Ouiiii,
^^
Quant à la suite... la voici ! (Ah, et merci pour ton commentaire, bien sûr !
)
Chapitre 6 – Juste un peu trop
"Alors ? Tu as réussi à savoir quelque chose ?"
La question prit Remus au dépourvu. Pendant deux secondes, il se demanda même de quoi il s'agissait. Il cessa d'arranger artistiquement sur un plat les biscuits salés qu'il avait apportés pour la fête de Nouvel An de Sirius et se tourna vers James, l'air perplexe. Puis il comprit ce à quoi son ami avait faisait allusion... et dans quelle situation embarrassante il se trouvait maintenant.
Sirius venait de quitter la cuisine en les chargeant de préparer l'apéritif pendant qu'il vérifiait que rien ne manquait sur la table. Cela signifiait qu'il pouvait revenir à n'importe quel moment. Ou Peter pouvait arriver... Après tout, il avait déjà cinq minutes de retard. Même les discours pré-départ de style "sois prudent et tiens-toi bien" que lui tenait toujours sa mère n'étaient pas si longs que ça. Et Remus préférerait éviter d'aborder devant lui (ou devant n'importe qui d'autre, d'ailleurs) le sujet de l'
orientation de Sirius. En fait, il aurait préféré ne pas en parler du tout, mais James n'avait visiblement aucune intention de renoncer à savoir.
"Il t'a dit pourquoi il n'aime pas Lily ?"
"Ce n'est pas qu'il n'aime pas Lily, c'est qu'il n'aime pas que tu passes tout ton temps avec elle", répondit machinalement Remus en ajoutant quelques biscuits sur le plat. "Je crois que ça ira si tu ne parles pas d'elle ce soir."
James soupira. De toute évidence, l'idée de ne pas pouvoir prononcer le nom de la fille qu'il aimait pendant toute une soirée lui apparaissait comme une forme de torture.
Remus essaya de se mettre à sa place.
Si je n'avais pas le droit de parler de Si...
Il se figea, choqué par ses propres pensées. Bien sûr, il savait qu'il y avait quelque chose de bizarre chez lui – quelque chose qui lui avait donné ces idées déplacées au sujet de Sirius, d'abord le jour où ils s'étaient roulés dans la neige et puis plusieurs autres fois après. Il savait aussi qu'il avait adoré le baiser et ne pouvait pas nier qu'il n'en aurait pas refusé un deuxième. Mais c'était seulement parce qu'il avait décidé qu'il ne pouvait sortir avec aucune fille, n'est-ce pas ? C'était parce qu'il n'avait jamais été aussi proche de qui que ce soit d'autre. La même chose aurait pu se produire avec James ou Peter, si Sirius n'avait pas été l'invité de la famille Lupin pour ces quelques jours de vacances. Ou peut-être que non ?
Quoi qu'il en soit, ça n'avait rien de comparable avec les sentiments de James pour Lily. C'était juste... juste qu'il avait besoin d'un peu de... de contact physique, en quelque sorte. Et il ferait mieux de ne plus y penser.
"Qu'est-ce que t'as ?" demanda James.
Et, d'après le ton insistant, Remus devina qu'il avait déjà posé la question au moins une fois avant.
"Rien", dit-il en s'efforçant de paraître calme. "Je... Je viens juste de me rendre compte de quelque chose."
"A propos de Sirius ?"
"Non !"
La réponse était probablement un peu trop hâtive, mais James ne parut pas le remarquer.
"Ça ne concerne que moi," ajouta inutilement Remus.
Ce n'était même pas un mensonge, puisqu'il s'agissait de ses propres sentiments plutôt que de Sirius.
"Oh, laisse-moi deviner !" s'exclama James, dont les yeux s'étaient mis à briller d'une inquiétante lueur "maraudeuresque". "Tu n'oses pas me dire la vérité parce que, en réalité, vous avez
tous les deux des vues sur moi, c'est ça ?"
Au moins, il s'en amusait, maintenant... Pendant une demi-seconde, Remus fut tenté de lui révéler la
vraie vérité, juste pour voir sa tête. Mais il décida de répondre prudemment sur le même ton de plaisanterie:
"C'est si évident ? Je croyais que j'étais plus doué que lui pour cacher ma jalousie."
"Tu comprends trop bien la sienne. Ça t'a trahi !"
Remus était sur le point de complimenter James sur son sens de l'observation – en espérant qu'il n'était pas si bon que ça – quand ils entendirent un grand bruit de chute, rapidement suivi d'un retentissant "Je déteste la Poudre de Cheminette !" et d'un "aboiement de rire" caractéristique.
