Forum - Le Monde du Slash

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 Sujet du message: Désaffection (G)
MessagePosté: 20 Mar 2007 22:03 
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Mais euh... kesk'ils font ces deux-là ?

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(alors, explication rapide: c'est pas tout à fait une fic, c'est plutôt une série de scènettes mettant en scène des personnages originaux que je reprends dans différentes fics. Donc, y a pas tout à fait de lien ni de fil conducteur, mis à part des piafs)

Désaffection (Know why the nightingale sings)

Rating : G
Disclaimer: Les personnages m'appartiennent et sont tous les fruits de mon imagination tordue. Toute ressemblance avec des évènements ayant existé ne serait que fortuite.

Les chansons citées appartiennent aux groupes les ayant composées, ici The Final, Dir en grey.

Scène 1: The Final

Le rideau s’ouvre. Vous êtes en région parisienne, dans une petite ville de banlieue. Elle n’a pas de nom, cette ville. Pas encore, c’est inutile. Ca viendra. Peut-être. Laissez derrière vous les pavillons et leurs jardins. Oubliez la cité HLM. Passez à travers la vielle ville. Vous arrivez dans un quartier en périphérie.

Il est glauque ce quartier. Ses rues baignent dans une lumière d’hiver, malgré le soleil d’été qui joue sur les carreaux. Il est bizarre ce quartier. Composé de diverses populations qui cohabitent sans jamais se croiser. Ou juste le moins possible. Des familles qui arrivent en ville en espérant trouver mieux, ces pavillons que vous avez vus tout à l’heure. Des retraités, qui ont quitté ces mêmes pavillons devenus trop grands après le départ des enfants. Des chômeurs, qui n’ont accepté d’atterrir ici que pour échapper aux tours qu’on aperçoit au loin.

A l’écart de tout ça, à peine éloigné de la largeur d’un terrain vague, un immeuble, à peine moins sale que les autres. Les locataires l’ont décoré, des fresques s’étendent sur les murs. Deux anges entourent la porte. Un rayon de soleil fait danser les lettres multicolores du « paradis » écrit au dessus de la porte. Eux, eux seuls ont voulu vivre là, ont été attirés par l’ambiance du quartier. Des artistes.

Il y a Juan, le peintre espagnol du rez-de-chaussée, qui parle mal français mais peint divinement. Les deux anges sont de lui. En face, c’est Charlotte, la jeune styliste qui vient de sortir de l’école avec des rêves plein la tête. Un groupe de musiciens a pris possession du premier étage. Souvent des accents de guitare traversent les portes et couvrent les rires incessants, dissimulent les cris malvenus. Au deuxième, c’est Henry, le poète, qui vit avec Marie, la belle violoniste qui n’est serveuse que pour éviter le chômage. Sur l’autre pallier vit Caroline, la dessinatrice à l’univers étrange et envoûtant, somptueux et décadent.

Au dernier étage, il n’y a qu’un seul appartement. Pas forcément plus grand que les autres, juste plus éclairé.

Le hall de cet appartement est aussi plein de cartons que le salon en est vide. Des tâches claires parsèment les murs, comme si des morceaux de soleil étaient venus s’écraser dessus. Au milieu du salon, si vous tournez la tête, vous verrez que la porte de la chambre est ouverte et apercevrez le lit, la lumière blanche de cette fin d’été qui tombe dessus. Avec la trop grande armoire, il est le seul meuble à rester dans la pièce. Pour les prochains locataires.

Pour l’instant, le locataire, c’est Pierrick. C’est lui l’acteur de la troupe hétéroclite du Paradis, le comédien, le professeur. Lui, il est en train de ranger les derniers livres dont les étagères sont maintenant vierges. Il quitte le sommet lumineux du Paradis, rebaptisé Nuage par Charlotte. Il quitte l’Enclave, ce drôle de quartier aux drôles d’habitants. Il quitte la ville, la région.

On sonne à la porte. Derrière ? Un adolescent, qui ne détonne pas trop avec la pénombre qui a envahie la cage d’escaliers, avec ses cernes qui assombrissent sa peau mate, ses yeux rouges d'avoir pleuré, son regard qui fait penser qu’il vient de se shooter, ses cheveux trop longs, trop noirs, trop en bataille, et puis sa lèvre fendue qui saigne encore un peu.

L’acteur s’efface, le gamin entre. Ils s’observent, se mesurent du regard. On pourrait croire qu’un affrontement ne va plus tarder. En fait non. Ils s’emplissent juste du visage de l’autre, ils impriment sa silhouette au fond de leurs mémoires, ils gravent chaque plein, chaque délié, chaque cicatrice sur leurs rétines. Pour ne pas perdre, ne pas oublier, ou juste le moins possible puisque c’est inévitable. En priant pour que leurs regards ne se croisent pas.

Le brun essaye de parler, ça se voit. Ses lèvres blessées sont entrouvertes, sa poitrine se gonfle trop, ses yeux fuient et partent à la recherche de la voix qu’il a perdue. Quand Pierrick lui sourit, d’un sourire timide, tremblant, forcé, un peu maladroit, il comprend et se réfugie entre ses bras avant que le visage du blond ne le trahisse.

En silence.

Parce qu’ils n’ont pas dit un mot. Le genre de silence qu’on ne voit que dans les films, celui qui fait taire les gamins dans la rue, les oiseaux, le vent dans les branches.

Serrés l’un contre l’autre, ils se gorgent de la chaleur offerte, de l’odeur qu’ils ne connaissent que trop peu. Quelques instants – minutes ? heures ? – passent. Quand, enfin, leurs yeux se croisent et leurs regards se caressent, c’est comme le plus doux des baisers que deux amants – aimants - pourraient échanger, les mots d’adieu les plus déchirants que les poètes auraient pu écrire, l’explosion discrète de sentiments trop silencieux pour être ignorés.

L’adolescent au regard de shooté, le gamin, l’élève, c’est Charles. C’est le photographe sans père, le tatoué, le trop souriant. Le jamais satisfait. Celui qui rêve trop, qui à trop d’imagination. C’est le presque amant, l’ami trop proche en étant trop éloigné, le gosse trop âgé. Pour le moment, c’est celui qui retrouvé sa voix, qui se risque à briser le silence de leur bulle trop fragile.

