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 Sujet du message:
MessagePosté: 24 Sep 2005 19:21 
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Mais euh... kesk'ils font ces deux-là ?
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Inscription: 14 Mai 2005 21:42
Messages: 270
Localisation: en train de filmer Sirius& Severus^^
Citation:
bon, j'imagines qu'à ce stade t'as plus besoin de mes corrections, si?


Si bien sûr que tes corrections m'intéressent toujours! J'aime bien tes remarques

:shock: ah oui?? t'es bizarre quand même... des remarques du style de "là, tu as fait une faute d'orthographe... ici, une faute de frappe... Vive les tartes à la myrtilles!! ", c'est pas ce qu'il y a de plus constructif, non? :lol:


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 Sujet du message:
MessagePosté: 24 Sep 2005 19:35 
Ma tite Sô, faut pas te voir tout en noir voyons^^
Tas d'autres remarques, intéressantes celles-là^^


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 Sujet du message:
MessagePosté: 29 Sep 2005 20:29 
le 7e^^












Chapitre VII: Le joyau du désert






Cela faisait quelques moments qu’Endymion restait debout, droit, les bras croisés sur la poitrine, à regarder par la fenêtre. Les ombres, fruits du jeu des rayons de la lune pâle et des sombres nuages de cendres, jouait sur son visage de marbre. Son visage blanc comme le marbre, insensible comme le marbre, d’une beauté cent fois le surpassant. L’argent de sa boucle d’oreille renvoyait un éclat froid et dur.
Ses longs cheveux noirs, rivière de jais, ondulait doucement sous la brise nocturne à laquelle l’elfe faisait face. Jamais personne ne l’avait vu avec ses cheveux dénoués.
Il était toujours habillé de ses épais vêtements de cuir, de satin et de métaux, si sombres qu’ils lui faisaient comme gangue d’ébène. Ses yeux ne brillait d’aucune expression.
La chambre que l’on lui avait assigné était d’une taille respectable. Un lit à baldaquin de cèdre brut sculpté, une armoire d’acajou vernie, une commode aux dorures trop apparentes, un secrétaire de chêne. Des tapis, tissés avec le plus grand soin, recouvraient le sol. Au mur, un grand miroir ovale, encadré par une cascade de fleurs et de feuilles d’automne dont le bois luisait.
Aucune source de lumière, à part les contours fantomatiques qu’offrait la lumière lunaire, ne permettait de distinguer les choses dans la pièce. Une seule chose aurait attiré l’œil, ici : l’ombre noire qu’était le mage, devant la fenêtre. Une ombre plus obscure et plus intense que toutes celles qui peuplaient le monde une fois le disque d’or du soleil disparu derrière la ligne de l’horizon.
Trioch, elle aussi, goûtait à la brise, sur le bord de la fenêtre ouverte. Son petit corps noir luisait sous l’astre blanc comme un éclat de diamant noir.
Transcengel doit se trouver bien loin…

Oui.

Le sortilège de transportation est puissant. Tu est jeune, mais tu le maîtrise…Cela est étrange…Les elfes n’utilisent pas la magie…Mais toi, si. Endymion ?

Oui.

Pourquoi as-tu commencé à apprendre la magie ? Pourquoi avoir suivit l’entraînement du Garvija pendant ces années ?

Je ne sais pas. Quand une personne marche, c’est pour aller quelque part. A un endroit qu’elle connaît ou qu’elle ne connaît pas. Quand une personne veut traverser un fleuve et qu’un pont se trouve tout près, elle marchera jusqu’au pont et traversera ainsi. Cette personne, c’est moi. La rivière, je ne sais pas ce qu’elle est. Le pont est la magie. Mais peut-être que la magie est la rivière, où ce qu’il y a au-delà du pont.

Et…est-tu toujours sur ce pont ?

Je ne sais pas. Je ne sais pas si je marche dessus pour atteindre l’autre rive, ou si je suis debout au milieu, regardant l’eau qui défile sus mes pieds. Peut-être suis-je tombé dans l’eau. Peut-être ai-je finis de traverser. Peut-être même que je n’ai pas encore posé le pied sur le pont.

