Chapitre revu 3 / 11 / 2012
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Merci pour vos reveiw, je ne pensais pas réussir à faire pleurer ( je vous assure loin de là mon intention ! )
Bonne lecture ! Attention le chapitre est un peu plus long que les 2 premiers, je n'ai pas pu faire plus court.
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Chapitre 3 : Le roi et le grand dragon.
En ce cinquième jour, le ciel était encore nuageux, voire encore plus triste. Le vent semblait vouloir se manifester un peu plus qu'à l'habituel tout en emportant avec lui les feuilles jusqu'à atteindre le ciel. Une mélodie continuait à se fondre dans la masse, en attendant son jour de délivrance. Elle était porteuse d'un secret qu'elle révélerait le jour venue qui était encore loin. Elle dansait ses journées autour du jeune Pendragon, tantôt caressante et tantôt insensible… Ce chant enveloppé de paroles tournoyait au gré de son humeur, inlassablement, cette mélodie peinait à se faire entendre des oreilles du jeune roi…
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Arthur avait cessé de se lamenter sur son sort et si, la mère de Merlin avait tourné la page, à sa grande surprise, il devait alors,se montrer digne et fière de lui. Cette nuit-là, le grand dragon s'imposa avec insistance dans son rêve, encore plus que ces dernières fois.
Dans le brouillard de ce songe, il se souvint l'avoir vu : survolant au-dessus du lac d'Avalon tout en battant fortement des ailes et en inclinant sa tête comme s'il cherchait un objet au fond de l'eau. D'où il était, le grand dragon avait cette posture d'être offensé parce qu'Arthur écoutait des plaintes que divulguait ce dernier de sa gorge. Elles étaient empreintes de toute sa douleur, mêlée de colère mais surtout d'une certaine croyance… dont le jeune roi ne comprenait pas les mots. Même sans les déchiffrer, il lui suffisait d'apprécier l'intonation qui fuyait aux travers des paroles pour être pénétré de son chagrin.
Arthur semblait percevoir sa souffrance et, instinctivement, il avait fermé ses paupières pour se balancer aux rythmes de ses lamentations. Il se rappelait d'avoir ressenti un mélange de désespoir et de déchirement et, comme s'il avait fusionné avec cet être magique, son cœur battait graduellement. De cette mystérieuse alliance, elle en écoulait toute une tristesse qui envahit tout l'être du roi. Elle en transcendait jusqu'en ses veines.
De cette étrange union, ce fut à travers les yeux du grand dragon qu'Arthur plongea pour en ressortir un corps pâle, ballotant de ses membres comme un vulgaire pantin. Le jeune roi crut que son cœur s'était arrêté à la vue de la personne que tenait le grand dragon : Merlin. La seconde d'après, la bête mythique s'interposa dans son esprit… au point qu'il sursauta lorsqu'il l'entendit hurler '' Arthur !'' d'une voix rauque et dur.
Assis sur son lit de fortune, le jeune roi examina ses mains qui tremblaient encore sous l'effet de cette vision et, en passant une main sur son front, il palpa sa soudaine transpiration. La tête entre ses paumes, il visualisait ce rêve et, en frémissant, il se fit la réflexion qu'il devrait aller au lac. Surement pour apaiser sa peur de reconnaitre à travers ce songe, une réalité qui le dépassait et, aussi de s'apercevoir que peut-être, il y aurait ses réponses.
Arthur n'avait pas osé demander à Hunit la manière dont Merlin s'était donné la mort et, en fermant un instant ses yeux, il revoyait encore le corps détendu de toute flexibilité, livide, gorgée d'eau du lac… Le jeune Pendragon réalisa que ce n'était plus qu'un cadavre et, en déglutissant avec mal être, il ne voulait pas céder à cette emprise qu'avait cette peur incontrôlable sur lui. En secouant la tête, il glissa mollement ses mains sur son visage suivi d'un soupir lamentable. Il ne parvenait pas à interpréter ce rêve. Pourtant, il devinait l'importance de cette confidence imaginaire.
-X-
Arthur n'eut pas le temps d'approfondir ses pensées lorsqu'il entendit le petit brun crier à l'autre bout de la pièce.
— Maman, j'ai faim !
Le jeune roi releva son buste et remarqua que la voix d'Emm paraissait moins aiguë. En sachant que ce dernier ne tarderait pas à se jeter sur lui, comme les jours précédents, il finit par se lever. Les yeux encore ensommeillés, en s'étirant de ses épaules douloureusement courbaturées, il aperçut la tête brune à ses côtés et, avec surprise, Arthur sentit que quelque chose n'allait pas,... du moins avec Emm. Quand il ouvrit parfaitement ses yeux, le fils d'Hunit qui atteignait la veille sa hanche, avait pris une bonne cinquantaine de centimètres. Emm avait toujours le même regard mais, curieusement, Arthur le confondait facilement avec celui de Merlin. La poitrine soudainement comprimée, il envoya valser cette pensée loin de lui d'un geste de la main.