-Je…je suppose que si tu pars, alors… que, que c’est, enfin je veux dire… Que nous deux…

Il se tait quand le Pierrick le serre un peu plus fort contre lui. Il a compris ce que Charles voulait dire avec les blancs, les mots maladroits, le cœur qui bat trop vite. Leur Eux, leur Nous ne tiendra pas, s’effilera à chaque kilomètre, chaque tour de roue, chaque pas en dehors de cet immeuble miteux. Alors il se contente d’acquiescer, en silence. Sa voix à lui est collée au fond de sa gorge, engluée à la base de ses cordes vocales.

Charles s’extirpe de son étreinte, s’échappe d’entre se bras, se recule d’un pas. Un seul, parce que sinon, il verra les cartons et les murs nus. Ca vaut mieux pour l’un, pour l’autre. Pour eux, ce qu’il en reste encore, ce qui doit en rester. C’est à son tour de se forcer à sourire, en affrontant les belles prunelles noires à demi dissimulées par les mèches d’or et de miel. Il se souvient.

Il se souvient que leur rencontre était prévisible. Que leur rapprochement a été naturel. Et que leur relation, leurs caresses, leurs baisers étaient des évidences, comme le fait qu’ils n’aient jamais été amants. Pour son cœur de 17 ans, tout ça est normal, et il sait que pour Pierrick aussi. Mais pas pour les autres. Ceux avec un grand A. Sauf ceux qui savent regarder avec d'autres yeux que ceux du monde.

Inconsciemment, il s’est de nouveau approché et a passé ses bras autour du cou du blond, qui a posées ses mains sur sa taille et s’est penché vers lui.

Comme avant.

Comme cette fois là.

Comme leur premier baiser, au milieu de la nuit, en hiver, les pieds dans la neige, dans la rue vide devant le lycée silencieux. Leurs lèvres se caressent doucement, puis à peine plus franchement, pour quelques secondes.

Contact aussi fugitif qu’un courant d’air.

Comme si c’était une erreur.

C’en est une. Ils le savent, tous les deux. Ils savent que s’il reste, il ne pourra plus repartir, qu’il ne tiendra pas, qu’il ne pourra pas garder en lui les larmes qui déjà menacent de déborder. Alors il s’en va. C’est presque une fuite. Ou peut-être que c’en est vraiment une. Son esprit cotonneux s’évade, pour quelques heures il ne veut plus savoir.

************************

Le martèlement de ses semelles sur les marches de métal qu’il monte en courant. Dehors le soleil se couche déjà. Il s’arrête. L’Enclave est loin maintenant. Loin avec son Paradis, son nuage, ses artistes. S’il continue à monter, il arrivera chez lui. Neuf étages, à monter dans un escalier circulaire qui se rétrécit à chaque palier. En haut, l’appartement. Il n’arrive pas vraiment à penser que c’est chez lui. C’est chez Lui, plutôt. Pour lui, c’est le neuvième cercle, la porte qu’on ne repasse pas.

Il hausse les épaules et recommence à monter, plus lentement. Après tout, il devrait avoir l’habitude maintenant, non ? Même si une voix au fond de son crâne lui répète qu’il ne devrait pas avoir l’habitude. Qu’il peut faire demi tour, que des dizaines de mains se tendent autour de lui, pour le sortir de son Enfer.

Qu’il n’est pas obligé.

Il continue à monter. Il chasse Pierrick de son esprit, pour un temps. Pour ne pas céder. Pour ne pas repartir. Pour être capable d’endurer. Il efface tout ce qui fait qu’il est Lui. Ses yeux noirs deviennent d’un brun terne. Ses cheveux blonds perdent leur lumière. Se perd sa douceur, ses gestes leur grâce. Sa voix perd sa musique, son sourire devient torve. Son regard perd ses étoiles. Sa silhouette devient lourde, difforme, sa démarche se fait maladroite.

Il passe la porte. Quelques secondes plus tard, le goût du sang envahit sa bouche. La voix basse, suave, sucrée à en devenir écoeurante retentit à son oreille. Il n’entend pas ce qu’il dit et retient de justesse un sourire. Lucifer. C’est très exactement ça.

Les heures ont passé. Lentement, à leur rythme. Ponctuées par le clignotement, rouge vif, du réveil. Charles se décide à se traîner hors de son lit et s’assied sur sa fenêtre, le dos contre la barre métallique. Son bras douloureux pend dans le vide, la main frôlant le mur rugueux, laissant de légères traces d’un brun trop sombre sur le mur sale.

L’immeuble est particulièrement haut, mais pas en hauteur. Son horizon est limité par les collines qui encerclent Paris, enfermant la capitale dans une cuvette où tout stagne,tout se perd, lui faisant perdre toute sa magie, les lumières étouffées par les nuages emprisonnés.

Le soleil se lève, les premiers rayons apparaissent entre les immeubles qui se dessinent en ombres chinoises dans le lointain. Son regard se pose sur son horloge, même s’il sait que sa vue est trop trouble pour qu’il puisse distinguer les chiffres lumineux dans la pénombre, le manque flagrant de sommeil l’empêchant de voir - pire que d’habitude, déjà qu’en temps normal c’est pas franchement brillant. Abandonnant, il se résigne à regarder au niveau de l’avenue.

Dans la demi pénombre, sous un réverbère, Pierrick a levés les yeux vers lui. Ils se regardent, un temps, sans faire de gestes, laissant la lumière reprendre lentement ses droits sur les ombres. Un chant s’élève dans l’arbre voisin. Ils échangent un sourire amusé, le genre de sourire qui n’appartient qu’a deux personnes qui s’aiment, aux amants maudits. En se retenant de rire, Charles sait qu'ils pensent à la même chose.

