Merci Valmont t'est trop choupi!
Voilà le 8e chapitre^^
Chapitre VIII: Ventorultimo la Tourbillonnante
Le palais était encerclé par une haute muraille blanche dépassant de leur hauteur celles de la ville-même, surplombée par plusieurs tours immaculées, hautes et minces, leurs toits comme des flèches d’or pointées vers le ciel. L’édifice en lui-même, dressé au centre, possédait quatre ailes, formant une croix. Au milieu, un grande tour ronde surmontée d’une coupole d’or s’élevait fièrement. A l’extrémité de chacune des ailes du bâtiment, une tour avait été construite, étant reliée à celle du centre par un imposant arc-boutant de marbre blanc.
Grande ouverts, les battants de laiton des portes du palais offraient un libre accès à la grande cour circulaire, entre les murailles et le palais. Sitôt passé sous l’arche de marbre blanc qui les surplombaient, Aurore Endymion se dirigèrent vers le grand escalier immaculé qui conduisait aux portes du palais proprement dit. Deux gardes les arrêtèrent.
- Halte ! Qui êtes-vous et que voulez-vous ?
Endymion resta de marbre, mais Aurore s’approcha en disant :
- Nous sommes…de hauts dignitaires venus de la Cité de Fer. Mon ami ici présent est mage. Nous souhaiterions nous entretenir avec Dame Elywen.
L’un des soldats sembla étudier la requête, puis répondit enfin :
- Bien. Venez, nous allons vous conduire à elle. Eh ! Varius, Meltdor ! Remplacez-nous !
Les deux militaires hélés par le garde accoururent et prirent les postes de leurs compagnons.
En pénétrant dans le vaste hall d’entrée du palais, Aurore se sentie submergée par une vague de fraîcheur qu’elle goûta avec plaisir. Tout était fait de marbre blanc. Le sol, lisse, poli comme un miroir, leur renvoyait une légère image translucide d’eux-mêmes. A leur droite et à leur gauche, les rayons du soleil passaient sous de grandes arches blanches donnant sur de spacieux balcons aux parapets sculptés de fins motifs, de la vraie dentelle de pierre.
Aurore leva les yeux. La salle était surmontée d’une coupole, percé à sa base par de nombreuses fenêtres qui déversaient une lumière dorée dans le hall comme une cascade. L’intérieur du dôme était recouvert d’un fin grillage de laiton qui reluisait comme d’innombrables perles d’or, entre les feuilles vert tendre et grandes fleurs blanches qu’il supportait. Des actélias. Cette superbe plante grimpante, passant par les ouvertures de la coupole, s’était attachée au grillage comme un amant s’attache à celui qu’il aime, l’enserrant de ses tiges et déployant ses fleurs couleur d’ivoire aux larges corolles évasées.
Les plantes entraient par les balcons, grimpant sur les arches, répandant leur doux parfum, un parfum de miel et de cannelle qui flottait dans l’air comme les restes d’un doux rêve de volupté et de chaleur.
L’impératrice et le mage noir furent conduits vers un grand escalier, au bout du hall. Suivant sa courbe hélicoïdale, il s’engagèrent sur les marches fraîches. Aurore soupira.
Comme j’aimerai marcher ici pieds nus…Que ce doit être agréable de vivre ici, de sentir la douce chaleur du soleil sur sa peau, tout en savourant la fraîche atmosphère des palais de marbre…
Ils débouchèrent sur un longs couloir traversé par une douce et fraîche brise. Une femme venait à leur rencontre. Une grande femme au teint clair et doux. Elle portait une longue robe de soie entièrement blanche, faite d’une seule pièce, qui la moulait des épaules aux cuisses. Ce seul vêtement permettait de remarquer qu’elle ne portait rien en-dessous. Un large col bénitier s’ouvrait jusqu’au milieu de sa poitrine, dénudant ses gracieuses formes. Ses manches étaient longues et évasées, et l’extrémité de sa robe balayait le sol de marbre.
Ses longs cheveux auburn, lisses, épais et à l’aspect soyeux, parsemés de petites fleurs blanches, coulaient autour de son visage jeune et souriant. Deux longues mèches cascadaient sur sa poitrine, et le reste de ses cheveux retombaient jusqu’à ses hanches.
Les gardes s’inclinèrent en la voyant s’approcher.
- Ma Dame, fit l’un d’eux. Ces gens réclament une audience.
La femme le regarda puis observa Aurore avec un léger sourire.
- Bien. Laissez-nous, voulez-vous ?
- Bien sûr, Ma Dame, répondirent-ils.
Ils se retirèrent. Elywen les regarda partir, puis se tourna vers Aurore, inclinant brièvement la tête.
- Eh bien, Majesté, que me vaut l’honneur de votre visite ?demanda-t-elle avec un petit rire clair.
Aurore afficha un air étonné. Elle ne s’était pas attendu à ce qu’elle la reconnaisse si vite !
- Eh bien, je…vous me prenez de cours, savez-vous ? répondit-elle en riant à son tour.
*
Les rayons d’or du soleil matinal s’infiltrait entre les rideaux entrouverts de la chambre. Asrial goûta avec bonheur à cette chaleur qui caressait doucement son torse nu, et ses muscles encore engourdis pas le sommeil. Il s’étira dans ses draps de soie blanche et se força à ouvrir les yeux. La chambre, était plongée dans une douce pénombre seulement percée par les rayons dorés du soleil qui réchauffait son lit. Le jeune homme s’assit au milieu de son lit et passa une main dans ses cheveux bruns en bataille.
Aurore…Nous allons bientôt nous revoir…Quelle étrange impératrice tu fait ! Tu as l’air de rendre les gens heureux, quand tu rit…Quand tu rit…J’aime bien te voir rire. J’espère…j’espère être proche de toi…si tu est une amie…
Il allait se lever quand la porte de sa chambre s’ouvrit. Ses yeux se posèrent sur une ombre noire, dans l’encadrement de la porte. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Avec appréhension, il pensa à Vynce Morgan. Mais il chassa rapidement de son esprit l’image du jeune et séduisant général aux yeux verts. Il reconnu alors Endymion.
Le mage fit un pas dans la pièce et apparu à la lumière. Asrial s’empourpra.
Ce n’est pas possible ! C’est la deuxièmes fois qu’un homme rentre dans ma chambre alors que je suis à moitié nu !
