Après plusieurs essais dans l'univers Sherlock, j'avais envie de renouer un peu avec le RPS. La fiction en plusieurs chapitres avancent lentement mais sûrement ; en attendant, je vous propose un petit OS sans prétention.
J'espère qu'il vous plaira, bonne lecture !
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Cracks & FailuresRating : G
Disclaimer : ces deux hommes ne sont -malheureusement- pas miens ! Je ne prétends pas non plus
raconter leur vie.
Résumé : Jude se réfugie, au calme, dans sa suite bien trop luxueuse pour oublier une rupture. C'était sans compter sur un invité surprise...
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Penché par-dessus son balcon, Jude contemplait avec mélancolie les milliers de lumière de New York. Cette ville avait quelque chose de terrifiant ; éternellement en activité, elle ne laissait aucun répit à ses habitants ou ses visiteurs d’un jour. Bars, cinémas, boîtes : Jude aurait pu passer une agréable soirée seul ou en compagnie de l’équipe du film, réunie au restaurant. Si seulement il l’avait voulu. En effet, le cœur n’y était pas ce soir. Sa chambre lui paraissait être le lieu le plus approprié pour broyer du noir.
Ruminant une nouvelle rupture fraîche d’à peine quelques heures, l’Anglais n’aurait jamais été d’humeur à rire ou à discuter avec ses collègues. Longtemps, Susan l’avait sollicité mais sans succès. Robert était resté à quelques pas d’eux deux, à l’écart. Il ne lui avait pas adressé un mot mais Jude avait reconnu l’expression qui tordait son visage : l’Américain se doutait qu’une chose ne tournait pas rond chez lui. Il n’avait cependant rien dit et avait accompagné Susan au restaurant sans un mot de plus.
Robert le coincerait sûrement demain, au vestiaire ou entre deux interviews, pour un interrogatoire dans les règles de l’art. En attendant, Jude se lamentait seul, accoudé à son balcon, son Ipod vissé dans les oreilles. Il passait les chansons une à une, choisissant les plus tristes ou les plus parlantes, dans un pur sentiment de masochisme. Il aurait volontiers commandé autant d’alcool que son cachet le permettait ; Il ne voyait cependant pas l’intérêt de s’enivrer seul, dans une suite new-yorkaise hors de prix. Ce luxe environnant lui renvoyait un constat encore plus douloureux : tout lui était acquis, il pouvait tout avoir : des caprices les plus farfelus aux plats les mieux cuisinés, du vin le plus cher à la drogue la plus raffinée. Avec un peu d’argent de plus, la compagnie se serait pressée dans sa chambre ; la nuit aurait été charmante, le réveil plus douloureux encore en réalisant que les vêtements éparpillés sur le sol avait été ramassés et la porte refermée sans trop de bruit. New-York était un catalogue immense ; tous les plaisirs – coupables ou non, répréhensibles ou légaux – étaient accessibles à condition d’allonger les billets. L’essentiel était pourtant inaccessible ; de l’Amour à la compagnie honnête et sincère d’un seul véritable ami, ce qui avait un tant soit peu de vraie valeur relevait de l’utopie dans cette mégalopole grouillante d’hypocrisie et de superficialité.
Il aurait apprécié joindre la Grande-Bretagne, déverser sa tristesse au téléphone à Ewan. Il était presque deux heures du matin à Londres ; il ne tenait nullement à ennuyer son meilleur ami aussi tard. En arrière-plan, c’était un autre drame plus discret qui se tramait : sa ville lui manquait. A côté de cette ruche américaine, Londres lui paraissait avoir une certaine dimension humaine. Or, il était perdu à plusieurs milliers de kilomètres de là. Décalage géographique, affectif : il était impatient de retrouver sa villa anglaise.
Rien ne semblait lui remonter le moral : les compliments, en ce moment, lui donnaient envie de vomir ; fatigué de s’interroger sur la sincérité de ces mots, sur la réelle intention de celui qui les avait proférés. Etre courtisé, c’était se remettre en question à chaque instant, juger s’il fallait fuir ou non la personne qui se tenait devant vous. Si vous vous laissiez charmer par une personne malintentionnée, votre argent ne tenait bientôt plus aux doigts. En preuve, la montre Armani offerte en série limitée dont il ne lui restait que le coffret.