« C’est con, un rossignol, pourquoi ça chante même quand tout va mal ? »

Puis Pierrick s’éloigne, lentement. Il monte dans sa voiture, garée à peine plus loin mais déjà trop pour que Charles puisse le voir. Il démarre, s’éloigne. C’est la fin d’une histoire, le début de deux autres. Charles sourit, essuie une goutte de sang qui à coulé sur son œil depuis son arcade éclatée. Il regarde à nouveau l’avenue, mais cette fois c’est le bitume qu’il fixe, fredonne une phrase qu’il a entendue, quelque part.

« Suicide is the proof of life"

Fin (de la scène).

Lymou (elle se fait vieille celle ci, au moins deux ans, je l'ai un peu retouchée)

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Dernière édition par Lymou le 23 Avr 2010 00:15, édité 1 fois.

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MessagePosté: 24 Mar 2007 19:28 
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J'ai beaucoup aimé ton histoire. C'est très doux et triste les descriptions sont très visuels et j'adore les personages bien carcterissées en peu de mots.

Bravo!

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MessagePosté: 14 Avr 2007 16:16 
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Mais euh... kesk'ils font ces deux-là ?

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Désaffection
(Lymou)

Disclaimer: Comme la première, ils sont à moi, le premier que je choppe à me les piquer sans demander avant je lui fais bouffer son clavier.

Note: grand merci à Atalanta!
Note 2: Elle n'a absolument rien à voir avec la première scène, ceci n'est pas une suite.

Scène 2: The difference is why (Lenny Kravitz)

Le paysage de banlieue parisienne faisait partie des plus étranges. Rapide alternance de barres d'immeubles avec leur lot de linges, de vieilles bâtisses faîtes de pierres vénérables, d'arbres, de tout et de rien. La partie qui rendrait le mieux en photo, c'était ce petit cimetière coincé entre de hautes tours et les rails du train de banlieue, quelques vieilles bâtisses. Dans un de ces immeubles, un des très vieux, avec une plaque marquant qu'une trace de passé subsistait dans la mémoire des murs, tout en haut, dans ces petites pièces dans lesquels on ne tient pas tout seul mais si appréciées des étudiants, Duncan se réveillait, sans ouvrir les yeux.

Il sentait un souffle velouté mourir sur ses lèvres et voulait avoir le droit de s'imaginer, juste quelques minutes encore, qu'il était revenu plusieurs mois en arrière, avait refait ses kilomètres en sens inverse, avait dit et fait tout ce qu’il n’avait pas voulu, pas osé.

Pour arrêter de penser, il serra encore un peu les bras autour de la masse tiède contre lui. En fait, tout allait bien, pour lui. Les gamins de la voisine étaient partis brailler très, très loin, aucun chat ne miaulait sous ses fenêtres, la concierge ne se prenait pas pour une diva, il ne bossait pas de la journée -ni de toute la semaine- et n’avait ni cours ni examens, ni entretien, ni casting…

Le droit et presque le devoir, donc, de paresser encore quelques heures sous les draps, sans penser plus loin que le bouton de la cafetière. Ou, à la rigueur, le briquet perdu au fond d’une poche. Et puis les mèches blanches qui dansaient sur ses yeux à peine ouverts, disséminées sur une chevelure de nuit.

Il se redressa difficilement, ayant l’impression d’avoir une équipe de batteurs surexcités sous le crâne, et la regarda.

Viny.

Viny et sa peau blanche, son visage de poupée, sa silhouette de mannequin, ses coupes toujours déstructurées, ses yeux d’eau et son regard inexpressif pour l’instant tourné vers ses rêves.

Viny et son lot d’emmerdes aussi, qu’elle débitait toujours avec son adorable accent anglais et un sourire factice. Superbe.

Et puis, Viny qui avait toujours sous ses étoffes divers rêves chimiques, totalement illégaux, tellement dangereux –combien de fois s’était-il sentit partir, du sang au coin des lèvres, en sachant très bien qu’elle le laisserait crever là ?

Il retira le bras qui avait glissé de sa taille à ses cuisses, se leva et enfila un jean. Il aimait d’habitude ce genre de matins, à regarder l’autre en silence, dans un cocon de douceur.

Le genre de choses qui n’arrivaient jamais avec la jolie londonienne, puisqu’elle n’aimait pas, qu’il ne la désirait qu’à peine, juste quand il avait beaucoup trop d’héro dans les veines.

Il ouvrit la fenêtre et s'appuya au montant de bois, sans penser. Il attendrait, comme à chaque fois, que Viny se réveille, ils échangeraient des bêtises pendant quelques heures, et puis elle disparaîtrait encore pour quelques semaines.

D'ailleurs... Il y eut le bruissement sourd d'une lourde jupe autour des jambes fines, deux bras blancs qui se nouaient à son torse et il sentit une poitrine ferme s'appuyer contre son dos.

"T'y penses toujours, hein?"

C'était si rare, d'entendre sa voix. Pourtant, il n'avait pas envie de lui répondre.

Parce qu'elle savait, parce qu'ils en avaient parlé des heures durant, parce que la réponse était toujours la même, parce qu'il n'y avait plus rien à faire. Il se retourna, la fit taire d'un baiser rapide et s'éloigna avant qu'elle n’ait eu le temps de s'énerver. Elle n'aimait pas ce genre de plans, il le savait, elle savait qu'il ne voulait pas lui parler ce matin, alors elle retourna s'entourer de la couverture encore chaude.

Il lui tendit une tasse de liquide fumant, s'assit à côté d'elle et ferma les yeux alors qu'elle glissait de longs doigts dans ses cheveux. Ils ne s'aimaient pas, c'était clair et net, confirmé depuis leur première nuit ensemble, mais ils avaient quand même besoin, parfois...

Quoiqu'en dise Yaël, même si ils se détruisaient un peu plus à chaque fois qu'ils se voyaient, même si au fond ils ne se disaient rien, même si il leur arrivait de se haïr, même si les insultes qu'ils se jetaient au visage étaient parfois trop vraies, pensées, assumées, ils savaient que l'autre serait là pour retenir la main de l'un au dernier moment.

-Tu t'fais du mal, c'est trop tard maintenant, arrête de te prendre la tête avec ça...

