(Deuxième partie) Le lendemain je suis allé voir monsieur Clauvet – y'avait pas entraînement, c'était tranquille – et je lui ai demandé franchement si ma taille était un handicap ou pas. Parce que bon, j'avais seize ans, je pouvais encore gagner quelques centimètres, mais fallait pas se leurrer, je serais jamais un géant non plus. Là, il a commencé à me sortir plein d'explications techniques, j'ai pas tout compris sauf qu'être petit, c'était cool pour la vitesse et la technique, mais qu'effectivement, artistiquement, c'était plus dur. Fallait compenser, quoi.
Et croyez-moi, pour compenser, j'ai compensé.
J'ai demandé à une de mes frangines, qui faisait de la danse moderne, si je pouvais venir avec elle aux cours. Au début elle était pas trop pour, elle pensait que c'était un plan pour mater les filles, mais quand je lui ai expliqué pour le patinage, elle a accepté. Bingo.
Et après, ben, j'ai eu qu'à adapter la technique au patinage.
Sûr, ils ont été surpris, la première fois. Le Cygne m'a rembarré d'un « tu te crois où, on n'est pas au Crazy Horse, ici » ce qui était très con de sa part, parce que la danse moderne, ça n'a pas grand chose à voir avec le Crazy Horse. Enfin, il voulait juste être blessant, et je dois dire qu'il y réussissait. Heureusement que monsieur Clauvet a pris ma défense en disant que je cherchais mon style, et que c'était très bien. Qu'au moins, c'était original. Du coup c'est le Cygne qui s'est barré en pinçant les lèvres.
Après, Chris m'a expliqué qu'il était tout simplement jaloux. Parce que j'étais le chouchou de Clauvet, et que je n'avais mis que quelques mois à atteindre le niveau qu'il avait mis des années d'effort à rejoindre. Excuse-moi d'être doué, mec. Encore que je voyais même pas les choses comme ça, à l'époque, il était tellement au-dessus de moi que doutais d'atteindre un jour son niveau.
Enfin on va dire que nos différences éclataient aussi au niveau de notre style. Manque de bol pour moi, le sien a toujours davantage plu aux jurys. Moi, c'est le public qui m'applaudit, mais je me rétame dans les notes. Faut croire que le classique paye mieux.
C'est à la même époque, à peu près, que j'ai fait la connaissance de Jana. Monsieur Clauvet m'a demandé si ça m'intéressait de faire de la danse sur glace, j'ai dit oui. Couple, c'était pas possible, parce que j'ai pas la carrure pour porter une partenaire, mais danse, ça peut aller. Et puis Jana est vraiment petite, et toute menue. Nous étions bien assortis, quoi. Y compris côté caractère. Jana c'est une fille sympa, qui se prend pas la tête, et qui aime rigoler. Tout à fait mon style.
Quand j'y pense, je me dis que j'aurais du tomber amoureux d'elle, à ce moment. Ça m'aurait certainement facilité l'existence, ça oui. Mais non, vous voyez, Jana je l'ai toujours vue comme une frangine, c'était juste pas possible autrement.
Ça non plus, ça ne lui a pas plu, au Cygne. Un soir il m'a choppé dans les vestiaires, et il m'a dit qu'il faudrait que je choisisse. Que je pouvais pas concourir dans les deux catégories, parce que quand on fait un truc, faut se donner à fond.
Là, je lui ai sorti un truc du genre « t'es jaloux parce que t'as trouvé aucune fille qui accepte de patiner avec toi? » Parce que bon, il commençait à me taper sur le système nerveux, aussi. Je m'entendais bien avec tout le monde, alors je voyais pourquoi lui, il se la jouait princesse. Je m'attendais vraiment pas à ce qu'il m'a répondu : « de toutes façons, les filles, ça ne m'intéresse pas. » J'ai vu qu'il regrettait ce qu'il venait de dire, j'ai écarquillé les yeux et j'ai sorti le premier truc qui me passait par la tête, parce que oui, ça m'arrive souvent de parler sans réfléchir : « t'es pédé? » Et je me suis pris son poing dans la gueule.
Ouais, c'était mérité, c'est vrai. J'avais rien contre les homosexuels, hein. C'est juste que là où je vivais, ben, c'est comme ça qu'on en parlait. Et personne n'aurait eu l'idée d'aller se vanter d'en être un, ça non. Pas à moins de vouloir finir au fond d'une cave avec tous les os en miette et une gueule à aller voir un chirurgien esthétique. Pour moi, c'était un truc dont on parlait pas, c'est tout.
