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MessagePosté: 19 Sep 2005 11:16 
Voilà la 4e chapitre :D








Chapitre IV: Le renouveau




On voulait lui arracher les cheveux. On lui tirait dessus par à-coups brefs, mais tenaces. Asrial se débattit, mais son agresseur persévéra.
Soudain, un cri perçant et strident lui déchira les oreilles. Le jeune homme se réveilla en sursaut, se relevant si brusquement qu’il failli tomber de son lit, ses mèches brun terne en bataille, les yeux exorbités.
Valfos s’envola de son crâne qu’il avait désigné en premier lieu comme perchoir, pour aller se poser eu sommet de la bibliothèque, sur un pile de livres à l’équilibre précaire.
- Que… ? Valfos ? Mais que fait-tu là… ? Tu parles d’un réveil !
Asrial frissonna et entoura son torse nu de son drap. Il ferma les yeux un instant pour essayer de se rappeler quelques bribes de la bénédiction qu’avait été ce sommeil, un sommeil sans cauchemars, ce qui ne lui était plus arrivé depuis bien des jours. Le cri du faucon s’éleva à nouveau, lui vrillant les oreilles ; il sentit que le rapace n’allait pas le laisser tranquille tant qu’il ne se lèverait pas.
A contrecœur, il repoussa ses draps en maugréant.
A nouveau, l’oiseau hurla, ouvrant et refermant les ailes comme pour lui dire : « plus vite, fainéant ! ».
- C’est bon, j’arrive ! marmonna Asrial. Oiseau de malheur !
Il se leva et se cogna le pied contre la table de nuit, lui arrachant un cri étouffé. Un rire clair retentit. Asrial tourna la tête dans la direction d’où il venait ; le papillon, toujours en armure, se tenait à nouveau dans l’encadrement de la porte, appuyé contre de l’épaule, les bras croisés, et riant. Il riait et souriait comme un enfant, et ses yeux pétillaient.
Asrial, rouge de honte, tira un drap de son lit et s’enveloppa en drapa sa nudité. Il imagina quelle hilarant spectacle il devait donner, les cheveux dans tous les sens, nu, se frappant les orteils contre les meubles et ronchonnant contre un oiseau. Mais il était reconnaissant à Morgan de ne pas user d’un rire méprisant ou dédaigneux. Non, son rire agréable à entendre était vraiment empreint de joie et ne sonnait pas faux aux oreilles d’Asrial, qui, après avoir subit la puissance de voix d’un faucon, savourait ce rire. Il eu lui aussi envie de rire.
Il n’en éprouvait pas moins de gêne par son apparence de saut-de-lit, de pudeur par sa nudité dévoilée un instant devant Morgan, et d’embarras pour la situation ridicule dans laquelle il s’était trouvé.
Le doux rire du jeune général diminua, puis disparu, comme à regret. Toujours avec un petit sourire aux lèvres, le regard braqué sur lui, ce qui ne faisait qu’augmenter la gêne d’Asrial, il dit enfin :
- Asrial…prépare-toi, Sa Majesté t’attend dans la Cour aux Magnolias. Et n’oublie pas de l’amener avec toi ! fit-il en désignant Valfos avec un petit éclat de rire.
Sur ce, il repartit. Asrial s’empressa de fermer la porte derrière lui.
Quelle honte ! Et tout ça à cause de cet oiseau !Jamais je n’ai du rougir plus qu’aujourd’hui !
Rapidement, il enfila ses habits et s’élança dans le couloir, finissant à peine de fermer sa chemise, en lançant à l’adresse du faucon, toujours perché sur sa pile de livres :
- Qu’attend-tu ? Viens !
Le rapace émit un petit couinement et s’élança à la suite d’Asrial, entraînant bien sûr avec lui la pile de livres qui dégringola.
En trombe, le jeune homme descendit les quelques escaliers de marbre et déboula hors d’haleine dans la cour centrale de la citadelle. Près du pied de l’énorme chaîne, il distingua l’impératrice, et les mèches de ses cheveux d’un roux éclatant avec qui jouait la douce brise venue du ciel bleu parcouru de doux nuages blancs qui avait succédé à la pluie pendant la nuit. Asrial la rejoignit rapidement. Elle s’était attaché les cheveux en un catogan lâche, et les quelques mèches qui s’en échappaient jouaient avec le vent frais du matin.
- Tu as eu du mal à te lever, n’est-ce pas ?
Pourquoi ce sourire narquois? On dirait qu’elle va éclater de rire.
- Hum…oui. C’est…
Sous le nouveau cri du faucon, il serra les dents.
- …c’est votre ami qui m’a réveillé…un peu en sursaut…, termina-t-il.
- C’est moi qui lui ai demandé, fit-elle avec un malicieux sourire en coin, recueillant Valfos sur son bras, puis le faisant grimper sur son épaule.
Comme c’est gentil à vous…
Des pas se firent entendre derrière Asrial.
- Ah, notre charmant ami c’est enfin décidé à sortir de ses draps!
Morgan arrivait, ses courts cheveux noirs ébène, qui secs, formaient une bataille naturelle. Asrial se crispa. Ses yeux pétillait toujours et son visage exprimait toujours cette simple joie enfantine.
- Mais ? Il ne s’est même pas coiffé ! fit-il en riant et en lui passant une main dans les cheveux.
Asrial réalisa alors qu’il avait effectivement les cheveux dans le désordre le plus complet. Cette fois, Aurore ne put réprimer elle aussi son rire.
Asrial, marmonnant pour lui-même, essaya tant bien que mal de remettre ses cheveux en place. Leur fou rire terminé, Aurore écouta ce que le général avait à dire, au grand soulagement d’Asrial, plus rouge qu’une pivoine.
- Majesté, votre escorte et les embarcations sont prêtes. Le voyage ne sera guère long, le domaine de Cresca n’est pas loin d’ici, et les condition de vol sont favorables.
- Merci, Vynce.
Pourquoi ne me dites-vous pas que vous savez que je mens, au lieu de jouer avec moi ? Vynce, mon ami, vous avez toujours été ainsi…Malgré tout, je vous suis grée de ne point poser de questions auxquelles je ne pourrait vous répondre…pas encore…
- Soyez vigilant, Vynce. Cette chose rôde peut-être encore dans les parages.
Cette fois, elle ne ment pas…elle est vraiment inquiète

Il doit savoir que je dis la vérité…

Majesté, comme j’aurais aimé que vous me disiez ce que vous avez sur le coeur…

Je me demande pourquoi il n’a pas eu de réaction…

- Ne vous faites point de soucis, Majesté. La saison pluvieuse se termine, les escadrons de dragons impériaux vont réintégrer leurs postes dans la région. Ce sera plus facile pour nous de diriger les recherches par les airs.
- Je compte sur vous, Vynce.
- Venez, Majesté, les barques attendent.
Elles vous emmènerons vers le destin que vous tracez vous-même…Oui, vous le tracez vous-même, mais quelqu’un vous tiens la main pour que vous ne dérapiez pas…
Sous la dernière pluie, les innombrables magnolias de la cour centrale avaient perdu beaucoup de pétales, qui à présent recouvraient le sol comme un tapis délicatement rosé et couvert des petites gouttes d’eau qui brillaient comme des diamants sous les rayons solaires qui se frayaient un passage entre les nuages.
Devant la herse de la porte principale, encore abaissée, deux groupes de chevaliers du Chêne aux armures grises et quatre barques ailées attendaient, leurs membres de plumes repliées sur leurs flancs de bois rose. L’une d’elles, plus longue, plus large, et possédant deux paires d’ailes, était réservée aux chevaux d’Aurore et d’Asrial, allongés au fond, endormis.
- Qu’ont-t-ils ? demanda l’impératrice.
- Nous leur avons donné un sédatif. Les chevaux ne supporte pas bien les voies aériennes, ils deviennent nerveux et s’agitent. Si tout se passe bien, ils dormirons jusqu’à la fin du voyage.
- Bien, dit Aurore en approuvant de la tête. Si tout est en place, Vynce, nous allons partir. Il ne faut pas que je perde de temps.
- A vos ordres, Majesté.
Pourquoi-donc se presse-t-elle ? Majesté, la voie de votre destin est tangible…Si tangible que l’on pourrait aisément…l’entraver…
La jeune femme monta dans la barque centrale et s’assit d’un geste impérialement théâtrale sur le banc recouvert de velours gris. En privé, c’était une femme d’une vingtaine d’année ordinaire. En public, elle redevenait l’actrice qu’elle avait appris à être depuis toute petite. Elle jouait son rôle d’impératrice.
Asrial grimpa à son tour dans l’embarcation. Valfos, comme auparavant, sauta sur la tête d’acier de l’aigle de proue. Sur l’ordre de Morgan, les chevaliers se répartirent dans les deux barques restantes.
S’approchant d’Asrial, il posa sa main gentée de cuir sur sa joue en approchant son visage du sien.
- Faites bien attention à vous, mon charmant ami, lui souffla-t-il avec son beau sourire d’enfant.
Tandis qu’Asrial, ahuri, ne pouvais détacher ses yeux du fascinant regard vert clair qui pétillait, sa main glissa le long de sa joue comme une caresse. Puis il s’éloigna.
- Transmettez mon salut à Maître Jovios, Majesté, dit le général, alors que les quatre embarcations déployaient leurs ailes.
- Bien sûr ! A bientôt, Vynce !
Le jeune général lui répondit d’un signe de la main, alors que leur barque volante s’engouffrait sous la herse d’acier pour plonger dans le ciel de la plaine des Ailes Brisées. Les deux barques transportant l’escorte chevaleresque de l’impératrice l’entourèrent, puis celle transportant les deux chevaux vint à leur suite. Ils étaient partis.

*

Pendant quelques heures, l’impératrice et son compagnon n’avaient échangé un seul mot. La jeune femme était perdue dans ses pensées.
Nous voilà en route pour Cresca…la Cité des Interdits…Cela fait un détour de plus, et un peu plus de temps perdu…Que fait Saeptum en ce moment ? Que dire pour expliquer ma venue à Maître Jovios ? Je suis censée me rendre là-bas pour le rencontrer…Cela fait longtemps que je ne l’ai pas revu…Oh, mais je pourrais peut-être en profiter pour me renseigner sur Alexandryus ! Plus d’informations ne peuvent êtres qu’utiles. Oui, cela me servira d’excuse, mais après…Je ne doit pas attendre avant de me rendre à la Cité de Fer. De là, il faudra sûrement utiliser les dragons pour se rendre à Transcengel. Et…
- Majesté ?
Aurore émergea de sa transe, et réalisa qu’Asrial l’interpellait pour la troisième fois sans qu’elle ne s’en rende compte.
- Oh ! Excuse-moi, je pensait à autre chose…
- Pourquoi avez-vous dit au général Morgan que vous vouliez vous rendre à Cresca pour un affaire personnelle ?
- Je ne pouvait pas lui dire que Saeptum s’était réveillé, tout de même !dit-elle en baissant la voix à cause des chevaliers. Surtout pas alors que c’était ma faute, qui plus est !
- Vous savez bien que ce n’est pas vrai ; il vous a manipulé. Vous n’en aviez pas conscience.
- Peut-être, mais…je culpabilise…Je ne peut m’en empêcher…
L’impératrice regardait vers l’est. D’une main, elle passa quelques-unes de ses mèches de cuivre derrière son oreille. Sous eux, la plaine défilait, et les Monts de Feu commençaient à disparaître à l’horizon.
- Il ne faut pas, Majesté.
Aurore se retourna soudainement vers lui et lui prit les mains, le regardant droit dans les yeux.
- S’il te plait, tutoie-moi, et appelle-moi par mon prénom. Ce sera mieux ainsi.
- Mais je…vous…euh, tu…Je ne peux pas ! Vous êtes l’impératrice !
- Fait ce que je te demande. S’il te plait. Tu verras, c’est une question d’habitude.
- Je…bien, si vous…si tu veux…, se résigna Asrial en disant « tu » comme si il prononçait un mot dans une langue qu’il ne maîtrisait pas du tout.
Aurore hocha la tête de contentement.
Aurais-je l’impératrice pour amie ?

Asrial…j’ai besoin de soutiens…Si tu savais ce que j’ai entrevu de son esprit…

Quelques instants passèrent encore pendant lesquels ils observaient le paysage défilant sous leurs yeux. Vers le sud, toujours vers le sud. Puis Asrial rompis à nouveau de silence :
- Majest…Aurore ?
Elle sourit. Enfin, ils pouvait se parler d’humain à humain, et non plus de valet à actrice.
- Quand v…quand tu disais que le général Morgan était spécial, qu’entendais-tu pas là ?
L’expression d’Aurore se fit songeuse et amusée.
- Eh bien…Mais pourquoi me demande-tu cela ?
- Je…je ne voudrais pas être médisant, mais…
- Je ne lui répéterais pas, ne t’inquiète pas. Qu’y a-t-il ?
- Son regard…Il est…singulier. Quand il m’a regardé, plusieurs fois, j’ai eu une drôle d’impression. Et puis, je ne sais pas si tu l’as remarqué, mais… Et puis sa façon d’agir avec les gens ! Quel familiarité !
Il lui raconta le moment où Morgan l’avait surpris à se cogner le pied contre sa table de nuit, et la façon dont il avait rit ; sans se moquer, d’une façon vraiment joyeuse. La manière dont il lui avait ébouriffé ses cheveux comme s’il était son fils, ou un petit enfant.
Au fur et à mesure qu’Asrial parlait, l’expression d’Aurore se fit amusée. Quand il eu terminé, elle se contenta de le regarder, tout sourire.
Vynce…Vous n’avez pas pu rester en place… Mais…pourtant, il est vrai que ces dernières années, vous avez changé…
- Il est juste un petit peu…original, c’est tout…, se contenta-t-elle de répondre.
Elle ce fut tout. Asrial se contenta de cette réponse, sachant qu’il ne pourrait rien en tirer de plus.

*

Comme à son habitude, Julia s’était habillé « comme un homme », comme disaient les gens. Elle avait passé un pantalon moulant de velours noir, et avait enfilé par-dessus de longues cuissardes de cuir noir à talons carrés. Une chemise de soie blanche à manches amples, resserrées au poignet, lui couvrait le haut du corps. Autour de son col, un de ces aux cols étroits qu’elle affectionnait, était nouée une cravate lavallière de satin noir.
Oui, elle s’habillait peut-être comme un homme, mais cela avait au moins le mérite d’être bien plus pratique, plus fonctionnel. Et elle choisissaient ses vêtement avec soin ; même vêtue à la mode masculine, elle restait élégante, et les hommes la désiraient autant, sinon plus. Elle attisait chez eux les fantasmes les plus fous.
Sa belle-mère voulait toujours la forcer à porter ces énormes robes à crinoline, ces nombres incalculables de jupons, ces décolletés taillés tels des puits. Elle lui répétait jour après jour qu’elle devait avoir la coiffure, la langage, les manières, les occupations d’une vraie dame. Mais Julia n’en faisait qu’à sa tête. Pas question de porter ces affreuses robes gonflées comme des ballons et lourdes comme des enclumes, ces coiffures architecturales, ces maquillages qui vous recouvraient comme une seconde peau, ces parfums plus forts et plus entêtants les uns que les autres. Pas question non plus de parler comme ces précieuses de la haute société que personne ne finissaient plus par comprendre, de pratiquer les activités « d’une dame » – la couture, la broderie, les promenades dans les jardins, les discussion sans fins sur les ragots du coin et les hommes,… – , de glousser comme une dinde dès qu’un jeune Don Juan trop sûr de lui passait par là.
- Ma fille, tenez-vous comme-ci ; ma fille, il vous faut parler ainsi ; ma fille, il faut se vêtir dans l’air du temps, comme cela ; ma fille, soyez plus féminine ! railla-t-elle devant sa propre image, imitant en pouffant la voix aigrelette et théâtralement lassée de sa belle-mère.
Ses parents se désespérait de la voir un jour mariée et mère. Mais Julia avait d’autre projets que de devenir dépendante d’un homme qu’on aurait assurément choisit pour elle, d’être une gentille femme comme on est un bon chien, de passer ses journées à la maison entourée de marmots et d’amies dans le même cas désespéré qu’elle. Déprimant.
Ses journées ? Elles les passaient à travailler son escrime, à faire des balades à cheval dans les bois ou sur les plaines au triple galop, à lire seule dans la forêt ou à faire des longues promenades en compagnie de ses amis.
En pensant à tout cela, elle s’observait dans la glace de l’impressionnante coiffeuse de sa chambre, véritable monstre de tiroirs et de fioritures rococo, croulant sous les bijoux, les produits de maquillage et les parfums. Elle ne l’utilisait quasiment jamais, ni elle, ni ce qu’il y avait dessus et à l’intérieur.
Elle se trouvait bien plus mieux au naturel que déguisée en courtisane. La jeune femme le faisait rarement, mais cette fois-ci, elle s’observa.
Son superbe visage ovale d’une grande finesse de trait -dont elle n’avait conscience-, d’une beauté si peu commune qu’elle s’en était fait de nombreuses ennemies ainsi que des troupeaux entiers de soupirants. Sa peau satinée, plus que veloutée, si lisse et sans la moindre minuscule imperfection détectable, avait une teinte douce, fraîche et claire.
Un sourire avait toujours tendance à flotter sur ses lèvres parfaitement dessinées, d’un délicat rose pourpré, son air toujours agréable et souriant, ou songeuse et pensive. Ces expressions laissaient rarement leur place à de la tristesse. Mais les seules fois où celle-ci assombrissait son beau visage, elle la rendait encore plus belle, plus désirable par les hommes.
Ses yeux fins, bordés par de longs cils et surmontés de longs, fins et délicats sourcils, avaient une délicate couleur vert-de-gris, rehaussée par la couleur d’or pur dont elle était finement mouchetée. Les stries d’or de ses iris étaient ce qui les rendaient si exceptionnelles, si magnifiques. Quand elle était heureuse, ses yeux devenaient presque brillants tant leur or renvoyaient les rayons du soleil. Quand le chagrin la pesait, ses yeux voilés de lumière pâle et froide semblaient venir de fond des premiers âges, avoir traversés toutes les époques et d’en avoir rapporté toute la tristesse.
Son épaisse et longue chevelure, parfaitement raide et lisse, étaient un autre élément d’elle-même, qui, si rares, la rendait sublime : naturellement d’un blanc de neige depuis sa naissance, ils lui descendaient jusqu’aux mollets et leur dégradé finissait en pointe. Leur texture était incroyablement fine et soyeuse, et coulait dans les mains tel de l’eau. Comme une rivière de neige ou d’albâtre, ils retombaient librement dans son dos et sur ses épaules. Quelques mèches, plus courtes, lui encadraient le visage comme un écrin de nacre.
Mais elle ne ressemblait quasiment en rien à son père et devait tout à sa défunte mère ; la femme, avant sa mort, avait des cheveux d’un blond platine étincelant et des membres et un visage d’une finesse hors du commun. De son père, elle n’avait hérité que l’incroyable couleur d’yeux. Et encore, chez son géniteur, l’or n’était qu’une variante du brun.
Ses vêtements moulaient admirablement son corps ni trop petit, ni trop grand, ses jambes longues et fuselées, sa taille de guêpe que toutes les femmes lui enviaient, ses seins d’une taille parfaite, sans être trop plats ni ressembler à des ballonnets, ses épaules étroites mais affirmées, ses longues mains d’une remarquable finesse, d’une intense délicatesse, qui savaient néanmoins se transformer en poignes de fer quand elles serraient un sabre ou une épée.
Le fait qu’elle se vêtisse comme un homme ne les affriolaient que plus, par son toupet et sa singularité.
Elle n’avait aucun besoin de bijoux, de maquillages divers ou de vêtements d’une incroyable richesse pour être superbe.
Son caractère enjoué, puissant, heureux et agréable, sa grande et vive intelligence, ses prédispositions pour quelle que soit la tâche, ses innombrables qualités, autant physique que morales, sa quasi-absence de défauts, sa gaieté, sa façon de consoler, d’aider, de rire ; tout en elle était idyllique, incomparable.
Parfaite. C’est comme cela que les gens la désignaient, que ce soit avec jalousie ou avec admiration. Aucun homme n’avait jamais su ni pu lui résister. Nombre de jeunes hommes avaient eu le privilège de partager son lit. Mais jamais elle ne gardait un amant très longtemps. Une nuit, parfois deux ou trois, une semaine, mais jamais plus. Elle ne voulait pas qu’ils s’attachent trop à elle. Elle voulait rester libre. C’était avant tout pour son plaisir personnel. Certaines femmes, par jalousie, ou certains amants qui en voulaient plus que ce qu’elle avait décidé de leur donner la désignait parfois comme une femme de mœurs légères, une demi-mondaine, une catin. Une libertine.
Julia le savait, mais elle ne s’en offusquait pas. Qu’ils parlent, se disait-elle, si cela leur fait tant plaisir. Sa belle-mère se désolait ; elle en riait. Libertine.
La jeune femme de rendit compte qu’elle commençait à rêvasser devant son miroir et secoua la tête pour se débarrasser de ses dernières pensées. Elle saisit un ruban de velours noir et noua sa longue et neigeuse chevelure en catogan, laissant échapper les quelques mèches autour de son visage.
Se levant d’un bond, elle se baissa et promena son bras sous son grand lit à baldaquin, dont les nombreux coussins et couvertures étaient éparpillés sur le lit, véritable champs de bataille. Elle se releva, tenant à la main un long objet enveloppé dans une toile noire. Elle le débarrassa de sa gangue pour saisir la poignée recouverte de cuir d’une longue épée d’acier, dont l’étroite lame reluisait.
Julia saisit le fourreau, rangé à côté, par le cordon de cuir auquel il était rattaché. Elle le passa en travers de son torse, passa l’épée par-dessus son épaule et la laissa glisser dans étui.
- C’est parti ! de dit-elle à elle-même. Baptiste, Asrial et Eloïse m’attendent sûrement déjà…
Ouvrant les épaisses portes de bois sculptées de sa chambre, Julia en jaillit et traversa le couloir comme une flèche. Dévalant le grand escaliers de marbre du hall d’entrée du manoir, elle croisa son père, le marquis d’Alfrevilay, un homme de cinquante-six ans encore robuste, aux cheveux gris coupés courts, à la grande gentillesse et d’une tendresse sans égale envers sa fille unique.
- Julia ! Mais où vas-tu comme cela ? On dirait qu’un dragon est à ta poursuite ! Tu as encore mis un pantalon…Ta belle-mère va encore être furieuse ! fit-il avec un petit sourire amusé. Tu la fait tourner en bourrique, la pauvre !
- Ce n’est pas de ma faute si les robes ne sont pas pratiques ! Et puis tu ne lui dira rien, n’est-ce pas ?
- Je lui dirait tout…
- Merci, Papa ! A plus tard !
Elle embrassa sa joue recouverte d’une courte barbe poivre et sel, manquant de faire tomber son monocle. Puis elle termina de descendre les escaliers et s’élança vers la double porte d’entrée.
- Julia ! Mais où vas-tu ?! s’exclama son père.
- Avec mes amis ! fut sa seule réponse alors qu’elle s’en allait au-dehors en courant.
- Ma fille…Fait attention à toi…, murmura-t-il.