Endymion le regardait avec une indifférence totale, de ses fins yeux d’améthyste et de cobalt. La gêne d’Asrial ne faisait qu’augmenter. Il s’entoura de ses draps pour cacher sa nudité presque complète.
- Lève-toi, dit le mage. L’impératrice nous attend.
Cela, c’est de la gêne. Un sentiment de malaise éprouvé par une personne quand elle a…honte de quelque chose…Tu comprend ?
Je crois, Trioch.
Allons, laisse ce pauvre garçon tranquille, maintenant ! Il faut bien qu’il s’habille !
Endymion se retourna et sortit de la pièce. La porte se referma toute seule derrière lui. Asrial sauta de son lit et verrouilla la porte. Son visage avait repris une couleur normale. Debout, il s’étira comme un chat de toutes ses forces, et bailla à s’en décrocher la mâchoire. Il sentait ses muscles chauffés par le soleil s’étirer sous sa peau, répandant en lui un incroyable bien-être.
En quelques minutes, Asrial s’habilla et alla ouvrir la porte. Mais au moment de sortir, il se rappela les rires d’Aurore et du général Morgan. Rapidement, il essaya de recoiffer ses cheveux rebelles, sans savoir qu’il était en train de les rendre encore plus hirsutes, et s’engagea dans le couloir dont les ombres commençaient à céder à la lumière.
*
Asrial fit irruption dans la salle du trône, toujours vide de toute présence, et dont le marbre noir reluisait sous la douce lumière du matin. Dame Savinna se trouvait à côté de son trône, assise sur les marches noires. Son visage exprimait un peu d’inquiétude. Endymion se tenait droit, noir comme une ombre, un peu plus loin.
- Nous partons, déclara-t-il.
Savinna se leva et dit :
- Saluez l’impératrice de ma part. Dites-lui que mes pensées l’accompagnent.
Asrial hocha la tête. Endymion jeta son sortilège ; Asrial vit la même chose qu’Aurore, auparavant. Il vit tout en une fraction de seconde. Un instant, c’était la salle du trône et Dame Savinna qu’il eu sous les yeux. Puis tout devint noir. Alors apparu le désert, les dunes s’étendant à l’infini sous un ciel de plomb. Asrial, à quelques mètres du sol, s’écroula à genoux dans le sable chaud. Endymion, à côté de lui, retomba souplement sur ses deux pieds.
Ahuri, le jeune homme se releva et épousseta ses vêtements. Jetant un coup d’œil circulaire, il observa les alentours. L’atmosphère était chaude et humide, tendue, oppressante. Le ciel était presque entièrement couvert d’épais nuages d’un gris de plomb, et les rares endroits où ceux-ci ne le dévorait pas, la voûte céleste déversait des rayons de lumière blafarde. Les dunes, s’étendant à perte de vue, étaient devenues sombre et comme ocres sous les cieux gris. Un vent froid soufflait sur les lieux, malgré l’air chaud qui semblait stagner, et procurait une sensation désagréable. Au loin, au nord, on pouvait distinguer d’énormes nuages presque noirs qui se déversaient sur le ciel, comme vivants, comme une raz-de-marée céleste et menaçant. Quelques éclairs bleutés les zébraient, crevant leur sein, les illuminant quelques secondes, puis disparaissaient. Mais nulle trace de la cité de Transcengel.
- Où…sommes-nous ? balbutia Asrial.
- Je ne sais pas. Quelque part dans le désert de Soliphyus.
- Mais…et la ville ?
- Quelque chose a perturbé le sortilège. Nous avons étés arrêtés avant d’atteindre Transcengel.
Endymion gardait les yeux fixés sur l’horizon, où les nuages noirs illuminés d’éclairs qui s’y amoncelant avançaient toujours, déferlant sur le ciel comme des vagues furieuses , pourtant étrangement lentes et silencieuses. Cependant, un grondement sourd, comme un bruit de fond, se faisait entendre, semblable aux lointains roulements de tambours d’une armée en marche.
- Elle se rapproche, déclara le mage noir, impavide.
- Qui cela ? demanda Asrial, inquiet.
- La chose qui a interféré dans mes pouvoirs. Je sens sa puissance.
Asrial jeta un coup d’œil circulaire autour de lui. Rien. Le désert semblait s’étendre à l’infini. Le vent se faisait plus insistant, plus froid, plus insidieux, et lui sifflait aux oreilles. Le sable commençait à tourbillonner autour de leurs jambes, et le ciel s’assombrissait de seconde en seconde. Le grondement sourd se rapprochait, toujours étouffé. Un orage se préparait. Sans crier gare, la pluie se mit à tomber.
Au début pluie légère, celle-ci commença à tomber de plus en plus drue, de plus en plus froide, de plus en plus lourde. C’était comme si un véritable rideau était descendu du ciel et leur troublaient maintenant la vue. Tout était brouillé, tout était flou, tout était noyé. La force du vent, elle aussi, ne cessait de s’amplifier. Asrial failli être renversé. Les nuages de suie se rapprochait toujours, plus immense, plus vivants. Les éclairs les déchiraient, illuminant le désert de lumières d’apocalypse. Le grondement du tonnerre, allié au plaintes du vent et au tambourinement de la pluie sur le sol, couvrait à présent tout bruit.
- Pourquoi le temps a-t-il aussi subitement changé ? cria Asrial pour couvrir les mugissement du vent.
Endymion n’eu pas le temps de répondre. Un énorme cyclone gris parcouru de brefs éclairs bleutés surgit au nord, comme émergeant des dunes. Son pied soulevait de gigantesques nuages de sables brûlant malgré la pluie, générant un véritable et colossal simoun. Autour de lui, la pluie elle-même tourbillonnait, dansant en tous sens comme une folle. Le vacarme était horrible. On aurait dit un effroyable rugissement provenant des entrailles de la terre. Mais le plus étrange, c’est que le cyclone ne touchait pas le ciel ; sont sommet tourbillonnant était comme…plat. Au-dessus de lui, les nuages noirs tournoyaient comme un obscur siphon, laissant pénétrer la lumière pâle et froide du soleil, produisant comme un énorme tunnel de lumière qui restait constamment au-dessus de la tempête. C’était un tout un cataclysme auréolé de lumière, zébré d’éclairs et enveloppé dans un manteau aveuglant de pluie qui s’avançait.