Intrigué par un son extérieur à la chanson, Jude extirpa ses écouteurs de ses oreilles. Ecoutant plus attentivement, il remarqua enfin qu’on tambourinait à la porte avec fureur. Inquiet, il s’approcha et jeta, par le judas, un coup d’œil dans le couloir. Il n’eut aucun mal à reconnaître le visage déformé par le verre concave. Les grands yeux bruns ombragés par ces cils immenses ne pouvaient appartenir qu’à une seule personne :
- Downey, tu t’es perdu sur le chemin du restaurant ? Lui lança Jude, amer et peu prompt à la discussion, en ouvrant la porte. J’peux pas t’aider, j’ai même pas demandé l’adresse.
L’Américain était rentré dans la chambre, refoulant aussitôt la politesse. Déposant un sac en toile sur le lit, il vida le contenu sur le lit de son benjamin. Jude s’approcha, curieux mais déjà irrité des fantaisies de son ami :
- Tu sais bien que j’adore passer du temps avec toi mais… ce soir, je préférerai être seul. Puis, va rejoindre Susan, elle va finir par s’inquiéter ou me détester. Tu passes presque autant de soirées avec moi qu’avec elle !
Dans un sourire réconfortant, Robert lui précisa que Susan était à l’origine de cette visite. Elle l’avait purement et simplement renvoyé du restaurant :
- Elle est inquiète pour toi. Confia l’Américain en dévisageant le jeune homme. Moi aussi. J’attends devant ta porte depuis cinq bonnes minutes.
- Ah… Excuse-moi, j’écoutais un peu de musique sur le balcon. Justifia l’Anglais en pointant l’Ipod, gage de bonne foi.
Jude accueillit, avec un demi-sourire, les cadeaux que Robert déposait sur son matelas : cigares cubains, vins millésimés, bouteille de champagne. Il saisit une de ses dernières et reconnu l’une des appellations les plus prestigieuses. Robert eu un rire nerveux et lui fit une confidence :
- J’ai fait passer les deux bouteilles sur la note de Guy.
- T’es vraiment sans gêne, Downey.
Jude se dérida en imaginant la tête de leur réalisateur lorsqu’il devrait régler sa facture le lendemain. Débouchant une des bouteilles de Bordeaux, Robert lui tendit le divin breuvage :
- Quitte à déprimer, autant le faire dans les règles de l’art.
- T’es adorable d’être venu mais… J’aimerai autant passer la soirée, seul.
Nullement froissé, Robert chercha à intercepter le regard fuyant de son ami :
- C’est souvent au moment où on a le moins envie de voir quelqu’un qu’on en a, en réalité, le plus besoin. Déclara l’aîné en s’asseyant sur le lit sans en demander l’autorisation. J’en sais quelque chose, Jude.
Reconnaissant, l’Anglais capitula. D’un geste tendre et naturel, presque paternel, Robert l’attira à lui. Resserrant son étreinte , l’aîné posa son menton sur l’épaule du jeune homme. Il ressentit les petits tressautements, quelques spasmes qui devinrent des sanglots. Instinctivement, sa voix trouva les mots justes ; sa main essuya pudiquement les quelques larmes qui sillonnèrent les joues de son ami.
La timidité et la gêne reprirent le dessus. S’écartant l’un de l’autre, ils se regardèrent comme de nombreuses fois : jugeant cet échange un peu trop délicat pour être honnête, ils éclatèrent finalement de rire en se gratifiant d’une tape virile dans le dos. Après tout, ils étaient des hommes. Des vrais.
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Allongé sur le flanc, appuyé sur son coude, Robert regardait son jeune acolyte. Il semblait dormir, les yeux fermés. Espiègle, l’Américain s’agenouilla aux côtés de son ami : plaçant ses paumes sur le torse du benjamin, il s’éclaircit sa voix enrouée par le cigare cubain :
- Jeune homme en état de peine de cœur… Chargez à deux-cents soixante !
