Oh, j'avais oublié de répondre ! Désolée.
Voilà ce que c'est de toujours faire 36 choses à la fois...
Comme toujours, je te remercie de suivre cette histoire et de me dire ce qui te plaît particulièrement ou ce qui t'a amusée (lol oui, ça me fait rire aussi, l'idée que Filippo aurait secoué Maria ou une des autres pour qu'elle l'écoute).
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Chapitre 8Philippe referma la porte derrière lui en se demandant s'il ne venait pas de commettre une énorme bêtise.
Bien sûr, il y avait réellement beaucoup moins de risques que quelqu'un surprenne leur conversation s'ils étaient dans sa chambre plutôt que dans son salon. Et il ne pouvait même pas prétendre ne pas trouver particulièrement intéressante l'idée que Filippo puisse... profiter de la situation, en quelque sorte. Après tout, il lui avait pratiquement ordonné de se conduire comme il l'aurait fait avec n'importe quel autre garçon.
Le seul problème était que, maintenant qu'il y pensait, tout cela était atrocement embarrassant. D'autant plus qu'il allait lui falloir raconter ce qu'Armand lui avait dit...
Filippo restait silencieux aussi, et regardait autour de lui à la manière de quelqu'un qui ne sait pas très bien comment se comporter.
– Euh... Voulez-vous vous asseoir ? proposa Philippe d'une voix incertaine.
Lui-même s'assit au bord du lit et, après quelques secondes d'hésitation, Filippo prit place à côté de lui.
– Mon frère et le vôtre étaient-ils vraiment... ? commença-t-il, toujours incrédule.
– Amis, termina Philippe avec un petit sourire timide. Ils étaient surtout amis, mais... A vrai dire, je ne sais que peu de choses. Armand m'a rapporté ce que lui avait dit Paul. Sans cela, je n'aurais jamais imaginé... Vous savez, je n'avais même pas encore douze ans, à l'époque. Louis n'aurait jamais eu l'idée de me parler de cela.
Filippo hocha la tête, pensif.
– Il est évident que je ne parlerais pas de ce genre de choses avec Alfonso. Et Paolo n'aurait pas pu m'en parler non plus, même si j'avais été ici avec lui... Parfois, j'ai l'impression d'avoir à peine connu mon frère, ajouta-t-il après une courte pause. Alors maintenant...
Philippe s'approcha doucement pour l'entourer de ses bras et poser un léger baiser sur ses lèvres.
– Je comprends que cela vous perturbe, dit-il avec une petite moue compatissante. J'ai eu un choc également, moi qui croyais connaître le mien !
Filippo adressa au prince un sourire rassurant, puis dégagea un bras pour le lui passer autour des épaules et l'attirer plus près.
– C'est encore pire, j'imagine...
– Je ne sais pas, murmura Philippe en s'installant confortablement dans les bras de son très cher ami. Au moins, si je le voulais, je pourrais parler à Louis... bien qu'il soit presque certain qu'il n'apprécierait pas du tout que j'aborde le sujet.
– J'aimerais pouvoir parler à Paolo, soupira Filippo. Je n'arrive même pas à imaginer... Forcément, je le vois toujours tel qu'il était à dix ans.
Il resta silencieux pendant plusieurs dizaines de secondes, caressant machinalement les cheveux de Philippe, avant de demander :
– Comment était-il, à seize ans ?
– Beau ! répondit Philippe sans réfléchir.
Puis il pouffa de rire, en même tant que Filippo, quand il réalisa que c'était probablement ce qu'il pensait à l'époque sans en avoir conscience.
– Finalement, je crois que j'ai de la chance qu'il ne soit pas là pour vous détourner de moi, remarqua Filippo qui, à la réflexion, n'avait plus vraiment envie de rire.
Si même Philippe se mettait à faire l'éloge de l'ancien neveu préféré de "Monsieur le Cardinal"...
– Oh, mais je n'ai jamais dit que vous étiez moins beau que lui ! s'exclama le prince en s'écartant juste assez pour regarder son ami et vérifier qu'il n'était pas vraiment vexé.
Filippo détourna les yeux, fixant le sol d'un air songeur.
– Ce n'était pas la peine. Les comparaisons avec mes frères ne sont jamais à mon avantage...
Peut-être était-ce en partie pour cela qu'il s'entendait si bien avec Maria, que leur mère traitait comme quantité négligeable, favorisant toujours Olimpia – et désormais aussi la petite Ortensia, déjà si jolie à dix ans que certains pensaient à demander sa main au Cardinal sans attendre qu'elle ait atteint l'âge du mariage.