En quelques instants, la tempête fut sur eux. Les deux hommes essayèrent de résister à la fureur du vent de toutes leurs forces. Peine perdue. La force des bourrasques les arracha du sol. Asrial se sentit ballotté dans tous les sens, malmené par les forces de l’air. Il avait l’impression que ses vêtements allaient s’arracher, suivis par ses membres, l’un après l’autre. Le sable chaud lui égratignait la peau, l’air brûlant lui asséchait la gorge et lui piquait les yeux. La pluie le frappait avec toute la violence dont elle en était capable. Le vent tournoyant lui sifflait aux oreilles d’une manière abominable.
Quelle horreur… ! Ma tête, elle tourne…touts se trouble, tout tangue…tout tourne…Oh, ma tête ! Je vais…mourir ?
La vue du jeune homme se voila. Tout devint noire. Les bruits qui fusaient autour de lui moururent. Tout sombra dans un trou noir.
*
Asrial ouvrit faiblement les yeux. Tout dansait encore dans sa tête, et tout son corps était engourdi. Un bourdonnement lui vrillait les oreilles, et son cœur battait comme s’il allait jaillir de sa poitrine. Au travers d’une vision floue et mouvante, distinguait quelques formes sombres penchées sur lui. Des bribes de mots jouaient à ses oreilles, sans signification pour lui. Des points lumineux virevoltaient encore devant ses yeux, et, malgré le froid qui régnait ici, il sentait que sa peau était brûlante.
Mais… ?Où…où suis-je… ? Le cyclone, le vent…Endymion…Non, ce n’est pas…Je ne suis…pas mort ?
Tant bien que mal, Asrial tenta de se relever, mais retomba. Tous ses muscles le faisait souffrir comme s’ils avaient enduré un écartèlement incomplet, et tout son corps subissait de constants élancement, vifs et douloureux. Son crâne était encore en ébullition. A nouveau, il leva, mais trébucha. Sa chute fut arrêtée par un corps d’homme. Deux mains se posèrent sur ses épaules.
- Eh là, mon garçon ! Fait attention à toi ! Tu viens de subir un sacré choc, tu sais ?
Asrial se retourna vers son interlocuteur, hagard. Sa vision encore floue devint plus nette alors qu’il plissait les yeux comme un myope. C’était un homme d’une trentaine d’année, aux cheveux blonds rassemblés sur sa nuque en un court catogan. Ses yeux bleu étaient pâles et ternes, presque vides. Il semblait amical, mais Asrial voyait bien qu’il se forçait à sourire. D’un écarlate profond, un grand manteau de cuir serré l’enveloppait, boutonné d’or sur la partie droite de son torse jusqu’à la taille où il s’ouvrait en de longs pans qui volaient autour de ses cuissardes noires, jouant avec le vent froid.
- Où…suis-je… ? demanda faiblement Asrial. Endymion…où est-il ?
L’homme le considéra un instant, puis demanda :
- Hum…La situation dans laquelle tu te trouve est…complexe. Comment te nommes-tu ?
- Asrial…
- Bien. Moi, c’est Vidias. Endymion, c’est cet homme…étrange ?
- Il est ici ?
- Je crois, oui…Viens !
Après s’être assuré qu’il pouvait marcher seul, Vidias l’entraîna. Encore abasourdi, Asrial observa l’étrange paysage dans lequel il se trouvait. C’était un énorme banc de terre et de roche grisâtre, une sorte d’île, se prolongeant d’un côté, lui donnant à peu près une forme d’arc. Mais en place d’eau, c’était des courants de vent tourbillonnants qui les entouraient, tournoyant autour d’un centre au creux de l’arc que formait l’« île » principale. L’œil du cyclone qui semblait si calme, si paisible par rapport à la tempête qui l’entourait. Parfois, de faibles courants électriques parcouraient les courants aériens, qui sifflaient et mugissaient comme des âmes en peine déchaînées. La nappe de nuage sombres tournoyants, dans le ciel, s’ouvrait en une vaste ouverture circulaire, au-dessus d’eux, déversant des torrents de lumière blanche, froide et pâle. Certains petits bancs de roche étaient retenus à l’« île » principale par d’énormes câbles, d’épaisses cordes aussi larges qu’une jambe d’homme, cloués au sol à l’aide d’imposant clous d’acier. Reliant les îlots entre eux, des passerelles et des ponts de bois et de cordes s’agitaient au vent.
J’ai peur de comprendre…Mais non, c’est…c’est impossible !
Quelques habitations étaient éparpillées de-ci, de-là. Fendues, leurs parois craquelées, leurs pierres branlantes. A chaque endroits où se portait le regard, c’était une maison sur deux qui était debout. Les autres étaient écroulées. Le sol, partout, était jonché de ruines en tout genre : des morceaux de colonnes brisées, des restes de toits abattus, des pans de murs écroulés, des statues à moitié enfoncées dans la terre, des barreaux de grilles…Dans l’esprit d’Asrial, cet endroit ressemblait au domaine de la Cité des Interdits. Mais à Cresca, tout semblait comme…endormit depuis des siècles dans un sommeil mystérieux. Ici, c’était la désolation et le chagrin qui émanait de chaque chose.
Soudain, Asrial aperçu quelque chose, plus loin. C’était Endymion, étendu, appuyé contre les restes de ce qui avait dû être le piédestal d’une énorme fontaine. Il était inconscient.
- Endymion ! s’exclama le jeune homme.
Abandonnant Vidias, il couru vers le mage noir et s’agenouilla près de lui. Il n’avait rien, juste un peu de sable parsemant ses vêtements. Sa longue épée était toujours accrochée dans son dos, ses cheveux de jais toujours attaché sur sa nuque, et sa peau parfaite et immaculée sans aucune égratignure. Asrial lui passa un bras dans le dos et le releva un peu.
Il n’est pas mort…je suis soulagé…
- Endymion !
- C’est bien lui, n’est-ce pas ? fit Vidias, derrière lui.
- Oui…
- En le voyant, la première fois, j’ai cru que c’était une femme. Puis je me suis rendu compte que c’était un homme. Mais il est d’un physique et d’une beauté si peu commune…Même pour un elfe.
Asrial afficha un air surpris.
- Vous…Vous savez ?
Vidias sourit.
- Bien sûr. Avant, notre cité se trouvait près du royaume des elfes blancs. Parfois, il arrivait que nous les rencontrions.
- C’est un elfe noir…
Asrial reporta son attention sur le mage. Le paupières aux longs et fins cils noirs de celui-ci se soulevèrent doucement, révélant son regard profond. Son regard d’améthyste et de cobalt plongea dans celui d’Asrial, puis glissa vers Vidias. Souplement, il se releva, sans même chanceler. Il jeta observa rapidement ce qui l’entourait, puis demanda à Vidias :
- Qu’est cet endroit ?