Se trahissant par un demi-sourire, Jude joua le jeu et se cambra avant d’ouvrir brutalement les yeux. Robert acheva le jeu avant de reprendre un ton plus sérieux :
- Il est sauvé ! Se réjouit-il, amusé, avant de faire la moue. Ou presque. Ce n’est pas ta première rupture, Jude. Entama l’Américain, un peu maladroitement.
- Je n’avais encore jamais été largué par un colis recommandé avec accusé de réception. Lui répondit le Britannique, confiant un paquet à son comparse de beuverie.
Robert détailla l’objet : un coffret de montre Armani vide assorti d’un petit message : «
Merci pour tout. Elle est magnifique mais il vaut mieux en rester là. » Les lèvres de l’Américain articulèrent un qualificatif grossier. Retournant la boîte, il remarqua que le bijou appartenait à une collection exclusivement masculine. Ceci ne l’étonnait pas particulièrement ; il connaissait la plupart des détails de la vie privée de son ami. Cependant, ils n’en avaient jamais parlé ouvertement. Robert préféra ne pas s’engager sur cette voie et fit mine de n’avoir rien lu.
Amicalement, l’Américain abattit sa patte et caressa les boucles blondes de son ami :
- Quelqu’un qui réagit avec aussi peu de classe ne mérite pas quelqu’un comme toi.
Jude ne savait pas comment répondre à ce compliment. Laissant retomber l’ambiance dans quelques minutes de silence, l’Anglais descendit une nouvelle flûte de champagne. Les yeux dans le vague, il s’adressa à son ami d’une voix étrange :
- Tu as de la chance, Downey ! Susan est une femme exceptionnelle, ne la laisse jamais filer. Lui confia-t-il, un sourire triste flottant sur ses lèvres. Je suis toujours… Un peu jaloux, quand je vous vois à deux. Vous rayonnez.
- C’est gentil. Tu sais… C’est un message d’espoir, en quelque sorte. Il y a dix ans, je n’aurai jamais osé penser que je puisse être heureux à ce point, un jour. Si une ruine comme moi a pu trouver le bonheur, il n’y a pas de raison pour que tu ne connaisses pas la même chance. Sois patient.
Jude tourna timidement son visage, dévisageant presque son ami ; il avait toujours apprécié quand Robert s’ouvrait à lui, se laissant aller aux confessions sur ce passé sombre et difficile. Il y avait toujours quelque chose de fascinant ses yeux et c’était précisément ce que Jude cherchait à voir en ce moment même. Le regard confus, un voile venait ternir les yeux d’habitude si pétillants. Dans ce caractère affirmé et dominant, il y avait une faille, une cassure qui n’apparaissait que lorsqu’il évoquait ces souvenirs tapis au fond de lui, prêt à lui infliger une morsure de rappel : la descente aux Enfers pouvait s’amorcer bien plus vite qu’on ne le pense. Si ce jour, il était un acteur convoité et un homme comblé, il pouvait tout aussi bien redevenir moins que rien dès le lendemain. Heureusement pour lui, la vie lui avait offert un garde-fou : Susan veillait de près.
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I want love¹. Entonna Jude pour le sortir de sa torpeur, parodiant le clip dans lequel apparaissait son ami. Je pensais vraiment que c’était le bon.
Robert sourit, songeant au fait que Jude avait enfin lâché le morceau quant au sexe de cette nouvelle ancienne conquête. Jude interpréta ce rictus d’un bien mauvais angle :
- Oui, un homme ! On est tout à fait capable de bâtir un couple sérieux et homo. Mais évidemment, à tes yeux d’Amerloque primaire, tu- Enfin, t’es un modèle, on l’sait bien ! Un fils unique parfait, une femme parfaite, mais-
Renversant une grande partie du champagne sur les draps, Jude s’agita brusquement. Robert lui attrapa le bras violemment. Le visage dur, il l’intima de se calmer pour de bon :
- Tu arrêtes tout de suite. Premièrement, je me fiche royalement de la personne avec laquelle tu couches, deuxièmement, je n’osais pas te le demander, voilà pourquoi je souriais ! Et enfin, je ne suis pas spécialement le gars que tu dépeins. Ce n’est pas si simple de vivre avec un passé comme le mien ! Tu as une idée de la méfiance de la famille de Susie envers moi ? Des trucs qu’a entendu ou appris mon môme ? Indio ne me pardonnera jamais certaines choses, mais je dois faire avec !
