Forum - Le Monde du Slash

Elle le saluait. Il s'arrêta brusquement de jouer mais ne se retourna pas. Il allait devoir croiser le regard de Mozart et ce simple fait l'angoissait. Dans sa poitrine il lui semblait que son cœur battait une mesure beaucoup plus rapide qu'à l'ordinaire, ses mains devenaient moites, il se sentait de ces états où plus rien n'est vraiment clair. Était-ce encore un de ces rêves doucement dérangeant ou bien Mozart était-il vraiment ici, sous son toit...

- On vous a laissé entrer ?

Se contenta-t-il de questionner, les yeux toujours posés sur la partition inexistante.

- Vous l'avez fait en oubliant de fermer votre porte.

C'était la première fois depuis des années qu'il congédiait sa domestique et il avait fallut qu'il choisisse ce jour là...
Salieri prit une discrète mais réelle inspiration et se retourna face à ses craintes. Il devait s'être changé depuis l'opéra car Mozart portait à présent un très joli manteau noir à dentelles blanches. Ses cheveux eux n'avaient pourtant pas été recoiffés. Son sourire était voilé par une expression qu'il ne connaissait pas à Wolfgang. De l'inquiétude, ou de l'appréhension... Mais peut-être se trompait-il, peut-être était-ce tout autre chose, il ne pouvait savoir.
Son visage était si beau pourtant... Aucune de ses débauches n'avait déteint sur sa bouche clair et fine, sur ses yeux noisettes. Son air malicieux bien qu'un peu effacé par ce sentiment inconnu, était toujours là, éternellement suspendu à ses lèvres. Le voir là, devant lui, à travers un prisme qui n'était plus fait de haine le surprit. Il remarquait enfin qu'il ne trouvait pas du charme qu'à sa musique. Un petit rire lui échappa c'était insensé, Wolfgang Amadeus Mozart n'avait pas que sa musique pour lui plaire.
Cette réaction décalée interpella Wolfgang qui ne se gêna pas pour lui faire savoir. Salieri répondit simplement, un sourire inhabituel aux lèvres :

- Mais vous avez soigné votre apparence ? Cela me touche ! Le noir vous va à ravir !

Mozart sourit légèrement et répondit effrontément :

- En effet.

Il ne sut quoi répondre, c'était... inattendu. Sa réponse le laissa sans voix. Mozart ne lui laissa pas le loisir de le questionner, il divergea sur un tout autre sujet.

- Je suis là parce qu'il faut que vous continuiez.
- J'ai peur de ne pas comprendre.
- Il faut que vous continuiez à me détester.

La nouvelle saisit son pauvre estomac qui avait déjà bien souffert et le lui retourna à demi. Mozart s'expliqua.

- Il serait trop... étrange que vous arrêtiez maintenant. Les gens parleraient, ils se poseraient des questions. Et je vois que vous recommencez à composer, cela serait mauvais, pour vous, de faire une paix subite avec ma votre grand rival. Je vous le défends.

L'estomac de Salieri finit de se retourner, son cœur sembla s'arrêter et tout son corps parut se vider de son sang. Les durs mois passés revinrent s'immiscer dans son esprit à présent endolorit. Tout ces efforts anéantis, il allait devoir reprendre le dure rythme de vie qu'était d'haïr Mozart. S'il n'avait était assis, la nouvelle l'aurait réduit à terre.

- Il m'est impossible de faire semblant. J'en suis désolé. Au revoir Mozart.

Son regard perçant était redevenu froid. Wolfgang comprit que l'ancien Antonio n'était pas trés loin. Il insista cependant.

- Je ne partirai pas tant que je n'aurai pas votre parole. Promettez-moi.

Autour de Salieri s'écroulait tout son rêve, les dures années de haine revinrent au galop, les mesures passées dans les rues à boire, les drogues, les filles, la torture psychologique et toutes ses souffrances refirent surface. Il était au bord des larmes devant l'abime dans laquelle venait d'être plongé sa vie futur. Il ne pouvait pas parler, de peur de laisser s'échapper quelques sanglots.

