Kikou!
Voilà le début de ma chronique qui se découpera en deux chapitres par année. L'un sous pov de Merry, l'autre sous pov de Pippin. Voici le premier. Je n'ai pas encore le nom de la chronique toute entière (je suis ouverte aux suggestions).
J'espère que vous aimerez!
Première rencontre
Tu es la réussite que je n'attendais pas
C’était ce jour-là un matin de fin d’été. La nuit avait été mouvementée. Ma mère avait été appelée en plein milieu de la nuit. L’agitation m’avait réveillé et, en écoutant à la porte de ma chambre, j’avais compris qu’il s’agissait de ma tante Eglantine qui accouchait. "Quelle égoïste !" avais-je pensé sur le moment, "Elle n’aurait pas pu attendre le jour pour mettre son mioche au monde ?" J’étais finalement allé me recoucher, après avoir vu Maman et Belle Bonenfant s’en aller en toute hâte à dos de poneys le long du chemin de terre. En posant ma tête sur mes bras repliés, j’avais eu un instant de recueillement : j’allais avoir un nouveau petit cousin ! Ou plutôt, m’étais-je dit après réflexion, une nouvelle petite cousine selon toute probabilité. D’ailleurs, je ne m’étais jamais senti concerné par mon statut de cousin auprès d’elles, alors pourquoi celle-ci aurait-elle dû être différente… ? Le matin, donc, on m’avait mis ma belle tunique bleue brodée d’une pomme en fil doré, on m’avait peigné, ou plutôt tenté de me peigner et on m’avait envoyé reconnaître le quatrième et celui qui devait être le dernier enfant de la famille Took.
Mes pensées le long du chemin furent boudeuses. Je n’avais jamais été très porté sur la marmaille, et cette détestable attitude d’attendrissement amusé dont ils avaient fait montre la fois où ils m’avaient mis une Pervinca toute bébé dans les bras m’avait fort déplu. Je tournais dans ma tête plusieurs moyens d’échapper à cette corvée quand nous arrivâmes devant la demeure des Took. Mon père me fit entrer avec lui et, après m’avoir laissé en compagnie des heureuses sœurs, toqua à la porte de la chambre d’Eglantine avant d’y pénétrer. Les trois sœurs me regardèrent approcher. Perle avait quinze ans à l’époque. C’était une fille maigre, au visage pointu de sa lignée, possédant une immense cascade de cheveux bruns. Ses yeux étaient bleus, comme tous ceux de sa fratrie. Elle avait la réputation d’être calme et attentionnée, mais je ne la connaissais pas beaucoup. Pimprenelle était une ravissante Hobbite de onze ans, dotée de beaux cheveux blonds et d’yeux particulièrement vifs et perçants. Elle était au contraire de sa sœur aînée très dynamique et manipulatrice avec les autres. Malgré son caractère parfois tranchant et le fait que je fus un peu plus jeune qu’elle, je me plaisais à penser que j’en étais amoureux. Pervinca, enfin, était la petite rousse de la famille. Elle était un peu rondouillarde du haut de ses cinq ans, et je la savais m’admirer beaucoup.
Je les saluai et, voyant la mine particulièrement sombre de Pimprenelle, m’enquérait :
- Vous n’êtes pas contentes d’être à nouveau grandes sœurs ? Et toi, Pervinca, ce sera la première fois !
- C’est un garçon, cette fois… répondit Pimprenelle comme si cela expliquait tout.
Ca alors ! J’étais complètement stupéfait par une telle nouvelle. Pour moi, après trois sœurs, ce serait forcément une quatrième qui viendrait compléter la collection.
- Et, ça ne te fait pas plaisir ? demandai-je.
- Ben, ç’aurait été mieux si on avait été seulement entre filles… Enfin, Papa doit être content : il l’a enfin, son héritier ! dit-elle d’un ton caustique.
- Ne parle pas ainsi… intervint Perle.