Il n'eut toutefois pas le temps de s'attarder sur la question car Philippe, d'un geste un peu trop brusque qui trahissait son indignation, l'obligea à se retourner pour lui faire face à nouveau.
– Pour moi,
c'est à votre avantage ! Vous ne ressemblez peut-être pas beaucoup à Paul, mais cela ne signifie pas que je vous trouve moins beau que lui, et puis il y a tant de choses qui font de vous quelqu'un d'exceptionnel, à mes yeux si ce n'est à ceux des autres... Votre oncle vous reproche de ne pas lui obéir aveuglément ? A mon sens, c'est une qualité ! Qu'importe aussi que votre conduite n'ait pas été exemplaire au collège. Et si vous n'avez pas obtenu d'aussi bonnes notes que votre aîné, ce n'est pas faute d'avoir de l'esprit, car vos poèmes sont charmants. Et vous avez prouvé tout à l'heure que vous êtes également capable de manier le sous-entendu à la limite de l'insulte avec le même art que l'un des plus célèbres maîtres en la matière... Sans doute n'est-ce pas un don admirable du point de vue de tout le monde, mais cela m'amuse, savez-vous ? Et pratiquement toute la jeune Cour, y compris le Roi, apprécie généralement les gens qui ont ce sens de la repartie. Mais surtout... vous m'aimez, n'est-ce pas ?
– Bien sûr ! Ne vous l'ai-je pas assez dit ?
Cette réponse, donnée sans la moindre hésitation et sur un ton qui laissait clairement entendre combien la question semblait saugrenue, fit naître sur le visage du prince un sourire radieux auquel Filippo répondit, souriant aussi, en ajoutant un "je vous aime" en italien. Un tendre baiser suivit, puis quelques autres de plus en plus passionnés, au point que Filippo oublia que son respect pour le frère du Roi aurait dû, comme les autres fois, l'arrêter avant qu'il aille jusqu'à glisser les mains sous ses vêtements et se retrouve pratiquement allongé sur lui.
Philippe, bien entendu, était loin de songer à s'en plaindre. Tout au plus était-il légèrement inquiet, parce qu'il ne savait pas très bien ce qu'il était censé faire, mais la certitude que Filippo ne pourrait jamais lui faire de mal suffisait à le rassurer. Aussi fut-il particulièrement contrarié quand le jeune Italien, soudain repris de scrupules, retira vivement la main qui était sur le point d'atteindre un endroit que personne d'autre n'avait jamais touché.
– Vous
pouvez ! s'écria Philippe en lui attrapant le poignet pour l'empêcher de reculer encore plus. Je sais que vous hésitez parce que vous n'êtes pas sûr que je ne vous le reprocherai pas plus tard, mais je vous assure que... je veux tout ce que vous voulez.
A vrai dire, c'était assez évident. Seulement, Filippo n'était pas certain que Philippe sache exactement de quoi il parlait. Après tout, il n'était jamais allé au collège, lui. Il n'avait pas eu de camarades de classe pour lui apprendre ce que parents et professeurs ne disent jamais. Mais, d'un autre côté, il pouvait très bien avoir entendu pas mal de choses en côtoyant les amis de son frère...
Voyant qu'il hésitait encore, Philippe le tira vers lui et recommença à l'embrasser. Résister aurait été stupide...
~ * ~
Philippe s'était, comme souvent, installé dans les bras de Filippo, la tête posée sur son épaule. Rien que de très ordinaire... excepté que, cette fois, ils étaient dans son lit – et pas du tout habillés. Mais ce n'était plus gênant, maintenant. Il avait eu tout le temps de s'habituer depuis...
Réalisant soudain qu'il devait être bien tard, le prince releva brusquement la tête et se tourna pour voir la pendule.
– Que se passe-t-il ? interrogea Filippo d'une voix ensommeillée.
Il était presque endormi quand Philippe avait bougé, le réveillant en sursaut.
– Cela fait plusieurs heures que nous sommes ici... Je crains que ce ne soit pas très discret.
– En effet...
Ni l'un ni l'autre ne se décida à se lever, pourtant. Philippe reprit même sa place en murmurant un vague "Encore dix minutes" qui fit sourire Filippo.
– Est-ce aussi ce que vous dites tous les matins ?
– Oui, exactement !
Ils se regardèrent, se sourirent et s'embrassèrent tendrement.