- Et bien ! Promettez !

L'obscurité venait de tomber sur ses espoirs,. C'était entre lui et Wolfgang. Il essaya vainement de prononcer quelques arguments en sa faveur mais rien ne semblait cohérent. Sa voix tremblait discrètement.
Puis, au contact de ses douloureux souvenirs, il se ressaisit soudain, furieux, se levant de son tabouret de velours.

- Cela fait des mois que j'essaie, tant bien que mal, de ne pas vous aimez. Cela fait des mois que je lutte contre mes sentiments véritables. N'avez-vous donc aucune idée de ma souffrance ? Êtes-vous donc aussi aveugle ? Je ne peux vous détester alors que chaque fibres de mon être me crie de vous adorez. Il m'a été possible bien des choses Mozart ; j'ai réussis à manipuler beaucoup d'esprits, le mien également, pendant de longues années, bien avant votre arrivée. Mais vous, fléaux de ma vie, vous avez débarqué et mit à mal toutes mes convictions. Ce n'était pas contre vous que je me battais, c'était contre moi. Je ne veux plus me détester, et vous ne voulez plus que je vous déteste. Laissez-moi être maître de moi.

Il avait prononcés ces paroles sur un ton calme bien que la fureur est ébranlé la solidité de certains mots. Wolfgang sembla réfléchir un instant puis, d'un air taquin, répondit :

- Si je n'étais pas un homme j'aurais pu me méprendre de vos paroles Salieri ! Vous m'aimez donc tant que ça ? Vous avez pourtant fais semblant si longtemps, cela ne vous coûterait que le prix d'un retour en arrière. Soyez raisonnable et égoïste comme vous savez si bien le faire et accordez moi votre promesse.

S'il n'avait pas été un homme... S'il n'avait pas été un homme, Salieri l'aurait aimé follement il en était persuadé. Mais la réalité d'un sentiment aussi dérangeant perçait de plus en plus sous les yeux de Salieri. Cela ne le surprenait plus, cela le soulageait. Il était amoureux. Il était amoureux comme aucun homme n'avait jamais aimé une femme, c'était viscérale, charnel, passionnel. C'était un fichu sentiment qui trompait son cerveau, le laissait plonger dans un doux acide dont rien ne réchappait. C'était cet étrange chose qui l'interdisait sans cesse de s'adonner à le détester complétement, qui lui faisait regretter chacun de ses ébats avec une femme. C'était cette affreuse main qui le saisissait au cœur à chacune de ses paroles blessantes et qui le lui pressait si fort lorsqu'il lui faisait du mal. C'était cette moiteur dans ses mains lorsqu'il était prés de lui, cette douce chaleur quand il lui adressait la parole, cette tendre tristesse de le voir s'éloigner. C'était ce sentiment si paradoxal qui aurait voulu le voir mort mais se serait jeté sur le couteau pour l'en tirer. C'était plus fort que la mort, que l'amour, que la passion, c'était un sentiment qui se gravait chaque jour un peu plus dans son âme, et qui faisait couler son sang. Mais souffrir ainsi était tellement bon...
Il était délivré. Délivré de ces derniers mensonges, de ces dernières questions qui lui trottaient dans la tête. Il savait maintenant, que la réponse était celle-ci. Il se fichait de savoir ce qu'il adviendrait par la suite, il était à présent sûr de vivre.
Mais il disait vrai, il s'était tant employé à le haïr... Peut-être devait-il privilégié sa musique, peut-être devait-il privilégié honnêteté. Un dernier combat commença à se livrer à l'intérieur de son esprit et les deux parties, bien qu'épuisé par la lutte, se donnait encore de toutes leurs forces. Il finit par répondre calmement après un long silence :

- Sortez de chez moi Mozart.