Une ombre de tristesse et de lassitude passa sur le visage de l’homme au manteau écarlate.
- …Vous êtes dans la cité de Ventorultimo.
Sans ciller, Endymion lâcha :
- Ce lieu ne devrait-il pas se trouver dans les Monts du Vent ?
- C’est exacte…, soupira Vidias. Accompagnez-moi jusqu’à ma maison. Je vais vous expliquer.
Il se retourna, les longs pans de son manteau rouge claquant comme des bannières au vent. La pluie ne s’arrêtait pas, mais tombait moins drue qu’aux alentours du cyclone. La puissance du vent s’était elle aussi atténuée, mais celui-ci restait froid et perçant. Vidias les conduisit devant un
bâtiment de marbre gris, nu, haut et cubique, vierge de toute ouverture. A droite et à gauche, deux ailes rectangulaires le prolongeait, plus basses, percées chacune d’une grande fenêtre sans vitres, recouvertes de barreaux de métal noir. Le pied de la bâtisse était craquelé comme une coquille d’œuf qui s’apprête à se briser sous les coups de bec d’un poussin. Sur sa surface couraient de longues lézardes, semblables aux nervures d’une feuille.
Au bas du bâtiment central, une étroite porte de bronze s’élevait au sommet de quelques marches, entourée de deux comme colonnes tout aussi fissurées. Vidias la poussa et les fit pénétrer dans la vaste, haute et unique pièce que constituait l’édifice cubique principal. Elle était presque entièrement vide. Sur les murs de gauche et de droite s’ouvraient deux portes, de bronze également. Au centre de la salle, un petit bassin était entouré par deux bancs de bois et de fer noir se faisant face, à moitié recouverts par de longues tapisseries de satin d’un rouge sang délavé
brodé de fils d’or. Le bassin, carré et peu profond, ne contenait pas d’eau ; le fond était tapissé de petits galets gris. Une frêle gerbe de roseaux et d’iris depuis longtemps séchés se dressait dans un de ses coins, doucement bercée par le souffle du vent. Un nénuphar autrefois blanc et dont les feuilles étaient à présent jaunies et froissées gisait au fond, sur les pierres. Au fond de la salle, une fenêtre sans vitres, semblable à celles des bâtiments annexes, ouvrait la pièce à la fade clarté de l’extérieur. Ses barreaux sombres semblaient vouloir désespérément retenir la pluie qui s’insinuait à l’intérieur. Le vent froid, lui, soufflait et sifflait doucement, comme appelant, et jouait avec les pétales et les feuilles séchées qui jonchaient le sol de marbre.
Leur hôte s’assit sur l’un des bancs et les invita à faire de même. Asrial s’installa en face de lui, mais Endymion resta debout près de la fenêtre, au fond, à observer le ciel à la fois sombre et lumineux, et pluie qui s’effondrait sur le sol.
- Ce qui est arrivé à notre ville, commença Vidias, nous n’arrivons pas bien à nous en rendre compte nous-même. Depuis quelques temps, des tremblement de terre survenaient aux alentours de la cité. Les jours passant, ils s’intensifièrent et se déclenchèrent de plus en plus souvent. Les dégâts qu’ils causaient devenaient sérieux. Puis, il y a quelques jours, la terre s’est fendue tout autour de la ville, en de nombreuses failles. D’intenses bourrasques tourbillonnantes en ont jaillit, emportant les habitations trop proches et tous ceux qui s’approchaient. Les rafales s’élevaient de la terre en tournoyant autour de Ventorultimo, pour aller se perdre dans les nuages. Et les séismes ne s’arrêtaient plus. Nous avons tous cru que c’était la fin de la cité, quand un effroyable craquement a retenti, comme si toutes les montagnes alentours s’étaient fendues en deux. Ce bruit affreux a continué, et le vent sortant de terre a atteint un paroxysme de puissance abominable, surgissant autour de la ville comme un mur gigantesque, et rugissant comme un lion plus grand que les montagnes. Puis tout le plateau qui soutenait Ventorultimo s’est peu à peu élevé, soulevé par la force du vent, pour finalement être propulsé dans les airs par une gigantesque et apocalyptique tornade rugissante, toute parcourue et accompagné d’éclairs qui dansaient tout autour, tandis que la pluie se déchaînait, que la grêle tombait. Depuis, la ville voyage au gré de l’humeur du cyclone qui la supporte. Certaines parties du banc de terre principal menaçaient de se décrocher, alors nous les avons attaché avec ces grosses cordes que vous avez vues, et reliés grâce à de petits ponts. Nous avons bien fait, car ils se sont séparés peu après.
- Alors…c’est bien ce que j’avais imaginé…, souffla Asrial.
- C’est la puissance de ce qui a généré cet ouragan qui a perturbé mes pouvoirs et qui a interrompu le sortilège, déclara Endymion.
- Ne savez-vous pas…ce qui c’est passé ? demanda Asrial à Vidias.
- Non. Non, personne ne le sait…Mais…Nous allons mourir…Dans les deux cas.
- Comment cela ?
- Si le cyclone ne s’arrête jamais, nous sommes condamnés à mourir de faim…Si le cyclone s’arrête, comment pourrions-nous survivre à une telle chute ? Sans compter l’effondrement de toute la cité ! Toute la plaque de terre qui soutient Ventorultimo tombera en miette, broyant habitations et habitants.
Vidias baissa la tête. Des larmes commençaient à rouler sur ses joues.
Je ne veux pas…je ne veux pas mourir si jeune…ce jeune homme n’a pas l’air de se rendre compte…Nous allons mourir ici…Sans espoir…Je ne veux pas ! J’avais encore tant de choses à faire ! Je voulais encore vivre ! Faire d’autres choses ! Je ne veux pas mourir maintenant sans rien avoir fait qui aie marqué ma vie !
Endymion détourna ses yeux du ciel pour les poser sur Vidias et Asrial. Il rejoignit la porte et l’ouvrit.
- Où vas-tu ? demanda Asrial.
- J’en ai assez entendu. Je sors.
Sur ces mots, il partit. La porte se referma toute seule.
*
Sous la pluie battante, l’elfe se dirigea vers le bord du banc de terre qui soutenait ce qui restait de la cité. Il laissa errer son étrange regard sur l’œil du cyclone semblable à un siphon infini.