-Je... y'a des jours où j'arrive à... mais j'y peux rien, j'peux pas m'empêcher de me dire que c'est trop con tout ça, qu'y a forcément une erreur, que j'me suis gourré quelque part. T'vois, j'aimerais bien repartir, le voir et lui dire que j'pensais pas tout ça, mais j'sais que j'peux pas, et c'est ça qui me déprime, en fait, et ça j'y peux rien et t'y peux rien non plus, même si ça m'tue d'm'dire ça; j'ai tout gâché, j'le sais bien."

Elle posa la tasse de café sur le sol, à côté du lit, se releva et se campa devant Duncan qui ne vit plus que ses jambes minces, son ventre doux, sa taille fine et longue, sa poitrine ferme, ses bras ronds, son cou immense, la courbe de ses lèvres. Il ne vit plus qu'elle, son corps, sa présence qui remplissait en une seconde tout l'espace, tout son espace.

La magie de Viny. C'elle qui faisait que on finissait par lui revenir, que même quand on en mourrait d'envie on ne pouvait pas la repousser au moment où elle s'approchait, son visage de chat en bandoulière.

Viny parlait. Elle éructait même, elle s'énervait.

"Ca, c'est sûr, que t'as tout gâché. Mais c'était y à des mois! Fuck, d'habitude t'es pas comme ça, t'as quoi c'matin? Are you sure you're still the same?"

Elle avait la voix éraillée d'une fille qui forçait sur la cigarette. Être toujours le même? Oui, non, il ne savait plus. Ou juste pas.

"C'est bon, ça va passer, t'enflammes pas". Ca devait passer, ça devrait. Il ne demandait que quelques jours encore, pour remâcher sa peine, et il relevrait la tête après. Quelques jours, et il redeviendrait comme quelques mois auparavant. Quelques jours pour pleurer, puisque Boys don't cry, apparemment, et il redeviendrait le garçon froid et lointain que Viny connaissait.

" You know... j'aime pas quand t'es comme ça, mais t'as pas l'air décidé à..." La fin de la phrase ne vint jamais.

Viny enfila sa chemise et sortit en claquant la porte. Il ne fit même pas un geste pour la retenir, il ne l'avait jamais fait et savait très bien que ça n'aurait servi à rien.

Le canal qui passait sous sa fenêtre faisait monter une odeur fétide, la moisissure habituelle des eaux stagnantes, mais il ne ferma pas la fenêtre et continua à regarder le bois de la porte, comme si il attendait quelle s'ouvre, comme s'il elle avait une chance de s’ouvrir. Comme si il attendait quelqu’un.

Comme si il avait quelqu’un à attendre.

Il enfila un pull que Viny avait jeté au hasard sur le lit, avala le café qui restait dans la tasse d’une traite, prit son appareil photo et sortit, en direction de la gare. Quitte à ne rien faire, autant ne rien faire dans un coin perdu de Paris, ça l’empêcherait peut-être de penser.

Peut-être.

Quand il ferma la fenêtre, il vit un objet tomber sur sa moquette. L’odeur ne venait pas du canal. C’était un corps d’oisillon, qui se décomposait sur sa fenêtre. Il le prit entre ses mains soudain glacées, hésita puis le balança dans l’eau verdâtre. Tout à coup, il n’avait plus du tout envie de sortir. Mais il ferma les yeux, décida de ne pas se souvenir, dévala les marches. Ignora les remarques de la concierge, se retint de lui faire un doigt d’honneur, et courut attraper son train. Il n’avait pas le droit d’être un étudiant normal, mais il pouvait toujours faire semblant, non ?

Fin(de la scène)

Lymou

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MessagePosté: 16 Avr 2007 11:13 
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Beacoup aimé.

La description est toujours aussi bien faite, elle laisse bien imaginer le paysage on peut bien voir Viny.

Citation:
Quelques jours pour pleurer, puisque Boys don't cry, apparemment, et il redeviendrait le garçon froid et lointain que Viny connaissait.


Là, j'aime cette phrase que le garçon dit comme si c'était normal, et c'est si triste.

Super scène.

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MessagePosté: 06 Mai 2007 21:32 
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(Elles mordent. Surtout Berry. Alors on touche pas. Vous êtes prévenus)
Merci à Atalanta, encore, ca fait plaisir de voir qu'ne fic recyclée plait encore.
Scène3 : Faire taire le silence

L'immeuble était récent. Bas, massif, clair. Un peu banal, il était fait pour passer inaperçu, pour ressembler aux maisons à deux ou trois étages alentour. Carole se disait qu'elle avait de la chance, qu'elle aurait pu atterrir dans les tours de verre et d'acier du centre ville. Voir la ville d'au-dessus, elle aurait bien voulu, mais Berry n'aimait pas l'idée. Alors elles avaient choisi ce petit appartement lumineux, un peu éloigné de la laideur du centre silencieux, dans un coin qui ressemblait un petit bout de village.

Dans l'appartement, y avait des photos sur tous les murs. Des fois ça représentait rien du tout, des flashs dans des miroirs, une main contre un mur, l'ombre d'une paire de jambes au soleil.

Et puis y avait des amis, peu de filles, elles avaient toutes les deux tendance à mieux s'entendre avec les garçons, alors c'est surtout eux qu'on voyait. Une bande de mecs pas sortis de l'enfance, malgré leurs poses prétentieuses, leurs clopes et les vêtements bizarres. Et deux traces bondes et rousses au milieu.

Ou alors des images de l'une, de l'autre, des deux, quand elles jouaient avec leurs étoffes et leurs sourires, comme les petites filles qu'elles avaient pas vraiment le droit d'être.

Le matin c'était toujours pareil. Berry se réveillait en retard, et paniquait sous le rire de Carole qui la regardait s'agiter en riant dans son café. Il y avait toujours des regards haineux, des méchancetés qui volaient, et puis elles partaient chacune de leur côté.

Mais aujourd'hui c'est pas la même chose. Berry, pour une fois, est en vacances, contrairement à Carole, alors la blonde a tout le loisir de la regarder dormir. Elles n'ont pas de rideaux, le soleil d'hiver se reflète sur la neige qui recouvre le toit de l'usine d'à côté et illumine son visage. Ses mèches rousses brillent sur l'oreiller, et elle fait penser à un des tableaux que Carole doit étudier pour ses cours d'histoire de l'art.