Celui-ci allait d'étonnement en étonnement ne comprenant plus de quelle façon celui qui avait été si longtemps son rival raisonnait. Tout était si étrange... Cet homme avait été si cruel... Il avait consacré tant de temps et de force à l'anéantir qu'il lui paraissait surréaliste qu'il lui adresse de telles paroles. Néanmoins, sa bonté et son amitié pour lui ne lui permettait pas de sortir dans ces conditions, cela aurait été mettre la carrière et la réputation de Salieri en péril et il se refusait cette idée.

- Je ne sortirai pas. Promettez-moi.

Salieri ne bougeait pas, il lui semblait que chacun de ses mouvements l'obligerait à changer d'avis, il ne le voulait pas. Mozart s'approcha un peu plus de lui et répéta.

- Promettez-moi.

A ces mots, il fit un pas de plus pour se retrouver nez à nez avec Salieri. Ce fut le pas de trop, ce dernier ne supporta la douloureuse proximité avec cet homme qui l'attirait tant, il éclata. Il poussa sèchement Wolfgang et s'emporta.

- Vous n'êtes qu'un gamin capricieux Mozart ! Vous vous êtes acharné à me faire aimez votre musique ! Chaque jour, vous avez joué avec mes nerfs, les avait arrachés à vif, vous avez tordu mon jugement et mes principes pour votre propre satisfaction ! Vous vous êtes employé du mieux que vous l'avez put à me faire avouez, à me torturez jusqu'à ce qu'enfin vous obteniez ma reconnaissance et mon admiration de vive voix. Et vous croyez pouvoir vous invitez chez moi sans autorisation et me demandez de vous détestez à nouveau ?! De vous ou de moi Wolfgang, dites moi lequel de nous est le plus égoïste ?...!

Les yeux grands ouverts par la surprise, il se préparait à répondre quand Salieri lui coupa la parole.

- Ne répondez pas. Je vous interdis de répondre ! Qui vous a donné le droit, dites moi qui vous a autorisé à jeter le chaos dans ma vie pour vous amuser ?!

Il en était venu à se rapprocher de Mozart qui, coincé entre lui et le grand mur tapissé vert ne savait plus exactement pourquoi il était venu.

- Vous m'exaspérez.

Finit-il sur un ton méprisant qu'il lui connaissait bien. Wolfgang était à présent complétement prit au piège contre Salieri. Son regard était pleins de souffrance. Dans son esprit, les deux partis cognaient de plus belle, se mettaient au tapis puis se relevaient, ne sachant qui de la vérité ou de la lâcheté allait l'emporter. Tout contre lui, Salieri sentit la main de Mozart se poser sur son torse, sans doute pour le repousser. Il frissonna de plaisir. Il s'efforçait de se concentrer sur ses paroles, mais l'haleine chaude de son camarade le déconcentrait. Il sentait son regard posés sur lui, et cette main... Un des boxeurs fut soudain mit chaos, quelque chose en lui se brisa, il n'était plus capable d'aucune réflexion. Une étrange électricité paralysait son cerveau, ses sens étaient concentré sur le point de contact, son nez ne respirait plus que le parfum d'opéra et de femmes que portait Wolfgang sur sa peau, son ouïe n'entendait plus rien d'autres que sa faible respiration et sa sensibilité se résumait à la trace de sa main sur son torse. Il n'osait briser le silence, il savait désormais que toute parole prononcées le serait contre son intérêt. Il ferma les yeux, il ne voulait plus voir ce visage qui le rendait fou.
Mozart se dégagea et quitta la pièce. Il s'arrêta un instant, tourné vers Salieri, les yeux fixés au sol. Il murmura :

- Je crois... Il vaut mieux que je rentre. Bonsoir Salieri.

Il referma la porte derrière lui. Salieri reste quelques secondes la main sur le mur, la tête baissée vers le sol. Puis il se remit d'aplomb et se remit au clavecin. Ce soir sa maison raisonnait d'un air infiniment mélancolique.