Nous sommes dans une impasse…Quelle est la chose qui a généré cet ouragan ? Une chose qui a tant de force qu’elle peut perturber la magie du monde et créer une distorsion dans les forces naturelles…
…Trioch ?
Oui…Le vent hurle sa rage…La foudre crie sont besoin de détruire…La pluie est leur servante et les accompagnes…Les éléments de l’air sont affolés.
Mais pourquoi… ?
Le vent, la pluie, le tonnerre, la foudre, la grêle…Tous sont liés par un serment. Un serment qu’ils ne peuvent briser…Il sont soumis et désordonnés…On dirait qu’ils sont en liesse…Mais ils ravagent le ciel et la terre…Je n’arrive pas à les comprendre…
Endymion observa à nouveau le ciel de lumière et les nuages anthracites et tourbillonnants. Puis il balaya du regard l’humide immensité désertique qui s’étendait autour d’eux, tandis que l’immense cyclone continuait sa course vers un endroit inconnu. Toujours inconnu.
Ah…
……La vie…est-ce si important ? Je ne parviens pas à comprendre…Asrial avait l’air totalement abattu quand il a su qu’il n’y avait aucun espoir de s’échapper de Ventorultimo. Et cet homme, Vidias, lui aussi.
Tu est un elfe…Votre race est éternelle, elle ne s’éteint jamais…
La mort est-elle si différente de la vie ? Pourquoi les gens ont-ils peur de mourir ? Pour quoi sont-ils tristes ?
Dans un sens, oui, la mort est bien différente de la vie…Era est un monde de vie…Et les êtres qui vivent en ce monde appartiennent au monde de la vie. Le monde de la mort leur est inconnu, il n’est pas fait pour eux.
Mais pourquoi s’accrocher ainsi à la vie ? Pour moi, l’une et l’autre de ces alternatives sont semblables.
Je sais, cependant…Toi, les notions de sentiment et d’émotion te sont inconnues…Mais les gens veulent vivrent, car ils en possèdent ! Ils veulent vivrent pour pouvoir éprouver de la joie, du chagrin, de l’amour ! Ils veulent vivrent parce qu’ils ont une volonté de faire quelque chose durant cette vie, ce temps qui leur est accordé, avant de passer dans le monde la mort. Là-bas, seuls les sentiments assez puissants triomphent et supportent ce passage. Les amours les plus puissants passent outre la mort et battent en un seul coeur pour l’éternité. Les chagrins aussi. Ainsi que les haines. Mais alors l’éternité n’est plus faite que d’un sentiment. Le monde de la mort est bien différent de celui de la vie. C’est un monde où il sont heureux, où ils savent qu’ils pourront faire quelque chose. Un monde où leurs sentiments pourront s’épanouir.
Alors pourquoi certains hommes se suicident ?
Parce que rien ne peut leur apporter de sentiments positifs dans le monde de la vie, je suppose. Dans leur vie. En tous cas, c’est ce qu’ils pensent. Bien souvent, ils ont tort. Ils quittent Era pour le monde de la mort, parce que mort peut leur apporter le soulagement d’un sommeil éternel.
Je…j’ai du mal…à comprendre. Ils se battent pour la vie, alors qu’ils savent qu’ils vont mourir.
Endymion…Au cours de ta vie, ta a déjà eu à protéger ta vie, n’est-ce pas ? Tu t’est battu pour vivre, pour ne pas qu’un adversaire te tue. Pour ne pas mourir.
Oui, je me suis battu…Parce que la mort ne m’aurait rien apporté. La vie ne m’apporte rien, mais la mort non plus ne m’apporterais rien.
Je vois…un état de stagnation constante……une neutralité………
Mais alors…et ceux qui assassinent ? Et ceux qui font la guerre ?
C’est différent. Tout cela rejoint les notions de bien et de mal.
Le bien et le mal ? En quoi cela a-t-il un lien avec la vie et la mort ?
Eh bien…Cela est dur à expliquer. Le bien et le mal sont liés aux sentiments et aux émotions. Ce que tu ne possèdes pas. Tout s’explique par cela. Le bien. Le mal. Mais…le bien et le mal sont deux concepts abstraits, aussi bien pour les êtres du monde des morts que ceux du monde de la vie. Le bien et le mal sont définis par les sentiments. Comment t’expliquer cela…Imagines…Un arbre dont les racines s’abreuvent à une rivière. Cette eau lui est vitale. Maintenant, imagine une chose ou un être qui alors assécherait cette rivière, pour une raison connue de lui seul. L’arbre trouvera que cette action est mauvaise, parce qu’elle lui fait du tort. Et tous ceux qui penserons comme cet arbre assignerons cette action au mal. A présent, si l’on se place du côté de l’être ou de la chose que a asséché la rivière…Lui aura fait cela parce qu’il pense que cela est bien, que cela lui sert. Et tous ceux qui penseront comme lui définiront cette action de bonne…C’est seulement une question de point de vue…Quand deux peuples se font la guerre, ils tuent leurs adversaires, ils les combattent car leur point de vue est différent de celui de leurs ennemis…Ils définissent les autres comme « ennemis », car leur opinion est que leurs action est bonne, et que leurs ennemis sont mauvais…Le bien et le mal ne sont que cela…Ils ne sont que divergence de jugement, deux perspectives opposées…C’est pour cela qu’aucun esprit en ce monde n’a pu émaner du bien et du mal, ni les régir…Car ces deux notions peuvent se voir en une seule et même chose…seulement, les gens voient les choses différemment, c’est tout…
Oui…Des points de vue…
Tu as déjà tué des êtres, Endymion…
Oui, parce qu’ils m’avaient attaqué…Je me suis défendu.
C’est parce que leur manière de voir les choses les opposaient à toi.
Je crois comprendre…Le bien et le mal ne sont pas si complexes…Cela est simple, en réalité.
Très simple. Mais toi, tu comprend cela simplement car tu ne possède aucun sentiment. Les êtres qui en possèdent ont beaucoup de mal à distinguer ces deux notions essentielles et à les comprendre…Une grande partie n’y arrive jamais…Moi-même, tout cela, des années entières m’ont été nécessaires pour comprendre cela…Et je suis vieille…On ne peut définir qu’une chose est mauvaise ou bonne arbitrairement, et imposer cette idée…Les gens qui font cela sont dans l’erreur la plus totale. Le bien et le mal ne peuvent êtres définis que par une personne, et ce jugement s’appliquera uniquement à elle-même, ou à ceux qui pensent comme elle. C’est à nous-même de décider ce qui nous est nuisible ou bénéfique, tout en gardant un esprit très ouvert…Peu de gens en sont capables…
Je ne sais si je le suis.