Elle décide de sortir de la chambre au parfum d'épices. Berry n'apprécierait sûrement pas de la trouver à côté de son lit, et puis elle va être en retard à son travail si elle ne part pas maintenant.

Il n'est pas encore dix heures, le vent souffle fort et remet en place les idées sous les courtes mèches blondes. Elle devrait pas faire ça, observer la -Sa- petite Berry à la dérobée, comme elle regarderait n'importe quelle jolie fille.

Parce que c'est Berry, et que Berry est sacrée.

D'ailleurs, elle la regarde depuis son affiche dans l'arrêt du tramway, ses yeux gris brillant d'un éclat farouche pendant que son corps de liane sert à vendre. Carole détourne les yeux. Elle aime pas voir les photos de Berry, pas celle là. C’est plus vraiment elle là-dessus. C'est juste une fille hautaine, froide, belle, consciente de l’être.

C’est la Berry qui vole d’une bouche à l’autre, garçons et filles dont Carole ne sait la plupart du temps que les prénoms, qu’elle croise si elle a de la chance, et un besoin masochiste de savoir le visage qui...

Bref. Elle a décidé d’arrêter de penser, de toutes façons. Aujourd’hui, elle aura la tête pleine de musique, elle va bosser sans réfléchir, et ce soir elle sera de bonne humeur. Elle agressera pas les clients, même pas les vieux pervers, même pas les gamins, même pas les intellectuels snobs apprentis philosophes. Elle se balade entre les tables, le plateau droit, le sourire fixe, esquive les mains baladeuses et la journée passe comme une autre.

L’appart est sûrement vide, Berry est sûrement sortie. C’est ce qu’elle se dit en poussant la porte, mais elle a tort pour une fois. Elle est là, lovée au fond d’un fauteuil, levant des yeux souriants vers la blonde. Dans le fauteuil d’à côté, y a Tatsu, que Carole connaît vaguement, et puis en face sur le canapé, un garçon qu’elle connaît pas. Passées les rapides présentations (l’inconnu se nommait Pierrick, faisait du théâtre avec Berry et Tatsu, ne sortait visiblement avec aucun des deux, c’était tout ce qu’elle avait à savoir), Carole se changea et ressortit.

Dans les rues presque vides, elle se sent pas vraiment à sa place, mais c’est toujours mieux que chez elles. Évidemment, en ville, y avait des boulets qui ne voyaient que sa chemise pas assez fermée, les coincés qui ne voyaient que ses tissus colorés (si loin de la neutralité de mise dans cette ville, en cette saison où il faut se faire oublier), mais c’est toujours mieux que d’entendre les rires d’une Berry en mode séductrice.

Les rues étaient silencieuses, ce soir, autant que d'habitude à vrai dire. Mais dans la lumière rouge du début de nuit, le silence était une aura, il tombait au fond des oreilles comme une musique trop lourde et trop forte, il engluait les sens et ralentissait le temps -tiens, exactement comme en boîte.

Et il y eut une porte. Une lourde porte de métal ouvragé, une décoration d'arabesques alambiquées délicieusement tortueuses, un peu rouillée, le mur un peu cassé, des branches de lierres dénudées s'enroulant désespérément au battants gelés, qui lui sauta dessus au coin d’une rue, alors qu’elle l’attendait pas, alors qu’elle ne la cherchait pas. Elle ne savait même pas comment elle était arrivée dans ce quartier, mais parmi les innombrables portes cochères du lieu, il y avait cette porte.

La porte.

Celle qu'elle avait passée des dizaines de fois, enfant encore, juste assez, mais plus tellement, assez adulte pour savoir ce qu'elle faisait. Ce qu'elles faisaient. Sans rien regretter, ni à l'époque ni maintenant, de ce qu'il se passait derrière les murs de pierres immémoriaux, cachées derrière la lourde porte de bois, les rideaux épais tirés sur un monde qui n'était pas le leur.

Mais elles ne repasseraient plus la porte, ni l'une ni l'autre, ni dans un sens ni dans l'autre. Carole n'avait plus de raisons de la passer, maintenant qu'Elle l'avait laissée.

Elle pouvait bien prétendre ce qu'elle voulait, Berry ne la remplacerait jamais, elle ne savait même pas toute l'histoire, seulement l'important: qu'elle n'était plus là. Elle ne savait pas toutes les insultes reçues, tous les regards, tous les coups portés à force de silences derrière ces murs épais.

Et puis, plus loin, cette autre porte, plus redoutable encore, plus ancienne, plus silencieuse, ces murs plus fissurés, cette brume ineffaçable, celle devant laquelle elles passaient en lui tournant ostensiblement le dos, parce qu’elles savaient qu’elle marquerait leur point final.

Elle était derrière cette porte, au bout d’une allée recouverte de givre, dans un endroit trop froid, trop silencieux pour elle.

« J’aime pas les gens qui s’obstinent à mettre que du noir pour entrer dans un cimetière. C’est tellement…enfin, voilà quoi. Moi, j’ voudrais que tout le monde porte des tas de couleurs, à mon … »

Et Carole la faisait taire du bout des lèvres. Elle ne voulait pas la fin de la phrase, qu’elle ne connaissait que trop bien. Elle ne voulait simplement pas parler de ça, de ce qui la bouffait de l’intérieur, de ce qui noircissait chaque joue un peu plus les cernes autour de ses yeux.

Elle s’éloigna de la porte. Pas aujourd’hui. Les mois et les années avaient passé, depuis ce jour où elle les avait vus passer la porte, tous en noir, de loin, du bout de la rue. Elle n’avait pas eu le droit de lui dire adieu ce jour là, pas eu le courage depuis. Mais un jour, un autre, dans pas si longtemps avec sa longue robe multicolore, celle qu’elle lui avait fait promettre de porter ce jour là. Juste avant…

« Tu sais… Ta robe de fée. Celle qui te fait encore plus ressembler à une reine…Promets moi…Caro… »

Et elle avait promis, alors elle le ferait, mais un autre jour. Elle partit en laissant un vol de corbeaux remplir les lieux, en collant un sourire rêveur sur ses lèvres, pour faire semblant, comme elle savait si bien, en direction de la boîte où elle avait l’habitude d’être vue, retrouver Snake ? Se raccrocher à son présent bancal pour laisser derrière elle son passé tremblant, ombre de Peter Pan pas encore décidée à s’enfuir.