Le jeune roi le détailla rapidement. Il s'aperçut qu'Emm était très fin et semblait avoir douze ans ou à peine plus. Arthur, le visage décomposé, dirigea son regard sur Hunit mais, en croisant des yeux sombres, il s'abstint de toutes questions. Le souffle coupé, il ne comprenait rien et cela l'agaçait… Pas le droit de pleurer, pas le droit de parler de Merlin en présence du petit, pas le droit de poser des questions… tout cela, il l'avait accepté mais, le fait d'être laisser dans une totale perdition, cela l'énervait. Arthur avait ses torts… bien ! Mais, il pouvait tout de même avoir des réponses à tout ce qui se passait autour de lui.
En rangeant ses couvertures avec agressivité, Emm se planta devant lui, mains derrière le dos et, un sourire canaille qui lui rappelait encore son valet. Le voir de si près lui rappeler combien Merlin avait tenu une grande part dans sa vie et ce même sourire qui autrefois lui ravivait ses journées. Un frisson l'électrisa de toute part puis, en caressant de son regard bleu les traits du jeune brun, le jeune roi entendit de la voix pré-adolescente :
— Arthur, nous pourrons aller nous promener dans les bois, aujourd'hui ?
Ce dernier fut étonné de la façon dont il s'adressait à lui. La veille encore, il le tutoyait, utilisant des ON à tout bout de champ. Il haussa un sourcil et répondit aussi calmement que possible :
— Bien sûr mon bonhomme…
Emm retourna auprès de sa mère et se proposa d'aller chercher du bois pour préparer le lait. Arthur voyait dans ses paroles, le signe d'une maturité plus claire. Quand le plus jeune sortit de la maison, Hunit fit signe à Arthur de s'assoir comme à son arrivée.
— Je ne vous demanderais qu'une seule chose Arthur.
Il attendit la suite comme si cela dépendait de sa propre vie.
— Ne posez aucune question le concernant, dit-elle d'une voix qui n'attendait aucune réponse.
Devant le regard interdit du roi, elle se leva et versa le liquide blanc dans un petit chaudron. Le jeune roi était complètement écarté de tout ce qui concernait Emm. Ce dernier ne comprenait pas pourquoi le petit avait grandi en une nuit et surtout pourquoi Hunit ne lui donnait aucune indication. Mais, Arthur n'avait pas le choix et il accéda à son souhait à contrecœur. Il soupira en affaissant ses épaules lorsqu'Emm apparut les bras chargés de bois.
— Hé Arthur ! Nous irons voir la tombe avant de partir ! lui demanda-t-il avec enthousiasme.
A cette question, le jeune Pendragon surprit le mouvement de sursaut d'Hunit et hésita une seconde à lui répondre mais, elle le devança :
— Pourquoi veux-tu y aller Emm ? interrogea-t-elle d'une voix qui ne cachait pas son étonnement.
Son fils se tourna sur sa mère, tête baissée et, il lui répondit, hésitant :
— Parce que je sais que Merlin est important pour moi…
Au nom qu'il prononça, Arthur eut le cœur qui oscilla et se retint de penser à lui. Il ne devait plus y penser ou sinon, il savait qu'il s'effondrait. Il savait honorer ses engagements, mais parfois… il sentait que celui-ci était le plus insupportable qu'il ait eu à tenir. Alors, en serrant sa mâchoire et en fermant ses paupières, il prit une profonde respiration comme si cela le revitalisait et éloignait de lui ses pensées.
Cependant, les mains en forme de poings sous la table, il revoyait encore le regard vide de son valet au milieu du lac… Et ce vide, le jeune roi ne le tolérait plus… aucune chaleur n'y apparaissait… plus rien. Arthur ferma ses yeux quelques secondes pour se reprendre mais, son rêve le rattrapait et il souffrait de se surprendre combien Merlin lui manquait terriblement. Ce fut la gorge nouée qu'il sortit de sa rêverie quand Emm l'appela. Le brun était à ses côtés, le visage incliné devant lui puis il sentit une main chaude se poser sur sa joue.
La chaleur d'Emm le troublait tout comme cette amitié qui s'était avérée bienfaisante pour le jeune roi. Emm le força à le regarder et pour Arthur, plonger dans son regard lui était pénible. Le même bleu, la même attention, la même lueur… c'était trop troublant pour lui. Il avala difficilement sa salive et il le contempla d'un léger sourire. Emm ne dit rien, au contraire, l'autre main sur le côté de sa bouche, il s'approcha de l'oreille du roi et lui murmura :
— Ne soit pas triste, je suis sûr qu'il aurait aimé que tu souries…
À peine les mots étaient franchis de la bouche du brun que les membres d'Arthur se mirent à remuer violemment et, en secouant la tête, il ne se sentait plus d'en endurer davantage. Brusquement, le jeune roi se leva et déclina le petit déjeuner en prétextant avoir besoin de parchemin pour envoyer une missive à Camelot. Sans un regard au plus jeune, il déguerpit rapidement de la maisonnée pour rejoindre la tombe. Tout en courant, Arthur ne comprenait pas Hunit, tout comme il ne comprenait pas qui était Emm.
