Coucou! Je viens apporter ma modeste contribution au club des fans d'Alexandre. Comme d'hab' j'ai un mal de chien à trouver un titre alors j'en mettrais un plus tard. C'est un one-shot, pas de lemon et j'espère que c'est pas trop pourri!
Alexandre, debout à la fenêtre de sa chambre, regardait pensivement les rues animées de Pella, grouillantes de monde dans la chaleur de l’après-midi. Il venait de rendre visite à sa mère et comme souvent, ses paroles l’avait plongé dans le souci et l’incertitude.
Fascinante et cruelle Olympias ! Aussi belle qu’elle était forte, elle avait passé sa vie à se battre pour garder sa dignité en face d’un mari qui la traitait comme une moins que rien. La dernière offense en date avait été d’engrosser Eurydice, une fille qui aurait pu être la sienne et qui serait bientôt la deuxième femme du roi Philippe II de Macédoine. Son seul amour sur cette Terre était son fils unique qu’elle couvait à la manière d’une tigresse alors qu’il avait presque vingt ans. Alexandre était bien conscient d’avoir été forgé par elle plus que par son père. Il était le fils de sa vengeance et de son ambition - elle l’avait dit clairement, dans un rugissement de rage tandis que son père tentait de la violer. Elle ne cessait de lui répéter qu’il était le fils de Zeus et pas de cet ivrogne grossier. Ses yeux lançaient des éclairs quand elle parlait de lui. Dans ces moments-là, cette femme dont la beauté semblait inflétrissable se transformait en vipère comme celles dont elle aimait tant la compagnie.
Ce jour-là, elle avait évoqué ce qui se passerait si Eurydice accouchait d’un garçon. Philippe éliminerait sa première femme et Alexandre serait envoyé en mission-suicide pour que la succession revienne à l’enfant. Il avait tressailli en écoutant ce sombre présage mais n’avait voulu y croire. Philippe l’avait formé pour être roi, il lui paraissait inconcevable qu’il changeât d’avis de cette manière. Sa mère exagérait, aveuglée par sa haine. En guide de sa vie qu’elle avait toujours été, elle lui avait conseillé de se marier très vite avec une Macédonienne pour mettre son père dans l’obligation de le désigner comme successeur.
Son mariage…Comment le pourrait-il ? Avec qui ? Il n’avait pas la moindre femme dans son cœur. Son seul amour était de ceux qui ne s’officialisent pas.
- Alexandre ?
Une douce voix derrière lui. Il se retourna et fit face à deux yeux pers sublimés par le khôl. Une main vint lui caresser la joue.
- Tu me sembles bien songeur…A quoi penses-tu ?
Alexandre sourit et embrassa la main posée sur son visage. Héphaistion, son ami d’enfance et le seul amour de sa vie. Il était le seul, hormis le roi et la reine à avoir le droit d’entrer n’importe quand dans ses appartements. Alexandre se réjouissait de l’avoir permis à cause de moments comme celui-là : quand Héphaistion apparaissait à ses côtés au moment où il ressentait le besoin de le voir. Son visage, encadré de longs cheveux bruns, s’inclina sur le côté avec une tendre sollicitude :
- Tu as l’air si mélancolique Prince…
- Ne m’appelle pas Prince ! Pas toi…
Alexandre croisa les bras et fit quelques pas au hasard en marmonnant :
- Ma mère ne cesse de me parler de mariage. Tu sais…la rengaine habituelle.
Comme il lui tournait le dos, il ne put voir la légère altération sur le visage de son compagnon qui demanda :
- Et que comptes-tu faire ?
- Je sais qu’il me faudra me marier tôt ou tard. Je dois avoir un héritier…
Héphaistion sourit tristement. Bien sûr cela était inévitable mais il ne pouvait s’empêcher de sentir une pointe de douleur en imaginant Alexandre lié à une femme.
- Tu penses à quelqu’un en particulier ?
Alexandre interrompit ses pas et se tourna vers lui. La nuance de tristesse dans sa voix n’avait pas échappé à son oreille attentive. Ses yeux noirs se rivèrent aux siens et il ne répondit qu’un seul mot :
- Non.
Un silence tomba entre eux pendant quelques secondes, le temps qu’Héphaistion comprenne tous les non-dits contenus dans ce mot et dans le regard profond de son amour. Puis la raison de sa visite se rappela brutalement à son esprit :
- Ton père projette de repartir à la conquête de la Perse dans quelques mois. Il te veut avec lui comme général.
- Vraiment ?
Le rêve d’Alexandre : écraser l’empire perse et étendre la puissance de la Grèce à tout le monde connu. Apporter la liberté et la lumière de la civilisation hellénique à tous les peuples prisonniers du joug de Darius III.
- Jamais mon père n’avait sollicité ma présence à l’une de ses campagnes !
- Tu devrais être content ! Il te donne enfin une chance de prouver ta valeur.
- Et il ne sera pas déçu ! J’en ai assez des entraînements de l’Académie Militaire et Bucéphale n’est pas un cheval de manège. Je rêve de vraies batailles !
Héphaistion sourit. Tout d’un coup, le voile qui recouvrait les yeux d’Alexandre s’était relevé. Deux étoiles brillaient dans la nuit de ses yeux comme à chaque fois qu’on lui parlais de gloire et de grandeur.
- Viendras-tu avec moi Héphaistion ?
- Seulement si tu m’enrôles avec toi !