It’s not time to say goodbye yet.

TBC

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MessagePosté: 20 Mai 2007 12:29 
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Le slash, kesako ?
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Beaucoup aime cette scene aussi.


Oui, j'aim aime aussi cette scene, on dirait que tu as un faible pour les amours tragiques, non? Mais c'est si bien écrit qu'on ne peut rien dire.

Seulement la Berry de la scene finale ne ressembla pas trop a celle de la description je trouv mais c'est une opinion personelle.

Vivement la prochiane scene.

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'' Ferme tes yeux, faint que tu dors, ainsi, je pourrais peut-etre te parler...''


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MessagePosté: 06 Sep 2007 19:49 
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Mais euh... kesk'ils font ces deux-là ?

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(je profite des vacs pour avancer fanfics et autres projets. Donc, ce mois -ci, je reprends un peu Désaffection)

En le relisant, j'aime bien ce chapitre, même si c'est pas le plus agréable. Le suivant devrait être plus léger.

Atalanta:Effectivement, j'adore les histoires tragiques. D'ailleurs, mon projet au départ, c'était de n'écrire que des scènes de rupture, et puis bon, j'ai un peu revue ma copie.

(Ils sont toujours à moi)

Chapitre4: Somebody

Dans la salle de bain trop grande, trop blanche, trop vide, le miroir réfléchit tout doucement la lumière vacillante des bougies disposées autour de la baignoire. Une masse de cheveux noirs tachée de bleu crève la surface dans une pénombre oppressant. L'eau est froide depuis longtemps, immobile.

Charles ne la sent pas. Il hésite à sortir. Ca serait tellement plus simple de rester comme ça. Mourir sans le sentir, dans l’eau qui rosit, rougie, l’eau qui s’en fout. Se laisser faire, attendre. Un suicide propre, silencieux, calme, sans cris, sans tâches, sans douleur.

Dehors, la première neige tape contre les fenêtres, avec un bruit de grêle, ne laisse même pas de gouttes d’eau. Il se redresse finalement, regarde la vitre. La neige s’est transformée en orage, le ciel est noir, il fait nuit en plein jour, les éclairs se taisent, l’eau tombe, encore et encore.

Marjola cachée derrière ses jupons, en train de danser sous la pluie, offrant son visage au ciel" Je la laisse pleurer à ma place, t'vois, parce que moi je sais pas faire, on m'a pas appris". Viny en train de chanter sous l'orage, "pas anglaise pour rien" selon Yael, "I'm just singing in the storm" selon elle. Duncan et Tatsu, heureux sous la pluie comme au soleil, même s'ils ne semblaient plus aussi chanceux aujourd'hui. Tacya, encore un peu Harry, le front appuyé contre la vitre, à se plaindre qu'elle veut "Du soleil, merdum et vertuchou." Fei, mort de rire, essayant de la convaincre de sortir sous la tempête. Sa mère lever les yeux, en silence, s'en foutre; lui lancer quand même un regard qui veut dire c'est ta faute. L'Autre, sourire, un peu trop, parce que c'est con mais il pourra pas sortir aujourd'hui.

Pierrick...non, pas Pierrick. Il ne pensera plus à lui, il n'est que son passé, et il a appris trop tôt que le passé ne sert qu'à ouvrir de nouvelles blessures.

Sortir. Bouger. Revenir au présent, au vrai, arrêter de rêver. Autant d'ordres hurlés à lui-même auxquels il a du mal à obéir, même s'il le faut, même s'il le fait - à contre coeur, mais il le fait, c'est l'important. Aujourd'hui, il a rendez-vous avec Marjo, elle doit déjà l'attendre.

Il la voit bien, assise à une table poisseuse du Saloon, une de ses interminables cigarettes au bout des doigts, avec de la fumée qui s'enroule autour d'elle, écrivant nerveusement les drôles de cauchemars qu'elle fera chanter plus tard, à un pauvre gars qui y comprendra pas grand chose.

S'il restait, elle ne se poserait pas de questions. Elle l'appellerait, ils parleraient au long de la nuit, elle referait peut-être venir un peu de sourire sur ses lèvres.

A vrai dire, il n'avait pas envie de la voir. Il n'aimait pas la voir quand il pensait comme ça, parce qu'il ne voulait voir dans les yeux de sa Blanche Neige que des rires quand il était avec elle, égoïste jusqu'au bout, peut-être.

Egoïste jusqu'à laisser son regard caresser la lame grise posée sur son bureau. Ca fait longtemps qu'elle est là.

Deux ans, peut-être moins, juste un peu.

Des mois qu'elle est là, qu'il la voie et qu'il l'oublie.

Elles sont toujours là, elles aussi, les quelques traces brunes sur le métal couleur chrome.

Il la sent entre ses doigts, toujours le même contact froid, la même sensation sur sa peau, le même poids au creux de sa paume.

Il ne devrait pas.

Il ne doit pas, vraiment pas, les longues traces blanches sur sa peau plus très sombre le lui disent; toutes ces cicatrices qu'il ne voit jamais, qu'il ne regarde pas, qu'il cache toujours derrière de longues manches, avec l'excuse bancale des questions, le lui répètent avec des voix grondantes du sang qu'elles ont versé.

La lame légère et fraîche se pose sur sa peau, un contact plume sur une des longues veines bleues qui courent sur son poignet. Un nouveau passage, et la peau qui s'ouvre lentement.

Son bras tressaille, il crispe légèrement les mâchoires. Quelques gouttes de sang ont perlé, pour sécher aussitôt; c'est même pas encore douloureux, juste une brûlure insistante.