Pourquoi avait-il grandi en une nuit ? Pourquoi ne se souvenait-il pas de lui quand il était venu ici quatre ans auparavant ? Pourquoi lui ressemblait-il tant ? Et à cette question, une dangereuse envie d'arracher son cœur de sa poitrine se faisait sentir avec cruauté. La douleur était bien trop grande et trop lourde pour lui-même. Pourquoi Merlin avait-il ce pouvoir sur lui ? Comment un seul homme pouvait le rendre aussi faible ? En frappant un coup sur sa poitrine avec brutalité, les yeux mouillés de larmes brulantes, Arthur s'efforça d'éloigner ce supplice de son âme…
Mais elle était bien là, s'inscrivant et poignardant son cœur de ce fléau qu'il ne reconnaissait en aucun de ses pleurs qu'il avait ressenti jusque-là… Ce n'était qu'un valet ! Ce n'était qu'un domestique ! Non, dut-il admettre ! Car, il était son ami, le seul qu'il n'ait jamais eu aussi près de lui. Comment faisait Hunit pour gérer sa mort ? Une mère ne devait-elle pas être la personne la plus susceptible à présenter autant de larmes, voire plus que lui ? Puis, de ses yeux rougis, d'autres perles qu'il avait trop contenues ces derniers jours se libérèrent.
Sa poitrine se tassait lentement au fond de son torse et, en tombant à genoux, il savait qu'il ne pouvait plus rien faire… Rageusement, il frappa la pauvre terre humidifiée de ses gouttes, d'un poing lourd de ressentiment. Arthur avait espéré qu'en restant ici, à veiller sur le frère de Merlin, qu'il arriverait à se pardonner. Mais au fond de lui, il voulait plus que tout que Merlin soit là. Puis, en relevant sa tête sur la pierre tombale, il se demandait si Emm n'était pas en fait Merlin ?
Non se serait trop beau pour lui de croire que le jeune sorcier ait pu survivre pour revenir enfant… Et pourtant… Il aura beau spéculer, Hunit ne lui dirait rien, alors finalement, Arthur réalisait que tout ce qu'il faisait ne servait à rien. Le jeune Pendragon devait accepter sa mort… De cette terrible mélancolie, il était affecté au plus profond de son âme. La vérité était que Merlin n'était plus là et rester auprès de la famille de ce dernier n'avait aucun sens mais surtout, cela ne le ramènerait jamais… auprès de lui. En serrant un morceau de terre froide et molle entre ses doigts, Arthur se laissa emporter par sa tristesse :
— Je suis tellement désolé… souffla-t-il…
En hoquetant de douleur, il avait mal dans son cœur.
— Tu me manques ! Je sais… j'ai été le pire des crétins… reprit-il entre sanglots et châtiments.
— Je veux que tu reviennes ! Je veux que tu sois à mes côtés ! finit-il par déclarer de sa voix brisée.
Sa gorge peinait à lui faire parvenir assez d'air et manquant une respiration, il crut s'étrangler. Durant cette seconde de frayeur où le jeune roi avait laissée parler son cœur, la douce brise le caressa de quelques mots et tel un écho du passé elle lui souffla :
Je lui aurais donné ma vie…
J'aurais veillé sur la sienne…
Le cœur battant, Arthur releva son regard flou sur la pierre tombale… La voix de Merlin n'était qu'une résonance dans cet air mais elle était si distincte et si nette… D'où provenait-elle ? En frissonnant d'espoir, il fixa la pierre mais, rien ne vint à nouveau troubler le silence. Avait-il donc rêvé ?
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Hunit ne comprenait pas pourquoi Emm avait besoin de se ressourcer auprès de cette tombe. Elle avait confiance en ces anciennes lois et son rôle consistait seulement de veiller à ce que leur lien se consolide à nouveau. Elle demanda à Emm de ranger son coin de lit ainsi que ses affaires. Ainsi d'où elle était, elle pouvait percevoir Arthur. Malgré le mal qu'il avait fait à son fils, elle souffrait de le voir dans cet état. Cependant, elle ne pouvait rien lui révéler. Il devait trouver le chemin qui le mènerait à Merlin. En soupirant, elle savait que ce parcours serait dur et périlleux mais si le jeune roi tenait vraiment à son fils, alors elle gardait cette lueur d'espoir.