"Ah, zut, on a raté la grande entrée de Wormtail !" commenta James sans le moindre signe de surprise.
"Je suis sûr que ça ne t'empêchera pas de lui faire remarquer qu'il n'aurait plus besoin de se servir de la Poudre de Cheminette s'il n'avait pas raté son examen de Transplanage..."
Bien entendu, James avait réussi du premier coup, et Sirius aussi. Quant à Remus... Il n'avait même pas été autorisé à essayer. Mesure de sécurité anti-loup-garou... Il n'y attachait pas vraiment d'importance parce qu'il n'était pas aussi maladroit que Peter quand il s'agissait de sortir des cheminées, mais Sirius s'était indigné et avait même parlé d'envoyer une Beuglante au ministère.
Ce souvenir fit sourire Remus. Bien qu'il soit obligé d'y mettre un frein la plupart du temps, il aimait cette façon impulsive qu'avait Sirius de réagir à ce qu'il considérait comme injuste ou simplement contraire aux intérêts de ses amis.
Souriant toujours, Remus prit les biscuits et passa la porte de la cuisine, suivi de James qui portait un autre plateau avec quatre verres et une bouteille de cidre à la citrouille. Il aimait peut-être un peu trop Sirius mais, si c'était un problème, il y penserait plus tard. Pour l'instant, il était temps de célébrer la nouvelle année. Avec les trois meilleurs amis qu'on puisse rêver d'avoir.
~ * ~
Remus laissa probablement ses yeux s'attarder sur Sirius plus longtemps que sur les autres ce soir-là mais, à part cela, il se conduisit normalement sans avoir besoin de se surveiller, ce qui lui donna l'espoir de pouvoir cacher les sentiments incongrus qu'il s'était découvert jusqu'à ce qu'ils disparaissent comme ils étaient venus. Puis, un jour – dans un an ou deux, peut-être -, il en parlerait aux autres et ils en riraient ensemble. James se prétendrait vexé de ne pas avoir été "l'élu", Peter se demanderait éternellement s'il s'agissait ou non d'une plaisanterie, et Sirius...
Non, Remus n'arrivait pas à imaginer ce que ferait Sirius. L'embrasser de nouveau pour s'assurer que la "fixation" était bien terminée ? Lui reprocher d'avoir été si "cachottier" une fois de plus ? Ou rire plus fort que les autres et s'exclamer "Tu es encore plus fou que moi ! " ? Peut-être tout cela, et pas nécessairement dans cet ordre. Parce que Sirius Black était l'une des personnes les plus imprévisibles que Remus ait jamais rencontrée. Et pourtant... Oui, en fait, il y restait quand même quelque chose de tout à fait prévisible.
"Tu ne nous as pas encore parlé de tes nouvelles idées de blagues", dit-il d'un ton désinvolte alors qu'ils terminaient leur repas.
Et, comme il s'y attendait, Sirius tira de sa poche une liste de "blagues à faire avant la fin de l'année scolaire".
Ils passèrent les deux heures suivantes à préparer leurs plans. Comme ils l'avaient déjà remarqué depuis quelques mois, avoir le Préfet en Chef dans leur camp constituait un avantage non-négligeable. Et le fait que la Préfète en Chef ne voudrait surtout pas lui causer d'ennuis ne pouvait que rendre les choses encore plus faciles... sauf qu'il y eut un gros blanc dans la conversation quand Peter mentionna ce détail.
Remus et James échangèrent un coup d'oeil inquiet mais, malgré son expression agacée, Sirius ne dit rien. Remus décida de prendre ça pour un bon signe. Sirius s'habituerait à la situation; tout rentrerait dans l'ordre.
Et entre-temps, se promit Remus,
je serai là chaque fois qu'il se sentira seul et abandonné par Prongs.
Un instant plus tard, toute son attention de nouveau concentrée sur le plan, il fit une suggestion très utile et indéniablement "diabolique" qui impressionna Peter, stupéfia James et lui valut un grand sourire de Sirius, qui s'exclama même "T'es génial !".
Remus se surprit alors à envisager d'élaborer tout seul un tour à jouer à quelqu'un, juste pour prouver à Sirius qu'il en était capable aussi. Puis il se morigéna intérieurement pour cette idée ridicule. Pourquoi ferait-il une chose pareille ? Il serait comme James tentant d'attirer l'attention de Lily... Et il n'avait aucune chance d'obtenir ce genre d'attention de la part de Sirius. Il n'avait d'ailleurs aucune
raison de la vouloir, pour commencer. Tôt ou tard, la fixation prendrait fin. Il le fallait.
Mais si la fin n'arrivait jamais ?
