Le tournage de la saison 1 de "Sherlock" suit son cours, les relations Martin-Benedict aussi !
Voici la seconde partie : Midnight love
Au
Speedy’s Cafe, Benedict Cumberbatch attendait la fin de la pause déjeuner en chipotant dans son assiette de salade avocats-crevettes tout en fixant la porte dès qu’entrait quelqu’un. Martin ne revenait pas et il serait bientôt l’heure de se remettre au travail. Des chaises grincèrent, les acteurs se levèrent de table. Louise Brealey se tourna vers Benedict : « Il est passé où, Martin ? » Benedict lui répondit aimablement qu’il ne savait pas, que Martin n’allait sûrement pas tarder, qu’il n’était jamais en retard.
Elle était mignonne, Loo, mais pour autant qu’il sache, il n’était pas marié avec Martin, ils ne se suivaient pas à la trace, ils n’avaient pas de comptes à se rendre, qu’est-ce que Loo pouvait bien s’imaginer.
Benedict posa sa fourchette sur l’assiette toujours garnie de crevettes rose vif et de lamelles d’avocat vert tendre. L’air soucieux, Una Stubbs lui toucha le bras : « Tu n’as rien mangé ! Benedict ! Ce n’est pas raisonnable ! Tu as encore besoin de te remplumer ! »
Benedict assura à Una qu’il se rattraperait au repas du soir. Sous le regard attentif de la vieille amie de ses parents, il mastiqua une crevette.
Après cet exploit, il commanda une tasse de l’excellent café du Speedy’s, tout en prévenant Una qu’il rejoindrait le plateau dans les prochaines minutes. L’actrice lui sourit affectueusement, lui tapota l’épaule et quitta le petit restaurant. Resté seul, Benedict versa le contenu de deux sachets de sucre dans son café, remua, attendit que le liquide refroidisse un peu.
Olivia avait apprécié son bref séjour à Cardiff. Les membres de l’équipe l’avaient chaleureusement accueillie, mise à l’aise, et sans encombre, « Amanda » avait donné la réplique à « Sherlock » et à « John ».
Comme à son habitude, Martin s’était montré brillant et facétieux, avait fait beaucoup rire Olivia, qui en avait redemandé. Rupert Graves avait taquiné Benedict en déclarant que Martin avait conquis « Amanda ».
Après le départ d’Olivia, le tournage du deuxième épisode s’était poursuivi une semaine à Cardiff, avant d’être bouclé à Londres.
Martin n’avait plus effleuré le poignet de Benedict d’un index sensuel, ne l’avait plus caressé de regards magnétiques et troublants. Il était scrupuleusement demeuré dans un registre amical, affectueux et drôle, avait invité à dîner Benedict et Olivia dans la confortable maison proche de Londres qu’il partageait avec Amanda et leurs deux jeunes enfants.
Benedict avait cru être sur le point de vivre une expérience exaltante, inquiétante et attirante. L’attitude de Martin l’avait surpris et vivement déçu.
Et elle l’avait soulagé. Il n’envisageait pas de perdre Olivia. En sa compagnie, il était apaisé, confiant. A son retour à Londres, il avait passé la première soirée et une partie de la nuit à bavarder avec son amie dans leur petite cuisine encombrée, ils avaient partagé une bouteille de vin français et une tourte à la viande. Benedict s’était endormi serein dans les bras de la jeune femme.
Après avoir flâné au hasard des allées et sentiers de Russel Square Gardens, Martin se retrouva devant la fontaine située au centre du parc. Il vérifia l’heure à sa montre, fit demi-tour en direction de la sortie et de North Gower Street.
Peu après l’arrivée d’Olivia à Cardiff, il s’était ressaisi, avait estimé que Benedict restait à portée de ses bras, qu’il suffisait de patienter.
Comme d’habitude, l’attachement de la jeune comédienne à l’égard de Benedict avait été flagrant. Elle le regardait tendrement, lui touchait en toutes occasions épaule, bras ou genou, glissait les doigts dans les boucles indisciplinées de l’abondante chevelure. Son compagnon recevait ces effusions avec gentillesse et réserve.
Martin avait patienté.
Le dernier soir avant le départ d’Olivia, plusieurs acteurs étaient allés prendre un verre dans un pub. Le petit groupe se composait de Martin Freeman, Benedict Cumberbatch, Olivia Poulet, Rupert Graves, Vinette Robinson, Mark Gatiss et Louise Brealey.
Soudain, Benedict avait entouré de son bras les épaules d’Olivia, s’était penché vers son amie, si petite près de lui, avait posé un baiser sur sa tempe, puis un autre sur le bout du nez.
