliées. Et lorsqu'Angel posa sa main à plat sur sa poitrine, il eut l'impression d'entendre les battements de son propre cœur se remettre en mouvement, comme si toutes ces années, cet organe vital, éprouvé, était resté en hibernation, n'attendant que lui... Alors ses doigts se faufilèrent sous la chemise du jeune garçon, si rêches sur cette peau si douce, si froids sur ce corps si chaud. Il le sentit frissonner à ce contact et il l'entendit rire. Un rire jeune, clair et joyeux. Une mélodie capable à elle-seule de fissurer la glace qui protégeait son cœur. Comme une réminiscence d'une autre vie.
- James...
Était-ce l'intonation de ce simple mot, de son prénom à peine soufflé contre son oreille, mais l'artiste n'écouta plus rien de son appréhension. Oui, peut-être qu'Angel était trop jeune, peut-être qu'ils souffriraient un jour, peut-être... mais pour une fois il fut persuadé que ça en valait quand même la peine...
Et puis, dès lors que leurs lèvres se joignirent, que leurs bassins se soudèrent, que leurs peaux s'effleurèrent, quelque chose de fusionnel, de chimique, les entraîna bien loin de la pensée, là où tout n'est plus que sensation...
Il faut dire qu'ils avaient tout du yin et du yang tellement l’un était le contraire de l’autre et leur complémentarité auraient sauté aux yeux de quiconque se serait retrouvé à observer cette scène.
Angel, jeune homme lunaire à la silhouette diaphane, une peau de porcelaine contrastant avec ses origines latines, et un volcan bouillonnant au fond des yeux.
Et James. Dont la douceur irradiait comme un soleil de printemps, la peau brunie par les réverbérations des rayons sur la mer. Les yeux d’un bleu tellement profond qu’on avait l’impression de pouvoir s’y noyer… Le feu et l’eau réunis.
Résistant pourtant à la tension sexuelle qui appesantissait l’air ambiant, James se recula soudain d’un pas.
- Ne bouge pas.
Angel leva à peine le regard sur lui à ces mots. Les joues rosies, le regard plein d‘étoiles en partie caché par ses boucles brunes. Le peintre attrapa un bloc de feuilles à dessin encore vierges et un crayon sépia.
- Tu es magnifique, dit-il sur le ton de l’évidence.
Et le crayon sembla soudain prendre vie entre ses doigts et danser sur le papier dans un bruissement léger. Une première esquisse tomba à terre, suivie d’une autre et d’encore une autre, l’artiste inspiré enchaînait les dessins dans une transe appliquée, captant l’essence même de son jeune modèle. Angel, d’abord un peu frustré en plein élan, puis embarrassé devant ces prunelles insistantes, se prit rapidement au jeu, adoptant des poses tour à tour lascives ou boudeuses. Puis, lassé de jouer les muses, il se redressa et posa sa main sur celle de l’autre homme et lui murmura sur un ton lourd de sous-entendus :
- Peu importe ton talent, ce ne sera jamais qu’une copie sur tes toiles… alors que tu as l’original qui te tend la main.
- Mmmh, tu as raison… Par acquis de conscience, je devrais mieux m’imprégner du modèle pour être certain du résultat.
Il lui fit un clin d’œil et s’empara à nouveau de ses lèvres.
- J’en ai assez qu’il y ait toujours quelque chose entre nous, que ce soit un fantôme ou une putain de toile à dessin !
Ce disant, le plus jeune lui arracha le bloc des mains et le crayon tomba à terre et roula sous une chaise en rotin. Mais aucun des deux ne s’en soucia. Toujours aussi volontaire et sûr de lui, Angel poussa le peintre vers le lit, retira sa chemise dans un mouvement ample et s'installa à califourchon sur les hanches de l'autre homme.
Et tout ce qui n’était pas eux cessa d’exister.EpilogueMélanie s'était mise sur son trente et un. Elle avait troqué son jean contre un tailleur noir cintré particulièrement flatteur pour sa petite stature et évoluait dans la galerie comme si elle était chez elle. Un grand panneau derrière elle retraçait une courte biographie du peintre mais elle n'en avait pas besoin pour parler de la vie de l'artiste dont il était question.
Le champagne coulait sans retenue pendant ce vernissage un peu plus pompeux que ceux dont elle était coutumière. Il fallait dire qu'il se tenait dans un grand musée parisien en tant qu'exposition du mois. Pourtant, malgré ce faste inhabituel, le peintre ne se montra pas. Sans doute avait-il autre chose à faire, d’autres priorités, ou simplement du temps à rattraper…
- Cette toile n'est pas à vendre, commenta-t-elle à un visiteur asiatique insistant.
L'homme semblant tenace, elle précisa :
- Cette toile vient de la collection personnelle de l'artiste, il y tient tout particulièrement et je pense qu'il ne la cèdera pas quelqu'en soit le prix proposé.
Elle sourit pour elle-même.
Le tableau représentait un jeune homme entièrement dévêtu sur des draps froissés, le visage caché sous une épaisse chevelure brune, avec un arrière fond de bord de mer. Elle s'appelait "
Rédemption"… Un peu plus loin, un superbe portrait du même jeune homme mettait en exergue un regard aux multiples nuances. Son titre était
"mi ange, mi démon". Aucune de ces deux toiles n'étaient à vendre et ne le seraient sans doute jamais du vivant de l'artiste...
FIN