Alexandre aurait dû dormir en cette heure tardive, mais il en était incapable. Comment aurait-il pu s’endormir alors qu’il avait devant lui le plus beau, le plus brillant, bijou de son empire… Son Héphaïstion, tendre éphèbe assoupis dans une parfaite illustration de la nonchalance, de la sérénité, dans son propre lit...
Parfois le roi se demandait s’il était tout simplement crédule. Pensait-il vraiment que le fier conquérant n’aimait toujours pas dormir dans l’obscurité et se trouvait mieux en compagnie d’une personne de confiance ? Ou peut-être pensait-il que c’était un caprice de plus de la part d’un roi auquel tout le monde se soumettait… Alexandre détestait cette idée, mais il ne pouvait pas pour autant détromper son camarade. Lui avouer que ce n’était pas par peur ou par confort qu’il demandait sa présence l’amènerait à dévoiler la réelle teneur de ses sentiments…
Ce point aussi était sujet à de nombreuses interrogations de la part du souverain, ainsi qu’à moult craintes. Alexandre avait noyé son aimé de déclarations enflammées, à travers mille poèmes, sans se soucier d’être en public. Et Héphaïstion y avait toujours vu des preuves de grande amitié… Son ami lui prêtait une amitié indéfectible. C’était le cas, mais il y avait quelque chose de plus…
Alexandre l’aimait tant, et ce depuis leurs débuts. Quand le brun s’était opposé pour la première fois au futur roi, ce dernier s’en était retrouvé chamboulé, contrarié, mais avec le temps il y avait vu une qualité. Héphaïstion était un ami fidèle, attentif, un philosophe des plus avisés, un fin stratège, un confident tout trouvé, et tant d’autres choses encore… Le roi se consolait en se disant qu’en faire son amant ne le servirait en rien. Il entacherait certainement la beauté de leur relation en les plongeant dans la luxure, et son général lui offrait déjà tant…
Ils étaient bien ainsi, ils avaient trouvé leur équilibre. Le matin le fils de Zeus se réveillait dans les bras du brun, puis après quelques instants de douceur au lit ils se levaient ensemble pour se restaurer puis se rendre au conseil quotidien en s’occuper des taches rituelles du royaume. Arrivait ensuite l’heure de déjeuner, cette fois-ci en compagnie de tous les généraux, puis Alexandre passait l’après-midi avec son compagnon, que ce soit à chevaucher, à disserter, à planifier voire même à flâner. Qu’importe puisqu’ils étaient ensemble. Et le soir venu Héphaïstion s’effaçait pour le repas, se retirant assez tôt dans les appartements du roi dans lesquels ce dernier le rejoignait pour s’endormir dans ses bras, mettant un terme à une douce journée toujours rythmée par la même routine. Alexandre aimait cette vie et il devinait que son camarade aussi, alors pour le moment les faits pouvaient rester ainsi.
_ Alexandre… Tu devrais déjà dormir. Cesses donc de me fixer et couche-toi…, marmonna le bel endormi. Alexandre rougit en détournant brusquement le regard. Comment faisait-il !? Il avait toujours les paupières closes pourtant ! Depuis quand était-il éveillé ? Avait-il conscience de la nature réelle de son admiration ? Non, certainement pas… Sinon il aurait déjà quitté la chambre depuis longtemps…
Les paupières d’Héphaïstion s’écartèrent alors qu’une moue inquiète s’emparait de son charmant visage. Même quand il sortait tout juste des brumes de son sommeil, son esprit était si vif…
_ Quel trouble t’arrache au royaume de Morphée mon Alexandre ?s’enquit Héphaïstion sincèrement préoccupé. T’aurait-on informé d’un problème que j’ignore ? _ Non, rien de cela. Je pensais juste… Rien qui ne soit digne de troubler ton sommeil mon ami…, le rassura le roi plein de tendresse.
Le voyant se rapprocher du lit, Héphaïstion lui ouvrit les draps, invitation silencieuses à venir se coucher. Alexandre s’y glissa avec plaisir, sachant pertinemment ce qui suivrait. Effectivement le brun lui ouvrit ensuite ses bras dans lesquels le roi s’empressa de se blottir, comme chaque nuit. Ainsi enlacés, ils cédèrent ensemble à Morphée.
|