Monsieur Clauvet est rentré juste à ce moment-là, et il a demandé ce qu'il se passait. Faut dire que j'avais le nez qui pissait le sang. Je lui ai répondu que je m'étais cogné contre un casier resté ouvert. Je sais pas s'il m'a cru, parce qu'il a d'abord regardé le Cygne qui a haussé les épaules. Alors il m'a juste dit d'être plus prudent à l'avenir, et il est ressorti.
Et là, sa Majesté des Neiges s'est excusée! Ça m'a encore plus scié que lorsqu'il m'avait dit qu'il préférait les garçons.
« Ferme la bouche et essuie ton nez » m'a-t-il dit en me tendant son mouchoir. (Le seul mec que je connaisse qui se balade avec des mouchoirs en tissu dans ses poches. Repassés, même).
Celui-là, je l'ai un peu ruiné avec mon sang. Désolé.
Du coup j'en ai profité pour mettre les choses au point et lui dire que ses préférences ne me gênaient pas. Pas du tout. Et il m'a sourit, troisième improbabilité de la soirée. Bon, c'était un sourire un peu tordu, mais un sourire quand même.
Après ça, les choses ont commencé à aller un peu mieux entre nous. C'est à dire que j'étais toujours en admiration devant lui, et que de son côté il condescendait parfois à me donner des conseils. Les autres, ça les gonflait qu'il fasse ça, parce qu'ils le trouvaient arrogant, mais moi je trouvais qu'elles étaient plutôt judicieuses, ses remarques, alors au fond, le ton sur lequel elles étaient faites, je m'en tapais.
Peu à peu j'ai commencé à trouver mes marques. Aux nationaux suivants, je n'ai pas été sélectionné, mais lui a terminé premier. Il devenait une star. Et puis il avait le physique de l'emploi, faut reconnaître : grand, blond, beau à tomber, les cheveux longs (et ça lui allait super bien... moi, si je laisse pousser les miens, ça frise et je ressemble à un mouton).
Quand je suis allé le féliciter, avec les autres, il m'a dit que la prochaine fois, ce serait à mon tour de monter sur le podium. En fait, il se trompait. Comme je l'ai déjà dit, les jurys et moi, ça n'a jamais été une grande histoire d'amour. Je n'ai jamais réussi à le détrôner, mais je m'en fiche. La victoire lui va trop bien.
Quand est-ce que j'ai senti que les choses commençaient à déraper? Après l'histoire de Samia, je crois. Que je vous explique. Samia, c'était une voisine. Une fille sympa, sans histoire. On tapait la discut, de temps en temps, quand on n'avait pas trop envie de rentrer dans nos chez nous surpeuplés. Et puis voilà qu'un jour elle débarque affolée en me demandant si je peux la cacher, bon, j'ai pas dit non, elle avait l'air complètement flippée. Je l'ai emmenée dans un coin tranquille que je connaissais, vers le transformateur. Le truc c'est qu'après ses frangins ont débarqué, ils voulaient la récupérer, et vu qu'ils avaient des battes de base-ball à la main, j'étais pas trop d'accord. Les femmes battues, c'est pas que dans les statistiques de la police. Évidemment que je me suis fait éclater, qu'est-ce que vous croyez? Vous avez vu comme je suis bâti? Face à des types équipés de battes, je faisais pas le poids, c'est sûr. Enfin au moins Samia a pu en profiter pour se casser. Après ça, je ne l'ai plus jamais revue, et je n'ai pas eu de ses nouvelles non plus. J'espère qu'elle s'en est bien sortie.
Donc voilà, le lendemain, je me suis pointé à la IceSchool avec un magnifique hématome sur la moitié du visage, sans compter quelques côtes probablement fêlées. Encore heureux que je n'avais ni bras ni jambes cassés. Je sais, j'aurais du attendre quelques jours avant de retourner, mais quoi, j'étouffais chez moi, j'avais une compèt à préparer, et de toutes façons j'aurais du donner des explications, alors.... J'ai ressorti la bonne vieille histoire des escaliers, c'est dingue ce que c'est dangereux ces choses-là.