*

- Majesté, la Cité des Interdits est en vue !
Aurore fit un signe de main au chevalier pour lui signifier qu’elle avait comprit, et sauta sur ses pieds pour avoir un vision d’ensemble.
A une centaine de toise de là, Cresca, la Cité des Interdits, dressait ses cinq imposantes tours vers le ciel. Quatre des cinq tours de grès rose, les tours extérieures, d’environ une centaine de pieds chacune, se tenaient comme quatre sentinelles aux quatre coins d’un grand terrain carré entouré de hautes grilles de métal doré, luisantes de milles éclats dans le soleil couchant. Au centre du terrain, la cinquième tour dépassait de peu les autres de sa hauteur. Quatre ponts de pierre, érigés entre les tours extérieurs, assuraient la communication entre elles, un peu au-dessous des toits. Quatre autres, partant de chacune d’elles, traversait l’espace du domaine en diagonale et rejoignaient la tour centrale.
Le squelette de métal de leurs cinq toits de pierre coniques étincelait au soleil, et dressait leurs pointes vers les nuages. Juste en dessous, quatre grands miroirs ovales et cerclés d’or finement forgé et ciselé, attachés aux murs de chacune des tours.
Au sol, des sentiers pavés de dalles de pierre rosée, images même au sol des ponts, reliaient entre eux les cinq bâtiments et étaient entourés de ces mêmes grilles de fer surmontées de pointes aiguisées, scindant ainsi le terrain en quatre parties triangulaires. Seul une de ces allée ne reproduisaient pas le dessin exécuté par les ponts, allant de la tour centrale en ligne droite pour rejoindre un haut portail, le seul de la grille qui entourait Cresca.
Sur ces quatre terrains, le sol avait été laissé sec et plane comme dans chaque recoins de la plaine des Ailes Brisées. Quelques arbres dépourvu de feuillage et de ramifications, se réduisant à leur épais tronc tortueux, leurs énormes racines entremêlées jaillissant du sol, et leurs branches les plus consistantes, y allongeaient leurs ombres sur le sol dans la lumière du jour déclinant.
Ces quatre zones étaient parsemées des décombres de constructions anciennes, de ruines, qui saillaient de la terre tels des os blancs : bouts de colonnes, sommets de toits, pans de murs, débuts d’escaliers, encadrements de portes à moitié enfoncé dans le sol, restes de grilles rouillées, fragments de fontaines et autres décombres enserrés dans les bras de ronces noires… comme des restes épars de rêves oubliés ou de vies effondrées…
Tous ces vestiges du passé portaient les stigmates apparents de nombreuses batailles. Certains portaient les marques noires de suie d’explosions, d’autres étaient lacérés comme si un couteau de géant les avaient tailladés, d’autres encore gisaient éclatés comme si un poing d’une extraordinaire force s’était abattu dessus…
Quelques rares personnes s’y promenaient encore, et commençaient à rentrer à l’intérieur des tours.
A droite de la Cité des Interdits s’avançaient la partie sud des Monts de Papier, comme d’immenses géants sombres surmontés de nuages gris teintés de lumière vespérale.
- Je ne suis jamais venu, mais j’ai beaucoup entendu parler de cet endroit…, dit Asrial.
- Cresca est très écarté du monde, répondit Aurore. Les mages qui s’y retirent pour apprendre l’art complexe du Garvija n’en sortent quasiment jamais, et s’interdisent tout contact avec le monde extérieur, du moins jusqu’à ce que leur entraînement soit achevé ou qu’ils abandonnent tout.
- Le Garvija est-il un art si difficile à pratiquer que cela ?
- Plus que tu ne semble le penser…
Les quatre barques descendirent doucement, flottants parmis les chauds courants aériens du crépuscule couleur de phénix, se dirigeant vers le grand et unique portail de Cresca. Plus personne ne parcourait le domaine de la Cité des Interdits, à présent. Mais un petit groupe s’avançait sur le chemin pavé qui venait de la tour centrale, à leur rencontre.
Les embarcations stationnèrent un instant au-dessus des barreaux aiguisés, puis atterrirent devant le portail. Dès qu’Aurore et Asrial descendirent, l’escorte offerte par le général Morgan les entourèrent. Valfos, d’un saut, vint se percher sur l’épaule de sa maîtresse.
- Mais ? C’est Maître Jovios ! s’exclama Aurore.
Il ne descend presque jamais de sa tour, même quand il a des visites…Il ne l’a jamais fait que pour moi…Oh, mon cher vieux précepteur, je suis si heureuse de vous revoir ! C’est en fin de compte une bonne chose que nous soyons venus…
L’impératrice, sans attendre, poussa d’un geste uniforme les deux grand battants du portail, qui s’ouvrirent en glissant lentement, produisant un son qui, aux oreilles d’Asrial, rappelait le son d’un violon dans le lointain.
- Petite Majesté ? Est-ce vraiment vous ?
- Maître Jovios ! Je suis contente de vous revoir !
L’homme, de forte carrure et habillé d’un long manteau, entouré de deux autres hommes et d’une femme, s’inclina brièvement devant son impératrice. Ses trois compagnons firent de même. Sa tête barbue de quadragénaire était enfoncée dans un grand col blanc dépassant d’une épaisse cape écarlate, rattaché sur sa poitrine par une épingle de fer d’où retombaient deux longs rubans blancs. Sa longue robe, alternance de couleur de crème et de terre, couvrait ses pieds.
Son regard noisette, encadré de longs cheveux bruns aux reflets roux qui coulaient sur ses épaules, détailla longuement Aurore. Un sourire se dessina sur son visage.
- Petite Majesté…Cela fait longtemps…La dernière fois que je vous ai vu remonte à huit ans dans le passé…Vous aviez treize ans…Et Valfos est avec vous !
Petite Majesté…Il m’appelait toujours ainsi quand j’était enfant…Il n’y a que lui que lui qui me désignait comme cela…Vous n’avez donc pas oublié l’enfant capricieuse et curieuse que j’était à l’époque, Maître ?
- Oui cela fait longtemps…Vous étiez mon précepteur, à cette époque…Cela me fait plaisir de vous revoir ! J’aurais pu venir bien avant ce jour, mais les responsabilités et les devoirs d’une impératrice sont bien plus importants que ce que j’avait imaginé…Je ne suis sur le trône de l’Empire que depuis que Père est mort, il y a trois ans.
L’expression de Jovios s’assombrit.
- Oui, je me souviens…Cela a été une bien triste nouvelle. J’aurais de tout cœur voulu pouvoir être à vos côtés dans ce moment, d’autant plus que j’ai entendu dire que le Prêtre Majeur s’était opposé à votre accession au trône à un si jeune âge…Mais mes obligations me retenaient d’abord ici…
- Je comprend très bien, Maître…Le Prêtre Majeur et une grande partie de l’Assemblée sont, d’une manière atténuée, toujours opposé à mon règne…Mais il n’ont aucun pouvoir sur moi ; j’ai le soutien d’Evralon, de la Cité de Fer et de l’Académie de la Grande Tour.
Jovios la regarda encore, son sourire un peu incrédule toujours en place. En l’impératrice qu’il avait devant lui, il revoyait encore l’enfant qu’elle avait été. Il lui avait appris, il l’avait aidée, il l’avait secondée pendant tant d’année de sa jeunesse…
- Oh, excusez-moi, jeune homme ! s’exclama Jovios. J’était si ému de retrouver notre Petite Majesté que j’ai totalement oublié de vous demander votre nom !
- Mon nom…Asrial Aquendi, répondit-il en esquissant une courbette. Je suis…
Le regard éloquent d’Aurore lui fit terminer rapidement sa phrase :
- …un ami de Sa Majesté.
- Ah, bien. Vous me connaissez, je suppose ?
Asrial opina du chef.
- Alors tout va pour le mieux. Rentrons, dit-il. La nuit va tomber. Mes assistants…
Il regarda les deux hommes et la femme qui se tenait derrière lui. Ils acquiescèrent.
- Mes assistants montreront à vos chevaliers où ils peuvent passer la nuit…Les embarcations de Caedos rentreront seules. Venez.
Sous les directives des auxiliaires du Maître de Cresca, les chevaliers s’éloignèrent en direction de la tour de gauche. Jovios, quand à lui, conduisit Aurore et Asrial vers la tour centrale.
Ils montèrent au sommet de celle-ci, là où se trouvait la pièce qui servait à la fois de bibliothèque personnelle, de laboratoire et de bureau à Jovios. Les escaliers, semblant interminables à Asrial, s’achevait devant une haute et épaisse porte de bois de cerisier finement sculpté, figurant les différentes aptitudes du Garvija, au centre de laquelle se trouvait une serrure dorée de la taille d’un poing d’homme adulte, qui représentait une gueule de démon, avec de petites dents pointues et deux défenses qui lui sortaient de la mâchoire inférieure, remontant au-dessus de la lèvre supérieure.
Jovios plongea la main dans les replis de sa robe et en sorti un trousseau de massives clés d’acier. Une seule, parmis elle, d’une brillante couleur dorée, était fine et longue. Jovios s’en saisit, et la plongea dans la bouche dorée…qui la recracha aussitôt avec un bruit d’étouffement.
- A l’aide ! On m’assassine ! On veut m’étrangler ! hurla la serrure d’une voix éraillée et rauque en s’animant et se tortillant en tous sens.
- Mais tait-toi donc ! lui intima Jovios alors que l’objet doré ne cessait de s’égosiller. C’est moi !
Les cris de gorets de la serrure se turent, laissant place à un silence soupçonneux qui dura quelques instants.
- Maître ? fit alors timidement la gueule dorée. Ah, mais je vous y prend à essayer d’étouffer les gens pendant leur sommeil ! fit-elle en reprenant de l’assurance et un ton suspicieux. Et puis, qui me dit que vous êtes lui ?
- Qui cela, lui ?
- Vous.
- Moi ?
- Oui, vous.
- Mais je suis moi et je ne te permet pas d’en douter, sale petite horreur dorée !
- Dites-donc, pas la peine de m’insulter ! continua la serrure. Ce n’est quand même pas de ma faute si vous ne savez plus si c’est lui qui êtes vous ou vous qui êtes lui ! Qui est ce lui, d’abord ?
Asrial et Aurore suivait ce dialogue avec des expression effarées. Même Valfos avait l’air perdu. Jovios respira profondément pour se calmer, et reprit d’une voie mielleuse :
- Lui et moi ne faisons qu’une seule et même personne, alors je te prierait de me laisser ouvrir cette porte.
- Alors c’est cela, hein ? Vous vous dédoublez pour égarer les gens ? Enfin, cela vous regarde, après tout, que vous soyez à la fois lui et moi, enfin vous, enfin cet autre lui que le premier lui qui était vous avec ce moi !
Jaonos se prit le visage dans les mains.
- Bon, écoute, reprit-il. Je suis le Maître de ce domaine, et par conséquent, ton maître ! Alors laisse-moi ouvrir cette porte ou je te fait exploser avec !
- Ah, mais ça ne va pas ?! brailla la serrure. C’est que vous êtes violent, en plus ! Elle ne vous a rien fait, cette porte ! Vous ne pouvez pas vous expliquer calmement, comme une personne civilisée ? Et puis pourquoi tenez-vous tant que cela à l’ouvrir, cette porte ? C’est louche !
Voyant que Jovios était prêt à sauter sur elle pour la démonter morceaux par morceaux, Aurore s’approcha de la gueule dorée et s’accroupit devant elle.
- Allons, ne vous énervez pas, ce n’est qu’un malentendu, dit-elle en lui grattant le menton. Nous voudrions ouvrir cette porte. Maître Jovios est là, avec la clé.
La voix de la serrure se fit plus douce, plus calme :
- Ah, voilà enfin quelqu’un qui s’exprime correctement ! Pourquoi n’avoir dit que c’était vous, Maître Jovios ? Je ne suis qu’une pauvre serrure aveugle ; un peu de compassion, serait-ce trop demander ?
Les mains du Maître de Cresca se crispèrent sur les replis de son manteau.
- C’est comme cela régulièrement, expliqua-t-il. A croire que cela l’amuse ! Et elle se prend pour une victime, en plus !
- Je suis victime de maltraitance ! s’exclama la serrure.
- Pourquoi ne la changez-vous pas ? demanda Asrial.
- Quoi ?! hurla la gueule d’or. Dites-donc, jeune homme, un peu de respect ! Je suis vieille, mais pas encore sénile ou bonne à jeter par la fenêtre !
Aurore rit. Puis elle ramassa la clé dorée et demanda :
- Pourriez-vous…ouvrir la bouche, s’il vous plaît ?
- Bien sûr, il suffit de le demander !
La gueule d’or s’exécuta. Aurore fit pénétrer sa clé à l’intérieur et tourna. Il y eu un petit couinement, un bruit de loquet et la porte s’entrouvrit tendis que la serrure poussait un hoquet.
- Voilà ! fit Aurore, redonnant la clé à Jovios.
Le quadragénaire les fit entrer dans une grande salle ronde. Deux fenêtres à l’opposé l’une de l’autre, donnait chacune sur une des deux tours extérieures. Le fond de la pièce était remplis d’étagères débordantes de feuilles et de livres, de bibliothèques, de petites bureaux et de placards. Sur leur droite, quelques fauteuils étaient rassemblés près de la fenêtre. Au centre de la pièce, une grande tenture d’un bleu profond était accrochée au plafond par un anneau d’argent, et retombait jusqu’au sol.
- Qu’y a-t-il là-dessous ? demanda Aurore.
- Oh, c’est…hum…un dispositif de défense expérimental…N’y touchez surtout pas, il est très fragile et trop sensible ! Cela peut-être dangereux.
- Ah…Maître Jovios, J’était venue à Cresca…
La jeune femme parut réfléchir à ce qu’elle allait dire. Puis :
- …pour savoir si quelque chose concernant la prophétie de l’Andémange ne serait pas conservé ici.
- Cette vieille légende ? Etes-vous venue de Lamarielle pour cela ? N’aurait-il pas suffit d’envoyer un messager ?
- Non, je…c’est d’ordre personnel.
- Je vois…Mais…N’y a-t-il rien à Lamarielle ?
Une lueur espiègle s’alluma dans le regard de Jovios.
- Euh…si, bien sûr, mais ces archives n’étaient pas assez complètes. Ne seriez-vous pas en possession d’ouvrage qui apporterait des précisions ?
- Hum…je ne sais pas…Peut-être que…Attendez !
Il se dirigea vers le fond de la salle, vers un empilement de placards plus ou moins ordonnés, et commença à les fouiller l’un après l’autre, feuilletant livres après livres, les entassant près de lui au fur et à mesure.
Il est toujours aussi désordonné…
En attendant qu’il ai terminé, Aurore se mit à parcourir la pièce des yeux, mais retomba bien vite sur l’intrigante tenture du centre de la pièce. Que pouvait-il y avoir de dangereux là-dessous ?
La jeune femme se rapprocha et souleva un pans du drap bleu nuit. Avant même d’avoir pu esquisser un geste ou d’avoir pu voir ce qui se cachait dessous, il y eu comme un grand coup de vent, sortant de sous le drap. Aurore eu juste le temps de se retirer de la trajectoire d’un rayon lumineux d’un blanc tirant légèrement sur le mauve, qui fusa droit à travers la fenêtre. La tenture retomba, interrompant le faisceau.
- Petite Majesté !
Aurore se releva et épousseta ses vêtements.
- Tout va bien, Maître. Qu’était-ce ?
- Je vous avait prévenus ! Cela peut-être très dangereux ! Vite, couchez-vous à terre ! Il va arriver !
- Mais qui donc ?
- Faites ce que je vous dits si vous tenez à rester en vie !
Le ton impératif de Jovios les convainquit et ils se plaquèrent à terre. Il y eu alors un nouveau coup de vent, mais d’une puissance de loin supérieure au précédent. La pièce trembla ; tous les volumes , les feuilles de papiers, et tout le contenu des étagères et des placard vola dans la pièce. Puis tout redevint calme. Les trois humains se relevèrent.
- Où est Valfos ? s’exclama Aurore.
Un petit couinement s’éleva d’une pile de livre, dans un recoin de la pièce. Aurore les souleva un à un, libérant enfin le pauvre rapace affolé qui étouffait.
L’expression inquiète de Jovios laissa place à un sourire soulagé.
- Vous êtes toujours aussi curieuse !
- Que s’est-il passé ? demanda Asrial, encore abasourdi.
- L’énergie que vous avez libérée en soulevant ce drap, Petite Majesté, s’est réfléchie sur les miroirs des autres tours, et a suivit un trajet qui l’a fait revenir à son point de départ.
- Excusez-moi…Je n’ai pas pu m’en empêcher…, dit Aurore.
- Ce n’est pas grave. Il n’y a pas eu de blessés. Ne refaite plus cela, c’est tout.
- Je m’en souviendrais.
- Bien. Mais il va falloir que je range tout cela avant de retrouver ce que vous recherchiez, Petite Majesté.
Il désigna la mer d’ouvrages, d’objets, de feuillets et de notes qui s’étendait autour d’eux.
- Excusez-moi, dit encore Aurore en rougissant. C’est de ma faute. Nous allons vous aidez à ranger.
Asrial lui lança un regard noir. « Ce n’est pas à cause de moi, tout ce chaos ! ». Mais elle lui répondit par un grand sourire.
Tout à coup, une intense déflagration retentit et la tour vacilla sur ses fondations comme sur le passage d’une tornade.
- Que se passe-t-il ?
Valfos partit d’un cri strident et se mit à voler dans la pièce comme un fou. Aurore se précipita à la fenêtre, tendit qu’au dehors retentissaient des échos de combats ; fracas métalliques, des explosions, des cris, des rugissements. C’était le chaos.
Les combattants de la Cité des Interdits étaient tous sortis, à présent, et luttaient contre les ennemis qui arrivaient toujours en nombre. Des créatures volantes passaient au dessus du champs de bataille qu’était devenu le domaine de Cresca, attaquant au passage des mages combattants, qui s’évertuaient à les repousser. Les grilles avaient été renversées. Des cavaliers en armure rouge sang et leurs chevaux noirs nuit passaient dans les rangs des mages de Cresca en semant la mort. D’imposants guerriers, aux multiples têtes de serpents, se déversaient de tous les côtés.
Un vacarme infernal couvrait tout ; des boules de feu ou de lumière parcouraient les airs, des éclairs foudroyaient et carbonisaient, les épées, les sabres, les lances s’entrechoquaient, les masses d’arme broyaient, les marteaux écrasaient, des rayons meurtriers transperçaient, des cris horribles fusaient, des ondes de chocs projetaient des créatures dans les airs, le sang coulait.
La Cité des Interdits ne pouvait être attaquée. Elle ne l’avait jamais été !
Jovios et Asrial rejoignirent l’impératrice.
- Mais…c’est impossible ! s’écria le Maître.
- Quelle horreur ! Je…
- Attention !
Suivant des yeux ce qui avait arraché à Asrial cette exclamation, Aurore et Jovios s’écartèrent précipitamment. Une boule de lumière passa par la fenêtre et s’écrasa contre le plafond, détachant quelques morceaux qui tombèrent au sol.
Soudain, la porte de la salle s’ouvrit et se referma violemment. Un des assistants de Jovios s’avança vers lui. C’était la jeune femme, en tenue de combat.
- Maître ! s’exclama-t-elle.
- Evi ! Que ce passe-t-il ? D’où viennent ces monstres ?
- Nous ne savons rien ! Tous les guerriers des quatre tours extérieurs sont descendu combattre, y comprit les chevaliers du Chêne, mais nous ne savons rien sur nos agresseurs. Mais il y a un dragon rouge qui stationne non loin de Cresca ! Il est beaucoup plus grand et impressionnant que n’importe quel dragon ; il doit faire cinq fois la taille d’une bête normale ! Certains des nôtres parlent de Vathar-Loki en personne ! Personne ne sait qui sont ni ce que sont nos ennemis. Mais il y en a qui connaissent la magie ; ceux-là sont plus faciles à contrer, mais ils usent de magie taboue.
Une nouvelle explosion retentit. En regardant par la fenêtre, il purent voir l’un des ponts qui s’effondrait dans un nuage de fumée noire et de poussière, entraînant dans sa chute nombre de mages et de créatures.
- Oh non ! se désola Jovios.
- Maître ! Ils essayent de pénétrer ici ! s’exclama Evi. Endymion est en bas, il les repousse. Mais il faut faire quelque chose !
- Endymion ? Alors nous avons encore du temps. Il faut…
- Maître, utilisez le Qhinkalh ! C’est la seule chose qui peut les repousser !
- Mais je ne peux pas ! Cela risquerait d’endommager Cresca ! Il est incomplet !
- Oui, mais c’est le seul espoir ! Ils nous surpassent en nombre ! nous serons bientôt submergés !
Jovios se retourna. Est si la jeune femme disait vrai ? Peut-être qu’effectivement c’était leur seul espoir de les repousser.
- Bon. Je vais essayer. Mais il faut impérativement que tout le monde soit prévenu ! Tout le monde doit se barricader à l’intérieur des tours, et y rester jusqu’à la fin ! Est-ce clair ? Tout ce qui sera au-dehors sera touché, alors tout le monde à l’intérieur ! Envoie un signal lumineux dans les airs, quand ce sera bon.
- Bien, Maître. J’y vais.
Sur ces mots, Evi salua s’en retourna comme elle était venue.
- Bien, dépêchons-nous.
Jovios fouilla dans ses poches et en sortit un long ruban de velours noir. Il s’approcha de la tenture bleu sombre, et, précautionneusement, disparut en-dessous. Un instant après, il revint à la lumière. Il s’éloigna et fit un geste de la main ; le drap bleu se releva d’un coup sec et se plaqua contre le plafond, révélant un étrange objet biscornu et entortillé sur lui-même. Mais cette fois, rien ne se passa.
Il fit signe à Aurore et à Asrial de s’approcher. Valfos avait finit par se calmer et s’était posé sur une étagère renversée.
L’objet se présentait comme un espèce de tentacule de pierre et de métaux divers – marbre noir, grès, granite, cuivre, acier, laiton,… – qui, ancré dans le sol à sa base, remontait en ligne droite, formait un anneau, remontait à nouveau vers le plafond, toujours en rétrécissant son diamètre, puis redescendait à nouveau pour se terminer en une sorte de petite pyramide de marbre rose, pointe vers le bas, dont les arêtes étaient renforcées de bronze.
Le ruban de velours noir cachait entièrement quatre formes sphériques aux arêtes de la pyramide.
- Ces quatre petits globes réagissent à la lumière, expliqua Jovios. Vous comprenez pourquoi je vous avez demandé de ne pas soulever ce drap, tout à l’heure ? C’est de la science magique.
Les deux jeunes gens acquiescèrent.
- Deux des sphères sont orientées vers les fenêtres, vous voyez ? Les deux autres ne sont là que pour absorber le surplus d’énergie qui pourrait s’emmagasiner dans les autres et les faire exploser. Quand je vais enlever ce cache, ces deux sphères réagiront à la lumière du soleil, enfin, ce qu’il en reste, et vont libérer l’énergie magique qu’elles possèdent, sous forme de deux rayons. Ces deux rayons partiront les directions opposées, suivant une trajectoire rectiligne avant de percuter chacun un miroir. Là, les deux rayons vont se diviser chacun en deux ; les quatre rayons ainsi créés fuseront vers les deux miroirs restants, et les percuteront exactement à la même seconde, produisant des décharges d’énergie d’une grande puissance. Peut-être trop grande.
Un deuxième pont s’écroula dans un grondement de tonnerre.
- Pressons ! Prenez Valfos avec vous et asseyez-vous contre un mur, loin des fenêtres.
Aurore appela son oiseau et le prit dans ses bras. Rejoignant Asrial, elle se terra contre un grand placard de bois. Jovios observa la fenêtre. Quelques secondes plus tard, une boule de lumière orangée monta dans les airs et explosa à hauteur de fenêtre. Jovios hocha la tête et alla les retrouver. Sur un de ses geste, le ruban de velours se détacha. Aurore serra encore plus fort son compagnon de plumes et ferma les yeux.
Les rafales de vent se déclenchèrent, faisant une nouvelle fois voler des centaines d’objets dans les airs et annonçant la sortie des rayons d’énergie.
Aurore sentait ses cheveux voler autour de sa tête, et Valfos s’agiter entre ses bras. Elle entendit des cris, au-dehors. Soudain, elle pensa à quelque chose. Criant pour couvrir le vacarme, elle demanda à Jovios :
- Que se passerait-il si une de ces créatures volantes passaient devant un rayons ?
L’homme eu un rire nerveux.
- Elle le sentirait passer.
Soudain, un bruit cristallin mais déchirant –c’était comme si un énorme château de cristal s’était soudain effondré- couvrit tout le brouhaha qui sévissait au-dehors ; les rayons s’étaient rejoints. Une intense lumière se déversa par les fenêtre, aveuglante. Asrial se couvrit les yeux du bras. Une violente vague de froid les submergea, n’étant rien à côté de l’horreur que subissaient les monstres du dehors.