Jude se mordit la lèvre jusqu’au sang. Il s’en voulait de s’être emporté ainsi :
- Je ne voulais pas dire cela. Confessa-t-il, affreusement honteux. Je partirais volontiers mais… A moins qu’on ne fasse un échange de chambre pour la nuit, ce serait dur de quitter ma propre suite.
Cette remarque détendit légèrement l’atmosphère électrique :
- Comment as-tu pu croire, un instant, que je pouvais me moquer de toi ? J’apprécie tout particulièrement le coup de « l’Amerloque primaire » … Si j’avais un problème avec tes préférences, je ne serais pas venu te rejoindre dans ta chambre. J’ai vécu certaines expériences qui m’appellent à être très tolérant. Une amitié va au-delà de ce genre de choses. On est bien d’accord ?
Grondé à la manière d’un enfant, le jeune homme baissa la tête. Doucement mais sûrement, quelques larmes vinrent s’écraser sur les draps. Robert soupira, regrettant le ton dur qu’il avait employé. Dépité, il l’attira à lui et le prit bien maladroitement dans les bras :
- On oublie. On est un peu fatigué, un peu énervé peut-être… Triste, aussi.
Plutôt que de se relever, Jude s’enfouit un peu plus loin dans le creux de l’épaule de son ami. Nullement gêné, Robert caressa le dos du Britannique pour calmer les sanglots. Inconsciemment, sa main glissa dans les cheveux blonds tout en se balançant doucement, comme pour se bercer. Une odeur de parfum Dior vint l’emporter dans des rêveries. Depuis quelques secondes, il y avait une complicité étrange qui s’était formée. Logé dans les bras l’un de l’autre, aucun des deux ne semblait vouloir bouger.
Robert connaissait les bienfaits d’un couple stable, d’une vie de famille équilibrée ; il regrettait amèrement que son ami ne puisse profiter de cette vie idyllique. L’Américain avouait être fier de son mariage, de sa vie de famille. Cependant, quelque chose lui manquait. Depuis six ans, sa vie prenait une tournure exemplaire, lisse et sans écarts. Sans vouloir renouer avec ses tords, il ressentait le besoin de sortir du rang, de redevenir l’homme imprévisible qu’il était. Ne plus être un modèle mais un homme, avec ses faiblesses, ses failles et ses erreurs.
Discrètement, Robert déposa un baiser chaste sur la tempe de son ami. L’Américain fut incapable de réfléchir avec sa tête cette nuit-là. Il préféra écouter son cœur, celui qui lui avait dicté des choix parfois passionnés. Après tout, il avait toujours fini par s’en sortir, d’une façon ou d’une autre.
Réconforté, Jude écarta son visage pour le remercier, les yeux dans les yeux :
- Merci Robert, pour tout. T’es vraiment un ange.
Approchant son visage de celui de l’Anglais, il fondit ses lèvres sur celles de son ami. Cueillant ce baiser dans une tendresse éblouissante, l’aîné ne vit jamais les yeux stupéfaits de Jude qui, bientôt, se fermèrent de ravissement.
Robert était avant tout un homme. Peut-être, avait-il été coulé de force dans ce modèle d’ «
ange ». Mais celui-ci n’avait qu’une seule volonté : s’écorcher les ailes et trébucher de son ciel azur vers ce lit. Quitte à tomber un jour ou l’autre, il préférait que la chute soit belle. Collé contre ce corps encore inconnu, la nuit lui promettait des péchés tendres ; cette vie de mortel lui suffisait, le ciel pouvait bien l’attendre.
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"I want love" est une chanson d'Elton John. Robert Downey Jr apparaît dans le clip mais n'y chante pas.J'espère que cette lecture vous a plu. J'ai hâte de recommencer à écrire du RPS.
J'avais une petite idée en tête, sur notre couple préféré, mais aussi avec la participation de deux invités... Nous verrons si cela se concrétise.
En attendant, merci pour votre lecture !