« Ils sont adorables ! » s’était exclamée Louise.
Martin avait tourné le dos à l’adorable couple et s’était concentré sur son verre de vodka tonic.
Il était difficile à suivre, le Ben. Il allait peut-être bien le laisser roucouler avec sa belle, éviter toutes sortes de complications. Avec Amanda, la vie était simple. Mais Amanda était une personne exceptionnelle, et il avait une chance exceptionnelle. Il ferait sans doute mieux de retourner dans ce petit bar de Londres, toujours plein à craquer de beaux gosses tellement faciles à emballer. Il suffisait d’un verre ou deux, le tout additionné d’une bonne dose d’humour, un cocktail efficace et sans embrouille.
Martin avait levé les yeux de son verre vide, observé Benedict assis aux côtés d’Olivia. Les deux jeunes gens bavardaient avec animation avec Louise et Rupert. Sous le regard attentif de Mark et en évitant celui de Benedict, Martin s’était joint à la conversation générale, bientôt pétillante de ses remarques provocatrices et caustiques.
Martin sortit de Russel Square Gardens. Un rayon de soleil se fraya prudemment un passage entre les nuages, le faisant cligner des yeux. Sans crier gare, la remarque de Mark Gatiss s’invita dans ses réflexions : « Avec toi, Benedict a toujours l’air en forme ! » Il accéléra le pas.
Les caméras et projecteurs étaient braqués sur Rupert Graves et Vinette Robinson. Lestrade et Donovan débattaient âprement des compétences et de la santé mentale de Sherlock Holmes.
Appuyé contre un mur, Benedict assistait à la scène, dans laquelle il ne jouait pas. Une épaisse doudoune blanche, incongrue par-dessus l’élégant manteau de Sherlock, le protégeait du froid humide.
Sur le trottoir opposé, entre deux projecteurs éteints, Martin apparut. Aussitôt, Benedict traversa la rue.
Il ne lui était rien arrivé. Jamais il n’était en retard, jamais. Il avait eu peur.
Fagoté dans la doudoune superposée au long manteau, Benedict agitait ses grands bras et parlait sans reprendre son souffle. Martin l’écoutait en souriant.
Il ne savait pas comment se débrouillait Benedict pour être si émouvant sans jamais être ridicule. Comment il se débrouillait pour l’émouvoir à ce point.
Benedict se tut, respira un grand coup. Lestrade et Donovan avaient fini de se disputer. Dans dix minutes, John et Sherlock se retrouveraient au restaurant. Benedict aspira à nouveau une grande bouffée d’air.
Dans les yeux de Martin, la lueur était revenue. Cette lueur-là. Il l’avait reconnue. Il se trompait sûrement. Il était certain de ne pas se tromper. Il n’aurait pas dû être si heureux.
Il était dix heures trente du soir. La journée de travail s’était terminée à neuf heures. La suivante commencerait dès sept heures trente du matin. Le tournage avait pris du retard, les producteurs de la série commençaient à donner de la voix, une grosse voix.
Affalé sur la moquette beige de la chambre, dos appuyé au mur, Benedict pianotait sur son téléphone portable un texto destiné à l’un de ses amis d’enfance. Assis à ses côtés, Martin brandit son baladeur numérique : « C’est toujours aussi fabuleux, Marvin Gaye ! » Il lui tendit les écouteurs : « Surtout «
Midnight love » ! C’est son dernier album, peut-être mon préféré ! Tu veux écouter ? »
Benedict saisit les oreillettes. Un peu de musique serait parfait ce soir, surtout un morceau choisi par Martin. Il termina son message à l’ami d’enfance, « envoyer », « quitter », puis ajusta le casque sur ses oreilles.
Martin posa le baladeur sur le sol : « Et voilà, c’est parti ! » D’un bond, il se leva, alla prendre un livre sur sa table de chevet, revint prestement s’asseoir près de son compagnon, lui sourit, ouvrit son livre.
Benedict se laissa emporter par les harmonies soul et funk. Marvin Gaye entonna «
Rockin’ after midnight ». L’acteur ferma les yeux.
«
Let me rock you into love
I know you give me lots and lots of good lovin’baby
After midnight baby"
Benedict ouvrit les yeux. Assis tout près de lui, épaule contre épaule, Martin lisait.
«
The time, the time is right for you and me tonight »
Benedict referma les yeux.
Maintenant ou jamais.
Il appuya sa tête contre l’épaule de son compagnon.
Une seconde plus tard, ce dernier glissa son bras autour de sa taille.