*

A l’extérieur, la confusion s’intensifiaient. On voyait, des deux endroits, des deux miroirs où les rayons s’étaient percutés, d’immenses ondes, d’immenses cercles de lumière aux reflets mauves, incertains, indistincts, mais pourtant bien réels
Des centaines et des centaines d’ondes lumineuses jaillissaient des miroirs, semblant ne pas vouloir s’arrêter. Les monstres et les créatures couraient, volaient dans tout les sens pour échapper à la brûlure mordante de ce froid qui les tuaient presque en un seul coup. Cela les gelaient de l’intérieur, rendaient leurs muscles rigides comme de la pierre, inutilisables, leur sang devenait plus dur que de la glace dans leurs artères, leur cœur s’arrêtait. Si la lumière de gel ne les tuaient pas, elle les laissaient agonisant, condamnés à mourir en proie à une mordante souffrance. Soit ils fuyaient, soit ils mourraient. C’était aussi simple que cela.
Les monstres volants tombaient comme des oiseaux abattus en plein vol, comme de la neige. Les cavaliers s’effondraient dans leur course. Les montures les désarçonnaient, foudroyés par le froid intense.
L’hécatombe ne dura pas longtemps ; au bout de quelques instants, il ne restait plus un seul ennemi vivant dans les parages. Tous étaient morts ou avaient fuit. La lumière faiblit, puis finit par s’éteindre, ainsi que les rayons d’énergie.

*

- Quelle défaite cuisante, lâcha le monstre en repliant ses ailes, du dédain dans la voix.
Celle-ci était grondante, chaude, grave et gutturale. Profonde et rauque comme le tonnerre qui gronde, la terre qui tremble. Derrière lui, le cratère propulsa une colonne de feu, de roches incandescentes, de fumée noire et de cendres. Il grogna de plaisir sous la caresse de la pluie de braises brûlantes et sous la chaleur qui se dégageait du volcan.
A côté de lui, son compagnon, tout petit à côté de sa masse plus qu’imposante, n’eu aucune réaction, passant étrangement outre les débris volcaniques brûlants, la fumée sombre l’enlaçant comme un amant.
- Oui. Mais ils ne sont pas hors de danger. Je n’ai pas encore eu le temps de m’organiser suffisamment…Elle veut se diriger vers la Cité de Fer. C’était un avant-goût…Une façon de se faire la main.
Sa voix à lui était étrange. Elle était grave, encore plus grave que celle de son énorme compagnon, sombre et profonde comme un puit sans fond, sans âge, vieille comme le monde. Vide. Elle faisait penser, quand on l’entendait, au son funèbre d’un orgue, un orgue spectral et ténébreux. C’était une voix qui figeait, une voix qui hypnotisait, qui attirait. Elle exerçait, par ses accent suaves et sensuels, une attraction mystérieuse sur ceux qui l’entendait, un attraction qui appelait à la débauche et la luxure, à la passion charnelle. Mais de même façon, elle repoussait, elle inspirait un dégoût profond, une terreur abjecte, une aversion pour une chose immonde et innommable. C’était une sensation profondément troublante que d’entendre cette voix. Troublante.
- Alors rattrapons-les.
- Non. Il ne faut pas les tuer. Si je veux parvenir à mes fins, il faut qu’ils restent envie. L’un a besoin de l’autre pour continuer, et pas forcément de la manière dont leurs esprits pourraient leur faire croire. Laissons-les faire encore un peu de chemin, de toutes façons, dans les deux cas, j’aurais ce que je veux. Et puis nous ne pourrons pas venir à bout des défenses de la Cité de Fer, pas maintenant. Même toi ne le pourrait pas seul.
- Hum…
Le monstre tourna son énorme tête vers l’horizon. Sa vue très développée lui permettaient de voir la Cité des Interdits. Un minuscule point encore fumant, tout là-bas.
- Il faut retrouver Aserah, dit l’ombre noire, plus noire encore que celle de l’énorme monstre. Puis les autres.
- Aserah…, gronda l’autre comme si il se souvenait d’un lointain passé. Le vent…Cherchons du côté des Monts du Vent…
- Bien. Je n’ai aucune connaissance de ce qu’il s’est passé pendant cette époque…votre chute m’est inconnue…Je te suis, répondit la petite ombre.
Elle se retourna, faisait voler les immenses pans de sa cape noire aux extrémités déchirées, comme les ailes d’une chauve-souris, et plongea dans les fumées méphitiques produites par les volcans. Le monstre le regarda passer de ses grands yeux d’or, puis se leva pour le suivre.









Vaaalààààà!! :P

Alors, qu'est-ce que vous pensez de Julia, le nouveau personnage?


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MessagePosté: 19 Sep 2005 13:08 
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Slash ou non, telle est la question...
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Localisation: Brest pour le moment
:bravo: :bravo: :bravo: :bravo: :bravo: :bravo:


C'ets tjrs aussi génial ! Je voudrais bien
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"Captain Jack: Nice to meet you, Martha Jones.
The Doctor: [Irritated] Oh, don't start!
Captain Jack: I was only saying 'hello'!"

Non non je ne suis pas monomanique en ce moment


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MessagePosté: 19 Sep 2005 18:40 
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Localisation: ♫ J'ai longtemps cherché un paradis sur Terre... ♫
J'adore Julia !! Elle me fait un peu penser à Lady Oscar mais en beaucoup plus belle !! (enfin, c'est comme ça que je l'imagine...).

:suite: :suite:

Cybelia.


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MessagePosté: 19 Sep 2005 20:19 
Je corrige le chapitre 5 pour mes deux fans lol :lol: :D


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MessagePosté: 20 Sep 2005 17:58 
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Slash ou non, telle est la question...
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Citation:
Je corrige le chapitre 5 pour mes deux fans lol

t'as interet sinon on sera pas fan longtemps. Je plaisante vivement
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Non non je ne suis pas monomanique en ce moment


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MessagePosté: 20 Sep 2005 21:54 
Le 5e chapitre^^