Elle n'avait pas eu besoin de forcer Merlin à le suivre lorsqu'il était revenu quelques années avant. Malgré la distance qu'avait mis le jeune roi entre son fils et William, ce dernier l'avait protégé jusqu'à sa mort. Merlin avait toujours eu un ami sur qui comptait jusqu'alors… Et quand elle avait vu Arthur, elle n'avait pas besoin de demander pour comprendre l'intérêt qu'avait son fils pour le futur souverain de l'époque, hormis de poursuivre la prophétie. En tant que mère, elle n'avait qu'à regarder Merlin…
Sa dévotion sans failles, ses sourires malgré sa peur d'être trahi et ses paroles toujours pleines de sagesse, tout cela était uniquement destiné à un seul homme. Elle préférait ne pas penser aux conséquences si cela devait échouer. Le cœur serré, elle distinguait les épaules d'Arthur secouées par la force de ses sanglots… Hunit n'avait jamais su ce qu'il s'était passé entre eux et en fin de compte, elle s'en fichait. Le résultat était la preuve que le jeune roi avait mortellement blessé Merlin. Elle connaissait le destin de son fils et avait toujours su qu'il ferait de grande chose mais, quand ce soir-là, elle apprit toute sa peine… que la chair de sa chair abandonnait sa vie…
Rageuse, elle n'aurait jamais eu le courage de supporter la présence du jeune roi. Elle avait pleuré toute la nuit, priant son fils de lui revenir. Survivre à son propre enfant était la pire des angoisses pour des parents. En fixant la tombe au loin, elle prit une profonde respiration et devait accepter ce qu'il adviendrait par la suite. En jetant un regard à Emm, Hunit sortit rejoindre le blond. Non loin de lui, elle entendit de la voix cassée du blond :
— Je ne réfléchis jamais, je suis qu'un arrogant, qu'un sombre crétin… je n'écoute jamais personne…
Elle sentait le poids de l'absence de Merlin autour du roi. Il proférait les mêmes mots qu'employait souvent Merlin pour le définir et un léger sourire se dessina sur son visage. Posant une main sur l'épaule d'Arthur, elle le vit effacer ses larmes et se relever en la fixant droit dans les yeux. Quand elle les croisa, son cœur se mit à battre sous une mauvaise intuition. Le corps droit, elle enleva subitement sa main et patienta devant le silence dont le vent semblait lourdement couvrir.
— Je ne peux plus rester, murmura Arthur, je dois ouvrir les yeux, Merlin est …
Hunit le gifla durement et de sa colère, enfin, elle délivra ses mots longtemps enfouis au fond d'elle :
— Ne réalisez-vous pas tous les sacrifices qu'a dû faire Merlin ! Non, vous n'êtes que cet être arrogant et idiot royal comme le décrit si souvent Merlin !
Essoufflée et enragée, elle reprit prestement en lui décochant le plus sinistre des regards qui soit :
— Il s'est bien caché de vous révéler ses dons mais, avez-vous au moins cherché à le connaitre ? La seule chose que vous n'auriez jamais dû mériter, était son dévouement !
Le souffle saccadé par sa propre peine, elle se jeta sur le blond et continua en donnant des coups sur le torse du roi qui se laissa faire tristement :
— Comment osez-vous venir ici, implorer votre pardon ? ! Comment osez-vous entrer dans la vie de mon fils après ce que vous lui avez fait subir ? ! Comment pensez-vous qu'Emrys réagirait face à votre départ ? ! hurla-t-elle les larmes aux yeux.
Elle ressentait avec gravité l'indignation que lui faisait éprouver le jeune roi, tremblante et ferme, elle baissa la tête pour ne plus lire dans les yeux de ce dernier. Sans plus tarder, elle le laissa quand, subitement elle entendit des pas suivis de pleurs qui s'éloignaient d'elle. Elle comprit qu'Emm avait tout entendu et de son cri, il s'enfuit en courant en direction des bois. Hunit, désemparée, recula de quelques pas et, en tremblant de ses jambes, elle gesticula contre Arthur :
— Partez si tel est votre souhait ! Mais ne revenez jamais ici, ou je vous assure Arthur Pendragon ! menaça-t-elle de son index sur la poitrine de son interlocuteur, je ne me gênerais pas à vous planter une lame en plein cœur !
Le jeune roi n'avait rien d'un souverain aux yeux d'Hunit. Comment Merlin avait-il pu avoir autant d'estime pour cet homme ? Comment ce roi avait pu toucher à ce point son fils ? Hunit lui en voulait tellement, elle l'avait haï mais, elle savait que Merlin n'aurait jamais admis que sa propre mère puisse avoir de telles paroles envers son souverain. Alors las, elle fondit en larmes…
— Je vais ramener Emm… entendit-elle avant de voir Arthur s'enfoncer dans les bois.
