Je ferme la porte de la maison et soupire de soulagement, appréciant le silence de la nuit. Je n’en pouvais plus de cette musique, de ces rires, de cette fête pourtant donnée en mon honneur, la dernière avant mon départ. Dans une semaine je serais loin, de l’autre côté de l’océan et je ne reviendrais que dans deux ans. J’ai l’opportunité d’aller travailler dans un des plus grands centres de recherche des Etats-Unis. Je n’ai pas hésité une seule seconde quand on m’a cette proposition même si je savais qu’elle meurtrirai le cœur de ma mère. Il fallait que je m’éloigne, cela faisait trop longtemps que je vivais dans l’ombre de mon passé, quatre ans, une éternité pour moi. Je regarde par la fenêtre dont les rideaux n’ont pas été fermé. Ma mère danse avec Hervé, mon meilleur ami, pendant que Thomas, le seul des ex qui soit resté proche de moi, embrasse son compagnon David à pleine bouche. Assis sur le canapé ils ne se soucient pas de ce qui les entoure, ils s‘aiment, ils le montrent, je les envie. Ma vie sentimentale est réduite à néant hormis quelques coups d’un soir qui ne suffisaient pas à combler le vide. Tout mes proches, ma famille, mes amis sont là, rassemblés dans la maison familiale, tous sauf un. Je sais que ma sœur Clara lui a envoyé un carton d’invitation, avec l’espoir qu’il n’ait pas déménagé. Elle avait été attristé par notre séparation, elle l’adorait, et lui qui était fils unique la considérait comme sa sœur de coeur. Je savais qu’il ne viendrait pas même si j’espérais à chaque coup de sonnette qu’il franchisse le seuil de la porte.
Je m’éloigne de quelques pas pour m’asseoir sur le banc accolé au mur sur le côté de la maison. Je caresse d’un geste machinal une feuille de lierre qui a envahi la pergola de bois, que mon père a construit alors que je n’était qu’un petit garçon. Enfant j’y restais assis pendant de longs moments, observant les passants qui s’égaraient dans la ruelle ou les chats errants qui se battaient pour un morceau de choix trouvé dans une poubelle. Je frissonne, la pluie qui est tombée un peu plus tôt dans la soirée , a rafraîchit l’atmosphère et les pavés brillent à la lueur de l’unique lampadaire. Je bouge de façon à pouvoir placer mes pieds sur la pierre, j’encercle mes genoux de mes bras et pose ma tête sur ceux-ci. Je ne veux penser à rien et pourtant son visage s’impose dans mon esprit. Je ne lutte pas contre l’afflux de mes souvenirs.
Notre rencontre sur ce bateau de croisière où il travaillait, nos regards qui s’étaient croisés au détour d’un couloir, cette évidence que nous étions fait pour nous rencontrer. Nos promenades sur le pont supérieur quand il avait fini d’animer la soirée et nos baisers alors que le jour se levait et notre première nuit d’amour avant que je ne débarque le lendemain. Notre histoire avait continué au gré de ses escales, il m’aimait, je l’aimait mais au fil du temps un mal a commencé à me ronger. Il m’avait avoué qu’il n’était parfois pas insensible au charme de l’autre sexe et malgré qu’ il m’avait affirmé les yeux dans les yeux qu’il me serait fidèle, le savoir entouré à longueur de temps par des femmes en mal d’affection ou de sexe me mettait hors de moi. Mes crises de jalousie entachaient de plus en plus souvent nos retrouvailles et le jour où il m’avait annoncé qu’il ne pourrait pas venir comme prévu, le pire des scénarios s’est imposé. J’étais sorti en boîte, avait dragué le premier mec potable et l’avais ramené chez moi. Ce que je ne savais pas c’est qu’il voulait ce soir là me faire une surprise, la surprise c’est lui qui l’avait eu. Il venait m’annoncer, avec dans la poche une boîte abritant deux anneaux en preuve de son amour pour moi, qu’ il allait démissionné pour être plus proche de moi et il m’avait trouvé nu en train de baiser sur mon canapé. La bouteille de champagne qu’il tenait à la main c’était brisée sur le carrelage, m’avertissant de sa présence et j’ai lu dans ses yeux la douleur de la trahison. Il était reparti en mer le lendemain et je ne l’avais plus jamais revu comme il l’avait souhaité.
Des bruits de moteur déchirent le silence, les pêcheurs partent en mer profitant de la marée. J’ai soudain envie de descendre la ruelle jusqu’au port et m’asseoir sur la jetée, comme je le faisais souvent avec lui. Je m’arrête un instant dans le passage sous les remparts. Je porte une cigarette à ma bouche et alors que je fouille mes poches, la flamme d’un briquet éclaire mon visage. Je lève les yeux, mon cœur rate un battement et je me mets à trembler, IL est là devant moi et il me sourit.
FIN
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