J'ai eu une inspiration subite cet après-midi. Donc voilà, je met ce que ça donne ici^^
Mais c'est des images que j'ai dans la tête depuis longtemps, en fait.
L’horizon s’assombrit un peu.
Son pâle blanc d’Eden est devenu gris perle. Des nuages cotonneux et sombres on déferlé dans le ciel, comme pour imiter la mer, loin au-dessous.
C’est beau ce ciel. On dirait une estampe d’encre noire oubliée sous la pluie.
Oui une pluie, une pluie de printemps, pas froide, non, mais pas très chaude non plus. Suffisamment oscillante pour nous faire trembler légèrement, tandis que le vent hésite entre un souffle tiède exhalé des sables et une brise fraîche et marine, un peu salée, minérale.
Le ciel est beau comme ça. Triste, mais beau. Le paysage a des relents de mélancolie. Le sable est toujours blanc, est toujours tiède. Mais son blanc est devenu un blanc vide, absent. Comme celui du ciel. Un abîme de lumière froide. De l’encre noire.
Impersonnel mais absolu.
Il ne fait pas froid, pas vraiment. Pourtant j’ai l’irrépressible envie de frissonner. C’est à cause du ciel, de la mer, de cette impression de trop et de pas assez en même temps. De tout et de rien. Tout est là, rien ne manque.
Pourtant ce tout, à l’intérieur de lui-même, est tout vide.
La mer, plate, couleur d’azur. On dirait une grande couverture qui vient recouvrir le sable comme on recouvre un long oreiller blanc et doux. Une couverture d’un azur profond, avec dans ses replis les plus profonds des nuances cobalt, des reflets de saphirs sous les éclaircies, et des ourlets de dentelle blanche et écumante.
Tout est plat. Le long bleu de la mer, le long blanc du sable, et l’estampe noir et blanche du ciel qui se mêle de gris, maintenant.
Tiens. Des larmes, salées, comme l’eau de mer. Elles font des petites perles, dans le sable.
C’est joli.
Je souris, sous mon rideau de mélancolie.
Je suis un vase qui se remplit de tristesse, petit à petit. Je vais presque déborder. En fait je déborde déjà un peu. C’est pour ça qu’il y a des petites perles d’eau sur le sable.
Mais, ça me fait un peu plaisir.
Peut-être que c’est le soulagement de relâcher ce qu’on a en trop. Peut-être que c’est le soulagement que le paysage, si mélancolique, me comprends, moi, et me fait un écrin. Un écrin de chaleur rafraîchissante.
Pourtant rien n’est passé.
Mais je tremble que ça n’arrive jamais. Je n’ose pas espérer, ce serait un peu fou. Pourtant, ça fait du bien d’y croire. Un peu mal. Comme un gros coussin de bonheur avec une aiguille plantée quelque part au milieu, mais qu’on arrive pas à trouver.
Mon regard dérive, toujours un peu plus, insensiblement, vers la droite. Là-bas, sur la plage, elle est là. La maison près de la mer. Celle que j’aurais aimé avec toi dedans.
Ses murs sont gris. La peinture c’est écaillée. On dirait un squelette vide. Les porte gisent par terre. Des marées trop haute on laissé leur marques et leurs algues sur sa façade autrefois blanche. Je sais que si je rentre à l’intérieur, je trouverais des rares meubles, brisés, tordus, morts. De l’eau qui clapote contre les pieds des chaises. Des miroirs brisés.
Elle se meurt. J’aurais voulu la ressusciter. Avec toi, avec moi, avec nous dedans. Je sais qu’on pourrais. J’avais vu ça en rêve, j’avais vu ça quand je me perdait dans ma petite mer d’espoirs.
J’avais imaginé…
Je nous avais vu, assis sur la plage, dans le sable, près de notre maison à nous.
Tu avais un grand pull blanc, à rayures bleu marine, en grosses mailles de coton. Il sentait bon le frais, il sentait bon le toi. J’aimais bien, en imaginant, être juste près de toi, prêt à toi, comme ça, dans le sable.