-X-
Arthur ne pouvait pas laisser Emm seul dans la forêt. Il courut après lui, en cherchant en vain où il avait pu se cacher. Il se traita d'idiot et d'irresponsable. Il aurait dû le voir arriver mais les gestes et les paroles d'Hunit l'avaient totalement troublé et il sut enfin qui était Emm. De ses mots, Arthur comprit qu'il devait rester tant qu'il n'aurait pas toutes les réponses.
Comment osez-vous entrer dans la vie de mon fils après ce que vous lui avez fait subir ?
De cette question, le jeune Pendragon avait déjà une partie de sa réponse. Il ne manquait que la preuve et l'exactitude de ce fait. Il veillerait sur Emrys puis pour lui-même, il répéta ce nom plusieurs fois comme s'il était sûr de l'avoir entendu un jour… En reprenant le fil de ses recherches, il regretta soudainement de ne pas avoir pris son cheval car, il dut reconnaitre qu'Emm était un rapide et, en serrant des poings, il s'arrêta près d'une clairière. Arthur ne sut depuis combien de temps il marchait mais, en jugeant la hauteur du soleil au-dessus de sa tête, il ne devait pas être loin de midi. Il se cambra un instant le temps de reprendre son souffle et se pinça la langue pour sécréter un peu de salive. Sa gorge sèche l'empêchait de respirer l'air correctement.
Arthur ferma les yeux pour ne pas céder à la panique grandissante tandis que la brise qui tournoyait tout autour de lui, tels des murmures, elle lui souffla '' le lac ''. En se redressant instantanément à ses mots, il savait qu'il n'était pas loin du lac d'Avalon. Malgré la fatigue causée par sa course, sa volonté de retrouver Emm en vie était la plus forte. Lorsqu'il arriva sur les lieux, le vent sembla s'être effacé puis, en reprenant rapidement son souffle, il distingua des bruits de pleurs et la peur que le plus jeune se soit fait mal en courant, le poussa à le rejoindre. Arthur aperçut enfin Emrys allongé contre un tronc d'arbre. Sa tunique avait dû se prendre dans une branche car celle-ci fut déchirée au niveau du torse.
— Emm, murmura Arthur en s'approchant de lui.
Le jeune garçon détourna son visage, déçu par ce qu'il avait entendu. En serrant ses lèvres, il ne jeta même pas un regard au jeune roi.
— Je sais que tu dois m'en vouloir… mais, je te promets que je reste avec toi… repris le jeune roi qui vit les yeux d'Emm se planter dans les siens.
A ce moment, Arthur se figea devant l'intensité des prunelles bleues qui le dévisageait avec colère. Il ressemblait tellement à Merlin et, pour la première fois, il déglutit avec difficulté.
— Vous n'êtes qu'un menteur ! reprit le plus jeune en croisant les bras, vous m'aviez promis de rester mon ami ! Et, au lieu de cela, vous vous enfuyez parce que votre ami dort ! Je compte pour quoi ! Hein !
Menteur ! Son cœur se serra encore davantage en entendant ce mot qu'il avait dit si horriblement… et sa tête avait du mal à comprendre pourquoi Emm ne cessait de dire que Merlin dormait. Puis, en contemplant l'enfant qui était énervé, le jeune roi savait qu'il ne pourrait pas le calmer. Il ne se sentait pas l'âme d'un cajoleur… Alors la seule chose qu'il fit, en s'agenouillant à sa hauteur, fut de le blottir tout contre lui . Sa tête au-dessus du brun, il passa une main dans la chevelure du plus jeune et caressa le dos de l'autre main.
— Je te prie de m'excuser… je ne suis pas doué pour ce genre de situation… bredouilla-t-il.
Il sentit Emrys frissonner contre son corps alors, il lui proposa de prendre sa veste et d'enlever sa tunique qui avait pris l'eau des rosées matinales.
— Je n'aurais pas dû courir… je ne voulais pas que tu me laisses seul… chuchota le brun en le fixant de ses yeux extrêmement brillants.…
Arthur semblait entendre Merlin '' Tu ne peux pas me laisser seul '' Et ce regard qu'il venait de lui lancer fini par l'achever. Le corps chancelant, il prit à nouveau Emrys contre lui et de toute son affection, il lui murmura :
— Pardonne-moi… je ne t'abandonnerais plus…
Le petit homme lui sourit légèrement à travers ses larmes de tristesse et souleva son haut lorsqu'Arthur, médusé, fixa cette tache au-dessus du cœur du brun. Le jeune roi crut s'étourdir devant cette marque quand une seconde sur son bras gauche attira encore plus son attention. Il avait subitement des maux de tête. Des frissons glaciaux semblaient le parcourir de toute part pour y laisser des picotements. La trace sur son bras était au même emplacement qu'avait eu Merlin et celle du torse… la même que la sienne.