Chapitre V: Le mage



Les immenses terres, autours d’Artolanth, à des lieues et des lieues à la ronde, étaient divisés en de très nombreuses propriétés : le domaine ducal de la famille De Calinath, le marquisat d’Afrevilay, le duché de Fidarin, le compté d’Hareville, la baronnie d’Ildecast, et bien d’autres encore. Une des familles les plus influentes, riches et puissantes avait été et était toujours la famille De Calinath.
Les frontières du pays que formaient tous ces domaine, adossés les uns aux autres, était délimitées par le fleuve Brunroc au nord, le fleuve Bruyère au sud, et les terres d’influences de la cité de Crisaèvor à l’ouest. Seuls les domaines des De Calinath, d’Afrevilay, d’Ildecast, de Fidarin et d’Hareville jouxtaient Artolanth. Les demeures du marquis d’Afrevilay, d’Ildecast et de Fidarin étaient quasiment insérées à la ville, tandis que le manoir De Calinath et le castel d’Hareville se situaient plus en retrait.
Souvent, de grandes réceptions se donnaient dans l’une ou l’autre de ces demeures, et Julia se devait souvent d’y participer. Trop souvent à son goût. Et justement, c’était le baron d’Ildecast. qui donnait une petite soirée aujourd’hui même. Mais elle avait encore le temps.
Le baron d’Ildecast. Le père de Quentin d’Ildecast, ce beau jeune homme mystérieux et solitaire. Par jeu, Julia avait bien essayé de le séduire, sans sérieux ni intention réelle, juste pour s’amuser. Mais Quentin était resté indifférent à ses avances. Il n’avait même pas rougit ni réagit quand elle avait plongé la main sous sa chemise. Non, une indifférence totale ; il avait juste remis la main baladeuse de Julia à sa place, la laissant seule sur place, les yeux ronds. Celle-ci, comme toujours, n’en avait pris ombrage et en avait rit par la suite. Mais enfin, quelle tristesse d’être toujours seul !
Mais pour l’heure, elle devait retrouver ses amis, comme souvent. Ensuite, elle irait travailler son escrime avec Peter Firel, son maître d’armes. Le seul homme qui avait bien voulu enseigner l’escrime à une femme. Asrial et Baptiste , eux, en tant que garçons, avaient été entraînés d’office aux arts militaires. Julia s’était donc entraînée souvent seul pendant son adolescence.
Le temps était gris, mais il ne pleuvait pas. Il ne faisait pas froid, mais pas chaud non plus. La jeune femme descendit rapidement la rue au milieu des quelques passants, et arriva sur une allée de graviers désertée à cette heure-ci, en tout début d’après-midi. Le côté gauche du chemin était bordé par un haut mur gris, un ancien mur d’enceinte qui datait des premières époques de la ville. Sur le côté droit coulait une petite rivière. Au-delà, il n’y avait que des collines et des forêts.
Julia longea le mur d’enceinte jusqu'à des escaliers pratiqués dans celui-ci. En haut, l’une des plus grande place de la ville.
- Julia !
L’interpellée rejoignit son amie en grimpant les marches quatre à quatre.
- Bonjour, Eloïse. Où sont les garçons ?
Eloïse était une grande fille aux cheveux ondulées, d’une couleur hésitante entre l’auburn, presque acajou, et une teinte métallique cuivrée, qui lui retombaient presque sur les épaules. Ses deux grands yeux bruns avaient toujours cet aspect et cette humeur infantile, et son visage même la rajeunissait souvent de trois ou quatre ans. Bien qu’elle eu vingt ans, les gens lui en donnait facilement seize. Elle avait enfilé une veste grenat qui lui retombait sur les cuisses, et un pantalon de velours noir.
- Ils ne sont pas encore arrivés. Mais Asrial ne viendra pas, tu sais ; son père…
- Oui, je l’ai appris…C’est…si triste…Il est duc, à présent.
- Hum…Et si on allait voir comment il va, quand Baptiste sera là ? proposa Eloïse.
- Pourquoi pas…Mais j’espère ne pas le trouver dans un état trop…désespéré ; il s’était encore plus attaché à son père, depuis la mort de sa mère.
- Nous verrons bien…
Julia s’installa sur le bord du mur, les jambes pendantes. Eloïse s’accroupit à ses côtés.
- Sais-tu qu’une taverne du centre-ville a été dévastée, cette nuit ? demanda subitement Eloïse. Il y a eu de nombreux morts.
- Non, je n’était pas au courant. Que c’est-il passé ?
- Je ne sait pas exactement. Je n’ai eu que des échos, tu sais, j’habite à l’extérieur de la ville. Mes parents n’ont pas trop voulu m’en parler, on dirait que ça les horrifient. Ils sont dans un tel état ! Nous en saurons plus demain, je pense.
- Sûrement…Mais où est Baptiste ? Il arrive toujours très tôt, normalement !
- C’est étrange…J’espère qu’il n’a pas de problème…
Un silence s’installa. Après quelques moments, Julia se leva brusquement.
- Mais que fait-il ? Il ne s’est tout de même pas perdu dans les rues !
- Il s’arrête souvent devant l’échoppe du libraire en chemin… Il y est peut-être resté plus longtemps que prévu ?
- Viens, allons le chercher ! s’exclama Julia en la prenant par la main et en descendant l’escalier. Passons par là, ce sera plus rapide !
- Eh ! Ne va pas si vite !
Julia arrêta sa course, et Eloïse remonta à sa hauteur. Reprenant une allure normale, elles continuèrent sur le chemin de gravier longeant la rivière. De toutes façons, si Baptiste était juste en retard, elle le rencontrerait sur le chemin. C’était celui qu’il empruntait toujours pour les rejoindre.
- Peut-être qu’il est rentré dans la bibliothèque et qu’il a finit par nous oublier…, fit Eloïse avec une expression faussement rageuse.
- Ou peut-être qu’il est amoureux et qu’il est avec l’objet de son affection…, dit Julia en prenant un air de jeune biche effarouchée, battant des cils.
- Ou peut-être encore qu’il échafaude plan sur plan pour échapper à la réception de ce soir…
- Il ne serait pas le seul…, lâcha amèrement Julia.
- De quoi te plaint-tu ? lui reprocha Eloïse en riant. Tu seras le centre d’attention, comme d’habitude ! Toutes les autres en sont vertes de jalousie…Cela devrait te faire plaisir, non ?
La superbe jeune femme prit un air exagérément choqué.
- Moi ? Oh ! Tu me prend pour un monstre ?
Son amie éclata d’un fou rire non contenu.
- Mais tu est un monstre !
Les deux amies tournèrent au coin du mur d’enceinte, bras-dessus, bras-dessous, et continuèrent en direction du quartier commerçant.
- Tout les garçons vont te dévorer des yeux…, déclara Eloïse en levant les yeux vers ciel. Que dis-je ! Te déshabiller des yeux !
- Et belle-maman va encore m’obliger à porter une de ces horribles robes, à me friser les cheveux, à me maquiller, à me coiffer…Je vais devoir jouer la poupée pendant des heures entières…juste pour une soirée !
- Et tout le monde va vouloir que tu joues un de tes merveilleux air ! Si en arrivant dans la grande salle de bal, tu vois un clavecin, un violon ou un piano, sauves-toi aussi vite que tu peu !
Eloïse éclata une nouvelle fois de rire, sans plus pouvoir s’arrêter.
- Tiens, en parlant d’homme, il faudrait essayer de deviner quel est le genre de pucelle qui attire les faveurs du charmant fils de notre hôte ! dit-elle entre deux éclats de rire. Peut-être que tu…
- Ce n’est pas moi, déjà…, l’interrompit Julia avec un sourire malicieux.
- C’est le premier garçon qui ne te désire pas !
Elles prirent un nouvel escalier et se retrouvèrent dans une des étroites rues bordées d’échoppes et de hautes maisons à l’air alambiquées, et ne laissant voir du ciel qu’une longue bande bleu-gris. Ici, au contraire du chemin qu’elles avaient laissé, les gens était nombreux.
Les deux jeunes femmes tournèrent à droite en haut de l’escalier, de sorte à rester au bord du vieux rempart. Elles passèrent devant l’une des trois armureries de la ville, puis devant une épicerie, et enfin devant un bazar.
- Attend ! s’exclama Julia alors qu’Eloïse continuait sans s’arrêter. Entrons quelques minutes ! Peut-être que le vieil Oslo a de nouvelles choses intéressantes !
- Des choses intéressantes et…inutiles?
- J’aime bien ce qui est inutile, répliqua Julia, du moment que l’on ne me l’impose pas ! De toutes manières, tu n’as pas le choix !
Elle prit une nouvelle fois la main d’Eloïse et l’entraîna dans le magasin. C’était une petite boutique, où pas un seul pouce n’était recouvert d’objets en tous genres. Au plafond étaient suspendues des maquettes de bateaux, des dragons en bois, des mobiles, des lustres, des guirlandes,…Sur les murs, des étagères s’alignaient, présentant des centaines d’objets différent, comme des marionnettes, des poupées, des bijoux, des bateaux en bouteilles, des coupe-papier, des selles pour griffons, des livres, des portraits, des jeux de société…et encore une foule d’autres objets aussi bien inutiles qu’attrayants…
Le propriétaire, un vieil homme très mince à l’air jovial, était en grande conversation avec un client. Voyant entrer Julia, il lui un fit un petit signe de la main, qu’elle lui rendit. Il appréciait la jeune femme, et son sens du détail, de la recherche, son goût des vieilles choses. Souvent, ils entraient dans de grandes conversations juste à propos d’un petit objet, comme un livre ou une canne d’ivoire, pendant lesquelles il lui racontait leurs histoires, leur « vie », comme il disait.
Julia alla fouiller dans un coin, parmis de vieilles peluches clownesques et des instrument de musiques. Eloïse, elle, alla d’une étagère à une autre, regardant tout et rien à la fois.
Tiens ? Qu’est-ce que c’est que cela ? Je n’ai jamais vu une chose pareille…Il est amusant, ce petit chat…Oh que c’est hideux, cette boule de cristal colorée…
Du coin de l’œil, elle repéra une vieille longue vue. Elle s’en saisit et s’amusa à observer les passants qui déambulaient, plus loin, dans la rue. Son regard glissa sur les toits, où un chat se cachait derrière une cheminée en fixant un moineau. Puis elle redescendit, passa sur la rivière, un petit peu en contrebas, observant un enfant qui jouait avec un bateau, pour remonter vers l’horizon…
Oh ! Mais c’est… ! Non, je doit me tromper…Pourtant… !
- Julia !
Celle-ci se retourna.
- Viens-voir ! dit Eloïse en pouffant.
La jeune femme aux longs cheveux blancs se déplaça prestement d’un côté à l’autre de la pièce. Eloïse lui tendit la longue-vue et lui désigna l’endroit où regarder en demandant :
- Cette personne, là, c’est Baptiste, n’est-ce pas ?
Julia braqua l’objectif de la longue-vue vers l’endroit que lui avait montré Eloïse, par-delà la rivière, sous le couvert des arbres. Elle vit effectivement deux personnes enlacées contre un arbre, en train de discuter.
- Je ne sais pas…Ils sont trop loin pour être que cela soit formel. On ne vois même pas si c’est une fille ou un garçon, ils sont vraiment trop loin…Si ! Attend, il n’y a qu’une personne que je connaisse aux cheveux blonds et qui porte ce manteau vert ! C’est peut-être bien lui…Mais l’autre personne…eh bien, elle est mince, mais qui est-ce donc ? je n’arrive pas à la voir, Baptiste me cache la vue !…Cheveux noirs apparemment, ou bruns…. avec une veste noire…
- Je ne vois pas… J’espère qu’il nous présentera son amourette !…C’est pour cela qu’il était en retard…Il nous a abandonnées ! fit-elle avec un rire complice. Je me demande depuis combien de temps cela dure…On va voir de plus près ?
- Eloïse ! Enfin, c’est sa vie privée, cela ne nous regarde pas !
- Oui, je le sais bien, c’est strictement privé…donc…
- … donc on y va !
Julia sortit du bazar en pouffant, Eloïse sur ses talons. Elles descendirent comme deux flèches les escaliers et traversèrent le petit pont qui surplombait la rivière, se retrouvant dans l’entrée des collines vertes d’herbes hautes qui précédaient les bois.
- Où se trouvaient nos deux tourtereaux ? demanda Julia.
- Hum…Attends…Par là, mais beaucoup plus loin…, répondit-elle en indiquant leur gauche, vers la forêt.
Essayant de faire le moins de bruit possibles, les deux filles se dirigèrent en tapinois vers le couple indiscrètement trahit par l’objectif de la longue vue. Quand elle arrivèrent en vue des premiers arbres, elles s’arrêtèrent et s’accroupirent dans le couvert des hautes herbes.
- En haut de cette colline, pouffa Eloïse. Entre les arbres…
- On va les contourner pour les observer par derrière, en passant par l’orée de la forêt. On risquera moins de se faire repérer…
Eloïse acquiesça, se retenant pour ne pas éclater de rire. Julia aussi avait du mal à se contenir. Elles se glissèrent entre les arbres, prenant bien soin de ne faire aucun bruit, ni de se faire remarquer. Eloïse s’arrêta, et signala à son amie qu’elles étaient au bon endroit. Elles n’avaient plus qu’à redescendre, à s’arrêter sur la petite butte surplombant les deux amoureux et observer…en essayant de ne pas éclater de rire.
Eloïse partit en premier, courbant le dos, les mains au ras du sol pour le cas où elle trébucherait. Parvenue presque au bout de la butte, elle se retourna pour faire signe à Julia. Celle-ci se déplaça rapidement, avec souplesse. Mais son talon de fer s’enfonça dans une motte de terre molle, et elle faillit s’étaler au sol.
Eloïse faillit lui crier de faire attention, mais se retint à temps. Julia reprit son équilibre et lui fit signe d’avancer. Eloïse hocha la tête et continua à progresser.
Julia pesta intérieurement, et se dit que ces talon métalliques étaient plus pratiques pour la stabilité pendant un combat que pour une ballade en forêt. Arrachant sa botte de cuir à la terre, elle perçut un bruit étouffé venant de l’endroit où se tenait Eloïse. Une exclamation étouffée, un étranglement, comme si Eloïse s’étranglait…
Julia se demanda ce qui se passait et rejoignit le plus vite possible la jeune femme.
- Que se passe-t-il ? chuchota-t-elle. Qu’as-tu ?
Eloïse la regarda avec de grand yeux où se mêlaient surprise, incrédulité. Qu’avait-t-elle ?
- Ju… Julia…Regarde…
Julia tourna la tête. Et vit ce qui avait rendu son amie comme cela. Mais elle n’en fut que surprise, et un peu amusée.

*

Baptiste contempla timidement le visage de son compagnon. Quentin avait les yeux gris, un gris parfois non loin de l’ argent, parfois tirant sur le bleu ciel, presque azur. Longs et fins, ils glissaient langoureusement sur le visage de son compagnon. Ses courts cheveux noirs, qu’il ne coiffait jamais, était en tous temps ébouriffés, des épis partant dans tous les sens et lui donnant un charmant air désinvolte. Sa chevelure de jais contrastait avec sa peau pâle comme un ciel d’hiver. Un sourire doux flottait sur ses lèvres délicatement dessinées et légèrement rosées. Un ruban de velours noir enserrait son cou, sous sa pomme d’Adam fine et anguleuse, et les pointes de mèches en bataille retombaient dans le creux de ses épaules.
On a envie de laisser courir ses doigts dans ses cheveux…
Dans ses yeux, Baptiste se voyait. Il voyait un jeune homme aux yeux bruns-vert, d’une année le cadet de celui à qui appartenait les miroirs dans lesquels il se mirait. Vingt-trois ans, déjà. Ses cheveux étaient d’un blond clair, presque ivoire ou argenté sous certaines lumières, formaient d’épaisses et lourdes boucles qui cascadaient autour de sa tète et sur sa nuque. Il les ramena approximativement en arrière et derrière les oreilles de ses doigts d’ivoire fragile, quelques mèches rebelles retombant sur son gracile visage à l’ovale très doux. Lui aussi souriait. Il souriait comme quelqu’un sourit quand il prend goût à quelque chose de nouveau, un sourire timide, incertain. Une délicate teinte rose tendre colorait ses joues de porcelaine.
Le dos appuyé contre un arbre, Baptiste contemplait Quentin, le dévorait des yeux. Il le fascinait, l’hypnotisais tant son charme intemporel faisait tourner la tête. Il tremblait. Quentin le regardait avec une tendre expression. Ce Quentin qui, comme lui, n’osait pas le toucher, de peur de briser la poupée de porcelaine. Ce Quentin qu’il trouvait si séduisant, si charmant, si lointain aussi, si détaché du monde. Ses yeux brun-vert glissèrent le long de son cou, puis sur sa poitrine. Quentin n’avait jamais porté de vêtement très colorés, très riches. Il était toujours vêtu le plus simplement possible. Sa veste de velours d’un noir profonds aux manches retroussées était ouverte sur une chemise négligemment mise, ouverte jusqu’au milieu du torse, le col en bataille.
- Mon Baptiste, mon baptême…
La voix elle-même de Quentin avait ce petit rien de désinvolture dans la voix, ce petit sourire qui banalisais tout, qui détachait du monde. Une voix étrangement douce, aux accents mélancoliques, très légère, comme une chuchotement ou un soupir, mais d’un profondeur grave et intense.
Oh, cette voix… , songea Baptiste avec délice.
L’expression de Baptiste se fit cependant triste. Il resserra les pans de sa veste émeraude et jais autour de lui et se laissa glisser le long du tronc de l’arbre, et passa ses bras autour de ses jambes. Quentin le regarda avec un mélange de compassion et de compréhension. Oh, oui, il connaissait la chose plus que complexe qui opérait en lui…Il savait quelle querelle se livrait dans sa personne…La bataille que son cœur livrait contre son esprit. Son cœur aimant et chaud. Son esprit rationnel, moraliste et froid. Comme tous les cœurs. Comme tous les esprits.
Le jeune homme s’accroupit devant son ami et continua de le regarder, encore et encore, avec cette intensité si particulière et pourtant légère comme une voile de brume. Baptiste sentit ses yeux posés sur lui.
Il me rend heureux en me regardant ainsi…Mais est-il heureux, lui ?
- Quentin, tu sais…je n’ai…jamais…enfin…
Quentin se contenta de fermer les yeux et se sourire tendrement, d’un sourire d’assentiment. Il se mis à quatre pattes et avança la main vers le visage rougissant de Baptiste. Il effleura sa pommette du pouce, d’un geste infiniment doux. Baptiste frissonna sous le contact. De peur ou de volupté ? Il n’avait pas peur de Quentin, bien entendu. Même si celui-ci le dépassait de quelques pouces et que ses épaules faisaient sûrement deux fois la largeur des siennes…Non, bien entendu, mais…Pour la première fois il voyait le jeune homme autrement qu’un être de beauté pure et de mélancolie qui passaient parfois dans son champ de vision comme une apparition onirique avant de disparaître. Là c’était le sentiment, l’affection, l’envie de caresser, d’effleurer un corps, de goûter à la chaleur d’une personnalité.
Baptiste desserra un peu l’étreinte de ses bras sur ses jambes, et les détendit un peu. Son visage se releva à nouveau vers celui de son tendre compagnon, et le lien qui unissait leurs regards revint à la vie. Un sourire, empreint de timidité, naquit sur son visage.
Quentin tendit la main, hésita un instant, plongeant son regard plus intensément encore dans celui de son doux ami. Baptiste sentit sa main, sa douce et grande main tiède aux longs doigts fins glisser le long de sa nuque avec un geste aimant, à peine caressant, presque effleurant comme une souffle.
Quentin se rapprocha de lui, entre ses jambes, avec des gestes d’une infinie affection. Son visage était à quelques centimètres de celui de Baptiste qui pouvait sentir la chaleur presque palpable de son torse tout proche du sien. Il eu envie de resserrer ses jambes autour de sa taille pour ne plus laisser fuir cette chaleur. Il frémit plus qu’il ne l’aurait voulu quand la joue de Quentin effleura la sienne, tandis qu’à quatre pattes presque contre lui, son compagnon frôlait son visage au sien.
Baptiste avait peur. Mais était heureux. Peur que ce bien-être, que cette extase qui avait envahie son être ne soit comme un éphémère déjà trop engagé sur son fatal chemin…
Une nouvelle fois, il frémit, quand, cherchant la sienne, la main de Quentin, au sol, entra en contact avec la sienne. Un contact électrisant, transportant…Les doigts d’ivoire de l’être aimé glissèrent sur le dos de sa main, la caressant comme des plumes, et se glissèrent entre les siens puis se refermèrent délicatement sur les siens tremblants.
Baptiste sentait, en lui, déferler des vagues successives de froid mordant et de chaleur voluptueuse, se fondant les unes aux autres et lui apportant une sensation jusqu’alors inconnue, des frissons de plaisir secrets et mystérieux, en même temps qu’une gêne imperceptible presque, mais bien là. Son cœur battait, battait, plus vite chaque seconde, comme un tambour, un tambour jouant une gigue endiablée, exaltante. Il oubliait tout, ne pensait plus à rien, plus à rien à part son doux compagnon, à son regard, son souffle, sa chaleur, son contact.
Son air était son air. Il respirait plus fort qu’à l’ordinaire, et sentait le souffle chaud de Quentin couler sur son cou comme une douce étoffe, puis sur son visage. L’air qu’expirait Quentin était son air inspiré. Cela produisant en lui comme une euphorie suprême.
Rien, en cet instant, ne le rendait plus heureux. Juste sa présence. Juste la sensation de ses mains. Sa personne, le simple fait de sa présence, de son regard…Oui, tout cela dépassait déjà le bonheur. Cela dépassait le plaisir. Mais toujours cette gêne, cette confusion mêlée d’embarras. Et puis aussi l’impression d’être un barrage qui risque à tout moment de craquer pour laisser passer un je-ne-sais-quoi de puissant, qu’on ne peut maîtriser.
- Quentin, je…ne sais pas si…
- Hasarde-toi…, répondit le jeune homme de sa voix grave et sensuelle.
Leurs visage étaient si proche, maintenant. Si proches que Baptiste goûtait avec ivresse au soupir ardent de Quentin, qui dansait sur ses lèvres comme des mots. Des mots ayant perdu tout sens, toute utilité.
Baptiste avait chaud, se sentait brûlant comme un volcan sous un feu dévorant, le dévorant de l’intérieur. Son corps tremblait doucement, de façon incontrôlable mais enivrante. Il avait si chaud, mais ce fut une goutte de sueur froide, glacé comme le baiser de l’hiver qui coula le long de son échine, lui arrachant un frémissement.
Quentin sentait, sous lui, ce corps frémir et trembler. De peur, d’appréhension ? de plaisir, d’extase ? Leurs mains se serraient, se serraient si fort. Ses yeux passaient de ses lèvres à ses yeux. De ses yeux à ses lèvres. Sa main se serra encore plus fort autour de la sienne.
Ils étaient si proches que leurs lèvres se frôlaient, s’effleuraient, s’effarouchaient, et tremblaient doucement, mais sans jamais se fondre, restant dans une attente languissante, exacerbante, pourtant sublime. La main de Quentin glissa de la nuque de Baptiste, et caressa lentement sa joue avec tendresse, avec plus d’affection, de délicatesse qu’il n’en avait jamais reçu. Il fallait faire attention à ne pas fêler la délicate porcelaine de sa tendre poupée.
Quentin avança encore un peu. Leurs lèvres se caressait, mais ne se touchait pas. Hésitante, elles se voulaient, mais reculaient. L’une avançait, l’autre reculait puis effleurait la chair tendre d’une joue, puis revenait.
Enfin Quentin attira, le plus doucement du monde et avec un amour infini, le visage tremblant et rougissant de Baptiste vers le sien.
Mais au dernier moment, celui-ci rompit le contact et tourna la tête sur le côté, des coquelicots s’épanouissant sur ses joues de plus belle. Laissant ses larmes couler, laissant couler sur ses lèvres un goût amer, salé, il s’effondra contre la fine poitrine de son compagnon, et sanglota doucement, presque en silence, dans son cou.
Quentin fut surpris de cette réaction. Il entoura le mince torse de son tendre ami de son bras ; mais quand il voulu le serrer avec le deuxième, il se rendit compte que Baptiste n’avait pas lâché sa main. Cela le fit sourire, soulagé. Son compagnon tenait à lui ; c’était tout ce qui comptait à ses yeux. Plus que tout.
Doucement, il caressa ses boucles d’or, enfouissant sa main dans les vagues dorées qu’il sentait glisser entre ses doigts brûlants. Il sentait les larmes chaudes et salées de Baptiste ruisseler dans son cou, sur ses épaules.
- Pardonne-moi, Quentin…sanglota Baptiste. Je…ne peux pas…
Il rougit de plus belle. Ses yeux se fermaient. Le contact de la poitrine de son ami le réconfortait.
- Ce n’est pas grave…, lui chuchota gentiment Quentin à l’oreille, repoussant avec affection les mèches blondes qui l’encadrait. Ce n’est pas grave…Je te laisserais du temps…
- Je…oui…
Baptiste se serra un peu plus contre Quentin, s’abandonnant contre son corps.