~ * ~
Les semaines passèrent et il semblait que rien ne changerait. James restait avec ses amis un peu plus souvent mais Sirius évitait toujours Lily, et Remus ne savait pas comment le raisonner. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était lui tenir compagnie quand James n'était pas là, sacrifiant une heure de lecture au coin du feu pour parler Quidditch et blagues en marchant dans le parc, parce que Padfoot détestait se sentir pris au piège à l'intérieur du château. Peter se joignait parfois à eux, mais on voyait très bien qu'il ne le faisait que parce qu'il s'y sentait obligé. Cette fois, Remus lui avait donc dit qu'il pouvait rester dans la salle commune.
C'était une journée très froide et brumeuse. Malgré le sort de réchauffement qu'il avait jeté sur sa cape, Remus ne put réprimer un frisson.
"Tu n'avais pas vraiment envie de sortir non plus, hein ?" demanda soudain Sirius en s'arrêtant devant le lac gelé. "Je sais bien que tu n'aimes pas plus que Peter être dehors par ce temps."
"Je ne serais pas venu si je n'avais pas voulu", répondit tranquillement Remus.
Il le pensait vraiment. Il détestait avoir froid, ça oui, mais il aimait marcher et parler avec Sirius. Même s'il savait qu'il ne serait jamais pour lui un ami aussi parfait que James, il était si content de se sentir proche de Sirius pour une heure ou deux de temps en temps qu'il était prêt à affronter le mauvais temps s'il le fallait.
"C'est agréable de s'éloigner un peu des gens", ajouta-t-il en souriant.
Sirius se tourna vers lui, l'air dubitatif.
"Tu es vraiment antisocial !" s'exclama-t-il en levant les yeux au ciel, exactement comme quand ils étaient en première année.
"Asocial", corrigea machinalement Remus. "Antisocial, c'est plutôt pour quelqu'un d'activement hostile à la société... Et je ne suis pas vraiment asocial non plus, de toute façon. Plus maintenant. Sinon je serais dans mon lit avec un bon livre – et sous un
tas de couvertures !"
L'accentuation de "tas" fit rire Sirius – mais, bien sûr, elle augmenta aussi ses doutes.
"C'est bien ce que je pensais. Tu n'es peut-être plus aussi
asocial, mais tu es toujours très frileux !"
"Ça, tu ne pourras jamais le changer", soupira Remus en resserrant plus étroitement sa cape autour de lui. "Mais ça n'a pas d'imp..."
Il ne finit jamais sa phrase. Du coin de l'oeil, il avait surpris un geste que Sirius avait esquissé, sûrement sans réfléchir, puis suspendu brusquement.
Il décida que c'était là sa chance de se venger des taquineries de son ami.
"Tu te rappelles de la fois où tu m'avais accusé de ne jamais faire ce que j'avais envie de faire ?" demanda-t-il malicieusement.
Les yeux de Sirius s'agrandirent d'étonnement. Ils n'avaient jamais reparlé de ce jour-là, et il pensait certainement que Remus préfèrerait l'oublier.
"Qu'est-ce que... ?" commença-t-il.
Remus n'avait pratiquement aucune idée de ce qu'il était en train de faire, mais il s'en moquait. Il venait juste de comprendre à quel point il tenait à en parler, même en plaisantant, comme pour s'assurer qu'il n'avait pas rêvé.
"Et tu te rappelles la fois où tu as prétendu ne pas être trop coincé pour donner des marques d'affection aux gens sans te transformer en chien d'abord ?" poursuivit-il, ignorant la question.
L'amusement remplaça la surprise sur le visage de Sirius.
"
Toi, tu essayes de me lancer un défi ? Je rêve !"
Remus répondit de la manière dont il savait que son ami l'aurait fait: sourire faussement innocent et haussement d'épaule.
"Tu ne peux pas me battre à ce jeu-là, Moony !" prévint Sirius.
Et, sans un instant d'hésitation, il s'approcha pour envelopper Remus à la fois dans sa cape et dans ses bras.
"Maintenant, si quelqu'un nous voit et imagine des trucs, ce sera de ta faute, alors je m'en fiche", ajouta-t-il.
"Qui te dit que moi, je m'en fiche pas ?" répliqua Remus, toujours d'humeur taquine. "Et ne sois pas si sûr que je ne peux pas te battre..."
Pour une fois, il n'hésita pas même un instant. Un petit baiser sur les lèvres prouva à Sirius que même Remus Lupin pouvait parfois agir sans réfléchir. Et, sur le moment, il n'accordait vraiment aucune importance à ce que pourraient penser les gens.