Moi, je crois que tu en est capable. J’en suis même sûre…Mais ta vision des choses est spéciale. Pour toi, il n’y a ni bien qui t’accompagne, ni mal que tu veux éradiquer ou repousser. Il y a juste ton chemin, et tu ne combat que ce qui t’entrave. Ceux qui sont avec toi ne sont pas bon…Ils laissent simplement le chemin ouvert. Ce qui se dresse sur ta route n’est pas mauvais…C’est simplement quelque chose à contourner ou à éliminer pour pouvoir avancer. Je me trompe ?
Je ne sais pas.
Néanmoins, dans tout cela, les notions de bien et de mal sont présentes…Presque invisibles, mais pourtant là…Et définis juste par toi, pour toi.
Le monde est si complexe…
Oui, c’est vrai…
…………
……
…Endymion ?
Oui.
Peux-tu me remettre à l’abris de la pluie ?
*
Asrial referma doucement la porte derrière lui. Il avait bien vu que Vidias ployait sous la charge d’un chagrin indicible. Sans lui arracher de réaction, il était sortit. La pluie fit retomber son trouble rideau devant ses yeux, et le vent revint siffler à ses oreilles. Le paysage semblait si irréel. Des écueils de pierre arraché à leur mère la terre pour venir flotter sur une mer de courants aériens, baignés de lumière froide. Cherchant des yeux le mage noir, le jeune homme finit par repérer, à travers les gouttes de pluie. Une grande ombre noire et longiligne sur le bord de l’île.
Alors qu’il arrivait derrière l’elfe, il lui demanda :
- Qu’observes-tu ?
- Au loin…Regardes.
Asrial déplaça son regard dans la direction désignée par Endymion. Là-bas, très loin, sous le ciel de plomb, on distinguait une énorme ombre noire qui se mouvait sur les dunes ocres. Comme une longue ombre, ou un immense serpent noir qui ondulait lentement.
- Mais… ? Quel peut-être ce rassemblement ? s’interrogea Asrial. Une armée ? Et…
A ce moment, ses yeux se fixèrent sur deux gigantesques ombres volantes, qui dominaient tout le flot serpentiforme des airs, le suivant comme des chiens de berger suivent le bétail.
- Des dragons ? fit Asrial. Mais ils sont énormes ! Jamais un dragon n’a fait une telle taille. Comment peuvent-ils êtres aussi gigantesques ?
- Ils se dirigent vers le sud.
- Selon Vidias, nous serions quelque part dans le nord de Soliphyus, entre Hatismah et l’extrémité septentrionale des Monts de Giriel.
- Effectivement, laissa platement tomber une voix derrière lui. Au sud, il n’y a que la cité de Dârhûn. C’est la seule que l’on peut trouver dans cette partie du désert.
Asrial, surpris, se retourna et se trouva face à Vidias. L’homme blond avait les yeux rouges, mais ses larmes ne coulaient plus ; il s’était repris.
- Cela fait un moment que le cyclone n’erre plus de manière aléatoire, déclara Endymion. Il se dirige droit dessus.
- Comment ?! s’exclama Vidias ? Mais…mais c’est impossible ! Cet ouragan n’a cessé, depuis le début, de ne prendre aucune direction précise ! Pourquoi maintenant ?
Le mage ne répondit pas.
*
Quentin et Baptiste avançaient dans un couloir sombre. Les murs de pierre grise étaient nus, et le sol était couvert d’un véritable tapis de poussière, accumulé au fil des siècles, étouffant presque le bruit de leurs pas dont les échos se répercutaient contre les vieux murs. A chaque pas, leurs chaussures soulevaient de petits nuages de poussière qui voletaient dans la clarté lunaire que dispensait les petites et étroites ouvertures sur mur de gauche. Le couloir n’était ni véritablement spacieux ni étroit, et le plafond en ogive se perdait dans l’ombre.
Derrière lui, Quentin entendait les pas et le souffle de Baptiste, court et rapide. Ses mains glissèrent le long du mur.
- Qu’était, cet endroit, avant ? demanda le blond à son compagnon.
- Je crois que c’était un temple…Ce sont les appartements d’une ancienne prêtresse, selon le peu d’écrits retrouvés…
La réception au manoir d’Ildecast s’était prolongée tard dans la nuit, et battait encore son plein. Un peu plus tôt, Quentin et Baptiste s’étaient échappés dans les jardins. Les deux jeunes hommes y étaient restés quelques moments, profitant de la solitude et de la sérénité qui enveloppait les lieux. Quelques baisers échangés, quelques mots, quelques frôlements exquis. Puis le fils d’Ildecast avait désiré montrer quelque chose Baptiste. Il l’avait entraîné dans cet endroit, au plus profond de l’antique demeure.
Quentin aimait ce lieu. Tout était silencieux, tout était calme. Souvent, il venait ici pour s’échapper du monde, pour fuir l’extérieur, pour s’y réfugier. C’était une sorte de jardin secret. Un jardin secret qu’il voulait faire découvrir à Baptiste. Les deux amants avaient pu s’échapper sans problème, surtout Quentin, son père étant trop habitué à ses disparitions soudaines.
A présent qu’ils avançaient dans le corridor obscur, seule la clarté pâle de la lune de nacre leur permettaient de voir où ils posaient le pied.
- Quand ma famille s’est installée ici, continua Quentin, ce lieu s’est avéré comprendre tout une grande partie au nord du manoir, en sous-sol. Des recherches et des explorations on été entreprises, car, à la différence du reste de la demeure, tout était ici laissé à l’abandon, et personne ne paraissait y avoir mis le pied depuis des lustres. Nous n’avons retrouvé que très peu de documents qui traitaient de cet endroit…Les explorations se sont très vite arrêtées, car cela devenait un véritable labyrinthe, et seulement quelques fragments en très mauvais état d’une carte avait été découverte. Il était impossible de continuer, alors mes parents ont décidé de faire sceller cette partie du château. Ils n’existaient que très peu de passages qui y conduisaient, mais tous on été murés définitivement. Seul l’entrée par laquelle nous sommes passés est restée…le seule clef qui existe est en ma possession…mais mon père ne le sait pas. Le temple, selon les écrits s’étend sur de longues distances…
- Quel prêtresse était-ce ?