*

Asrial se releva en premier. A côté de lui, Aurore serrait toujours Valfos dans ses bras, et Jovios était appuyé contre une grande commode de bois, clignant des yeux comme s’il n’y voyait goutte. Tout était, autour d’eux, recouvert de poussière, et quelques bout de plafond gisaient parmis les livres et les meubles. Le silence régnait au-dehors, si l’on exceptait quelques voix éloignées, se muant en murmure indistinct et brumeux. L’impératrice gémit en se relevant ; le coin d’une étagère lui étaient rentré dans le dos, et elle était restée ainsi jusqu’au bout. Le faucon s’envola et disparu par la fenêtre.
- C’est terminé…, constata Jovios en se relevant à son tour. Le Qhinkalh a utilisé toute son énergie…
- C’est…incroyable…, souffla Asrial.
Aurore épousseta ses vêtements et le rejoignit à la fenêtre.
Les toits des tours étaient partiellement partis en miettes. Cinq des huit ponts s’étaient écroulés, et leurs décombres avaient étés rejoindre les ruines, en bas. Quelques trous étaient visibles dans les murs des tours, et des traces noires d’explosion les recouvraient. Des cadavres de monstres jonchaient le domaine ; certains étaient écroulés sur les ponts, d’autres à terre, d’autres même encore, dans les branches fortes des arbres.
Quelques cris retentirent au-dessous d’eux. Jovios, qui lui aussi était venu découvrir ce qui restait de l’extérieur de la Cité des Interdits, repéra aussitôt un groupe, sur le pont que surplombait la fenêtre.
- Eh ! appela-t-il. Que ce passe-t-il ?
- Maître ! s’exclama une femme. Vous n’avez rien ? Sa Majesté non plus ?
- Non, rassurez-vous. Alors ?
- Ce n’est rien. C’est un de ces monstres volants qui…qui bougeaient encore, cracha-t-elle avec dégoût.
- Tu m’en vois rassuré. Attendez-nous, nous arrivons.
Jovios repassa sa tête à l’intérieur de la pièce.
- Comment ? demanda Aurore avec les yeux toujours aussi écarquillés. Comment cela est-il arrivé ? Tout c’est passé si vite ! Quelques instants ont suffit pour détruire partiellement Cresca, et faire fuir une menace inconnue. Mais qui…non, qu’étaient-ils, d’où venaient-ils ?
En posant ces questions, elle était déjà presque sûr d’avoir la réponse.
Non…pas déjà…pas maintenant…Comment a-t-il pu, en si peu de temps ? Et pourquoi la Cité des Interdits ?
- Je n’en sait pas plus que vous, Petite Majesté. Venez, descendons voir. Il me faut trouver Endymion et Evi.
Aurore hocha la tête et sortit, suivie d’Asrial. Jovios referma la porte derrière lui. La serrure, sur la porte, ne dit mot. Peut-être que cette panique avait eu raison de son cœur d’or.
Passant par une ouverture au niveau du pont où le groupe de mages s’étaient rassemblés, ils émergèrent dans les tout derniers rayons offert par l’astre du jour, qui finissait de mourir à l’horizon. Tout c’était passé dans ce bref moment, entre chien et loup. Tout c’était passé trop rapidement.
Trop rapidement…
Dès qu’elle les vit, Evi alla à leur rencontre.
- Majesté…, dit-elle en s’inclinant brièvement.
- Evi, commença Jovios, où se trouve Endymion ?
- Il est en train de vérifier que plus aucune de ces créatures ne rôde aux alentours. Maître, venez voir cela.
Elle l’entraîna à sa suite, vers le groupe qui entourait toujours un des monstres.
- Regardez, indiqua Evi. Personne n’a jamais vu une chose comme celle-ci sur Era ! Serait-ce une nouvelle race, une ancienne race, venant d’une autre partie du monde, encore inconnue ?
Jovios se pencha. L’être qui se trouvait devant lui ne ressemblait effectivement à aucune race connue. Sa tête était d’homme, beau et lascif, à la peau d’un blanc cadavérique, les cheveux fins et hérissés, d’une couleur hésitante entre le gris-argent et le noir, le front ceint d’un mince diadème de fils barbelés rouillées, dont les pointes mordaient la peau de son front marqué de larmes de sang séché.
Ses yeux étaient fermés sur des paupières recouvertes d’un fard violet clair qui lui donnait un aspect plus diabolique encore, et presque attirant. Ses lèvres décolorées, d’un mauve presque pastel, légèrement entrouvertes, laissaient apercevoir des dents très petites, très resserrées, dégoulinantes de sang, où quelques petits bout de chair humaine était encore coincés, et une langue presque serpentine, d’un pâle mauve bleuté. Son cou était enserré dans un large entrelacs des même fils de fer que son diadème, parsemés de roses mauves.
Le torse et les bras pâles et fins étaient partiellement couverts de tatouages noirs, longs et déliés, d’une grande finesse.
Ses bras, jusqu’aux épaules, étaient recouverts de longs gants de cuir noir pris dans des ronces de fer rouillé aspergées de sang. Son point serré tenait encore un long archer de violon, grand comme un bras, dont les cordes de métal aiguisées étaient poisseuses de sang. L’extrémité de l’archer et sa main étaient liés ensembles par des ronces où fleurissaient quelques boutons de roses mauves. Dans son autre main, il tenait un petit violon de bois noir vernis, si petit par rapport à son archer disproportionné, lui aussi taché d’écarlate vital.
Ses jambes étaient elles aussi engoncées dans de fines cuissardes de cuir noir. Des voiles translucides et des pans de tissus mauves, déchirés, pendaient d’un ensemble de plusieurs ceintures, de ronces et de cordons de soie blanche, à sa taille.
Dans son dos, deux sortes de caricatures d’ailes s’étaient brisées sur la pierre. Des ailes dont l’armature, dont le squelette était fait de barreaux de bois simples ou sculptés et de métaux forgés arrachés à des meubles, d’os blancs, de bouts de mobiles de bois, de hampes de lances ou d’autres morceaux d’objets divers, rattachés ensembles par des cordes de harpes, des fils de métaux ou des cordons de tissus. De longs filaments semés de perles, de petits cristaux ou de roses en pendaient, étalés maintenant sur le sol comme des guirlandes de fêtes bonnes à jeter.
Ce qui aurait dû être la peau des ailes, qui aurait dû lui servir à voler, était remplacé par un assemblage de morceaux de lin, de toile, de cuirs, ou d’autres tissus, renforcés à quelques endroits par de petites plaques de métal, ou par des fragments de cottes de mailles rouillées, coincés dans l’armature des ailes.
Une épée était enfoncée dans sa poitrine, à gauche.
- Non. Un tel être n’as jamais été vu sur Era, conclua Jovios.
- C’est étrange, remarqua Aurore. D’un certain point de vue, il est véritablement repoussant, immonde. Mais d’un autre, il a quelque chose…d’érotique, de désirable ou de …libertin, d’obscène, qui appelle à la luxure.
- Effectivement…souffla Asrial. C’est un être vraiment…étrange…Et quel air diabolique…
Evi leur expliqua qu’il existait aussi des femmes de cette race.
- Je n’ai jamais vu cela, dit-elle…c’est vraiment…horrible. Ces êtres…vous verriez quelle expression ils ont quand ils se battent…On dirait qu’ils prennent plaisir à prendre des vies, à tuer, à massacrer…c’est ignoble…Ils jouent même du violon en pleine bataille, des mélodies funèbres ou des gigues !
- On dirait qu’ils on plusieurs cœurs, renchérit un homme. Elbert l’a frappé exactement là où aurait dû se trouver son cœur ; il a suffoqué, mais s’est reprit. Nous avons dû lui enfoncé une lame à quatre endroits dans la poitrine avant qu’il crève enfin, ce chien !
- Il a bien failli faucher quelques bras, quelques têtes et quelques jambes, qui plus est ! s’exclama un autre mage. Evi l’a même évité de justesse, sinon, il l’aurait tranché en deux !
- Mais ils ne sont guère résistants à la magie, du moins à certains sorts, remarqua celle qui l’avait échappée belle. La magie rouge et la magie noire, surtout.
Jovios se détourna. Il fit quelques pas, revint vers ses compagnons, réfléchissant. Puis enfin, il dit :
- Petite Majesté, il faut que vous partiez. Vous n’êtes pas à l’abri, ici. Ils reviendront peut-être. Il vous faut vous rendre dans un endroit sûr…Caedos serait approprié ; le temps qu’un convoi de dragons vienne vous chercher pour vous emmener à Lamarielle.
- Non, répondit Aurore, d’un presque trop abrupt, trop vif. Euh…Je…Il me faut me rendre à la Cité de Fer, le plus vite possible.
- Je ne peut pas vous laisser vous mettre en péril ! Dractéron est bien trop éloignée ! Vous risquez de tomber dans une embuscade avant d’arriver ! D’autant plus qu’il vous faudrait contourner la grande roncière ! C’est trop dangereux !
Aurore prit un air peiné, mais néanmoins décidé. Il fallait qu’elle aille à la Cité de Fer. Si la saison d’hibernation des dragons était terminée, elle aurait pu se rendre directement de la capitale de l’Empire à la cité de Transcengel, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Mais sur Era, les dragons commençaient à peine à sortir de leur long sommeil. L’hibernation des dragons commençait en même temps que l’été, et se terminait au début de l’automne. Toute une saison durant, le monde devait se passer de leurs services.
Il y avait bien les eltharûls, les dragons noirs, originaires des hautes montagnes rocheuses, qui étaient déjà éveillés, mais rare étaient ceux qui se plaisent à traverser le désert, à cause de la chaleur et des dragons sauvages à pointes, les azkêbrans, qui vivaient dans ces contrées, et qu’ils n’appréciaient guère. Mais cela valait le coup d’essayer. Les escadrons de dragons noirs de la Cité de Fer étaient déjà sortis de leur sommeil.
De toute manières, je suis impératrice. Tout ce qui vit dans l’Empire de Miltharée doit m’obéir. S’il faut, je les obligeraient…
- Maître, ne m’obligez pas à vous donner d’ordres. Il me faut aller là-bas. J’en profiterai évidemment pour prévenir la Cité du danger qui doit encore rôder dans les parages.
Jovios soupira, l’expression de son visage devenant grave et triste.
- Petite Majesté…Je m’incline. Mais sachez que j’y suis tout de même opposé. Laissez-moi au moins vous faire accompagner d’un de mes disciples, dit-il en lui prenant les mains.
- Je ne peux pas…
- Petite Majesté…je vous en prie…laissez-moi veiller sur vous.
Cette dévotion, dans ses yeux vieillissants, en était trop pour Aurore. Elle ne pouvait reprocher au vieil homme vouloir de veiller sur elle, de lui accorder protection. Et puis, après tout, ce ne serait que jusqu’à la Cité de Fer.
- Si vous y tenez, Maître…
- Je suis heureux de cette décision. Me ferez vous le plaisir de lui accorder tout ce que je lui demanderait de faire pour votre protection ? Me le promettez-vous ? Sincèrement ?
Que veut-il dire ?
Mais Aurore commençait à être lassée par ce discours.
- Si vous voulez, Maître.
- Bien ! Alors si vous tenez vraiment à allez à la Cité de Fer, je ne puis vous en empêchez. Mais il vaut mieux pour vous que vous partiez sans délai. Plus vite vous serez à Dractéron, mieux cela vaudra.
- Vous avez raison, Maître. Peut-on…faire amener nos chevaux ?
- Bien entendu.
Jovios fit un geste en direction de l’un des hommes qui se tenait là, qui partit aussitôt. Puis il demanda doucement quelque chose à Evi, qui partit elle aussi.
- Endymion vous accompagnera. C’est le meilleur de tous mes disciples.
Aurore fit la moue, mais ne protesta pas. Non, elle ne pouvait pas lui en vouloir.
Jovios ordonna que tous les corps soient incinérés, et que leurs propres morts soient enterrés avec honneur dans les terres du domaine. Ayant laissé ces recommandations, accompagné d’Aurore et d’Asrial, il se rendit dans le sous-sol de la tour central. Celui-ci aussi s’était un peu effondré, mais tout n’y était pas perdu. Il leur offrit des vivres, puis ils remontèrent à la surface.
- Ah, il a fait vite ! s’exclama Jovios.
Non loin du grand portail du domaine, dont les deux battants gisaient à terre, tordus et piétinés, ils distinguèrent trois formes chevalines ainsi que deux autres, humaines.
- Mais qu’est-ce que… ? fit-il soudain en manquant de trébucher sur un corps se trouvant encore en travers du chemin.
Un corps de cheval gris, très mince, était écroulé devant eux, une lance planté entre les côtes. Ses pattes, des jarret jusqu’aux sabots, étaient ceux d’un bête aux poils drus et hérissés, d’un gris presque noir. Des pattes ressemblants à celles d’un loup, mais plus grossières, plus épaisses et dont les griffes étaient impressionnantes.
Sa tête elle aussi, depuis l’encolure, était celle d’un grand loup aux yeux exorbités, injectés de sang, les babines retroussés sur des crocs effrayants et dégoulinantes de bave. Deux ailes noires, longues et fines étaient repliées sur ses flancs, semblables à celles d’un hirondelle.
Aurore se plaqua les mains sur la bouche.
- Oh ! Quelle horreur !
- Bientôt, ils disparaîtront dans les flammes…, la rassura Jovios.
Dès qu’il eu achevé sa phrase, un cri strident de rapace retentit. En quelques battement d’ailes, Valfos vint se poser sur l’épaule d’Aurore. Elle lui caressa doucement la tête, puis se tourna vers Jovios.
- Allons-y.
Ils se hâtèrent de rejoindre l’entrée du domaine. Leurs deux chevaux les attendaient, visiblement d’une grande nervosité, retenus par leurs bride par l’homme à qui Jovios avait ordonné de s’en occuper.
- Ah, Endymion ! le Maître. Je voudrais que tu accompagne l’impératrice à la Cité de Fer.
L’homme à qui il avait parlé se tenait aux côté d’un énorme destrier entièrement noir, d’un noir profond, à la crinière et à la queue longues et lustrées. Ses membres paraissaient forts et vigoureux. Ses sabots-mêmes étaient d’un profond gris anthracite. Ses yeux couleur de fer lui donnait un air tempétueux et indomptable. A côté de lui, les deux autres cheveux semblaient deux petits poulains frêles et à peine nés.
L’étalon noir était en accord parfait avec son cavalier, à terre. Aurore et Asrial furent, en l’observant complètement retournés.
Grand, il faisait la taille d’Asrial, et paraissait d’une ou deux années son cadet. Son corps était plus mince, plus svelte, un peu moins épais que celui du jeune homme. Son visage et ses traits étaient d’une finesse inégalable, d’une ténuité et d’une délicatesse incroyablement…parfaites, féminines, imberbe et graciles. Mais malgré cela, ils étaient d’une grande force, d’une grande virilité, d’une puissance plus qu’intimidante qui lui donnait encore plus de masculinité que n’importe quel homme. Ses traits étaient parfaits ; un nez droit, délicat, des lèvres fines, sublimes, délicatement carminées.
Sa peau ne présentait absolument aucune imperfection, aucun défaut : elle était comme faite de porcelaine, absolument lisse et douce. Sa teinte était exceptionnelle : elle était blanche. Pas claire ou pâle, mais véritablement blanche, comme la neige, comme s’il était constamment baigné par un clair de lune qui l’entourait comme une aura froide et transcendante.
Ses cheveux étaient d’un noir plus noir encore que le jais, un noir semblant absorber toute lumière, un noir plus qu’obscur, plus que profond. Lustrés, épais, coulants comme une rivière avec une texture fluide et douce, ils formaient de grandes ondulations, de grandes vagues qui parfois bouclaient.
Une raie presque invisible les séparaient en deux sur le sommet de son crâne, du côté gauche. Puis ils retombaient en encadrant doucement son visage, rattachés sur sa nuque par un cordon de cuir noir et descendaient comme un courant sombre jusqu’à ses genoux. Quelques fines mèches ondulantes retombaient sur ses joues, dans son cou blanc, et passaient devant ses yeux comme des voiles.
Du côté gauche, son oreille perçait entre les vagues noires de ses cheveux. Elle était pointue, et une boucle d’oreille aux maillons d’argent, attachée à son lobe, tombait dans son cou. Elle représentait une aile droite de papillon faites d’armature d’argent fine comme des fils d’araignée et d’éclats de vitraux mauves, améthystes, bleu nuit , blancs et noirs.
Ses deux yeux, surmontés par deux sourcils noirs très fins, étaient bordés de longs cils tout aussi sombres. Ils étaient d’une couleur tout à fait étonnante : d’améthyste intense, striée de bleu cobalt soutenu, lui donnant, quand on le regardait, une impression de clairvoyance constante, permettant lire jusque dans les tréfonds les plus obscurs de l’âme.
Le grand col de sa chemise moulante de satin noir aux nombreux plis, était renforcé de cuir au revers ; remontant presque jusqu’en haut de ses mâchoires, elle se pliait et retombait, couvrant la moitié de ses épaules, les pointes tombant sur la poitrine.
Une épaulette d’acier rayée de traces de coups et de griffes lui couvrait l’épaule gauche, rattachée par une épaisse ceinture et un cordon de cuir traversant sa poitrine, reliés par une chaîne d’acier qui brillait sur son torse délicatement musclé, mince et blanc, que dévoilait l’ouverture de son chemisier jusqu’au milieu de la poitrine.
Son bras gauche était moulé par la manche de son vêtement qui se terminait en pointe, rattachée à son majeur. Son poignet et une bonne partie de son avant-bras étaient entourés de multiples bandes de cuir resserrées, auxquelles une chaînette de fer était raccrochée, remontant jusqu’au milieu de son bras, où elle se rattachait à deux petites ceintures de cuir.
A son bras droit manquait la manche, déchirée au niveau de son épaule. Nu, il était néanmoins couvert d’une manche de résille commençant au milieu de son bras, et descendant jusqu’à son coude ; là, une petite sangle la raccrochait à la seconde partie de cette manche de réticule qui se terminait en une mitaine de cuir noir. Elle laissait apparaître ses longs doigts de neige, fins et aux ongles parfaitement manucurés.
Une épaisse ceinture de cuir cloutée enserrait ses hanches fines. Une autre, raccrochée à celle-ci, tournait autour de son fessier et retournait à l’avant en étant accrochée par deux petites chaînes d’acier à sa ceinture aux clous de fer.
Il portait une longue robe de cuir noir qui lui descendait jusqu’aux chevilles, ouverte sur le devant presque jusqu’au bassin. A ce niveau, les deux bords de la fente du vêtement étaient attachés ensembles par plusieurs petites cordes s’entrecroisant. Deux longs chapelets de perles grises et brunes, attachés à sa robe, étaient reliés plus loin à son ceinturon.
Sous cette robe, il portait un pantalon moulant de satin noir. Remontant jusqu’à ses genoux, d’épaisses bottes de cuir à épaisses semelles de bois, renforcées au talon et à la pointe par de l’acier, étaient entourées de petites ceintures, de cordons de cuir et de chaînettes de fer. Un petit bouclier d’acier, sur son tibia droit, le protégeait.
Enfin, dans son dos était accroché une épée dont la lame faisait bien la longueur qui séparait ses chevilles de ses épaules. Sa lame, à peine large comme deux doigts placés l’un contre l’autre, était d’une couleur d’argent et ne portait étrangement aucune égratignure de combat. Son manche, de diamant noir, était taillé en une forme rare, qui comportait deux dodécaèdres, l’un formant la garde, l’autre le pommeau, et un prisme droit à base hexagonale, le manche.
Ce qui avait frappé Aurore et Asrial, c’était sa beauté ; Endymion si beau, d’une esthétique si sublime et si fine, d’un physique si puissant et si parfait. Alliant une puissante virilité et une superbe féminité sensuelle. Oui, il était parfait.
C’était un elfe. Cela aussi les avaient fortement étonnés. Un elfe ! Cela était si rare de voir un membre de cette ancienne et légendaire race dans le monde ! Ni Aurore, ni Asrial n’en avait jamais vu.
Mais même si les elfes étaient réputés pour êtres les créatures les plus sublimes que connaissait Era, l’impératrice et le jeune homme se disait, en ce moment, que même le plus bel elfe vivant à ce jour ne pourrait jamais surpasser la beauté pure d’Endymion.
Quelque chose d’autre les avait saisit : l’elfe ne semblait éprouver aucune émotion. Son visage n’éprouvait absolument rien. Pas même de la froideur, de la dureté. Non, rien. L’impassibilité la plus totale régnait sur les traits fins de son visage. Sa bouche n’esquissait ni sourire, ni mécontentement. Ses yeux n’exprimaient rien, à part un néant absolu de sentiments, d’émotions, de sensibilité.
Oui, et en cela, personne, pas même la créature la plus imbécile d’Era n’aurait pu ne pas le comprendre immédiatement en le regardant, en regardant dans ses yeux ; Endymion n’avait aucune connaissance de ce qu’était une émotion, un sentiment. Jamais il n’avait éprouvé de joie, d’amour, de haine ou de chagrin. C’était l’inconnaissance la plus complète. Son cœur ne s’était-il pas figé, glacé de ne servir à rien, à part à le faire vivre ?
Même un être aveugle aurait pu ressentir la vacuité d’émotion en sa présence ; il aurait ressentit une aura dont n’émanait aucune chaleur, aucun froid, aucune compassion, aucune colère. Rien qu’un vide infini et…mort ?
En cela, Aurore avait été profondément choquée. Asrial aussi avait été fortement secoué par cette révélation. Comment était-ce possible ? Comment ? Même Saeptum éprouvait davantage de sentiment, même mauvais, que lui ! Mais l’absence d’émotion était bien plus effroyable, plus terrible. Quelle atrocité de ne savoir comment consoler une personne qui en as besoin ! Quelle horreur de ne pouvoir pleurer, de ne pouvoir rire, de ne pouvoir aimer…Comment ? Comment pouvait-on vivre comme cela ?
Mais Endymion ne pouvait ressentir ni horreur, ni tristesse. Malgré sa beauté transcendante, Aurore sentit que jamais elle ne pourrait tomber amoureuse de lui. Tout simplement parce qu’elle n’y arriverait pas. Il était trop parfait. On ne peut pas tomber amoureux de la perfection. Surtout un perfection qui ignore les sentiments.
Endymion avait l’air d’avoir une vingtaine d’année, mais il y avait chez lui quelque chose d’intemporel, et ses yeux paraissaient plus vieux que le monde.
- Jusqu’où devrais-je les escorter ? demanda l’elfe, toujours aussi impassible et imperturbable.
Sa voix était grave, une voix de basse, vaporeuse et mystérieuse, avec un doux accent de velours, pourtant froid et vide, et ne laissant transparaître, comme ils s’y attendaient, aucune émotion. Le niveau s’en était juste vu élevé, comme il sied quand on pose un question. Et c’était tout. Aucun intérêt réel, aucune surprise.
- L’impératrice a besoin d’être protégée, répondit Jovios. Vous partez sur-le-champ, il faut que l’impératrice soit à la Cité de Fer le plus rapidement possible.
- Bien.
Endymion, d’un mouvement souple et vif, grimpa sur son destrier et se dirigea vers la sortie du domaine. Un peu plus loin, il s’immobilisa et son cheval se retourna.
Aurore profita de la distance qui les séparaient pour demander à Jovios :
- Maître, c’est bien un elfe ?
- Bien sûr. Oh, je sais ce que vous pensez….Endymion viens du Silioth, l’un des Royaumes légendaires des Confins du Monde, celui du sud-ouest. C’est un elfe noir. Et un mage noir. Il a terminé sont entraînement ici depuis longtemps, mais il est resté pour se perfectionner, encore et encore. Il maîtrise parfaitement la magie noire et l’art du combat, ainsi que celui du Garvija. Je n’ai jamais vu un élève comme lui. Il est véritablement exceptionnel, mais on dirait qu’il…ne ressent rien.
- Oui, je me suis dit cela en le voyant, moi aussi, murmura Aurore.
- Allez, assez parlé, Petite Majesté, il est temps de vous mettre en route !
Aurore hocha la tête, puis sauta en selle. Asrial fit de même. Au trot, il rejoignirent l’elfe noir, qui n’avait pas bougé d’un pouce. Les voyants approcher, il se remit en route. Vers la Cité de Fer, au nord-est.