La veuve noire resta silencieuse. De ses multiples yeux, elle aussi regardait l’horizon. Elle imaginait toutes ces étendues, toute la surface d’Era, tout cet espace dont elle ne verrais jamais le tout.
Petite araignée, petite fileuse, jamais tu ne verra plus loin que les étoiles qui s’embrasent à l’horizon le matin. Petit être, tu voyageras, mais jamais tu ne saura tout du monde. Jamais personne ne saura tout du monde.
Endymion ?

Oui.

Ne ressens-tu pas de fatigue, maintenant ?

Non.

Tu as toujours été comme cela. Depuis que je te connais…Demain, tu emmènera l’impératrice à Transcengel, et je verrais pour la première fois de ma minuscule vie la grande cité du désert.


*

- Que fait-il donc ? s’impatienta Aurore.
Du bout des doigts, elle pianotait nerveusement sur l’un des bras du trône de marbre noir. Pour le voyage vers Transcengel, elle avait revêtu une longue robe moulante, entièrement faite de satin d’un rouge sanguin tirant sur le pourpre, fendue du côté gauche du haut de sa cuisse jusqu’à sa cheville, et fermée jusqu’en haut du cou. Ses longues manches épousaient les formes de ses bras jusqu’au poignets.
Elle passait son temps à passer l’une de ses jambes par-dessus l’autre, produisant un son froissé quand le cuir de ses deux bottes frottaient l’une contre l’autre.
Soudain, Asrial entra dans la salle du trône, avec toujours sa veste brune de cuir, mais portant dessous une chemise de velours grise et un pantalon de même couleur. Endymion cessa de s’appuyer contre le mur noir et décroisa les bras.
- Ah ! Enfin, tu est là ! s’exclama l’impératrice. Il y a du changement.
- Comment cela ? demanda Asrial, encore un peu plongé dans les bras du sommeil.
- Eh bien…, commença Aurore. Endymion, à l’aide du sort de transportation, ne peut emmener qu’une personne à Transcengel. Il faut donc qu’il emmène d’abord l’un de nous, puis revienne chercher l’autre.
Cette nouvelle réveilla le jeune homme d’un coup.
- Vous…Comment allez-vous faire ?
- Endymion m’emmènera d’abord au palais de Transcengel. Pendant ce temps, tu resteras ici. Puis il reviendra te chercher. Nous n’avons que cela pour…
…aller aider au plus vite Alexandryus. C’est cela que tu veux dire, Aurore ? Je ne sais toujours que croire…L’archange existe-il véritablement où toute cette histoire n’est-elle juste qu’une suite de supercheries ou de coïncidences ? Je vous accorde ma confiance, impératrice…alors, faites en sorte que je n’hésite plus à vous la donner, s’il vous plait…
Aurore se leva du trône au moment même où la Dame régente entrait.
- Majesté ! Partez-vous déjà ?
- Bien sûr, Dame Savinna. Endymion, voulez-vous ?
L’elfe s’approcha d’elle, d’un pas léger, presque inaudible. Il leva le bras devant lui, la main au-dessus de la tête, fermant les yeux. Puis, l’abaissant d’un coup sec, il les rouvrit.
Une seconde, Aurore aperçu encore la salle du trône. Puis, bien qu’elle aie les yeux ouverts, un voile totalement noir ferma sa vision. Une seconde entière n’était même pas passée, qu’elle se trouvait au pied de l’impressionnante et splendide citée de Transcengel, au beau milieu du grand désert.