Sans faire attention à la réaction du brun, Arthur posa délicatement ses doigts dessus. En caressant la signature de Morgana sur la poitrine du plus jeune, Arthur avait sa preuve… il n'arrivait plus à détacher son regard de cette marque durant quelques secondes. Étrangement, durant ce laps de temps si infime et si court, un filet de sentiments le traversa, fluides et éternels, Arthur éprouvait un tel bouleversement qu'il ne le reconnaissait pas.
Une émotion toute à la fois douce, harmonieuse, attirante et enveloppante… Mais le plus dur à cerner fut cette mince sensation d'explosion dirigée contre… Morgana dont l'image se glissait dans son esprit. Le cœur vacillant, Arthur ne saisissait pas ce curieux partage… L'immensité de ce sentiment s'incrusta au coin de son cœur mais, ce dernier n'en comprenait pas le moindre sens car ce n'était pas les siens. Parallèlement, Emrys se mit à hurler en posant ses mains sur ses oreilles. Terrifié, le jeune roi recula quand le brun fut entouré d'une lueur bleutée.
— Emm ! cria-t-il effrayé en se relevant.
-X-
Un vent provocateur se fit plus violent à ses côtés et, en se retournant, Arthur eut un moment de panique en se trouvant nez à nez avec Le grand dragon. Le jeune roi se sentit soudainement petit et, de son regard étonné, la bête imposait beaucoup de sa prestance : le buste redressé, tel un fier compagnon, il fixait le jeune Pendragon.
— Bonjour Arthur, souverain de Camelot.
Arthur sursauta devant le son de sa voix et, en se reprenant, il inclina seulement la tête.
— Je ne suis pas là en tant que votre ennemi, Votre majesté.
Son cœur se pinça aux souvenirs de cette même souffrance que le jeune roi ressentait à travers la voix.
— Vous devez absolument veiller sur Emrys…
Le jeune Pendragon allait lui répondre lorsqu'il entendit le grognement de la bête.
— Je me nomme Kilgarah et Merlin est un seigneur des dragons… Mon seigneur, avoua-t-il avec tristesse.
— Je… se permit le jeune roi avant d'être coupé par un nouveau grognement.
— Comptez-vous lui en vouloir de vous avoir caché aussi cela ? gronda Kilgarah en approchant son œil droit du roi.
Penaud, Arthur sentait naitre un malaise soudain… non, il ne pensait pas à cela… Soudain, des sentiments puissants parvinrent à s'immiscer en lui et cela furtivement…
— Sire, le jour où vous avez violemment blessé mon maitre, de vos paroles et de votre regard vous l'avez tué !
Arthur devinait sa colère et ne souhaitait pas l'éveiller dans ce sens-là puis, d'une douleur effroyable, il posa une main sur sa poitrine qui semblait peu à peu l'étouffer.
— Merlin n'est pas un sorcier comme les autres, il n'a pas choisi la magie. C'est elle qui l'a élue et Merlin est né avec cette magie… SA MAGIE !
Le blond écoutait avec attention et plus la bête parlait, plus Arthur se sentait tirer vers le sol.
— Il n'a jamais voulu être diffèrent mais, telle était sa destinée, il se devait de veiller à ce que vous montiez sur le trône !
Kilgarah se posa de tout son corps sur le sol et reprit :
« — Arthur, il y a des choses que vous ne pourrez jamais comprendre mais vos mots ont profondément anéanti Merlin. Le plus difficile, pour lui, a été de percevoir votre rancœur contre la magie et, tout cela, dans votre regard. Ayant lui et moi un lien, j'ai senti sa peine…» dit-il d'une voix grave.
Le dragon avança un peu plus près du blond et lui hurla presque :
« — Sa peine était telle que je n'ai même pas pu en récupérer une partie pour le soulager ! Elle était telle que j'ai ressenti l'ampleur de sa souffrance ! Elle était destructive ! J'avais beau le prier de me laisser la porter mais, il a préféré encore mourir que de me la donner ! Et c'est ce qu'il a fait ! poursuivit-il le visage durci dont une seule larme céda pour atterrir sur la terre... Sa magie ! Merlin l'a rejeté en même temps qu'il s'est laissé mourir et, tout cela à cause de vous ! J'ai traversé des royaumes pour parvenir à le raisonner et… lorsque je n'ai pas pu le consoler… Merlin avait déjà décidé de reposer au fond du lac… » finit-il par souffler en tremblant.