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MessagePosté: 21 Sep 2005 13:21 
Hors ligne
Slash ou non, telle est la question...
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Moi je veux bien le recontrer ton elfe noir il me parait terriblement :bave: :bave:.
Je me demandais s'il y aurait de slash ; ac le capitain Morgan j'avais un espoir la je suis comblée ^^.
Quite à me repeter je dirais que j'adore tes descriptions et que je veux :suite: :suite: :suite: :suite: :suite: (comment ça je suis fatigante ?^^)

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Non non je ne suis pas monomanique en ce moment


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MessagePosté: 21 Sep 2005 14:16 
Si tu veux j'en ai fait quelques esquisses, d'Endymion...(en fait j'ai un paquet d'esquisses et de notes qui fait 30 cm d'épaisseurs pour chaque partie du manuscrit :lol: )
Les voilà...bon elles sont pas terribles parce qu'elles daten de quand j'étais en 4e mais ça peut te donner à peu près une idée de comment je pouvais l'imaginer...
http://img180.imageshack.us/my.php?image=endymion6om.jpg

http://img180.imageshack.us/my.php?image=endymion023zh.jpg

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Oh oui oui ne t'inquiète pas du slash il en était prévu dans le manuscrit, et même beaucoup^^
Mais il y aura pas que eux... :wink:
Et pr le lemon faudra attendre parce que tout ce que je poste là c de la partie déjà rédigée depuis longtemps, et je suis tjs pas arrivé à du lemon...Faut faire durer le plaisir :mrgreen:

Merciiiiiiiiii pour mes descriptions si tu les aimes moi j'adooooore les faire^^


Dernière édition par Lord Archevert le 21 Sep 2005 14:52, édité 1 fois.

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MessagePosté: 21 Sep 2005 14:41 
Ah! je me disais bien que j'avais posté à Katsou des trucs en rapport...

Donc voilà si ça vous intéresse les premières esquisses complètes des personnages...Bons ils ne sont pas réellement comme ça au stade final, je vous rassure mais c'était au départ surtout pour bien les visualiser au niveau style...et si elles sont mal proportioné...j'étais jeune!^^''
Les premières esquisses j'ai eccentué le côté un peu plus androgyne et moins réalistes des persos donc on s'étonne pas^^

Alors voilà la première esquisse complète d'Asrial:
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Un autre artwork d'Asrial...complètement irréaliste^^
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Voilà Eloïse...oui elle a une tête de cruche, et alors? :lol:
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Voilà Baptiste, qui a changé de nom 3 fois...
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Il a changé de physique plusieurs fois de suite ,et au final il ets plus à imaginer comme ça:
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Deux artworks de Julia mais pas terminés
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Et Quentin^^
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 Sujet du message:
MessagePosté: 21 Sep 2005 16:39 
Chapitre VI: Tout est gris, ici





- Mais…c’est…comment est-ce que… ?
Eloïse était retournée. Julia et elle, s’étaient éloignées de la petite butte surplombant Baptiste et Quentin, essayant de garder le silence.
- Eloïse ! lui chuchota-t-elle en la secouant. Eloïse ! Ressaisit-toi !
- Eh bien ! Ainsi donc c’est pour cela que Quentin n’as jamais réagit à tes avances…Oh…et avec Baptiste ! Eh bien, eh bien…deux hommes…
- Hi hi…moi je trouve qu’il sont si…si mous, si langoureux, si fleur bleue ! On dirait les héros de mauvais romans à l’eau de rose ! Que l’amour rend mou !
Julia pouffait à moitié, essayant vainement de se retenir. Eloïse partit d’un petit rire nerveux. Elle avait une expression sombre, les traits crispés dans une intense réflexion, comme ruminant intérieurement quelque chose en essayant désespérément de l’analyser en le retournant dans tous les sens possibles.
- Bon, lâcha Julia, avec encore un peu de nervosité de rire dans la voix. Ce soir, on ira tous à la réception du baron d’Ildecast. Et on les observera, tous les deux.
-Bien sûr ! fit Eloïse d’un ton trop enjoué, son visage s’éclairant soudain et revenant comme à la réalité, mais les yeux toujours perdu dans le vague.
- C’est bien. Il ne faut pas que cela s’ébruite. Tu imagine la réaction des gens ?
- Mmm…
- Il nous le diras s’il le veut et s’il s’en sent prêt. C’est trop tôt.
- Et Asrial ?
- On ne lui dit rien non plus. Ce soir, on verra comment ils se comportent, tous les deux. Allez, viens, on y va.
Julia se releva et aida Eloïse à faire de même.
- Je me demande comment ils en sont arrivé à une telle relation alors qu’ils ne se sont jamais remarqués avant…
Eloïse ne répondit pas.

*

Je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’il se passe, maintenant, à Artolanth…Et eux, sont-ils au courant ? Savent-ils que je suis désormais un monstre ? Me haïssent-ils ? Saurais-je un jour comment tout cela est arrivé ?
Ils venaient de traverser les deux bras du fleuve Kêvos. Valfos volait loin au-dessus d’eux, n’étant visible dans le ciel obscur qu’au mouvement de son ombre cachant les étoiles. Après des heures de chevauchées sous le signe du silence, Asrial finit par s’exclamer :
- Voilà la Cité !
Aurore porta son regard au loin, vers l’endroit que lui indiquait le jeune homme. Là-bas, vers l’horizon baigné de la lumière de la lune et des étoiles, une haute formation rocheuse commençait à s’élever.
- Oui, c’est bien elle…Endymion ? lança-t-elle au mage qui chevauchait en tête.
Celui-ci répondit sans même tourner la tête.
- Oui.
- Savez-vous si…l’une des portes se trouve en face de nous ? Ou devrons-nous contourner la forêt de ronces ?
Elle n’obtint aucune réaction de la part de l’elfe. Il lui dit simplement et uniquement ce qu’elle voulait savoir. Ni plus, ni moins.
- Il y a une porte un peu plus à l’est. Nous devrons traverser la roncière.
- Ne pouvons-nous pas la contourner ?
- Cela dépends ; cela rallongerait le voyage d’un ou deux jours.
- Je vois…
Inutile d’essayer d’engager la conversation avec le mage noir. Cela ne servait à rien.
Quelques heures plus tard, ils arrivèrent aux abords de la forêt de ronce qui entourait la Cité de Fer. Planté au milieu d’une énorme roncière plus haute que les plus hauts des chênes, dont certaines branches faisait aisément la taille d’un tronc, un colossal cratère couleur d’ocre et de rouille aux parois abruptes se dressait. A l’intérieur de trouvait la Cité de Fer.
Lors de sa construction, il de cela plusieurs millénaires, deux immenses fentes, d’immenses ouvertures très étroites, avaient été pratiquées dans les parois du cratère, au nord et au sud. Puis on y avait construit deux gigantesque portes d’acier et de fer, remontant jusqu’au sommet du cratère, défendant ainsi l’accès à l’intérieur. Elles ne s’ouvrait quasiment jamais, c’est pourquoi, des siècles plus tard, deux portes plus petites avaient étés pratiquées au bas des grandes. Deux routes avaient étaient ouvertes dans la roncière et pavées pour retarder la repousse des ronces, lesquelles étaient chaque année défrichées aux alentours de ces deux voies. Le reste de la roncière avait été laissé tel quel, pour trois raison : cela aurait pris des années et voir plus d’un siècle pour éliminer toute cette végétation, cela repoussaient beaucoup trop rapidement, et cela restait une bonne défense en cas d’invasion ; quelques personnes pouvaient s’y frayer un chemin rapidement, mais une armée entière en ressortait sûrement diminuée de la moitié de son effectif.
- De quel côté est la porte la plus proche ? demanda Asrial.
- A l’est.
La réponse du mage avait été nette.
- Comment ferons-nous pour traverser la grande roncière ? questionna à son tour Aurore.
Pour toute réponse, Endymion leva lentement la main, au niveau de son visage, les doigts relâchés, et ferma un instant les yeux.
Quelques étincelles rougeoyantes apparurent, se rassemblèrent devant lui en même temps que quelques volutes écarlates tourbillonnantes qui formèrent une sphère incandescente, palpitante et crépitante, faite de courants de feu se recouvrant les uns les autres, attendant comme un moment propice pour exploser.
D’un geste vif et sec, il fit tendit la main devant lui ; la boule de feu eu deux palpitations rapides et crépita de plus belle, puis fusa en tourbillonnant, laissant un longue trace de fumée et de feu derrière elle. Dans une explosion incendiaire, elle s’écrasa contre les premières branches de la grande roncière.
Quelques secondes plus tard, quelques morceaux de végétaux carbonisés retombaient sur le sol, noirs et morts. De la magie noire. Un sort de feu apparenté à la magie rouge.
Aurore descendit de sa monture et dit :
- Je crois que nous devrions continuer à pied. Nous ne pourrons pas rester sur les chevaux sous cette marée de ronces. Prenez-les par la bride.
Endymion et Asrial se mirent donc sur leur pieds. L’elfe noir leva la main et l’ouvrit, comme s’apprêtant à recevoir quelque chose. Dans son dos, sa longue épée trembla, s’envola et retomba, le manche dans le poing d’Endymion. Passant le premier, tenant de son autre main les rênes de son cheval, il taillait à grand coup d’épée un chemin dans le bloc compact que formait les ronces, s’élevant maintenant bien-dessus de leurs tête. Quelques morceaux de ciel, tel des éclats de miroir brisé, brillaient entre les entrelacs épineux.
Valfos s’était à nouveau perché sur l’épaule d’Aurore, et gardait le silence. Ils progressaient sous le couvert des ronces, choisissant un itinéraire où les branches épineuses étaient le moins enchevêtrées. Quelques heures passèrent ainsi, le silence ponctué par les coups vifs et précis qu’assenait Endymion aux branches qui leur barraient la route.
Quand Aurore commença à lutter pour rester éveillée, elle n’en dit mot, pour ne pas les retarder. Mais au moment où elle remarqua également qu’Asrial avait du mal à garder les yeux ouvert, elle proposa une halte de quelques heures, pour qu’ils puissent dormir un peu. De toutes manières, le jour ne tarderait plus à se lever.
Ils finirent par trouver un espace suffisamment dégagé, presque circulaire, où les ronces faisait comme une voûte à une petite clairière de sable. Le ciel y était plus visible.
Asrial amena les chevaux dans un coin et les attacha un par un à de grosses branches. Puis il s’assit contre un tronc de ronce particulièrement volumineux, quasiment dépourvu d’épines. Aurore le rejoignit et s’appuya contre le tronc elle aussi ; elle était épuisée. Sa tête dodelinante ne tarda pas à tomber sur l’épaule d’Asrial, déjà endormit depuis quelques instants. Seul Endymion ne semblait pas éprouver de sommeil. Il regarda autour de lui, comme si il sentait la présence de quelqu’un. En un geste, son épée avait réintégré la lanière de cuir et de métal qui la suspendait dans le dos de son propriétaire.
L’elfe noir s’assit contre une autre ronce, à l’autre bout du petit terrain, sa robe de cuir formant comme une auréole noire autour de lui. Il replia un genoux vers lui, y posa son coude et appuya son menton sur sa main. Il aurait été impossible de savoir à quoi il pensait, rien qu’en le voyant.
Il souleva la coque d’acier qui couvrait son épaule gauche.
- Trioch, appela-t-il.
Deux fines pattes noires émergèrent de l’ombre. Puis un tout petit corps arachnide, entièrement noir et luisant. Trioch était une veuve noire, mais ne possédait pas de tache rouge sur l’abdomen, contrairement à ses semblables.
Elle ne filait quasiment jamais, et servait en quelque sorte d’« interprète » à Endymion ; tout elfe savait communiquer avec la nature, par ses sentiments et ses émotions. Ce qu’Endymion ne possédait pas. Le seul élément de la nature qu’il était parvenu à comprendre au Silioth, son royaume natal, était cette petite araignée, sachant communiquer avec les humains. Avec lui au moins. Pourquoi ? Il ne s’était jamais posé la question. Quand les arbres ou les autres peuples de la nature ne pouvaient lui répondre, Trioch lui transmettait les murmures de l’essence du monde.
Eux aussi on l’air d’éprouver des sentiments. Jovios m’a bien parlé de cela…Il m’avait dit que tout les êtres vivants, même les animaux, en ressentait…Mère me le disait aussi…En ressent-tu toujours, toi ?

Bien sûr
, répondit l’araignée. Comme tout le monde…Je ne pense pas que se soient exactement les même que ceux des humains ou des elfes, mais…

Je n’arrive toujours pas à comprendre…Jamais je n’en ai éprouvé…Je me demande ce que cela fait…L’amour et la haine…les deux sentiments les plus puissants…Il a bien essayé de m’expliquer, en vain. Les larmes, le rire…Je n’arrive pas à comprendre comment se produisent ces phénomènes…

Trioch grimpa le long de son bras gauche, jusqu’au bout de ses doigts.
Le rire et les larmes, je ne les connaît pas plus que toi… Les arbres et les plantes non plus… Mais j’éprouve quand même de la joie, ou de la tristesse, ou encore de la colère…Les arbres, eux, ne savent quasiment qu’exprimer que la tristesse et la colère. Ils sont très restreints dans leur genre. Les dryades et leurs hamadryades sont déjà plus réceptives.

Mais comment se fait-il que je ne puisse pas ressentir quelque chose ? L’interrogation dont je suis victime n’est-elle pas une preuve d’émotions ? La curiosité…?

Non, tu ne ressent rien. Je ne sens rien en toi. C’est une interrogation, mais dénuée de curiosité. Tu viens de te reposer la question parce que l’impératrice et ce jeune homme ont usés d’émotions, et que tu l’a remarqué. Mais jamais tu ne rechercheras volontairement, un jour, à percevoir les sentiments. Parce que tu n’arrive à éprouver aucune curiosité. Même quand tu m’a demandé si ton interrogation était un preuve d’émotion, il n’y avait aucune espérance, aucune foi, aucune croyance en ce que tu disais. Je suis désolée…


Dis-moi, si j’avais des émotions, des sentiments, que devrais-je ressentir en ce moment ?

Lève ta main, que je puisse voir ton visage…

L’elfe noir obtempéra, et éleva le petit être noir à hauteur de son visage.
Eh bien…, fit-elle. Les moments où les émotions sont utilisés dépendent des personnes. Dans une certaine situation, un être ressentira une certaine émotion, tandis qu’un autre éprouverais autre chose. Quand je t’ai dit que tu ne ressentait rien, tu aurais dû ressentir de la tristesse, de la déception, du désespoir, de la colère ou bien de la frustration, par exemple… Mais je ne peut te dire quoi avec précision…

Pourquoi ?

Parce que…Dans n’importe quelle situation, les émotions ou les sentiments ressenties varies en fonction de l’être. C’est ce qui défini ce que l’on désigne par « personnalité », je crois. Mais toi…comme tu n’arrive pas à éprouver d’émotions, la notion de personnalité ne peut t’être appliquée. C’est pourquoi je ne peux te dire précisément ce que tu aurait dû ressentir tout à l’heure. J’aurais pu te le dire si j’avais connu une personnalité qui te serais propre. Mais tu n’en as pas…Tu ne possède qu’une personnalité physique. Tu n’a aucune personnalité morale, et cette absence peut, par les autres, être traduits comme de la froideur.

De la froideur ?

Je t’expliquerai ce que c’est, un jour, quand j’aurais un exemple à te montrer.

Les gens me regardent toujours étrangement…C’est à cause de cette personnalité physique ?

Oui. Tu est très beau, selon les humains. Même plus que beau. Ils disent que tu est superbe. C’est pour cela que beaucoup de filles te regardent de cette façon. Elle ressentent un attirance envers toi.

On m’a déjà dit que j’était très beau, au Silioth aussi. Mais je ne comprend pas pourquoi cela pousse les gens à ressentir une…attirance pour moi. L’attirance…cela rejoint l’amour ?

Oui et non. Chez les humains, on peut être juste attiré par quelqu’un pour son physique. Mais on est vraiment amoureux de quelqu’un à cause de sa personnalité morale et de sa personnalité physique. C’est pour cela que personne n’est jamais tombé amoureux de toi.

Je me suis toujours demandé…pourquoi il n’y a que les femmes qui n’éprouve « d’attirance » pour moi ? Pourquoi pas les hommes ?

Parce que les hommes ne sont pas sensés aimer les autres hommes. Chez les humains, en tout cas. Chez les elfes et chez les animaux, ce n’est pas interdit par la morale de l’être. Chez les humains, si.

Que ressent-on quand on éprouve de l’amour ? Et de la haine ?

Comment ? Tu veux que je t’explique ce que sont l’amour et les haine ? Alors là…Tu sais, l’amour et la haine sont les deux sentiments les plus complexes qui existent, et parfois, se rejoignent l’un l’autre. Cela est déjà difficile à expliquer à quelqu’un qui possède des émotions, mais alors à quelqu’un qui n’en possède pas ! Il faudrait que je t’apprennes nombre de notions qui te sont inconnues, et cela prendrait un temps incroyable…Mais je te promet que si je peut trouver des exemples, j’essaierai de t’expliquer…C’est étrange…Tu connais beaucoup plus de choses que n’importe quel être, mais les choses que tout le monde, même la créature la moins évoluée, peut connaître, tu ne la possède pas.

J’ai l’impression de ne pas appartenir au monde, de ne pas exister réellement.

Tu existe réellement, et tu appartiens au monde. Mais il te manque quelque chose de capital…Tu vois, là, c’est peut-être de la tristesse que tu aurais dû ressentir. Mais peut-être que c’aurait été du désespoir…

La tristesse, c’est quand on regrette quelque chose ? C’est quand on pleure, c’est cela ?

Pas toujours. On n’est pas forcément triste parce que l’on regrette quelque chose. Et la tristesse ne se traduit pas toujours par des larmes. Il y a des gens qui garde leur chagrin tout au fond d’eux, sans jamais en parler.

Pourquoi en parleraient-ils ?

Parce qu’ils aurait besoin d’en parler à quelqu’un, parce que c’est trop lourd à porter seul. Comprend-tu ?

Non. Et ce que je partage avec toi ? Je te protège, je te parle. Est-ce de l’amitié ?

Non. Tu me garde près de toi parce que je t’aide à comprendre ce qui t’entoure, parce que je suis pour l’instant la seule personne avec Jovios qui soit arrivé à t’expliquer ce que sont les sentiments, même si tu n’en possède pas. Que je soit là ou pas, cela t’est indifférent. Si tu éprouvais de l’amitié pour moi, il y aurait peut-être de la chaleur dans ta voix, une joie quelconque d’être avec moi, même si je ne suis qu’une minuscule araignée.

Alors ce n’est pas de l’amitié…Pourquoi reste-tu avec moi, Trioch ?