- Mais c’est vrai ! Pourquoi tu crois qu’ils se sont acharnés comme ça ? Je te parie qu’après lui, il n’y en aura pas d’autre ! Enfin, sauf s’il lui arrive malheur, bien sûr…
- Pimprenelle, tais-toi ! Tu ne dois pas dire des choses pareilles ! s’énerva son aîné.
Alors que je m’horrifiais à la pensée d’avoir déclenché une violente querelle fraternelle, la porte s’ouvrit derrière moi et ma mère y apparut, les traits un peu tirés :
- Bonjour, mon chéri. Entre donc, ton cousin t’attend !
Rouge de honte d’avoir été appelé ainsi devant les filles, je pénétrai à mon tour dans la pièce.
La chambre était baignée de soleil. Oncle Paladin et mon père se tenaient près du grand lit où reposait Eglantine, un radieux sourire aux lèvres, tenant contre elle une toute petite chose qui semblait à peine vivante. Je fis quelques pas sur le parquet.
- Meriadoc ! Mon poussin ! Viens vite là que je te le montre.
Mon Dieu… Je connaissais la chanson : elle allait me tendre un mioche rougeaud et boursouflé à outrance et me lancer la bouche en cœur qu’il était joli ! Moi, je n’aurais qu’à confirmer avec un petit sourire complaisant et prendre ce petit bout de Hobbit dans mes bras. Je songeai un instant à ne pas acquiescer, juste pour voir leurs têtes. Arrivé à-côté d’elle, je pus mieux voir l’enfant prodige. Si petit… Je me demandais comment un petit corps pareil pouvait être animé de vie et grandir jusqu’à atteindre ma taille. C’était pourtant bien un léger toussotement qui venait d’agiter son dos minuscule… Ce qui était étrange aussi, c’était que l’on voyait déjà quelques boucles hésitantes recouvrir son crâne, contrairement aux trois autres que je savais être nées chauves comme des œufs d’oies. Eglantine le tourna un peu. Ses paupières clignèrent quand elles se retrouvèrent confrontées au rayon de soleil qui s’était invité par la fenêtre. Mais quand finalement elles consentirent à rester ouvertes, un autre élan de surprise s’empara de moi : le nouveau-né possédait de grands yeux d’un vert tendre magnifique qui rappelait les collines de la Comté les jours de beau temps ! C’était bien la première fois qu’on voyait cela dans la famille depuis longtemps ! Ils me considérèrent d’un air circonspect.
- Prends-le ! me lança Eglantine.
Je m’avançai, tendant timidement les bras.
- Tout doucement, Merry, précisa ma mère, prends-le par les côtés et surtout fais-y attention !
On aurait cru qu’il s’agissait de l’un de ses vases… De toutes façons, l’impression de fragilité qui émanait du petit être suffisait en elle-même à me faire prendre toutes les précautions du monde. Eglantine le souleva et me le passa. Aussitôt qu’il se retrouva entre mes mains, il se mit à gémir et à se tortiller en faisant mine de revenir auprès de sa mère. J’en fus plus blessé qu’on pourrait le croire. Être repoussé par un bébé est en soi une expérience humiliante, mais l’être par celui-ci qui me paraissait destiné à avoir une place exceptionnelle dans mon cœur me peina beaucoup. Je le rendis donc à ma tante.
- Il n’a pas l’air de beaucoup m’apprécier…
- Oh, ne t’inquiète pas ! Pas une seule de ses sœurs n’a même réussi à le prendre ! C’est tout juste si Paladin l’a tenu une seconde !
J’eus un rire forcé, un peu rassuré tout de même. L’enfant réintégra le giron maternel d’où il continua à m’observer. Je le lorgnais moi aussi. Tout le temps où mes parents discutèrent avec les siens, nous ne nous quittâmes pas des yeux. Ses iris verts me scrutaient avec une profondeur fascinante. Je répondais au regard, comme pour lui montrer que j’acceptais qu’il me sonde tout entier.