J'ai pas du convaincre beaucoup de monde. Du coup le Cygne m'a choppé à la sortie des vestiaires et m'a fait signe de le suivre. J'ai même pas trop protesté parce que voilà, il avait une moto trop classe et ça faisait longtemps que je rêvais de monter dessus, même si j'ai morflé en enfilant le casque. Il m'a emmené chez lui, et là il m'a dit de me désaper. J'ai du tirer une drôle de tête parce qu'il m'a dit : « crétin, je n'ai pas l'intention de te violer, mais ça m'étonnerait que les coups se soient limités au visage, vu les grimaces que tu faisais à l'entraînement. »
Bon, j'ai fini par lui obéir, de toutes façons il est du genre à toujours avoir le dernier mot. Il a grimacé en constatant l'étendue des dégâts.
« J'imagine que tu n'es même pas passé à l'hôpital? »
J'ai secoué la tête. A l'hosto on m'aurait demandé des explications, y'aurait eu les flics, enfin ça aurait fait des histoires. Le genre de truc que tu évites quand tu veux survivre dans la Cité. Et puis les côtes fêlées, de toutes façons, à part attendre que ça se ressoude tout seul, y'a pas grand chose à faire. Heureusement il n'a pas trop insisté, il a sorti un pot de crème et il a commencé à me masser partout, ça faisait du bien. Ça chauffait un peu, et après la douleur s'allégeait. Seulement voilà, à force de sentir ses mains sur ma peau, ça a commencé à me faire un autre effet. J'ai essayé de me concentrer sur la douleur pour ne pas bander mais tu parles. J'avais la trouille qu'il remarque quelque chose, mais non, il a terminé tranquillement et après il posé un bandage par-dessus mes côtes, et pour penser à autre chose je lui ai dit qu'il ferait un excellent médecin.
Et là il m'a dit qu'il souhaitait en devenir un, plus tard. Je pouvais pas croire qu'il songeait à arrêter le patin. Pour moi, c'était ma vie, et pour lui, un passe-temps? Une passion de jeunesse, mais pas un projet à long terme. Finalement on a passé un long moment à parler de tout ça, et il faisait noir lorsque je suis rentré chez moi. Il m'a raccompagné à la limite de la cité, la mob de marque au pied des tours, ça le faisait moyen.
A partir de là, j'ai bossé encore plus dur. Parce que s'il était aux JO dans deux ans, je voulais y être aussi! Je ne me souviens plus s'il s'est passé quoi que ce soit de marquant durant ces deux ans. J'étais trop concentré sur mon objectif.
Si je pensais à lui ? Oui, tout le temps. Mais bon, entre le lycée, la patinoire et les petits boulots que je faisais pour gagner de l’argent de poche (et qui passait intégralement dans mon équipement) j’avais pas une minute à moi pour avoir une vie privée. Je suppose que c’est pour ça que tout le monde a commencé à raconter que Jana et moi sortions ensemble – c’est vrai que je passais plus de temps avec elle qu’avec quiconque, mais normal, quoi, c’était ma partenaire. Et puis faut avouer que ma vie était déjà suffisamment compliquée comme ça sans que j’en rajoute. Ouais, le patinage, ça a pas la côte, dans le cité, c’est le moins qu’on puisse dire. Comme l’expriment élégamment mes ex- potes : c’est un sport de tafiole. Vous pouvez me croire, je suis pas allé m’en vanter, de mes exploits, dans le quartier. Mais ça a fini par se savoir quand même, tout se sait de toutes façons. Je rasais les murs, quand je rentrais tard, le soir. Ça n’a pas empêché que j’ai des ennuis, à l’occasion…
Mon Cygne, ça le rendait dingue. Il en avait marre de soigner mes bleus, même si moi j’adorais ça (qu’il me soigne, pas les bleus). Il me disait de déménager, mais avec quelle thune ? Et si quelqu’un d’autre m’avait hébergé, il aurait pu être accusé de détournement de mineur. Ben oui, j’avais pas encore dix-huit ans, à l’époque. Alors je prenais mon mal en patience et je supportais les remarques paternelles, comme quoi j’aurais pu choisir un sport un peu plus viril, et celles, maternelles, comme quoi j’allais pas gagner ma vie avec ça et que je ferais mieux de me concentrer sur mes études. Les frangines, ça allait, et les frangins bah ils m’ignoraient, des fois qu’on fasse l’amalgame entre eux et moi.