Kilgarah s'arrêta quelques secondes pour renifler tout en tentant de conserver sa colère… Arthur, la gorge serrée à ces révélations, n'aurait jamais pensé un jour en arriver là. La tête baissée, il aurait troqué sa vie pour que Merlin revienne et, malheureusement, il avait dit tout haut ce qu'il pensait…
« — Arrêtez de geindre ! Il ne se serait jamais permis de prendre votre vie contre la sienne ! La vôtre a bien plus de valeur à ses yeux ! Merlin est un puissant sorcier, bien plus davantage que tous ceux que vous auriez pu croiser ! Mais, Merlin vous portez aussi dans son cœur et, malgré sa place de valet, il avait accepté son destin. Mais VOUS ! Vous l'avez réduit en mille morceaux ! Le rendant encore plus vulnérable ! Ne comprenez-vous pas que vous étiez sa force tout comme vous étiez sa faiblesse ! Vous ne pouvez pas savoir quelle avait été la puissance de vos paroles pour l'avoir vidé de toute son essence vitale mais, la portée de sa douleur a été telle que Merlin a baissé son aura. Envolée ! Car cela permet aux sorciers de cacher leurs capacités par les autres, qu'ils soient bon ou mauvais. Sans cette aura sa magie s'est évaporée dans la nature !»
Kilgarah soupira et continua devant le regard humide du jeune roi qui s'agenouilla subitement comme si le poids de la douleur s'alourdissait sur ses épaules.
« — Les druides ont aussi perçu sa peine mais, la vie de Merlin leur échappait déjà et, ce jour-là, je me suis allié à eux. La nature entière est bouleversée parce que Merlin n'est pas un druide comme tout le monde. Il est Emrys, celui qui devait réunifier la nouvelle Albion et cela sous votre règne. Une prophétie, longtemps avant vous, avait été contée et sa naissance a été seulement due par la vôtre. De cet espoir, vous l'avez dévasté en un seul geste ! Comment pensez-vous que la nature vous récompensera ? N'entendez-vous pas les lamentations du vent ? Ne voyez-vous pas les arbres se cambrer de chagrin ? N'apercevez-vous pas la peine du soleil, père de la vie ? Ne remarquez-vous pas la dépression de la Terre, mère de l'essence vitale ? Et ce ciel gris qui s'étend à tout horizon pour annoncer leur perte ! Non Roi Arthur ! Vous avez agi sous l'impulsion et vous n'avez même pas remis en cause votre loyauté ! Et parce que Vous êtes roi, vous vous êtes cru au-dessus de lui !
Lentement, le grand dragon finit plus calmement :
— Merlin était notre sauveur et que me vaut ma vie sans lui ? Je ne suis plus rien sans sa présence ! Vous avez brisé l'aspiration que seul Emrys pouvait nous apporter. » Gémit le dragon suivi d'un hurlement poignant.
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Arthur, en posant ses deux mains en avant sur l'herbe, ne réalisait pas l'importance de son geste. Le souffle saccadé, il parvenait à peine à tout comprendre. Les paupières closes, il se rendait compte, combien Merlin était avant tout le gardien du monde magique, qu'il était encore plus essentiel que lui… Et d'entendre le dragon lui dire pratiquement les mêmes mots que la lettre… il aurait voulu mourir… De ses souffles irréguliers, en étouffant ses airs, Arthur se sentit indigne de porter la couronne… Il la sentait… cette souffrance qui s'insinuait lentement au plus profond de son être. Il avait honte et toute cette douleur qui le traversait comme un poignard… en plein cœur le fit frissonner.
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« — Je ne pouvais pas accepter que mon maitre se laisse mourir ainsi. Avec l'aide d'Iseldir, le chef des druides, nous avons demandé l'aide de l'ancienne religion pour nous rendre Emrys. Sachez, Arthur, que Merlin ne voulait pas revenir. »
Le jeune roi finit par s'écrouler entièrement en entendant ses derniers mots.
« — Nous avons pu tout de même lui proposer un choix. Elle n'est pas donné à tout le monde… le choix d'une vie… Merlin a accepté de retourner enfant chez lui et sans aucun souvenir de sa vie d'adulte. Pour le village, nous avons dû mettre une tombe à son nom. Ironiquement, Emrys, inconsciemment sait qui il est mais, il s'y refuse. J'ai placé autour de la maison d'Hunit une paroi temporelle qui permet à Merlin de grandir et d'empêcher les villageois de le voir. Selon son envie, il évoluera à son rythme mais, s'il atteint sa dix-huitième année ou plus, je devrais consentir à ce que son souhait soit validé. »
Arthur, les larmes aux yeux et toujours allongé par le tiraillement des émotions, lui murmura :
— Je regrette tellement ce que je lui ai dit…
— Merlin vous a toujours été loyal ! Il m'a même laissé la vie sauve malgré que j'aie attaqué votre royaume ! Et, Merlin mérite d'être sauvé ! cria soudainement Kilgarah.
Un souffle âcre sortit des narines de la bête et reprit avec calme :
— Je dois vous prévenir qu'Emrys n'a plus ses dons, ce fut la seule condition de Merlin pour accepter son retour.