Et puis, sans prévenir, il se mit à geindre de nouveau en tendant la main vers moi. Sa mère le regarda, étonnée, et me le tendit à nouveau. Personne n’osa dire un mot tandis que je le prenais. Le bébé tendait toujours la main vers mon visage avec une petite expression déterminée.
- Eh bien… Félicitations, Merry… lâcha enfin ma tante.
Ma mère était ravie.
- Bon, Eglantine, nous allons te laisser en paix un moment, décida-t-elle, tu dois être bien fatiguée après avoir mis au monde une petite merveille pareille.
- Oh, tu sais, ce n’était pas si terrible. Il est plutôt petit par rapport à mes trois autres…
Maman alla embrasser le front d’Eglantine, suivie par mon père et Paladin, et ils se dirigèrent tous vers la porte.
- Merry, mon chéri, ne reste pas trop longtemps, d’accord ?
- Oui.
Je m’assis sur la chaise la plus proche et put voir de plus près cet être sur lequel tout le monde s’extasiait. Je me demandais s’il en avait été de même pour moi.
- Au fait, comment il s’appelle ? demandai-je à tante Eglantine.
- Peregrin, répondit-elle en souriant.
- Ah, toujours les P, n’est-ce pas ?
- Oh, tu connais Paladin… C’est sa grande lubie d’appeler tous ses enfants en commençant par la même lettre que celle de son prénom ! Je lui accorde bien ça… mais c’est moi qui choisi le reste ! Ca te plait, « Peregrin » ?
- Oui. Je suppose qu’on finira par lui trouver un petit surnom, comme moi…
- Sans doute, mais ce ne sera pas aussi évident…
Tout en discutant, j’avais rapproché très progressivement le petit Hobbit de mon visage qu’il semblait tant convoiter. Ses mains minuscules finirent par se poser tout doucement sur mes joues, et saisirent mon nez.
- Hé… Inl be pince le dez…
Eglantine rit. Comme Peregrin ne semblait pas vouloir me lâcher et tirait sur mon pauvre nez innocent, je le rapprochai un peu plus. Il le libéra alors pour glisser ses mains tout le long de mes joues. Il continua à me contempler de tout près, plongeant ses yeux directement dans les miens. Le plus drôle, c’était que j’étais sans conteste le plus intimidé des deux. Et puis soudain, aussi subrepticement qu’un serpent, il happa le bout de mon nez dans sa petite bouche dépourvue de dents et se mit à le suçoter entre ses gencives. Aussitôt, je le repoussai en le tenant à bout de bras, horrifié :
- Hééé mais !
Ma tante s’esclaffait dans son lit.
- On dirait qu’il en veut à mon nez…
- C’est parce qu’il a une forme qui lui plait, sans doute !
Peregrin commençait à protester, aussi je me levai pour le restituer à sa mère.
- Tiens, je te rends ton fils.
Le nourrisson revint à la poitrine de sa mère dont il se mit à sucer un bout de la chemise de nuit.
- Tu crois pas qu’il a un problème ? dis-je en essuyant mon nez dans ma manche. Il arrête pas de sucer les choses…
Eglantine sourit :
- Mais non, Merry, tous les bébés font ça quand ils sont petits…
Elle écarta le pan de sa chemise de nuit pour présenter son sein à son bébé qui s’y accrocha sur le champs et se mit à téter goulûment. J’avoue qu’en mon for intérieur je pris un peu le prétexte de Peregrin pour me rincer l’œil à ce moment-là. A mon âge, on était encore très intrigués par les mystères féminins…
J’allai finalement dire au revoir à ma tante, et chatouillai brièvement le ventre de mon nouveau cousin qui ne put retenir un petit gloussement étranglé. En sortant de la chambre, je me surpris à être étonnamment fier et satisfait.