Je ne sais pas bien…Tu est un elfe assez fascinant, même si la notion d’émotion t’est inconnue. Moi, je t’aime bien. Cela, oui, est peut-être de l’amitié. De moi pour toi. Mais la réciproque est inexistante. Je me plait à t’expliquer les sentiments, à te faire comprendre ce que veulent te dire les arbres, le vent, les murmures de la brumes…Tout cela m’occupe. Toute seule, je commençais à m’ennuyer…J’ai l’impression de m’occuper de toi, et je ne me sent pas inutile, de cette façon…

Endymion replongea dans son mutisme. Quelque minutes passèrent, puis la veuve demanda :
Tu peux me reposer sur ton épaule ?
L’elfe s’exécuta.
Merci

*

Asrial se réveilla progressivement. A côté de lui, Aurore dormait profondément, sa tête appuyé sur son épaule. Sa chevelure, d’ordinaire cuivrée en flamboyante, avaient sous la lueur pâle des étoiles une couleur de grenat.
Le jeune homme leva les yeux vers les éclats de ciel parsemant la voûte épineuse, où des milliers de petites lumières scintillaient. Il chercha le mage noir des yeux. Endymion se trouvait en face, de l’autre côté, appuyé contre un tronc de ronce.
L’air semblait posséder un vie propre, et paraissait reluire sous la lune. Asrial frissonna. Le temps s’était refroidit. Balayant du regard les entrelacs épineux, il remarqua que de nombreuses choses blanches et brillantes, comme des perles, constellaient l’obscurité.
Des fleurs. De grandes fleurs blanches et lumineuses sous la lune, aux nombreux pétales froissés comme les ailes d’un papillon à peine sortit de sa gangue de soie. Il avança la main vers l’une d’elles, près de lui. Mais dès que ses doigts effleurèrent le végétal nacré, tous les pétales tombèrent en pluie sur le sol.
Comme elle sont fragiles…

*

Regarde, fit la veuve.
Endymion leva le regard vers Asrial. Celui-ci était en train d’observer une fleur, l’une de celles qui les entouraient comme un halo de lumière.
Tu vois, on appelle cela de la sensibilité. Ce jeune homme est sensible à la beauté qu’offre cette fleur. Comme beaucoup de gens sont sensibles à ta beauté.
Sous les doigts d’Asrial, la fleur tomba en pluie de pétales d’argent.
Il est sensible…à la beauté d’une fleur ? Je n’arrive pas à comprendre…
Ce n’est pas grave. Tu a l’éternité pour essayer de comprendre. Je ne voudrais pas être pessim…non, rien. Mais je doute que tu arrive un jour à éprouver des sentiments.
Oui, tu dois avoir raison. Je n’arriverais même pas à faire semblant, je crois…

*

L’aube, parée des son manteau délicatement rosé, se levait quand Aurore s’éveilla. Asrial n’était plus à côté d’elle. Les fleurs avaient disparues. L’impératrice se mit rapidement sur ses pieds, ragaillardi par ces quelques heures de sommeil amplement méritées. Après quelques paroles rapidement échangées, ils se remirent en route.
Quand ils sortirent de la marée de ronces, se fut pour se retrouver face à l’immense versant du cratère.
- Où est la porte ? demanda Aurore.
- La porte Sud se trouve par là, répondit Endymion en désignant la voie qui s’ouvrait sur leur droite.
Après des heures de marches presque sans voir le ciel, à se sentir oppressé par la présence des ronces autour d’eux, Asrial et Aurore ne furent pas fâchés de remonter en selle, et à l’air libre. Compte tenu de la taille véritablement impressionnante du cratère, ils mirent bien presque une après-midi entière à le contourner, pour finalement arriver devant la porte. Celle-ci, très étroite, ne devait pas faire plus de dix toises de largeur pour deux cent de hauteur. Toute de fer et d’acier, elle était là comme un immense garde au beau milieu de la faille, dans le flanc du cratère, qu’elle occupait.
En s’engageant sur la route de gros pavés gris qui y menait, ils repérèrent vite l’ouverture, plus petite, pratiquée au pied des gigantesques battants métalliques.
La route montait légèrement, s’enfonçant entre les deux bords de la plaie béante du cratère, et était parcourue par de nombreuses roulottes, convois de marchands. La porte n’était pas gardée, au contraire de celle de Lamarielle. Mais cela était à cause de la Harpie qui s’était installée dans la forêt de Carmulla.
La Harpie… , songea Aurore. Serait-ce possible qu’elle aie un lien quelconque avec l’Andémange ?
S’enfonçant sous l’arche d’acier de l’ouverture réduite, ils purent contempler la Cité de Fer.
Plantée au milieu du cratère, c’était une immense tour, plus gigantesque que toutes celles que l’on pouvait trouver à Lamarielle. Entièrement recouverte d’une carcasse de fer, elle reflétait maintenant les rayons du soleil comme un collier de pierreries. Toute percée d’ouvertures, de fenêtres, elle s’élevait presque jusqu’en haut des bords déchiquetés du cratère. Son sommet se terminait en une volumineuse coupole de verre soutenue par une armature d’acier semblable à une toile d’épeire. D’énormes poutres d’acier étaient tendues entre les parois intérieures du cratère et les flancs de fer de la Cité.
Les trois cavaliers dévalèrent la longue pente qui menait au pied de la tour de fer, soulevant un nuage de poussière et de sable couleur de rouille. Tout autour de la base de la Cité de Fer, une foule de caravanes, roulottes et chariots et de tentes florissait. Des marchands. C’était la saison des marchés, et de nombreux marchands, négociants, commerçants et colporteurs, venant de toutes les régions d’Era, avaient fait route vers Dractéron, une des villes marchande les plus importantes du Continent Est pour vendre des produits plus différent et plus exotiques les uns que les autres.
Les gens fourmillaient autour de la gigantesque tour de fer comme une marée de petits insectes, comme chaque année. Aurore fit descendre sa capuche sur son visage, espérant que personne ne pouvait la reconnaître. Endymion, lui, rabattit ses cheveux noirs sur son oreille pointue. Il ne fallait en rien qu’ils se fassent remarquer.
Trottant au milieu de cette marée humaine, leurs trois chevaux avançaient, leur marche ouverte par l’énorme étalon noir d’Endymion, devant lequel tout le monde avait la réaction judicieuse de s’écarter. Ils atteignirent ainsi rapidement l’entrée de l’énorme tour de fer, une gigantesque ouverture aux battants d’acier pur grands ouverts et retenus contre les flancs de la tour par d’énormes chaînes de fer.
Aurore, la tête toujours baissée le plus possible et les replis de son capuchon lui couvrant presque entièrement le visage, s’occupa de payer un homme pour qu’il garde leurs chevaux le temps qu’ils seraient dans le sein de la cité. L’impératrice préféra garder Valfos près d’elle.
Un marchand d’étoffes accepta rapidement de veiller sur les bêtes, mais de deux seulement ; il refusa de s’approcher de l’étalon couleur d’ombre qui lui faisait peur, le regardant avec ses yeux de furie. Endymion n’en laissa pas moins sa monture libre d’aller courir autour de la Cité de Fer. Elle resterait là, elle l’attendrait.
Ce problème résolu, les trois voyageurs se dirigèrent vers les portes de Dractéron.
Les attendait une salle aux dimensions formidables, colossales ; elle comprenait le diamètre entier de la tour de fer. Tout le sol était dallé de blanc, un blanc cassé, et de jaune délavé, un jaune vieilli, presque gris. L’idée que l’on pouvait se faire de l’intérieur de la Cité de Fer en partant de son aspect extérieur était totalement faussée. D’innombrables et immenses fenêtres s’alignaient autour de cette immense place intérieure, créant comme un torrent de lumière se déversant de l’extérieur.
Des échoppes, toutes différentes, de bois et de pierre, recouvraient le bas des murs, s’entassant les unes contre les autres, parfois même au-dessus des autres, reliées au sol par de longs escaliers obliques, pareils à des fils d’attache de toiles d’araignées. Quelques énormes fontaines d’albâtre, dont les têtes de reptiles et d’êtres aquatiques, merriens et guivres d’eau, étaient disposées à plusieurs endroits, rassemblées presque en cercle, et crachaient de l’eau à gros bouillons. Nombre de magasins et de petits commerces parsemaient la place comme autant de fleurs sauvages dans les collines.
De spacieux chapiteaux se dressaient de-ci, de-là, certains rouges, d’autres gris, d’autres encore couleur d’argile, élevant leurs sommets pointus ou plats, dévoilant de splendides marchandises, telles d’étincelantes joailleries, de superbes armes et pièces d’armures venues tout droit des forges d’Herekin, le Royaume-Père des nains ; des tenues d’apparat et des étoffes, des tissus plus fins et sublimes les uns que les autres, comme encore imprégnés de l’atmosphère mystérieuse et calme des landes brumeuses d’Aleniel ; des équipement équestres, les plus renommés, ceux de l’Ouest de Miltharée ; mais aussi des œuvres d’art tels les magnifiques sculptures de glace de Weïlionnie,
qui jamais ne fondaient et dispensaient un air rafraîchissant -un secret transmis uniquement dans les anciennes familles weïlionienne-, des superbes toiles naines, les sculptures des peuples du désert Soliphyus, et encore bien d’autres choses encore…
Souvent, les gens se retournaient sur le passage d’Endymion, le regardait de haut en bas, avec des yeux émerveillés, étonnés ou incrédule. La beauté androgyne de l’elfe percutait comme un coup prit en plein visage.
Se frayant un chemin à travers la masse compact de la foule, les trois compagnons finirent par déboucher à l’intérieur d’un des nombreux renfoncements, se trouvant dans les murs de l’immense hall. Là aussi le monde s’y pressait. C’était une grande niche, dont les trois hauts murs était recouverts par trois miroirs. Dans ceux-ci, on discernait d’autres lieux, l’image étant comme floue, effacée, semblable à celle qu’offrirait une aquarelle plongée sous la pluie. Valfos couina légèrement.
- Voyons ça…, murmura Aurore.
Elle observa chacune des trois inscriptions, gravées au plafond, près de chacun des mur-miroirs. L’une disait « Premier niveau : Aile marchande », l’autre « Premier niveau : Ambassade de la Magie ». La dernière, enfin, indiquait « Quarante-troisième niveau : Palais du Gouvernement »
- Voilà, c’est là, décida Aurore, faisant un geste discret dans la direction des deux hommes qui l’accompagnait. Suivez-moi.
Elle traversa le bon miroir en même temps qu’un petit groupe d’aristocrates nains. L’impératrice aimait cette sensations succincte de froid qui traversait le corps quand l’on passait au travers de l’un des miroirs enchantés de la Cité de Fer.
De l’autre côté du miroir s’étendait une grande avenue de pierre grise bordée de chaque côté de maisons grises elles aussi, dont les façades, hautes et surmontées de frontons souvent soutenus par des colonnes ornementales, évoquaient un petit peu l’aspect des plus vieux temples. Le Gris régnait en maître, ici. Tout était gris, que ce soit gris anthracite, gris souris, gris perle, gris comme les nuages de pluie ou gris comme le granit. Les bâtiments, les rues, tout était couvert de cette grisaille étrange, de cette nuance de cendre en contraste complet avec les couleurs déployées à l’extérieur, qui donnait un aspect irréel à l’endroit. Les gens y passaient, eux-même habillés de couleurs ternes, comme le brun, le noir, le vert sombre, le gris ; les chevaux trottaient, tirant des calèches ou des carrosses luxueux, de bois de chêne ou d’ébène.
D’impressionnantes ouvertures, comme d’immenses fenêtres, plus hautes que les bâtiment qui bordaient la rue, dispensaient la pâle lumière, blafarde, de l’extérieure, qui rendait à l’atmosphère de cendre et de poussière de l’intérieur une clarté mystérieuse et secrète, presque comme étendant un voile de silence sur les lieux. Se faufilant à travers les épaisses grilles de fer forgé de motifs complexes à l’aspect ancien, semblable, vues d’en bas, à de la dentelle fine, une douce et agréable brises venait rendre un souffle de vie à l’atmosphère pesante et écrasante du gris de l’intérieur. Rien qu’avec ce léger zéphyr, ce souffle naturel venue des nues, le Gris reprenait un sorte de vie, pleine de calme, de repos et de secrets, comme des rêves fantasques de fleurs fanées couvertes de poussière, oubliés au fond d’un tombeaux depuis les premiers âges du monde. Tout était comme si cette vie, à l’intérieur, n’était qu’une grande pièce de théâtre faite pour singer la vie du dehors, mais sans y arriver tout à fait, créant sa propre grise vie. Et cette grise vie insufflait bien souvent un sentiment de nostalgie, un sentiment de découverte, comme face à un passé oublié sortit des replis du temps.
C’était le quartier du Palais du Gouvernement. Le Gouvernement de l’Est, annexe du siège impérial de Lamarielle. Chacun des quartiers de la Cité de Fer constituait un étage de la tour-cité. Il y en avait quarante-quatre en tout, en comptant la coupole de verre du sommet. Et chaque étage de la titanesque tour était aussi vaste qu’un quartier de n’importe quelle autre capitale, mais circulaire, et d’une hauteur faisant plus de deux fois la hauteur des plus hauts bâtiments qu’abritait la tour de fer. Peut-être même trois ou quatre fois, personne ne le savait avec exactitude. Les gigantesques fenêtres assuraient l’apport d’air et de lumière. Dans la Cité de Fer, on était comme dans une véritable ville enfermée entre quatre mur, avec un plafond pour ciel et des murs pour horizon.
Souvent, quand l’on se promenait dans les rues, et que l’on avait le temps de regarder autour de soi, les murs, flancs de la tour de fer, le plafond qui était là mais plongé dans l’ombre, et les immenses fenêtres apportant le vent et l’air vital à la population, donnaient l’impression de se trouver dans une maison de poupée. Une maison dont les poupées étaient bien vivantes.
- Le palais est au bout de cette avenue, dit Aurore. C’est là-bas que nous allons.
Emboîtant le pas à la jeune femme, l’elfe et l’humain descendirent la rue grise. Au bout de celle-ci, effectivement, se dressait un grand château flanqué de tours de guets purement ornementales, et de toits de tuiles presque noires. Un large escalier, de marbre gris, y menait. Nombre de personne de la haute société s’y pressait, et de nombreux gardes en protégeait l’entrée. Les trois jeunes gens et l’elfe se ressemblèrent au bas des marches, à droite, près d’une statue d’aigle sur laquelle le rapace bien vivant de la jeune femme se percha pour mieux goûter à la brise fraîche. Endymion s’appuya contre son socle et croisa les bras.
- On ne nous laissera pas entrer, fit remarquer Asrial en regardant vers le sommet des escaliers, exposant par cette phrase succincte tout le problème.
- Oui…, approuva Aurore. Je ne peux pas me présenter à l’entrée du palais et dire que l’impératrice est là, en bas, et attend une entrevue avec la régente de l’Est. Personne ne nous croiraient.
Ont-ils seulement déjà vu l’impératrice de Miltharée ?
- Alors…comment faire ? demanda le jeune homme.
- Il faudrait…, commença Aurore. Il faudrait créer une diversion…quelque chose qui attirerait tous les regards ailleurs pendant que nous rentrerions à l’intérieur.
Asrial soupira. Comment faire cela ?
Et dire que c’est l’impératrice elle-même qui s’apprête à entrer comme un voleur dans le palais…Et pour quoi ? Finalement partir à la recherche d’un archange de légende…je me demande pourquoi je continue à la suivre…
Aurore eu finalement une idée. Brusquement, elle se souvenait du fait qu’Endymion était mage.
- Sire elfe, dit-elle. Pourriez-vous…créer cette diversion pour nous ? Vous êtes versé en l’art de la magie, et…
Elle détourna les yeux. Endymion n’avait pas baissé le regard et l’avait fixé jusqu’à ne puisse plus soutenir son regard. Ces iris d’améthystes striées de cobalt…quel puissance semblait émaner d’eux !
Endymion décroisa les bras et se remit sur ses pieds d’un souple coup de rein. Il se retourna, observa un instant l’entrée du palais, puis se retourna.
- Montez quand je serais arrivé en haut, et protégez vos yeux, leur ordonna-t-il de sa voix si voluptueuse, mais tellement dénué d’émotion. Quand une lumière apparaîtra, foncez à l’intérieur.
Ces mots lâchés il se tourna à nouveau vers les escaliers, laissant subitement place à un homme à l’aspect banal, ses cheveux blonds noués en catogans, qui montait les marches de marbre.
- Mais que… ? s’étouffa Asrial. De la lumière ?
- C’est un mage…, souffla Aurore. Viens, il est presque arrivé devant l’entrée. Il faut y aller.
Mieux vaut ne pas trop se poser de questions, sinon, nous n’arriverons à rien…Faire confiance à un elfe ?…
L’homme blond dirigea ses pas vers les portes du palais, où les gardes attendaient comme des statues de pierre. Le gotha de la Cité se déversait par les portes où s’y faisait aspirer, dans un mouvement de vague incessantes.
L’homme plaça ses mains, en fermant les yeux, à la hauteur de sa poitrine, l’une vers l’autre. Une faible, petite lueur commença à poindre entre ses deux paumes, vacillante, presque clignotante. Elle gagna légèrement, lentement en force, puis, d’un mouvement uniforme, large, il écarta les mains. La légère lueur se transforma en une explosion au son cristallin de lumière aveuglante, blanche et rayonnante, qui, émanant toujours d’entre les doigts de l’homme au catogan blond, l’enveloppait complètement.
Aux alentours, les gens poussèrent des cris de surprise, tombèrent à la renverse sous le cou de la surprise ou se bousculèrent avec des mouvement de panique. Près de l’entrée du palais, on ne distinguait quasiment plus rien, seulement les contours presque effacés des constructions et les zones d’ombre intense. C’était comme si une étoile était soudainement tombée dans la tour de fer.
Aurore et Asrial, au milieu des escaliers, s’était préparés à une lumière forte, mais pas tant. Aurore fut contrainte de baisser presque totalement son capuchon sur ses yeux, et Asrial plaça son bras sur son champ de vision, laissant juste assez de place à ses yeux pour voir sans être éblouit. L’impératrice tenait Valfos contre elle. Le rapace savait qu’il ne devait pas émettre le moindre son, et le montrait.
- Asrial, dépêche-toi ! Viens !
Le jeune homme entendit les pas d’Aurore sur le marbre, dans le silence presque complet qui avait succédé à la radiance aveuglante, se diriger vers le sommet des escaliers. Il les suivit sans hésiter.
Aurore repéra une ombre légère, dans la lumière, et pensa identifier Endymion, l’homme aux cheveux blonds. Elle avança en ligne droite, et sa main tendue finit par heurter le battant d’une des portes. Asrial finit par la rejoindre. La jeune femme glissa sa main dans la sienne, le faisant sursauter. Ainsi, ils ne risqueraient pas de se perdre de vue. A tâtons, se repérant grâces aux ombres diaphanes sur les sol et les murs, l’impératrice rencontra enfin du vide et s’y engouffra. Tournant à gauche, elle se rendit compte que la lumière avait baissé. Elle souleva sa capuche et remarqua qu’elle pouvait y voir, en plissant les yeux. Elle avertit son compagnon.
Ils étaient dans le grand hall du palais, lui aussi inondé de lumière, dans une alcôve sur la gauche, près d’une statue à forme humaine, protégés des ondes lumineuses par l’ombre relative qui y régnaient. Là aussi, les gens étaient prostrés à terre, se demandant ce qui se passait, n’osant ni bouger ni émettre un son.
La jeune femme lâcha Valfos qui revint à nouveau se percher sur son épaule.
- Asrial, il faut aller plus avant dans le palais. Nous risquerons moins d’être découverts.
- Et le mage noir ? Endymion ?
- Je suis sûre qu’il arrivera à nous retrouver. Ne t’inquiète pas de cela. Les mages ont plus d’un tour dans leurs poche.
- Tu as vu ? demanda-t-il. Je ne suis pas sûre de cela, mais…Cette magie…c’était de la magie blanche, n’est-ce pas ?
- Oui, je crois. Je sais ce que tu te dit : c’est un mage noir. Il a utilisé de la magie blanche. Ce n’est pas très…courant. Mais…un mage chromatique ? Cela m’étonnerait. Il n’y en a eu que deux depuis les premières époques de la magie. Et puis certains sorts, d’une magie à l’autre, se ressemblent. En tous cas, nous n’avons pas le temps de nous attarder là-dessus. Allons-y.
Elle vit Asrial hocher la tête. Elle approuva du chef à son tour puis plongea à nouveau dans la lumière, pour se diriger vers le grand escalier du hall. Prenant bien soin d’éviter tous les gens au sol, et de faire le moins de bruit qu’elle le pouvait, elle réussi à parvenir, tenant toujours son ami par la main, aux premières marches.
Les deux jeunes gens les montèrent le plus rapidement possible et tournèrent à gauche quand les marches se divisèrent en deux. Aurore connaissait bien évidemment le chemin. Alors la lumière se dissipa. Un murmure s’éleva, signe que tout le monde revenait subitement à la vie. Puis des éclats de voix, des cris d’indignations suivirent. Mieux valait s’éloigner de là le plus vite possible. Aurore jeta un coup d’œil en bas, vers le hall ; les gens recommençaient à se déplacer. Quand elle tourna à nouveau la tête devant elle, elle retint un cri et failli tomber à la renverse. Elle serait tombée, si elle n’avait pas percuté Asrial dans son mouvement de recul.
Une grande silhouette noire, de la taille d’Asrial, se tenait là, devant eux. Un grand capuchon de velours noir lui couvrait entièrement le visage, si ce n’est sa bouche bien dessinée d’une profonde teinte carminée et son menton d’une grande finesse. Une cape de même tissu lui couvrait les épaules et retombait jusqu’au sol. Son cou était entièrement enserré par un grand col noir et raide, ouvert sur la gorge et d’où se déversait le jabot blanc d’une chemise de dentelle. Le cou fin de l’inconnu était enserré par un ruban de soie noir noué en flot. Une longue veste près du corps de feutre noir tombaient au bas de ses pieds. Boutonnée jusqu’à la taille, elle s’ouvrait ensuite sur un pantalon moulant noir passé dans des bottes cavalières de cuir.
- Ah…Endymion ! Vous m’avez fait peur ! Mais… ?
Comment est-il arrivé si rapidement jusqu’ici ? Comment a-t-il eu le temps de se changer ?
- Vos vêtements…
- Ils attireront moins l’attention ainsi.
Et c’était vrai. Son ample capuchon noir lui dissimulait presque entièrement le visage ; il était impossible de savoir qu’il était un elfe. Effectivement, sans cela, il n’aurait que trop attiré l’attention sur eux. Mais son épée manquait à l’appel. Où l’avait-il mise ?
- La salle du trône est par ici, déclara-t-il.
- Je le sais…venez, il nous faut nous presser.
Valfos émit un roucoulement guttural et s’ébroua. Aurore se rendit compte qu’elle tenait toujours la main d’Asrial. Le pourpre lui monta aux joues et elle lâcha son compagnon, un peu plus brusquement qu’elle ne l’aurait voulu.
La jeune femme partit de l’avant, se glissant parmis les gens qui recommençaient à présent à se mouvoir dans ce grand palais, se massant à l’entrée, tous désireux de savoir ce qui s’était passé. La salle du trône se trouvait au premier étage. Ils n’avaient que peu de chemin à faire, mais Aurore pressait néanmoins le pas.
L’escalier gravit, ils débouchèrent sur un autre hall, tout en marbre, semé de colonnes. Au fond se trouvait la salle du trône…dont les portes de fer étaient bien évidemment gardées par des soldats armés.
- Encore ? gémit Aurore. Comment… ?
Elle s’était arrêtée, mais Endymion continua son chemin, avançant toujours vers les deux soldats en armure qui montait la garde.
Mais que fait-il ? Il ne va tout de même pas… ? Les mages n’ont pas le droit d’user de leur pouvoir ainsi ! C’est une violation du Traité d’Evralon !
L’impératrice et Asrial s’élancèrent sur ses pas pour ne pas se laisser distancer. Quand le mage noir arriva au niveau des gardes, il s’arrêta. Aurore et Asrial le rejoindrent en hâte.
- Que voulez-vous ? interrogea l’un des gardes, une jeune femme.
- Nous souhaiterions…hum…une…, commença Aurore.
Elle voulu se faufiler devant Endymion, mais celui-ci leva la main et claqua des doigts. Le son retentit, net et clair. Au même moment, brusquement, un nuage d’un gris argenté scintillant s’éleva du corps des soldats, leur arrachant un petit sursaut. Ils s’écroulèrent au sol sans un mot tandis que les volutes argentées s’évaporaient dans les airs au-dessus d’eux. La jeune impératrice décocha un regard effaré à l’elfe.
Ceci est un exemple du sentiment que l’on appelle la surprise…Pas tout à fait pure, car s’y mêle un peu d’incompréhension et d’incrédulité, mais cela peut te donner une idée…