Kilgarah dirigea son regard sur le corps qui reposait plus loin. Malgré la souffrance, le jeune Pendragon se releva difficilement.
« — Je vois qu'il vient d'avoir quatorze ans… la bête baissa la tête tout en la secouant. Arthur, Merlin vous a donné sa vie… et il a reçu votre haine comme une lame que vous lui aurait planté si lentement que la douleur elle-même n'avait aucun poids face à vos paroles… »
— Non, il doit avoir dix ou douze ans… rétorqua timidement Arthur avant de s'apercevoir qu'en effet Emm avait encore grandi.
— Sire, Emm apprécie votre présence et surement a-t-il envie de grandir auprès de vous… Kilgarah soupira, prenez soin de lui Arthur…
Le dragon se releva et finit par lui dire d'un ton triste qui fit frémir le jeune Pendragon :
— Merlin attend une vérité qui effacera vos mots… elle se trouve en chacun des signes du destin… passé, présent et futur… Je ne peux rien vous dire de plus…
Enfin, le jeune roi s'apercevait que tout ce qu'il ressentait à l'instant-même, était la souffrance du dragon.
« — Ce que Merlin ne sait pas, c'est qu'en mourant, sa peine, trop lourde à porter, m'a affectée… C'est pour cela que vous la ressentez... n'oubliez pas que vous êtes aussi né de la magie. Peut-être pas comme Merlin, mais elle fait aussi partie de vous, dit-il en secouant la tête, si vous tenez un tant soit peu à lui, Arthur, souverain de Camelot, trouver cette vérité qui annihilera vos paroles… »
Ainsi, Kilgarah le laissa sans lui permettre de poser de questions.
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Arthur était désemparé… Le corps encore tremblant, il tenta de s'assoir un instant… son regard planté au ciel, des perles s'échappèrent pour calmer la Terre de cette blessure. Oui, il avait partagé la peine de Kilgarah et il a pu percevoir cette terrible sensation… il prenait conscience que cette émotion était dévastatrice et, en serrant sa mâchoire, il se devait de ramener Merlin, quitte à lui donner sa vie.
-X-
Quelques minutes plus tard, ses esprits revenus, en s'agenouillant près du corps fin, son cœur se serra. Merlin était vivant… et, en refermant les poings, il s'injuria de savoir que son valet n'avait pas voulu revenir. Pourquoi Merlin refusait-il sa vie ? Arthur ne comprenait pas… Il aurait dû réfléchir avant de lui cracher ces mots et peut-être que rien de tout cela ne serait arrivé ! Il avait envie d'hurler, de crier sa peine… mais, en avait-il le droit ? Cette douleur de l'avoir perdu et surement d'échouer lui faisait peur…
— Non, ce n'est pas possible… chuchota-t-il…
Les yeux clos, il respira profondément en se disant qu'Emrys était là et, que par cette occasion, il devrait réussir à le retenir… Arthur ne savait pas s'il y parviendrait. Sa poitrine comprimée, il ne comprenait pas la raison de savoir que seul Merlin arrivait à le faire autant souffrir… Le jeune roi avait déjà vécu ce genre de situation mais, jamais personne n'avait été si proche de lui. Jamais personne n'avait chamboulé sa vie comme il le faisait.
Le regard ouvert, il dut admettre qu'il tenait bien plus à lui qu'il ne le pensait. Tellement de regrets… et pourtant, Emrys était si proche tandis que Merlin semblait à la fois si loin de lui… Etait-ce donc sa sanction ? Arthur savait que s'il n'arrivait pas à le ramener qu'il serait incapable de régner sans sa présence.
— Arthur ? entendit-il en voyant Emm qui se réveillait. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Sorti de ses pensées, il effaça rapidement ses traces de larmes puis, il lui mentit :
— Nous voulions nous promener…
-X-
Planant autour des deux jeunes gens, le vent portait encore en ses souffles cette mélodie d'un autre temps, là où Merlin avait laissé sa voix. Tristement, il attendait que le jeune roi réalise qui était le jeune sorcier. La nature tentait d'apaiser sa douleur dont la tombe s'imprégnait chaque jour. Le druide avait un pouvoir mais, celui-ci fusionnait avec elle, comme dans chacune de ses incantations, Merlin puisait en son sein. Et, pour le seul homme qu'il avait veillé, la nature l'avait toujours soutenue mais, le jour où tout a basculé, elle avait laissé évanouir la magie de Merlin.
Les animaux pleuraient aussi sa peine car, sa souffrance était telle qu'ils n'arrivaient pas à le consoler. L'esprit du plus grand druide s'était déjà réfugié dans un coin de sa mémoire. Alors, la brise patienterait encore car, elle sentait que bientôt Arthur serait prêt…
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A suivre
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Voilà pour ce chapitre, alors verdicte ?
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Aynath