Donc voilà. Le temps a filé comme le vent, et il ne s’est rien passé de plus entre nous que quelques passages de pommade. Ouais, je savais qu’il était porté sur les mecs, mais je pensais que j’étais pas son genre, et que de toutes façons il ne me voyait pas comme ça. Et puis c’est surtout moi qui ne savais pas ce que je voulais. Les filles, les mecs, j’y avais jamais trop réfléchi, et comme je vous l’ai déjà expliqué, j’avais pas trop le temps. Je suis vaguement sorti avec des copines aux frangines, le genre qui trouvait que le patinage artistique c’était cool. Ça ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, c’est le moins qu’on puisse dire.
Et on a finit par arriver aux sélections pour les Jeux. La folie. Tout me tombait dessus en même temps, le bac, le patinage et le reste. J’ai réussi les sélections, ouais. En individuel et en couple, comme quoi… Le Cygne aussi, mais ça, tout le monde s’y attendait. A vrai dire, on comptait sur lui pour la médaille d’or. Et lui, qu’est-ce qu’il disait ? Ben qu’il allait arrêter. Qu’après les JO il se consacrerait à ses études – là il étudiait en parallèle, mais bon, médecine c’est trop dur pour pouvoir le faire en dilettante. Ça, ça me rendait dingue. Je veux dire, des bons médecins, y’en a plein, mais des patineurs aussi doués que lui, ça existe une fois par décennie, et encore. Nos rapports ont recommencé à se dégrader à cette époque. Il voulait arrêter, moi je pensais que c’était de la connerie, et je ne me gênais pas pour le lui dire. Les journaux ont parlé d’ambiance pourrie au sein de l’équipe. Ce n’était pas à ce point, mais c’est vrai que c’était tendu. Je crois qu’on avait tendance à s’enfermer un peu dans les rôles qu’on nous avait attribués. Lui, c’était le Prince des Glaces, et moi, le comique de service. Tout le monde m’adorait, et tout le monde l’évitait, mais au final c’est quand même lui qui raflait les trophées, ah ah. Je rigole, mais en fait je le prenais quand même super mal qu’il recommence à s’enfermer dans sa forteresse et qu’il me cause plus.
Les JO c’était magique, quand même. J’étais comme un gosse à Disneyland, je voulais tout voir. Lui, il se foutait de tout. Bon, le résultat, tout le monde le connaît. Sa prestation en finale, elle restera longtemps dans les annales. Le chant du cygne, comme l’on appelé tous les journaux, après coup. Peut-être que le fait qu’il sache que c’était la dernière fois, ça a joué. En tous cas, les autres n’ont pas eu l’ombre d’une chance, c’est sûr. Moi ? J’ai terminé sixième, ce n’était pas si mal. En tous cas, j’étais content. Et puis en couple, avec Jana, on a fini à la quatrième place. Rageant, mais quoi, on avait dix-huit ans, c’étaient nos premiers JO, et on escomptait bien qu’il y en aurait d’autres. Total, j’étais plus heureux de ma sixième place que lui de sa première.
Il a assuré le service minimum côté presse et tout ça, mais rentré à l’hôtel, il est parti s’enfermer dans sa chambre en refusant de faire la fête avec l’équipe. Et devinez qui on a envoyé convaincre la princesse boudeuse ? Gagné. Bon, c’est vrai, j’y serais allé de toutes façons.
J’ai toqué à la porte, mais personne ne m’a répondu, alors je suis entré. Quoi ? Si on ne veut vraiment pas être dérangé, on ferme à clé, non ?
Il était étendu sur son lit, me tournant le dos. Je me suis approché et là, j’a eu le choc de ma vie. Il pleurait. Déjà, voir le Prince des Glaces se laisser aller à ce point, c’était inimaginable, mais en plus il venait de gagner une médaille d’or, alors quoi ?
Je me suis assis à côté de lui et j’ai commencé à lui caresser les cheveux, comme je faisais avec mes petites sœurs quand elles avaient un gros chagrin. Ça n’a pas marché pareil, il a sursauté, et il a voulu me repousser mais je me suis pas laissé faire. En fait, j’étais un peu flippé, parce que bon, il avait vraiment pas l’air bien. Je l’ai serré contre moi pour le calmer, il s’est débattu en gémissant, et là j’ai eu une idée de génie : je l’ai embrassé.
Ah pour être radical, ça a été radical : il a arrêté de pleurer direct et il m’a regardé avec des yeux grands comme des soucoupes.