«
I’m in trouble baby
I love your mind and your body too”
Benedict cala fermement sa tête contre l’épaule de Martin, dont le bras l’enserra plus étroitement. «
Rockin’after midnight » s’acheva. Martin posa sa main sur celle de Benedict : « Ça te plaît ? » Le jeune homme ne dit mot.
Martin rit, précisa : «
Midnight love ! »
Benedict sourit, retira les écouteurs : « Oui »
Leurs lèvres se touchèrent, closes d’abord, bientôt ouvertes.
Oui, cela lui plaisait, oui, Martin sentait si bon, oui, sa bouche le faisait fondre et ses mains sur sa peau aussi, non il ne savait pas où il allait, non ce n’était pas grave.
Martin s’écarta un peu, le fixant de ses grands yeux gris foncé soudain sérieux. Benedict lui rendit son regard, ôta son tee-shirt blanc.
Martin était sans voix. Assis sur le bord du lit, il contemplait son ami, à demi-allongé, tête appuyée contre des oreillers. Benedict avait retiré tous ses vêtements, éparpillés au sol. Martin tendit la main vers son visage, du bout des doigts en parcourut lentement les contours, les pommettes hautes soulignant les yeux de félin, l’arrondi un peu enfantin du menton, les ailes frémissantes du nez imperceptiblement retroussé. Ses doigts s’attardèrent sur le contour sensuel des lèvres, le creux profond et délicieux de leur arc de Cupidon.
Dire qu’il y avait des imbéciles pour le trouver laid. Il leur fallait des lunettes et un cerveau. Ils bavaient devant du fade, de la beauté en plastique, du Ken avec sa Barbie. Qu’ils ne se gênent pas. Le joyau était pour lui.
Benedict embrassa les doigts folâtrant sur sa bouche. Martin se décala vers le milieu du lit, la paume de sa main épousa l’arrondi ferme d’une épaule soyeuse.
Ce corps. Même les imbéciles n’y trouvaient rien à redire. Une statue grecque. Fin du débat.
Martin frissonna. Par où commencer, où poser les yeux, les mains, la bouche.
Le cou élancé et puissant, sa blancheur semée de grains de beauté sombres ; les bras à la musculature nerveuse et fine, les grandes mains aux longs doigts sensibles ; les hanches étroites, les jambes sveltes et athlétiques d’une perfection irréelle ; les étranges orteils fins et déliés ; le bas-ventre et son buisson de poils adorablement bouclés, aux reflets si flamboyants.
Et sous le buisson.
Le regard de Martin ne s’attarda pas.
Le triple trésor recevrait toute son attention, un peu plus tard.
Benedict caressa la joue de Martin, qui plissa les yeux, comme ébloui.
L’éclat de sa peau de roux. Si pâle, lumineuse, fine, féminine.
Toutes ces merveilles étaient pour lui ce soir, pour lui tout seul, il n’y croyait pas. Un étourdissement saisit Martin.
Il n’allait quand même pas tomber dans les pommes, ce serait atrocement ridicule.
Un petit rire lui échappa.
Catastrophe. Benedict allait se vexer, se fâcher, filer. Il l’aurait bien mérité.
Benedict ne fila pas. Dans ses yeux de félin, s’alluma un regard de petit chat étonné. Ses lèvres se pincèrent dans un sourire perplexe, il tendit les bras vers son compagnon, murmura : « Martin… »
- Mon prince…
Martin le serra contre lui, le cajola, lui caressa les cheveux et la nuque. Benedict se détendit, l’étreignit ; le petit chat ronronnait.
Sans plus d’hésitation, les mains et la bouche de Martin poursuivirent leur doux périple.
Il était sept heures et quart du matin. La voiture roulait en direction de North Gower Street. Benedict réprima un bâillement, le troisième depuis le départ. Mark Gatiss remarqua ses larges cernes.
Il avait mal, ou peu dormi. Gros boulot pour la maquilleuse ce matin.
Martin était déjà sur les lieux à leur arrivée. Mark nota les larges cernes sous ses yeux.
Durant une pause entre deux prises, Benedict et Martin s’écartèrent des autres pour un aparté à voix basse. Mark les reluqua. Leurs regards s’attachaient l’un à l’autre dans une intimité profonde et paisible. Du pouce, il frotta machinalement l’extrémité de son long nez.
Apparemment, ils avaient fini par se décider, ce n’était pas trop tôt. Ils étaient peut-être moins stupides qu’ils en avaient l’air.
Mark sourit, puis soupira. Une tasse de thé s’imposait.