- On ne sait pas…Son nom n’est mentionné nulle part…
- Peut-être que son esprit hante encore les lieux ! plaisanta Baptiste, un sourire aux lèvres.
- Peut-être…, répondit Quentin en souriant. Nous allons arriver à la partie souterraine…les appartements de la prêtresse…
Les ouvertures par lesquelles la froide clarté lunaire se déversait commencèrent à se raréfier, et le sol à s’incliner légèrement. Bientôt, un escalier apparu devant eux, et les fenêtres disparurent, refermant encore un petit peu plus l’ombre sur eux. Doucement, profitant des restes de lumière, ils descendirent les marches de pierre taillée. En bas de l’escalier, ils se retrouvèrent à un croisement. Deux couloir latéraux qui s’enfonçaient dans les ténèbres, ainsi qu’un large escalier qui leur faisait face. Baptiste leva la tête pour constater qu’ils se trouvaient effectivement au-dessous du niveau du sol ; le plafond arqué était percé, sur la gauche, d’une petite ouverture rectangulaire recouverte d’une grille d’acier, d’où cascadait des ondulantes branches de lierre. Certaines s’agrippaient à la pierre du plafond, en compagnie d’un peu de mousse qui recouvrait en partie la grille et des quelques brins d’herbes qui se frayaient un passage vers le sous-sol. Les minces rayons de la pleine lune éclairaient faiblement l’endroit, coulant de l’extérieur comme une petite fontaine d’écume.
- Nous sommes sous la forêt du domaine, expliqua Quentin, alors que Baptiste se passait une main dans ses courts cheveux blond en baissant les yeux.
Qu’il est beau…Ses cheveux blonds…On diraient qu’ils appellent les rayons de la lune…Et ses yeux de noisette et de mousse sont si doux……Personne ne pourrait le voir comme moi, je crois…
- Viens, je veux te montrer mon…refuge, dit-il.
Il prit Baptiste par la main, glissant doucement ses doigts entre les siens, presque sans sembler vouloir les toucher. Il ne fallait pas risquer de fêler la poupée de porcelaine.
Quittant le croisement, ils s’engagèrent dans les escaliers de pierre qui leur faisaient face et qui débouchaient sur un court couloir obscur se terminant sur une large double porte de bois sculptée cloutée de fer. Bien que visiblement très vieux, le bois de chêne qui la constituait n’était pas trop détérioré, simplement couvert de mousse par endroit. Quelques branches de lierres cascadaient entre ses gonds et veinaient le mur. Les bandes de fer qui la renforçaient étaient rouillés.
Quentin appuya légèrement sur la clenche et ouvrit le battant de droite. La salle aux parois de pierre lisse dans laquelle les deux jeunes hommes pénétrèrent était vaste, entièrement vide et rectangulaire. Les recoins et les murs du fond et de droite se perdaient dans une ombre complète. Une mer de poussière recouvrait le sol et leur pieds s’y enfonçaient d’un pouce à chacun de leurs pas. Au milieu du plafond, une petite ouverture carrée et couverte d’un grille ouvrait sur l’extérieur, sur le sol de la forêt, qui déversait tentacules de lierre, longues tresses d’herbes et de tiges, accompagnées de la lumière de la lune. Juste en-dessous, éclairé par la cascade de lumière blanche, faisant comme un îlot au milieu d’une mer de poussière, un petit tapis de mousse et d’herbes, à peine aussi grand que l’ouverture qui le surplombait, croissait en silence. Au centre de ce petit espace de verdure perdu au milieu des ombres s’élevait une toute jeune pousse, un tout petit arbuste. Un chêne.
Plus à droite, le seul objet qui meublait la pièce. C’était un énorme lit à baldaquin de bois de chêne sculpté. Son ciel de lit et ses tentures, bordés de galons d’argent terne, étaient d’un vieux rose à la couleur passée. Ses draps et ses nombreux oreillers blancs étaient à moitié couverts par une couverture de même couleur. Son état n’était pas celui qu’il aurait dû être après avoir passé des siècles dans l’isolement, le silence et la poussière. Bien que visiblement vieux, il n’était en rien délabré. Posés près de la tête de lit, des livres formaient quelques piles plus ou moins stables.
- C’est ici que je viens pour m’isoler, dit Quentin. La première fois que je suis venu ici, j’ai trouvé ce lit. Alors je l’ai retapé et nettoyé, et voilà.
- Tu as fait du bon travail..., fit le jeune homme blond. On ne dirait pas qu’il est si vieux.
Baptiste se dirigea vers le pied du lit et se baissa vers quelque chose qui, même noyé dans la poussière, possédait un éclat doré. Se relevant, il souleva un objet entièrement constitué de métal doré, de près trois pieds de long. Il se constituait comme d’une longue poignée d’épée dont l’extrémité représentait un lys aux pétales presque entièrement refermés. Ce qui aurait pu être la garde d’une épée était formé de trois paires d’ailes longues comme une main, déployées, et supportant un disque gravé d’inscriptions anciennes à moitié effacées par le temps. S’élevant de ce disque, une longue tige de métal terminée par une autre fleur de lys encore en bouton. Deux barres métalliques, croisées, étaient fixés au centre où se trouvait une gerbe de roses et d’épines d’or. Deux fins cercles concentriques entourait la gerbe d’or, reluisant sous la faible lumière.
- Qu’est-ce que c’est ? demanda Baptiste.
- Je ne sais pas, répondit son compagnon. Je l’ai trouvé ici la première fois que je suis venu. C’est peut-être un emblème...L’emblème de la prêtresse qui vivait autrefois ici, sûrement.
Baptiste reposa doucement l’objet métallique dans la poussière. Son regard se porta vers le lit, vers les livres.
Le refuge de Quentin…son jardin secret…Sa solitude, son mystère…
Baptiste s’assit sur le bord du lit, et fut bientôt imité par Quentin. Le blond saisit le premier livre de la pile qui était à côté de lui. Il en lu le titre. « La plume rouge ». Il l’ouvrit à une page et commença à lire.
Les pétales couleur de sang tombèrent sur le sol, les uns après les autres. La tige de la rose lui échappa des mains et chuta à son tour. Il sentit une larme froide lui couler le long de la joue, tandis qu’il s’écroulait. Lentement, il…
Baptiste sentit une longue main chaude passer sous sa chemise, tandis que Quentin posait sa tête dans le creux de son cou.
- Tu sens bon..., murmura-t-il.