Le téléphone sonne au loin. Mais, là, à cet instant, tout ce qui n'est ni son bras ni sa lame n'existe plus. Le répondeur déclenché, la voix sur la machine est enfouie au fond de sa mémoire, très loin, il ne s'en souvient pas.

Il appuie plus fort, très calme. Il voudrait que des larmes brouillent sa vue, mais rien; il voit tout le sang qui s'écoule sur son bras, les première tâche au sol de liquide sombre. Il se dit qu'il a vraiment une couleur sale, que c'est bien laid tout ça.

Encore un peu et ça sera fini. C'est pas la première fois qu'il se dit ça, ça n'est que l'écho d'un vieux souvenir, d'une promesse lointaine à un garçon à la voix de chant et au rire de soleil; à celui dont la voix résonne toujours sur l'appareil. Le temps de se jeter sur le téléphone, il revient au passé, la lame s'enfonce dans sa paume crispée, le sang se pose sur le plastique usé; ça ne compte plus.

"Elian..."

Il souffle juste son prénom comme il murmurait ses prières il y a trop longtemps, sans vraiment y croire. La conversation est irréelle, les minutes qui suivent aussi, les geste reviennent tout seuls: la bande blanche qui rougit trop vite, les bracelets de cuir, les manches trop longues, le trajet de métro et les regards gluants, la cathédrale, l'attente sur les marches.

Il s'efforce de ne pas regarder les tours trop hautes, désertées. La pluie s'écrase sur les pavés, ils ne sont que quelques uns à passer, même les touristes ont déserté. Il attend. Comme toujours.

Il attend, le regard sur le bout de ses chaussures, sur les pavés qui s’assombrissent, sur le béton noir et sale assis sur les marches, sans prendre garde aux gouttes qui trempent petit à petit sa chevelure, ses vêtements, qui s’écrasent autour de lui sur le sol, sur les pierres, sur lui… Non, plus sur lui.

Une voix, basse, chaude, profonde, lui murmure quelques bêtises sorties comme elle d’un passé approximatif au creux de l’oreille.

Le morceau d’étoffe qui arrête la pluie au dessus de son crâne a son odeur, ce parfum qui lui fait perdre le fil de la réalité quand il le sent dans la rue.

La voix qui rit autour de lui, c’est celle qu’il n’a cessé de rêver au fond de ses nuits blanches.

Le visage, enfin, dont il ne peut détacher les yeux, c’est celui qu’il a passé des heures à redessiner derrière ses paupières qui se sont décidément baissées de nombreuses fois en deux ans.

Et pourtant, il a quelque chose de différent. C’est comme si lui parler risquait de le faire disparaître, comme un mirage. C’est pourtant toujours les mêmes yeux sombres, le même sourire qui, lentement s’efface pour laisser place aux questions dans les prunelles noires.

Charles s’en veut. Il voudrait réussir à le regarder dans les yeux, lui dire qu’il lui a manqué, lui demander s’il a réalisés ses rêves, tout là-bas derrière l’océan, et puis comment c’est New York, ce qu’il a vu, découvert, ce qui l’a changé, mais il n’arrive pas à parler. Alors quitte à ne rien dire, il se laisse tomber contre son torse, le visage dans son cou, les yeux fermés. A cet instant, il se sent bien, enfin. A cet instant il l’aime, mais ne lui dira pas.

« Comment tu fais… pour débarquer toujours au bon moment ? »

Une main glisse dans ses cheveux, sur sa nuque, la caresse déclenche une myriade. De quoi? D'étoiles, de frissons, de sensatons, allez savoir.

« J’en sais rien… un sixième sens, quelque chose comme ça. Si ça se trouve, chuis ton ange gardien, qui sait ? »

Charles essaye de rire. Vraiment, sincèrement, mais il n’arrive pas. Dans ces moments là, il n’y arrive jamais. Il faudra attendre un peu plus longtemps, que son cœur arrête de battre un rythme fou dans sa poitrine.

Dans un autre cas, peut-être, il aurait arrêté de réfléchir et posé un baiser sur ses lèvres. Juste un baiser, rapide, pour dire tous ces mots qu’il n’arrive pas à exprimer, pour le remercier à la fois pour tout et pour rien.

Mais pas après tant de temps- oh, juste deux ans, à des milliers de kilomètres d’eau l’un de l’autre. Deux ans de silence tenace, opaque, qui les a obligés à grandir sur deux voies différentes, qui a séparés leurs deux histoires.

Puis, de toute façons, rien ne disait qu’Elian comprendrait son geste et jusqu'à nouvel ordre, le danseur n’était attiré que par la gente féminine. Alors il se retient, s’écarte, redescend ses manches sur ses mains et compose un sourire un peu tremblant en murmurant un semblant d’excuses.

« Dis, ‘tit frère, tu m’en veux ? »

La question tombe au milieu du silence, un peu sans prévenir, dans un blanc de la conversation. Ils ont marché, longtemps, au hasard des rues, comme avant, en parlant un peu de tout et de rien, parce qu’ils aiment bien Paris dans le froid, avant de se trouver la plus petite brasserie possible pour s’effacer au vent.

Dans le petit café à la lumière tendre, ils sont presque seuls et entourés par le sourire du serveur qui a bien vu les mains d’Eli enfermant les siennes. Charles se dit qu’elles sont toujours aussi douces, et que ses doigts sont faits pour être noués à ceux d’une jolie fille, pas aux siens. Il se trouve un peu stupide, à observer ses longs doigts noueux sans rien trouver à dire pour faire taire l’inquiétude de l’autre.

Et la question attend une réponse, sauf que Charles sait plus trop, sur l’instant, ou peut être qu’il n’a jamais su au fond, alors il se contente d’un « Un peu, je crois », en fixant sa tasse vide.

La question est étrange, la réponse est étrange, la situation est étrange, tout est étrange, et Charles n’y comprend plus grand chose. Il devine qu’Eli ne sourit plus, et c’est peut-être la seule partie normale de la scène.