Pure ?

Les sentiments et les émotions sont rarement éprouvés sous leur forme pure, leur forme la plus simple…Je crois qu’il n’y a que les sentiments très puissants, comme l’amour ou la haine, que l’on éprouve purs…

- Mais que… ! s’étouffa Aurore. Que leur avez-vous fait ?
- Ils dorment, répondit simplement Endymion de son capuchon noir, n’ayant pas bougé d’un seul pouce.
- Ils…dorment ?
Asrial et Aurore avait les yeux fixés sur les deux corps, au sol, endormis si profondément qu’ils en semblaient morts. Le bruit d’une porte qui s’ouvre fit lever les yeux à Asrial ; Endymion était entré dans la salle du trône.
- Attendez-nous ! s’exclama Aurore.
Elle s’élança à sa suite. La salle du trône était vaste et entièrement vide de toute présence, de tout mobilier. Du sol au plafond en passant par les murs, elle était entièrement faite de marbre noir. Au fond, une longue rangée de fenêtres illuminait la pièce. Juste en-dessous, quelques marches menait à une plate-forme de marbre noir où s’élevait le trône, taillé dans la même pierre que la pièce. A droite et à gauche de celui-ci, deux portes de fer.
A leur entrée, son occupante se leva brusquement, faisant bruisser son ample robe grise.
- Qui êtes-vous ? s’exclama-t-elle. Qui vous a permis d’entrer ainsi ?
- Dame Savinna ! C’est moi, Aurore ! L’impératrice !
- Qu…quoi ? Mais c’est impossible !
La régente descendit les marches de son trône et s’immobilisa. La jeune impératrice fit signe à ses compagnons de s’arrêter et s’avança seule vers elle. Repoussant sa capuche d’un geste vif, elle dévoila sa peau laiteuse, ses cheveux roux flamboyants et ses yeux d’émeraude.
- C’est bien moi, Dame Savinna ! Ne me reconnaissez-vous donc pas ?
- Je…
La femme eu un léger mouvement de recul, puis se ravisa. Elle détailla intensément Aurore du regard, puis l’oiseau qui se tenait toujours sur son épaule.
- Oui, je…vous êtes bien… ! Et voici…C’est votre Valfos, n’est-ce pas ? Oh, Majesté ! se récria-t-elle en s’inclinant. Mais comment ? Pourquoi ?
Aurore s’approcha d’elle et s’agenouilla.
- Relevez-vous, Dame Savinna. Je vais vous expliquer. Je me suis rendue ici secrètement, pour une affaire personnelle. C’est pour cela qu’aucune escorte ne m’accompagne.
La régente se releva. Ses yeux bleu prirent soudain une expression sévère.
Avec tout juste la quarantaine, c’était une très belle femme. Les gens lui donnaient toujours des années de moins que son âge réel. Son visage avait une douce expression naturellement charismatique, avec sa peau claire, ses traits fins et son visage ovale, ses lèvres très rouges, et ses longs cheveux noirs, soyeux et lisses qui coulaient sur ses épaules, formant une longue vague d’ébène uniforme.
Elle portait un corsage gris, maintenu fermé sur le devant par une petite cordelette de soie argentée. Un col faisait comme une grande auréole d’argent autour de sa tête, ceinte d’un mince diadème rehaussé de petits cristaux. Ses manches de satin noir moulaient entièrement ses bras jusqu’au coudes, où le velours laissait place à des extrémités de dentelle blanche gonflantes, rattachées aux poignets par des rubans d’argent. Une longue robe de satin gris à ample crinoline balayait le sol. De longues bandes d’étoffes noires, rattachées à sa taille, ajoutaient à l’épaisseur du vêtement.
- Majesté, cela n’est point prudent. Vous auriez pu être attaquée, ou que sais-je ?
Tout en disant cela, elle passa quelques mèches rousses derrière les oreilles d’Aurore, comme une petite enfant que l’on recoiffe. Un sourire naquit au coin des lèvres d’Aurore, qu’elle ne put contenir.
Ah…Vous, Dame Savinna, tout comme Maître Jovios…Vous me traitez comme une enfant…Toujours, comme une enfant à protéger, à réprimander, à aider…Et Vynce se comporte un peu comme un grand frère envers moi…Et vous tous, vous avez raison…J’ai besoin d’aide, et maintenant plus que jamais…Mais je ne peux vous en parler…
- Ne vous inquiétez pas, fit-elle. Messire Endymion, un mage, et mon ami Asrial m’accompagnent, dit-elle en les désignant de la main. Ils me protègent.
Savinna soupira en levant les yeux au ciel.
- Si vous le dites…Je persiste à croire que vous ne devriez pas sortir ainsi de Lamarielle. Le danger rôde partout.
- Je sais…, fit Aurore avec un petit rire.
-Allons, Majesté, si vous me disiez pourquoi être venue jusqu’ici incognito ?
Aurore prit Valfos sur son poings, et laissa s’envoler le faucon sur le sommet du trône de marbre. Elle vint s’asseoir sur les premières marches qui y menaient. Savinna fit de même, sa robe se soulevant comme un grand coussin autour d’elle. Asrial alla les rejoindre, et, au grand étonnement de la régente, Aurore ne lui fit aucune objection. Endymion resta debout, droit, à l’endroit où il s’était arrêté, silhouette plus noire que le noir qui l’entourait.
- Bien. Je vais essayer de faire court, promis l’impératrice. Je suis venue ici, car c’est ici que se trouve le moyen le plus rapide pour se rendre à Transcengel. J’aurais pu m’y rendre par mer, mais cela aurait été trop flagrant et trop lent. On m’a récemment averti que les eltharûls de l’Est étaient sortis de leur hibernation, et je pensais…
- Les dragons noirs sont effectivement sortis de leur long sommeil, répondit Savinna, mais en un nombre infime. Les autres dorment encore ou sont entrain de s’éveiller. Il n’y a que quelques uns d’entres eux qui le sont tout à fait. Et…pour tout vous dire, Majesté, sincèrement, je ne pense pas que les quelques membres déjà sortit d’hibernation seront d’accord pour entamer un voyage comme celui-ci, surtout s’ils doivent passer par le désert.
- Nous pouvons toujours essayer, Dame Savinna.
- Bien entendu, mais…
La régente pencha la tête sur le côté, pour mieux observer le visage de l’impératrice. Elle parut y détecter une chose, et dit :
- N’y a-t-il rien d’autre ?
- Comment cela ? s’étonna Aurore.
- Que vous voudriez me dire ?
- Hum…Eh bien…En réalité, si.
- De quoi s’agit-il ?
- Avant de venir ici, à la Cité de Fer, je me suis rendu à Cresca, pour consulter Maître Jovios…
J’y suis même allée, en quelques sorte, obligée…N’est-ce pas Vynce ?
- La Cité des Interdits a été attaquée, finit-elle d’une traite.
Les yeux de Savinna s’agrandirent.
- Comment cela ? Par qui donc ?
- Nous ne le savons pas. Maître Jovios et les mages de Cresca ont réussi à repousser l’agresseur…Ce n’était pas des soldats ordinaires, mais des monstres, des créatures ignobles. Un dragon rouge, véritablement gigantesque, a été repéré non loin de la bataille.
- Un dragon rouge ? Mais les valfërils de sont pas encore sortis de leur sommeil ! Comment… ?
- Nous n’en savons rien. Toujours est-il que je vous conseille, Dame Savinna, d’être très prudente.
La régente baissa la tête, la lumière pâle jouant sur son teint d’albâtre et sur ses lèvres rouges. Elle soupira, puis se leva dans un bruissement d’étoffe, sa robe reprenant sa forme initiale. Aurore se mit à son tour sur ses pieds. Savinna fit quelques pas en avant, puis revint vers l’impératrice, qui se tenait aux côtés d’Asrial.
L’impératrice est tellement vive…Peut-être le vois-je ainsi parce que je ne suis plus toute jeune…Dois-je la laisser partir sans intervenir, où dois-je essayer de l’en dissuader ? De toutes façons, elle n’en fera qu’à sa tête…
- Bon, se décida-t-elle. Un messager eltharûl est arrivé il y a quelques jours pour prévenir de l’éveil des premiers dragons noirs. Il se trouve dans la coupole pour le moment. Allons le voir. Mais promettez-moi, Majesté, que vous ne prendrez pas de risques inutiles.
- Je vous le promet.
- Venez. Le messager doit partir aujourd’hui.
Savinna disparu derrière l’une des portes de fer entourant le trône, bientôt suivie par les deux jeunes gens, le faucon et l’elfe noir. Dans la petite pièce qui suivit, entièrement vide et dont les murs gris étaient nus, un miroir les attendait. Le mur du fond. La régente le traversa sans hésiter. Les trois compagnons la suivirent aussitôt.
La coupole de verre, vue de l’intérieur, était vraiment impressionnante. Le sol, entièrement fait de fer, était parfaitement lisse. Au-dessus, le dôme transparent étincelait sous le pâle soleil propre à la région, comme un immense diamant à l’armature d’acier. Les hommes, par rapport à sa taille, devenait des fourmis, et les dragons, des souris.
Justement, le messager eltharûl se tenait non loin de l’ouverture béante qu’offrait l’un des côtés du dôme de verre, leur permettant de s’envoler.
L’autre face du miroir se trouvait contre un pans de mur installée à cet endroit uniquement pour assurer la communication entre les autres étages de la tout de fer. Dès leur arrivée, quelques gardes vinrent immédiatement entourer la régente, ainsi que ses compagnons.
Ils rejoignirent rapidement le dragon, qui attendait près de l’ouverture du dôme. C’était un eltharûl rêshah, l’une des différentes variétés d’eltharûl, des dragons noirs. Les rêshah se caractérisaient par une couleur d’écailles d’un noir brillant, aux reflets violacés. Sa grosse tête, faisant bien la taille, en longueur, d’un humain adulte, se balançait au bout de son long cou reptilien, prolongeant son grand corps, plus haut que quatre chevaux et long comme une douzaine.
Ses longues et larges ailes de peau étaient repliés de long de son corps, et sa longue queue, se terminant par de petites pointes grises, bougeait mollement. Ses quatre cornes principales, d’un noir mat et aux formes élégantes, acérées, comme sculptés au couteau, prolongeaient sa longue tête dont les yeux gris sombre, nuancés d’une touche de violet terne, brillaient d’intelligence. Ses membres puissants, terminés par de longues griffes, étaient rangés sous sa masse musclée et svelte, comme un chat qui dort. Qui dort d’une oreille seulement.
- Ardriath ! appela Savinna en arrivant à sa hauteur.
Le grand reptile tourna la tête lentement de son côté. Avisant la régente, il l’inclina vers le sol.
- Ah, Ma Dame…, fit-il d’une voix profonde et grondante, d’un grave guttural.
- Ardriath, voici…l’impératrice Aurore. Elle est venue ici incognito.
Le dragon noir porta son regard vers la jeune femme rousse, les yeux empreint de respect. Mais la présence d’Endymion ne lui échappa pas. Repoussant légèrement sa capuche, celui-ci fixa un instant le dragon. Celui-ci compris immédiatement.
Ne vous inquiétez pas, Messire elfe…Je ne révélerais en rien votre nature…
- Majesté…, fit-il en s’inclinant.
- Nous sommes venues te demander de nous accorder un faveur, continua Savinna.
L’air du reptile se fit intéressé et surpris.
- De quoi s’agit-il ?
- L’impératrice souhaite se rendre le plus rapidement possible à Transcengel, alors nous avons pensé à vous. Ne le pourriez-vous pas ?
Un petit soupir, sortant de la gorge reptilienne comme un léger grognement pensif, échappa à Ardriath. Il répondit enfin :
- Je regrette, mais je me vois dans l’impossibilité de vous aider. Les azkêbrans, ces sauvage du désert, sont eux réveillés depuis plus longtemps, et sont très excités en cette période de l’année. De plus, il me faut retourner au plus vite auprès des miens, dans les Monts Alios. Les escadrons noirs de l’armée impériale se doivent de se remettre en activité rapidement.
- Ne pouvez-vous vraiment pas ? insista Aurore.
- Je suis désolé, mais non. Mais…Votre ami le mage noir pourrait sûrement vous aider.
Aurore écarquilla les yeux et observa l’elfe noir, immobile.
- Endymion…Est-ce vrai ?
- Oui, répondit platement le mage.
- Mais enfin…Comment cela ?
- Un sort, expliqua le dragon. Mais, après tout, les dragons n’ont jamais compris la magie !
L’impératrice restait totalement ébahie et s’interrogeait : comment, même un mage, pouvait faire cela ? Ardriath se mit soudain sur ses pattes, élevant sa masse, le rendant encore plus gros et puissant à côté d’eux. Mais pas autant que celui qui avait été repéré près de la Cité des Interdits. Loin de là, pour tout dire.
- Majesté, Ma Dame, je vous mes hommages, dit-il. Je dois partir.
Savinna s’approcha de lui.
- Bien, alors…bonne route, Ardriath. Prévenez-nous quand tous les vôtres seront éveillés. Je crois que le Général Morgan les attend avec impatience.
- Comme vous désirez, Ma Dame. Je vous salue !
Il déploya ses grandes ailes noires prit son essor, déclenchant comme une bourrasque autour de lui. Les dragons volaient très vite. En quelques minutes, il ne fut bientôt qu’un point dans les nuages.
Aurore reporta sont attention vers Endymion.
- Est-ce vrai que vous pouvez nous amener à Transcengel ? lui demanda-t-elle, encore incrédule.
- Oui.
Les dragons sentent les pouvoirs magiques comme des odeurs…Je me demandais si il allait parler ou pas…

Je sais ce que tu te dis, Endymion. Mais non, il n’y avait trace d’interrogation…

Je ne m’étais rien dit, Trioch.

- Mais comment ? De quelle façon pouvez-vous faire cela ?
- Il existe un sortilège qui permet de se déplacer instantanément d’un endroit à un autre.
- Et…arrivez-vous…à le maîtriser ?
- Oui.


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MessagePosté: 21 Sep 2005 17:31 
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Localisation: ♫ J'ai longtemps cherché un paradis sur Terre... ♫
Ouh là, deux chapitres d'un coup !! J'ai tout lu... ça a été long mais c'est tellement agréable à lire et j'ai tellement envie de savoir ce qui va se passer que j'ai pas pu attendre pour tout dévorer !!

J'ai adoré la scène entre Baptiste et Quentin dans le chapitre V.

:suite:

Cybelia.


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MessagePosté: 21 Sep 2005 18:30 
cybelia a écrit:
J'ai adoré la scène entre Baptiste et Quentin dans le chapitre V.


Merkiiiiiii>_<

mais je l'ai retapée avant de la poster, parce qu'en version esquissée, c'était un pur dégoulinage de tendresse guimauve et fleur bleue... :?


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MessagePosté: 24 Sep 2005 10:40 
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Mais euh... kesk'ils font ces deux-là ?
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Inscription: 14 Mai 2005 21:42
Messages: 270
Localisation: en train de filmer Sirius& Severus^^
purée, faut vraiment que je trouve le temps de tout lire... bon, j'imagines qu'à ce stade t'as plus besoin de mes corrections, si?
toi, faire du fluffy dégoulinant de guimauve??? j'halucine? mwouafmwouafmwouaf, veux voir ça!!!


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MessagePosté: 24 Sep 2005 12:37 
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Slash ou non, telle est la question...
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Inscription: 20 Avr 2004 16:38
Messages: 615
Localisation: Brest pour le moment
ça y est j'ai eu le temps de finir le dernier chap !!!

Ben que dire bravo ? nan Exelent ? nan c tjrs pas assez fort enfin Bref c genilissime !!

:suite: :suite: :suite: :suite:

_________________
"outside the government, beyond the police"
"Captain Jack: Nice to meet you, Martha Jones.
The Doctor: [Irritated] Oh, don't start!
Captain Jack: I was only saying 'hello'!"

Non non je ne suis pas monomanique en ce moment


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MessagePosté: 24 Sep 2005 14:40 
soho a écrit:
purée, faut vraiment que je trouve le temps de tout lire... bon, j'imagines qu'à ce stade t'as plus besoin de mes corrections, si?


Si bien sûr que tes corrections m'intéresse toujours! J'aime bien tes remarques


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