Doucement, ses doigts soulignèrent la taille de Baptiste, caressants, puis remontèrent le long de son torse avec d’infinies précautions. Baptiste se sentit trembler sous la caresse amoureuse. Tandis que Quentin l’embrassait langoureusement dans le cou, une bouffée de chaleur lui monta du visage qui prenait une couleur rosé puis rouge de plus en plus soutenue.
- Baptiste...est-ce que tu veux...est-ce que tu veux rester avec moi...cette nuit ?
Surpris, Baptiste ne sut que répondre. La gêne s’enracinait profondément en lui.
- Je…euh…
Doucement, Baptiste sentit une autre main déboutonner son pantalon et se glisser dedans. Il sursauta vivement.
Il a peur…
Quentin retira la main de son pantalon. Sans prévenir, il referma ses bras autour de la taille de Baptiste. Il le souleva et s’assit au milieu du lit.
- Quentin… !
Le brun relâcha son étreinte, et, avec son sourire et ses yeux pétillants, s’allongea sur le lit. Puis il se mit sur ses coudes et recula un peu avant de se laisser retomber sur les oreillers, pour regarder Baptiste, le dévisager. Les joues rouges de ce dernier ressortait comme des roses sur un désert de neige. Toujours assis sur les jambes de Quentin, il le considéra, sans savoir quoi faire ni que dire. Quentin fit de même, plongeant son regard gris-azur dans le sien, souriant.
Quentin allongea le bras et tira Baptiste à lui par sa chemise. Le blond, à quatre pattes au-dessus de son compagnon, tremblait comme une feuille. Doucement, Quentin avança les main et caressa la joue de son amant. Puis lentement, elles descendirent le long de son cou, caressèrent sa pomme d’Adam puis s’attardèrent sur le col de sa chemise. Quentin ouvrit le premier bouton de la chemise de Baptiste.
- Quentin... ! On…on ne peut pas… ! souffla ce dernier.
- Chut…, chuchota suavement l’autre.
Il termina de déboutonner la chemise de soie, puis remonta le long de son torse, de sa poitrine. Tendrement, il glissa ses grandes mains autour du cou délicat de Baptiste, puis sur ses épaules, écartant un peu le col de sa veste. Oh, quel bonheur de sentir cette peau sous les doigts, sa chaleur ! Baptiste frissonnait…de plaisir ? Timidement, Baptiste avança les mains et ouvrit, petit à petit, la chemise noire de Quentin. Celui-ci sourit.
L’aîné fit descendre ses mains le long du torse mince de Baptiste, le caressant du bout des doigts. Puis du bout des ongles, lui arrachant un spasme de volupté. Quentin entoura sa taille de ses bras chauds et, délicatement, remonta le long de son échine avec son ongle jusqu’à ses épaules, rapprochant un peu plus de lui l’être aimé. Pliant le genoux entre les jambes de son compagnon, il les fit se frôler, avec un délice divin. Baptiste n’arrivait plus à penser de façon constructive. Il avait l’impression d’être ivre. Il sursauta quand la langue chaude de Quentin caressa ses clavicules. Elle remonta le long de sa pomme d’Adam et suivit le contour de ses mâchoires. Puis doucement, il amena Baptiste à lui, le serrant contre son corps, sentait la douce et fraîche peau de son torse contre la sienne. Le blond, lui, goûtait au plaisir de sentir le corps chaud de Quentin contre lui, son souffle sur sa peau, les caresses qu’il lui offrait dans les cheveux, sur ses épaules à présent dénudées, tandis qu’il déposait des baiser dans son cou. Il sentait aussi l’érection qui l’avait gagné, et celle de son amant contre sa cuisse, preuve de son amour enflammé qui le faisait trembler dans ses bras, soupirer de délice. Il percevait la tension des muscles de Quentin contre son corps. Il n’était pas bien sûr de ce qu’il était en train de faire, de ce qu’il allaient faire, mais il s’en fichait éperdument, tant l’ivresse du plaisir lui faisait tourner la tête. Peut importait si ses sens était fous, ses pensées éparses, ses idées floues et son cœur prêt à se rompre. Quentin, lui aussi, exaltait son amour dans l’étreinte qu’il apportait à Baptiste. Petit à petit, il faisait descendre sa chemise en bas de son dos. Il aimait goûter à la peau de son amant en l’embrassant, sentir l’odeur de ses cheveux, sa tête appuyée contre son épaule.
Tendrement, Quentin remonta le long de son cou en suivant sa courbe de ses lèvres. Le souffle de Baptiste était maintenant son souffle. Avec une infinie délicatesse, ses lèvres touchèrent les siennes et se mêlèrent dans un baiser passionné. Ses lèvres tièdes caressaient celles de Baptiste comme ses mains caressaient son corps, savourant leur goût, leur douceur. Timidement, Baptiste ouvrit la bouche pour se fondre dans le baiser, laissant la langue de son amant rejoindre la sienne. S’entremêlant, se caressant, elles se confondaient en une danse amoureuse et tendre. Tandis que leurs deux corps se faisaient plus proches encore, Quentin glissa doucement ses mains dans le pantalon à moitié ouvert de Baptiste et fit descendre sa main sur le creux de ses reins et sur ses fesses. Les yeux de Baptiste s’écarquillèrent tandis qu’il sursautait entre les bras de Quentin, mais celui-ci le retint contre lui et ne laissa pas ses lèvres lui échapper.
Quentin resserra son étreinte et s’assit, se penchant sur Baptiste qu’il retenait entre ses bras. Il rompit leur baiser tandis que ses lèvres glissaient des lèvres de Baptiste sur son cou. Baptiste poussa un petit gémissement quand la langue chaude et douce rentra en contact avec un de ses tétons, alors que le bout des doigts chauds effleuraient ses reins et sa taille. Tandis que la main de Quentin finissait de déboutonner le pantalon Baptiste, sa langue descendait le long de son ventre. Baptiste était au comble de la gêne.
- Quentin…non…s’il te plait…Pas encore…je…je ne peux pas encore…
Le brun releva la tête, lui adressa un sourire. D’un bras autour de sa taille, il le souleva, et de l’autre ouvrit d’un grand geste les draps de satin blanc. S’allongeant dans le lit avec Baptiste contre lui, il referma à nouveau son étreinte autour du corps de porcelaine.
- …Dors, je veillerais sur tes rêves…
Tout doucement, il caressa ses cheveux d’or, jusqu’à ce que son compagnon s’endorme dans ses bras.