« …C’est normal. J’t’avais promis de pas te laisser tomber, et j’t’abandonne à la première occasion, comme un lâche. »

Passé le choc, Charles doit faire le pire des efforts pour ne pas hausser la voix en lui affirmant que si il n’était pas parti, c’est lui même qui l’aurait collé dans l’avion à coups de pieds bien placés. Eli rit, un peu, et caresse ses doigts en les lâchant-il ne doit même pas en avoir pris conscience.

Charles se perd dans ses yeux sombres, l’espace de quelques secondes, et se dit qu’ils doivent avoir l’air d’un couple. Il l’espère un peu, au fond, parce que ca serait pas la première fois, parce que ca serait drôle de voir les regards des clients qui viennent d’entrer se remplir de reproches. Exister dans l’imaginaire des autres avait quelque chose de déroutant, cette victoire sur une réalité pas si écrasante que ça lui faisait du bien, d’habitude.

Ils ressortent, choisissent de se taire, parce que le silence fait du bien quand il y aurait trop à dire. En fait, c’est Charles qui sort et qui se tait, Elian ne fait que le rattraper. Il attrape son poignet, l’attire contre lui et le serre dans ses bras. Charles hésite, résiste un peu, mais l’étreinte lui fait trop de bien, il l’a tellement attendue cette chaleur qui l’entoure que, juste pour cette fois, il baisse les armes et s’accorde le droit de se laisser aller.

Mais comme deux bras ne peuvent pas tout effacer, comme le temps ne s’arrête pas pour des battements de cœur, comme la chaleur ne peut pas tout pardonner, il s’enfuit.

Sur la place noire de monde, c’est simple pour lui si minuscule de disparaître jusqu'à s’enfoncer sous terre, dans la station la plus proche.

***

Pendant que le métro se vide, puis le RER, Charles est dans un joli monde où il a le droit d’aimer, où, peut-être, il est heureux.

Mais son corps reste ancré dans la réalité d’une station crasseuse, où il n’est pas si seul que ça, où il n’entend pas les pas derrière lui, les os qui craquent, les ricanements.

Leurs semelles lourdes martèlent le sol collant, mais eux ils s’en foutent d’être entendus, et puis ils rient trop fort pour réaliser.

Charles, lui, les entend, plus ou moins. Il sent chacune des parties de son corps, même celles qu’il ne connaissait pas, même celles dont il ignorait qu’on pouvait les atteindre. Il n’est plus que douleur et sang. Le sol est sali - plus encore que d’habitude, ça fera bientôt une tâche brune supplémentaire sur le revêtement de plastique –et quand il prend appui sur ses paumes pour se redresser elles se retrouvent poisseuses de liquide noirâtre. Détail inutile.

L’important c’est de partir, vite, avant qu’ils ne reviennent finir le boulot.

Il en connaît trop qui n’ont pas eu la chance de pouvoir se traîner jusqu'à la rue.

***

Quand la main se pose que son épaule, il ne tremble pas mais ferme les yeux. Cet inexorable destin s’acharnerait donc bien sur son pauvre petit être. Mais téméraire, ou peut-être juste stupide, jusqu’au bout il se retourne et regarde en face ce qu’il pense être le poing lui étant destiné. Enfin, il essaye de le regarder, la douleur et le voile de sang posé sur ses paupières réduisant encore sa vue approximative.

Il reconnaît le visage, en tout cas en a l'impression; le garçon ressemble au –beau- chanteur du groupe de Marjo: un grand brun à la peau mate, aux yeux de shooté. Comme Charles, le grand en moins.

Il -Dan?- lui parle mais Charles ne comprend rien, juste le mot hosto, et ça, pas question. Il achève de se redresser et s'éloigne de quelques pas histoire de lui prouver que c'est Vraiment pas la peine. Mais fort heureusement, Dan est têtu, très, et l'a suivi, et -donc- le rattrape quand il tombe.

"Ok, si tu veux pas aller à l'hosto c'est toi qui voit, mais tu va venir chez moi parce que si Marjo apprend que j't'ai laissé là elle me fera la peau."

Le trajet fut chaotique-un blessé sur une moto, ça souffre-mais Charles l'a déjà oublié. Il n'a conscience que du lit dans lequel Dan l'a sûrement largué après des soins pas si sommaires que ça. Un peu comme s'il avait l'habitude de ramasser les pauvres gars qui se faisaient tabasser dans les stations du coin.

Il l'entend au loin qui murmure. Il se redresse histoire de savoir où il a atterri. L'endroit ressemble plus à un squat qu'autre chose, mais l'impression n'est peut-être due qu'au bordel environnant. Il referme les yeux, bascule en arrière.

Le matelas s'affaisse à côté de lui. La main de Dan se pose sur son épaule, son cou puis son front. Il rouvre les yeux en sentant la peau fraîche lui échapper.

"Pas trop tôt. Ca fait des heures que tu comates, j'allais appeler une ambulance."

Dan avait le même ton sifflant que Marjo. De quoi flipper.

"J'ai l'impression d'entendre l'autre serpent"

Sa voix a du mal à sortir. Il se demande si elle redeviendra jamais normale. Dan rit.

"Non, Marjo n'est pas là, tu m'as demandé de pas l'appeler, t'te rappelle?"

Vaguement.

"Va prendre une douche, je te ramène tes fringues."

Le blessé acquiesce, et met tout son honneur en jeu pour ne pas hurler de douleur en se traînant vers la cabine, vaguement dissimulée derrière un paravent.

L'eau chaude ne dégonfla certes pas son poignet-ayant atteint un volume impressionnant-, mais lui permit de se faire une idée de l'étendue des dégâts. Rien à signaler en somme, quelques bleus en plus. La pensée lui vint que Dan avait dû voir les cicatrices qui tâchaient son bras, puis celle, insistante, qu'il n'en avait rien à foutre. Et une troisième, plus douloureuse, lui disant qu'il allait devoir repartir, le plus vite possible. Il savait de toute façon ce qui l'attendrait, alors autant ne pas aggraver son cas, hein?

Il nota qu'une entaille avait atteint la chaîne tatouée sur sa taille, juste au dessous d'une patte d'oiseau. Le hasard existait alors?

***

A plus^

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