« Qu’est-ce que tu fais ? »
En vérité, je n’en avais aucune idée. Je voulais qu’il arrête de pleurer, point barre. J’avais pas pensé plus loin. Et plus loin, ce qu’il s’est passé, c’est qu’il m’a renversé sur le lit et qu’il m’a embrassé à son tour, et j’ai trouvé ça tellement wow que je n’ai même pas pensé à le repousser. Pas une minute. Bon, j’étais plus trop en état de penser, non plus.
Même quand il a commencé à me déshabiller, j’ai pas trop protesté. J’étais déjà pas mal excité, faut dire. Manque de bol, les copains, qui commençaient à trouver que je mettrais trop longtemps, sont venus toquer à la porte juste au moment où les choses allaient commencer à devenir intéressantes. Je me suis rhabillé à la hâte et puis j’ai dit à Gabriel de nous rejoindre en bas, pour fêter la victoire, et qu’on parlerait après.
D’accord, on n’a pas fait que parler, après la fête. Tout le monde avait bien picolé, mais pas nous, et quand on s’est retrouvés dans sa chambre ben… On a repris où on s’était arrêtés. Tout le monde dit toujours que la première fois, c’est foireux, mais je peux vous dire que la mienne, c’était fabuleux. Mille fois plus intense que le patinage. Bon, c’est aussi parce qu’il est super doué pour ça aussi, j’imagine.
Après, oui, on a parlé. De nous, d’abord. Comme quoi j’avais eu tort d’imaginer que petit a, j’étais pas son type et petit b, il en avait rien à foutre de moi. Il pensait sincèrement que j’étais de l’autre côté de la barrière et… Bah, un cas typique de malentendu, quoi. Au moins de ce côté les choses étaient claires, désormais. Et puis de sa carrière, ensuite. Contrairement à ce que je pensais, il ne voulait pas vraiment arrêter. Mais il y avait de la pression familiale derrière, et que le patinage, c’était pas une profession, et qu’est-ce que tu feras si tu te blesses ou lorsque tu seras trop âgé pour patiner, etc. Dire que j’ai poussé en sens inverse serait un euphémisme. En réalité, je l’ai motivé à fond pour continuer.
Etonnez-vous après ça que sa famille n’ait jamais pu me blairer.
Enfin bref. Après une période d’incertitude, j’ai fini par obtenir gain de cause. Faut dire que j’avais certains arguments imparables. Ouais, à l’extérieur, il paraît complètement froid et indifférent, mais dedans, c’est le mec le plus romantique que je connaisse. Si j’en profite ? Complètement. Mais bon, je l’aime, aussi, et je lui rends au centuple tout ce qu’il me donne, alors ça va.
Il a quand même poursuivi des études, en parallèle. Pas médecine, c’est trop long et trop prenant, mais kiné. Je trouve que c’est une idée géniale. Surtout quand il s’occupe de moi, ah ah. Et même s’il arrête de patiner après ces JO, je pourrai encore profiter de mon Cygne pour moi seul, alors je ne râle pas trop.
Moi, c’est patinage à fond. D’abord je me suis occupé du club, et puis après ces JO je passerai professionnel. J’adore créer des chorégraphies, tout ça. Je crois que je n’aurai pas trop mal à faire carrière.
En parlant de JO, j’ai un entraînement qui m’attend, alors je ferais mieux d’arrêter de blablater et d’y aller. Si je compte faire mieux que ma sixième place des derniers ? Evidemment. Surtout que cette fois je ne me concentre que sur la compétition individuelle, Jana a jeté l’éponge il y a trois ans, lorsqu’elle a rencontré son chéri et qu’elle a eu un bébé. Et je n’ai pas voulu recommencer avec une autre partenaire. De toutes façons Gabriel n’aurait pas apprécié. Il est plutôt jaloux, en fait, même si je ne lui ai jamais donné aucune raison de l’être. Pas que ça me dérange, d’ailleurs. J’aime bien voir qu’il tient à moi…
Bon, je vais vraiment y aller avant de sombrer dans la guimauve la plus totale. S’il vise la médaille d’or ? Toujours. Surtout que cette fois, c’est vraiment le chant du cygne, pour lui, et pour moi aussi.
Et cette année, je sais déjà comment nous célèbrerons la victoire. Mais comme qui dirait : cela ne vous regarde pas.
Ciao tout le monde ! Et rendez-vous pour la finale.
FIN
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