– J'aimerais que vous puissiez venir dormir ici la nuit, soupira Philippe. Je vais me sentir bien seul ce soir...
Filippo le serra plus fort contre lui.
– Vous me manquerez aussi. Il est évident que partager une chambre avec mon jeune frère a beaucoup moins d'intérêt.
– A propos de frères... commença Philippe.
Il ne dit rien de plus, mais c'était inutile.
– Oui, répondit Filippo comme s'il avait pu entendre la suite informulée. J'ai vraiment du mal à imaginer que nos aînés respectifs aient pu se trouver dans la même situation.
– Je ne suis pas certain que cela soit réellement comparable mais...
Comme il ne savait presque rien de l'affaire, Filippo saisit aussitôt l'occasion de demander quelques explications. Mais Philippe se contenta de résumer ses impressions.
– Mon frère aime tellement les femmes... dit-il d'un ton où perçait toute son incompréhension. Je doute fort qu'il ait pu être amoureux du vôtre – et vice versa. Je suis presque certain que Paul avait également ce fort penchant pour les demoiselles que vous ne partagez visiblement pas plus que moi.
Filippo répondit d'un sourire amusé à la fin de la tirade, et Philippe l'embrassa comme pour confirmer qu'il le trouvait bien plus intéressant que n'importe quelle demoiselle.
– Il faut pourtant que Paolo n'ait pas aimé que les femmes, pour faire ce qu'il a fait ! remarqua tout de même Filippo, au bout de quelques secondes. Je ne comprends d'ailleurs pas comment il a pu s'autoriser une telle chose si ce n'était pas pour la même raison que moi.
"Au diable le respect" quand on aime, d'accord, mais sinon ? Quelle raison aurait pu avoir Paolo de...
Filippo retint à grand-peine une exclamation quand, comme la manière dont son histoire avec Philippe avait commencé lui revenait à l'esprit, il lui apparut évident que son frère pouvait très bien s'être vu confier par
Zio Giulio une mission similaire à la sienne.
Par chance, Philippe s'était de nouveau pelotonné contre lui et ne vit donc pas l'expression choquée qu'il n'aurait pas pu lui cacher autrement.
Le prince, en fait, répondait très calmement à ce qu'il venait de lui dire, réfléchissant à haute voix :
– Louis n'était sans doute pas encore aussi peu influencé par ses amis qu'il ne l'est aujourd'hui...
– Vous voulez dire que Guiche l'aurait convaincu qu'il pouvait être intéressant de ne pas se limiter à la seule gent féminine ? demanda Filippo d'un ton dubitatif.
– Lui ou un autre, confirma Philippe avant de poursuivre son raisonnement. Probablement pas lui, en fait, car il n'avait que treize ans. Louis aussi, mais presque quatorze, et il était déjà tellement intéressé par les femmes... Si quelqu'un lui avait donné l'idée de...
Cette version plaisait beaucoup plus à Filippo. Si tout était venu de Louis, alors, ses soupçons n'avaient pas lieu d'être.
– D'après Armand, pourtant, reprit Philippe après une pause, il semblerait plutôt que ce soit Paul qui... Oh, je ne comprends rien !
Il s'était redressé d'un bond en tapant du poing sur le matelas pour manifester son agacement, et Filippo s'assit aussi, le regardant en silence pendant plusieurs secondes avant de poser une question dont il n'était pas entièrement sûr de vouloir connaître la réponse :
– Que savez-vous, exactement ?
Philippe avait bien envie de lui conseiller de s'adresser plutôt au comte de Guiche, qui en savait autant sinon plus et raconterait tout sans détours, mais l'idée de ce qui pourrait se passer s'il laissait Filippo rencontrer seul quelqu'un comme Armand, a fortiori pour l'interroger sur un tel sujet, le convainquit qu'il valait mieux s'arranger pour fournir lui-même les informations réclamées. Il rapporta donc ce qu'il savait de la manière la plus détachée possible, tout en s'efforçant de se rhabiller – maladroitement, autant parce qu'il sentait le regard de Filippo fixé sur lui que parce qu'il n'avait pas l'habitude de se débrouiller sans l'aide d'un valet.
Le récit était d'ailleurs plutôt maladroit également. Quand il mentionna le fait que "Paul" Mancini craignait d'être chassé de la Cour, les soupçons de Filippo étaient déjà revenus, cent fois pires qu'avant. Horrifié, le jeune Italien se demandait maintenant si son frère avait pu tenir à obéir à leur oncle au point de
forcer Louis à avoir avec lui des relations bien plus qu'amicales.