Il y avait vraiment peu de risques qu'ils soient vus, de toute façon. Qui d'autre serait assez fou pour sortir par ce froid ? Et quelqu'un qui regarderait le lac depuis le château ne pourrait pas les reconnaître – pas avec ce brouillard. Bref, Remus se sentait parfaitement libre de rester où il était, et même de s'installer plus confortablement, passant les bras autour de la taille de Sirius et appuyant la tête sur son épaule.
"Et dire que tu prétends que moi, je suis bizarre..." marmonna Sirius d'un ton qui trahissait un certain attendrissement malgré l'évidente intention moqueuse.
"J'avais froid !" lui rappela Remus. "Et puis il fallait que je te prouve que tu avais tort."
Mais il savait que ces raisons n'étaient pas les vraies, et il se demanda si Sirius le savait aussi. Il était bizarre, il ne pouvait pas le nier. Ou, plus exactement, il était probablement... eh bien, exactement ce que James et Lily pensaient que Sirius pourrait être – gay.
Si seulement c'était vrai...
Mais non, même dans ce cas-là, rien ne serait simple. Après tout, cela signifierait que Sirius aimerait
James.
Instinctivement, Remus serra Sirius plus fort sans même s'en rendre compte.
"T'essaies de m'étouffer ou quoi ?" demanda Sirius en riant.
"Oh ! Désolé..." s'excusa distraitement Remus en relâchant son étreinte juste assez pour permettre à son ami de respirer normalement.
"Ça va, Moony ?"
Remus recula légèrement pour regarder Sirius.
"Qu'est-ce qui te fait penser que ça ne va pas ?" demanda-t-il, sincèrement surpris.
"Je sais pas... Peut-être la façon dont tu t'es accroché à moi... comme si tu me suppliais de t'aider ou un truc dans le genre."
Il n'avait pas tout à fait tort... Mais, bien sûr, Remus ne pouvait pas expliquer ce qui l'avait rendu triste.
"Est-ce que ça t'est déjà arrivé de... d'aimer quelqu'un et de penser que c'était... une très mauvaise idée, mais... tu ne pouvais pas t'en empêcher ?" demanda-t-il à la place.
Sirius le regarda fixement pendant quelques secondes, muet d'étonnement, et Remus baissa les yeux, craignant soudain d'en avoir trop dit. A la réflexion, la question semblait atrocement claire...
"Qui... ?" commença finalement Sirius.
"Je peux pas te le dire", se hâta de répliquer Remus. "Et ça n'a pas d'importance. Tu peux répondre à la question ?"
Sirius secoua la tête.
"Je n'ai même jamais vraiment aimé personne – tu le saurais, sinon !"
"Ah, d'accord... Ça veut dire que même moi, tu ne m'aimes pas !" s'écria Remus, feignant d'être vexé.
Sirius éclata de rire.
"Tu sais bien que si. Sinon tu ne serais pas là, dans mes bras comme une
fille !"
"Arrête !" protesta Remus en se libérant des bras de son ami. "Tu sais très bien que je déteste t'entendre dire que je ressemble à une fille juste parce que j'aime les livres plus que le Quidditch et que la lune me rend ridiculement nerveux et susceptible. C'est pas ma faute !"
"Je sais, du calme ! Et reviens ici, sinon tu auras encore froid."
Sirius se rendait-il compte de la douceur contenue dans sa voix quand il avait prononcé ces mots ? Remus aurait facilement pu la prendre pour un signe indiquant que les sentiments dont il devenait de plus en plus conscient avaient de bonnes chances de ne pas être à sens unique, finalement. Mais, bien entendu, il s'interdit ne serait-ce que d'y penser. Ce qui se révéla encore plus difficile un instant plus tard, quand Sirius dit, en le serrant de nouveau contre lui:
"Je ne te traite pas comme une fille, si c'est ça qui t'embête. Y a pas de fille que j'aime assez pour m'inquiéter si elle a froid."
Remus cacha son trouble derrière un sourire amusé.
"Alors, je suis... privilégié ?"
"Evidemment !" assura Sirius. "Et tu le mérites: tu es toujours tellement gentil... Je devrais arrêter d'en profiter, d'ailleurs. Et si on retournait au château pour voir si les elfes ont quelque chose de bon à nous donner pour le goûter ? Après, je te laisserai lire tranquille - juré !"
Remus avait quelques doutes à ce sujet – il savait par expérience que Sirius était tout simplement incapable de se taire pendant plus de cinq minutes – mais ça n'avait pas d'importance. Comment aurait-il pu considérer comme dérangeant le son de la voix de quelqu'un qu'il aimait tant ?
Juste un peu trop, en fait...