Nos pieds nus dans le sable tiède. Le vent frais qui ferais bruisser les herbes sèches, derrière nous sur les dunes. La mer, bleu comme un ciel d’après-midi d’été, scintillante sous un soleil doré qui nous aimerais. Le sable d’un blanc-beige doux. On dormirais tout l’après-midi, en parlant moins vite que les gens, d’habitude, pour faire comme si le temps passait plus lentement. Peut-être qu’il nous entendrais.
Plus loin, sur la plage, face à la mer, il y aurais notre maison.
Son pied enfoncé dans le sable. Ses quatre longs murs d’un blanc immaculés. Traversés, horizontalement, par deux grosses rayures bleu marine. Le toit de grandes tuiles bleu-gris accueillerais des mouettes toute la journée. La porte de bois peinte en blanche, toujours ouverte. Comme la porte de derrière, qui donne sur la cuisine.
Quand on entre par cette porte, avec ses quatre carreaux de verre, blanche elle aussi, on était dans une grande pièce, avec la cuisine dans un coin, séparée de la salle à manger par un comptoir de bois blanc. La pièce, légèrement plongée dans une ombre fraîche. La lumière qui rentrait par la fenêtre et la porte, se reflétant sur le plancher peint en blanc, lui aussi. La longue table, avec une corbeille de fruits. Des grenades, du raisin, des figues. Le grand comptoir. Il avait du sable un peu dans tous les coins sur le sol, à force de laisser les portes ouvertes.
Il y aurais le grand escalier blanc, avec quelques marches, surtout l’avant dernière, qui grincerais. Et ça te réveillerais toujours un peu quand je descendrais la nuit pour me chercher un verre d’eau. On le partagerais toujours après, d’ailleurs. Tu aurais toujours soif en te réveillant. Le parquet du premier étage lui grincerais un peu aussi, d’ailleurs.
Puis il y aurais la chambre. Notre chambre.
Celle où on voudrais toujours prolonger les instants, les secondes particulières, les minutes qu’on voudrais ne pas laisser s’échapper.
Elle ne serais pas si grande, mais pas si petite non plus. Une petite pièce contenant de grands espaces dans les plus minuscules de ses recoins.
Elle serais carrée, un plancher blanc, le lit au milieu, contre le mur du fond. Un vieux et grand lit, profond et mou. Un lit-bateau tout simple, à barreaux, tout blanc. Il a l’air si profond. Des oreillers joufflus et de gros édredons blancs et aériens, nuageux, dans lesquels on s’enfonce avec délice, comme dans de la neige tiède et douce. A droite, une commode blanche, en bois, avec le dessus en marbre veiné de gris. Il y aurais un grand vase de verre, posé dessus, toujours rempli de fleurs. Des grands lys blancs, le plus souvent.
C’est parce que tu saurais que j’aime ces fleurs.
Posé sur le mur, un peu en retrait des lys, un grand miroir encadré de bois blanc. Il refléterais les rayons dorés du soleil, le matin.
Le matin, quand je me réveillerais à côté de toi, toi dans mes bras, moi dans tes bras, notre bonheur entre nous deux. Le soleil chaud et doré du matin qui nous caresserais alors me serais aussi précieux et aussi chaud et brillant que ton sourire, ou les petites phrases enjouées qu’alors tu me dirais.
Tu irais dans la salle de bain, puis je te rejoindrais. Puis nous irions déjeuner sur la plage, comme d’habitude. Avant d’aller se promener au port, parmis les grands mats blancs et les voiles bleues.
Oui, j’avais imaginé…
Mais maintenant, sous le ciel d’estampe, dans cette atmosphère de rien et de tout, je me demande si un jour tu voudrais m’aider à faire revivre cette maison près de la mer.
Avec toi dedans, avec moi dedans.
Avec nous dedans.
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