– Mais... Philippe... balbutia-t-il d'une voix blanche. Vous rendez-vous compte que... raconté ainsi...
"Notre oncle ne lui aurait jamais ordonné de faire cela", se raisonna-t-il à part lui. "Il n'aurait pas voulu le voir exilé..."
Mais si ce n'était pas un ordre de l'oncle, après tout ?
– Je ne peux croire que mon frère ait pu... ajouta-t-il à haute voix, ses yeux suppliant Philippe de lui rendre la certitude que Paolo avait été "parfait".
Même s'il détestait cette idée d'habitude, il la trouvait maintenant mille fois préférable à celle que le petit garçon dont il avait le souvenir ait pu devenir une personne encore plus détestable que le Cardinal-Ministre, coupable tout au plus de dissimulation, de manipulation et probablement aussi de détournement de fonds. Toutes choses qui le choquaient en temps ordinaire mais n'étaient plus rien en comparaison de ce qu'avait peut-être fait son propre frère...
– Rassurez-vous, c'est impossible, répondit Philippe sans le regarder, gêné et désolé de lui avoir involontairement donné d'aussi terribles soupçons. Louis n'aurait jamais pardonné une telle chose, donc il n'aurait certainement pas donné à Paul ce grade de capitaine à titre presque posthume, et encore moins pleuré comme il l'a fait. Je l'ai vu : il était... anéanti. Autant que votre oncle.
– Oh,
lui !
Rassuré à propos de son frère, Filippo s'était déjà remis à penser que toute l'histoire n'avait dû être qu'une manigance politique signée Mazarin. Et il était bien décidé à en obtenir confirmation à la première occasion.
– Je ne serais pas surpris qu'il ait surtout pleuré la perte d'une personne qui lui était toute dévouée, marmonna-t-il en se levant pour s'habiller aussi.
– Tout de même, il me semblait qu'il l'aimait beaucoup, insista le prince, un peu choqué.
Il n'appréciait pas spécialement le Cardinal, mais il l'avait vu très affligé de la mort de son neveu préféré et ne comprenait pas qu'on doute de sa sincérité en la circonstance.
– Vous ne savez pas ce dont mon oncle est capable, Philippe ! Je vous accorde qu'il aimait sans doute mon frère, comme il aime d'ailleurs l'autre, mais je le connais trop pour croire que son affection était totalement désintéressée. Il n'aime que ceux qui peuvent lui être utiles, ainsi que Paolo l'était... D'ailleurs, il a eu tôt fait d'écrire à ma mère pour réclamer un remplaçant – sans compter de nouvelles filles à marier, car il venait de fiancer l'avant-dernière de celles qu'il avait sous la main. Bien jolie lettre que celle-là ! "Ma chère soeur, pourriez-vous m'envoyer votre second fils pour qu'il prenne la place du premier ? J'aurais également besoin de l'aînée des filles qu'il vous reste à Rome, ainsi que de celle de Laura Margherita..." Je paraphrase mais, si la forme était plus délicate, le fond revenait à cela.
Cette fois, Philippe ne songea plus qu'à s'amuser des paroles de son ami :
– Malheureusement pour lui, Marie et vous êtes loin des modèles de neveu et nièce obéissants qu'il espérait ! commenta-t-il en riant.
Ce qui fit sourire Filippo.
– On l'en plaindrait presque, n'est-ce pas ? répliqua-t-il avec un clin d'oeil. Bien, puisqu'il vaut mieux que je ne m'attarde pas plus longtemps chez vous, je m'en vais tenter de convaincre Alfonso de se joindre aux rangs des insoumis. A demain, mon prince !
Malgré le ton léger, Philippe perçut toute l'affection contenue dans la dernière phrase et, après s'être laissé embrasser très volontiers, il murmura en réponse trois des rares mots d'italien qu'il connaissait : "
A domani, amore."
* * *
Maintenant, je n'ai plus de chapitre en réserve (enfin, j'ai écrit le 9, mais seulement sur papier), donc il faudra de nouveau attendre plus longtemps pour la suite. Je peux toutefois jurer que je compte bien finir cette fic un jour ou l'autre. J'y tiens bien trop pour l'abandonner.
(Au fait, Cybelia, tu as le livre du spectacle Le Roi Soleil ? J'ai couiné comme une fan idiote - "iiiii, mon chériiii" ! lol - quand j'ai vu qu'il était écrit que "Monsieur" avait aussi eu "son Mancini". ^^)