Alexandre s’avança et prit son visage entre ses mains :
- Comment pourrais-je me passer de toi ? Si les dieux sont avec moi, cette campagne m’ouvrira la porte de mon Grand Rêve. Je n’envisage même pas de le réaliser sans toi à mes côtés.
- Aaaah…Ton Grand Rêve. Depuis l’âge de seize ans, tu m’en parles et n’en démords pas.
Alexandre ne fut nullement vexé par la pointe d’ironie qui perçait dans le ton d’Héphaistion car ils avaient déjà évoqué le sujet de nombreuses fois et il savait que son compagnon partageait ses idées. Au contraire, son sourire s’élargit et sa voix se fit passionnée :
- Le plus grand Empire que la Terre aie connu Héphaistion ! De la Grèce à l’Océan Extérieur, des milliers de peuples vivant sous la protection d’un seul roi, sous MA protection ! Ce serait fabuleux, un exploit digne des anciens mythes ! Je suis sûr que même mon père n’en a jamais rêvé !
Héphaistion se mit à rire :
- Oh non ! Tu es le seul à être assez fou pour cela !
- Me suivras-tu ?
- Jusqu’au bout du monde.
- Alors tu es aussi fou que moi.
Héphaistion fut submergé d’une chaleur heureuse. Le Soleil était juste derrière Alexandre et le contre-jour lui faisait une couronne de lumière au-dessus de ses boucles dorées. Oh comme il l’aimait ! Il aimait sa beauté lumineuse mais également sa fougue, son entêtement, sa fierté, son courage et même ses colères intenses et brèves comme des orages d’été. Ce rêve insensé nourrissait sa vie.
- Megas Alexandros, murmura-t-il.
- Que dis-tu ?
- C’est ainsi qu’ils t’appelleront si tu réussis- et je sais que tu le feras. Ton nom traversera les âges tel une étoile filante.
- Nos deux noms Hephaistion ! Comme Achille et Patrocle.
Alexandre se détourna pour faire face au Soleil. Les broderies d’or de sa tunique et le bandeau de son front étincelaient et projetaient des reflets sur les murs de la chambre.
- Je n’y arriverais pas sans toi, déclara-t-il.
- Tu te sous-estimes ! Tu es fait pour ça Alexandre !
- Tu te souviens de ce qu’Aristote nous disait sur l’amour entre hommes ? Que s’ils s’aimaient de l’amour d’Aphrodite, c’était une faute grave qui n’apportait que des malheurs ?
Il émit une exclamation méprisante :
- Vieux fou ! Je prouverais qu’il se trompait là-dessus et sur d’autres choses encore. A ton avis Héphaistion, qu’est-ce qui motivait Achille ?
- La recherche de la gloire.
- Oui, c’est ce que l’histoire a retenu. Mais je suis persuadé qu’il puisait sa force dans quelque chose de beaucoup plus simple et de plus humain.
Héphaistion devina de quoi il parlait :
- L’amour de Patrocle ? dit-il en haussant les sourcils. Voilà bien une façon de le descendre de son piédestal !
Alexandre se retourna lentement vers lui :
- C’est ce que je pense. Quand Achille a-t-il été vaincu ? Après la mort de Patrocle. Ce malheur l’a privé de toute envie de vivre. Il s’est laissé vaincre pour le rejoindre.
- Comment peux-tu en être aussi sûr ?
- Parce que j’aurais fait la même chose à sa place.
Le léger sourire d’Hephaistion disparut devant la gravité d’Alexandre :
- Nous sommes Achille et Patrocle, affirma ce dernier. Ne néglige pas ton importance dans ma vie. Tu es ma force vitale. Je n’ai confiance qu’en toi. Je n’aime que toi. Tu es le seul à me connaître vraiment et pourtant, jamais tu ne me juges avec tous les défauts que j’ai. Je puise ma force dans ton amour pour mener à bien mon destin. Mais si tu disparaissais…je n’aurais plus qu’à mourir.
Les yeux bleu-vert d’Hephaistion se voilèrent de larmes.
- Mon Alexandre…
Le futur roi se rapprocha lentement et l’enlaça dans une tendre étreinte. Le visage plongé dans sa chevelure soyeuse, il lui murmura :
- Oui…C’est ce que je suis. Je t’aime tellement Héphaistion. Ne me laisse jamais, jamais…
- Je serais toujours là. Nous irons ensemble aussi loin que tu voudras. Je t’aime Alexandre.
Serré contre son amour, Alexandre, envahit d’une onde de pur bonheur, imaginait pour eux un avenir radieux où le monde leur appartiendrait. Il se recula un peu pour contempler celui qu’il aimait si fort. Il approcha son visage du sien, très près afin que leurs nez se frôlât C’était un petit jeu qu’il aimait beaucoup. Le souffle de son amour caressait sa peau comme une douce brise et chaque léger contact l’électrisait. Il aimait sentir l’impatience d’Héphaistion dont les lèvres entrouvertes invitaient les siennes.
- Alexandre…
Le jeune homme sourit et mit fin à la torture en posant enfin ses lèvres sur celles de son amour. Héphaistion passa les bras autour de sa taille et l’attira étroitement contre lui. Leur baiser s’approfondit, chacun voulant mêler un peu de son âme à celle de l’autre. Alexandre savait que là était le cœur de son existence. Olympias disait qu’un fils appartient à mère. Philippe disait qu’un roi appartient à son peuple. Mais la vérité était plus simple : Alexandre appartenait corps et âme à Héphaistion. Le jour de leur mort, les dieux accrocheraient leurs images dans les étoiles et ils iraient rejoindre Achille et Patrocle au Panthéon des mythes.
Fin.