Petit texte écrit lors d'un atelier d'écriture.
Les trois phrases en gras étaient imposées!
Merci à bethan pour la relecture!
Trouver le courage...Les ombres d’un soir tôt venu et qui n’en finit pas et qui n’en finira pas, s’étendent, s’étendent. Paolo remonte le col de sa veste. Le froid mordant brûle sa peau. Il se remémore sa précédente visite à Moscou. C’était en été, avec son ami Sasha. Souvenir encore vivace dans son esprit, dans son cœur. Souvenir si différent du présent. L’hiver est là, rude. Paolo avance seul dans les rues de la capitale. Et puis, aujourd’hui, dans son cœur, Sasha n’est plus vraiment un ami.
Il arrive presqu’au bout de ce voyage qui l’a fait quitter sa douce Florence, qui l’a fait abandonner la sécurité de sa vie et oublier jusqu’au visage de Chiara.
Avec la sorte de courage qu’il faut pour être rien et rien que rien, Paolo monte les trois volées de marches qui le séparent encore de ce moment de vérité. Vérité désirée. Vérité redoutée. Face à la porte de l’appartement de Sasha, le courage s’évanouit. Et les questions qui le hantent rejaillissent. Bouillonnement intérieur, indomptable. Et lui ? Que voit-il en moi ? Mais suis-je seulement prêt ? Et si je perds son amitié ? Suis-je prêt à tout quitter pour une chimère, un espoir aussi fin qu’un papier de soie ? Nonna me disait de suivre mon cœur… Il hurle, mon cœur.
Paolo étouffe. Sous les doutes, les peurs, les espoirs, l’amour aussi. Il finit par frapper, à bout de souffle, à bout. Trois coups brefs… Un autre quelques secondes après comme lorsqu’ils partageaient ce grenier chez Miss Green à Londres. Une vague de souvenirs submerge Paolo. Un an ensemble Un pour se découvrir. Et finalement, c’était lui-même que Paolo avait découvert.
La porte s’ouvre. La surprise se peint sur le visage de Sasha. Puis un sourire. Le plus beau pour Paolo, le seul qui compte. Pas de mots, même pas un « salut ». Juste l’émotion. Sasha l’attire contre lui, accolade amicale, intime aussi. Paolo savoure. Peut-être la dernière. La voix grave du Russe murmure un « Qu’est-ce que tu fais là ? ». L’accent chantant de Paolo répond : « Je voulais te voir… Te parler… C’est important. ». Les derniers mètres d’un long chemin parcouru seul ou les premiers d’un autre à suivre à deux.
Sasha le fait entrer et ils s’installent dans le divan de cuir sombre. Celui où ils ont passé toutes leurs soirées lors du séjour de Paolo à Moscou. A discuter, à rire, à regarder un film, à s’observer… Et c’est là que tout se décidera.
Dans quelques heures tout sera fini… Ou dans quelques minutes… Ou, secret espoir de Paolo, il n’y aura jamais de point final à cette histoire. Il avait réfléchi longtemps aux mots à employer. Mais rien, pour lui, ne décrivait ce qu’il ressentait. Aucun verbe pour les battements trop rapides de son cœur, aucun nom pour le tumulte de son esprit, aucun adjectif pour le ravissement de son regard. Alors, après trop de nuits sans sommeil, il avait pris l’avion avec la résolution de parler à Sasha comme il l’avait toujours fait. Sans voile de pudeur, sans digression. Juste avec ce qu’il était. Langage franc, honnête.
Paolo fixe un instant le décor de l’appartement. Pas inconnu mais pas assez familier pour être rassurant. Sa main caresse le cuir chaud, comme un enfant qui cherche le réconfort dans la texture de son doudou. Puis les mots glissent sur ses lèvres en un souffle. Ces mots qu’il a déjà prononcés, trop souvent peut-être. Mais que, aujourd’hui il le sait, il n’a jamais pensé aussi fort.
Puis le silence… La neige au dehors. Le feu dans son esprit. Il n’ose croiser le regard de Sasha. Apeuré, effrayé d’y lire une émotion qui l’anéantira.
Un souffle… Un murmure… « Paolo »… Un geste… Une main qui se pose sur la sienne. D’autres questions qui se forment dans son esprit. Questions vite chassées par la plus belle des réponses. Un baiser. Un contact trop furtif mais bien suffisant pour balayer des mois de doutes, de peurs… Suffisant aussi pour créer un avenir là où, quelques minutes auparavant il n’y avait que les ombres d’un soir tôt venu.
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Merci Kamiel pour ma signature!