*

Retour au miroir. Retour aux parfums, aux maquillages. Plus elle se contemplait dans le miroir, plus Julia était atterrée de ce qu’on faisait d’elle sous prétexte de l’embellir. Sa belle-mère avait insisté. Il fallait qu’elle soit présentable pour se rendre à la grande réception du baron d’Ildecast. Il fallait qu’elle ressemble à une dame, et non pas à un garçon manqué ou à une fille qui ne prend pas soin d’elle.
Mais je prend soin de moi, belle-maman…Je prend soin de moi, mais simplement pas de la façon dont tu le voudrais…Je ne me pomponne pas, je ne cours pas après les garçons, je fait ce dont j’ai envie. Est-ce que cela ne me permet-il pas d’être une femme ? Je suis une femme, mais une femme libre, libre d’être ce qu’elle est et ce qu’elle veut…
Ses longs cheveux blancs, d’ordinaires raides, avaient été bouclés et ondulés pendant de longues et interminables heures tout spécialement pour la soirée. Deux épaisses mèches, recouvrant ses joues et les deux profils de son visage, retombaient en ondulant comme deux cascades d’écumes scintillantes et lumineuses sur ses épaules et sa poitrine, se terminant en de voluptueuses boucles blanches. Et cela réduisait considérablement son champ de vision : elle n’y voyait plus que si elle regardait droit devant elle.
Quelques mèches fines, plus courtes, lui retombait devant le visage. On lui avait mis aux oreilles deux boucles d’or pur terminées par deux opales ovoïdes. Lourdes. Trop pour ses oreilles. Des mèches de cheveux s’échappaient derrières elles en bouclant.
Le reste de ses cheveux avait été tiré en arrière, et rattachés sur le haut à l’arrière de son crâne en un chignon retenu par un lacet d’or, auquel était piquées quelques grandes fleurs étoilées d’un doux blanc cassé, aux cinq longs et fins pétales, et au cœur d’or.
De son chignon retombait une longue et épaisse tresse qui lui descendait librement jusqu’en bas des jambes, accompagnée de quelques mèches ondulées, ainsi que de cinq autres toutes petites nattes, pas plus épaisses qu’un petit doigts d’enfant, qui coulaient le long de son dos. Quelques fleurs blanches parsemaient sa longue tresse et les épaisses mèches qui gênaient sa vision.
Autant dire que tout cela n’améliorait pas spécialement sa liberté de mouvements. Et ses cheveux, coiffés ainsi, lui tenait affreusement chaud. Sans compter le ras du cou doré, affublé d’une petite fleur blanche, qui lui serrait affreusement.
Ah, il faut souffrir pour être belle ? Eh bien si c’est cela, je préfère rester naturelle. Oh, ce corset me compresse la poitrine ! Je n’arriverais jamais à respirer normalement !
Le corset passé sous son bustier doré la faisait souffrir, et la comprimait en lui remontant les seins. Son décolleté descendait presque jusqu’en dessous de sa poitrine, la dévoilant en grande partie, sa peau pâle et douce exposée à la lumière et aux regards indiscrets. C’était tout juste si ses tétons ne pointaient pas aux coins de l’échancrure rectangulaire.
« Ma fille, si vous voulez vous marier, il faut bien que ces messieurs puisse voir comment vous êtes faites ! Cessez de vous enfermer dans ces frusques si peu digne du corps d’une jeune fille ! ». Parlez, Mère, parlez. Je n’ai jamais eu l’intention de me marier ! Non mais… ! Ce corset me soutiens tellement la poitrine…j’ai l’impression d’avoir des ballons en place de seins, à présent ! Et ce décolleté ! Je vais devoir subir les regards en biais des vieux vicieux ! D’ailleurs, pas que des vieux !
Un grand ruban de soie blanche lui ceinturait la taille et était noué en un grand flot dans son dos. Son décolleté, bordé de ces fleurs blanches en forme d’étoiles, s’ouvrait sur une collerette blanche de dentelle. Ses bras étaient comprimés dans des manches de satin doré s’arrêtant aux coudes autours desquelles étaient attachés des rubans d’or à flots, où à nouveau ces fleurs avaient étés passées. Julia se disait qu’elle allait en faire une indigestion. A partir de ses coudes, ses avants-bras étaient couverts par trois épaisseurs de volants de soie blanche qui réduisait ses mouvements et lui couvrait presque entièrement les mains.
C’est d’un pratique… !
Et sa robe ! Elle n’arrivait pas à marcher souplement ou prestement, et presque pas à s’asseoir ! Elle devait être complètement ridicule, ainsi déguisée.
Sa robe comportait six jupons et une large crinoline de fer, recouverts par une fine robe de satin blanc, toute dentellée. A cela s’ajoutait une autre épaisseur toute dorée qui s’ouvrait par devant sur ses dentelles, et dont l’extrémité était décorée de motifs de fils de soie crème, entrelacs et arabesques. Une petite traîne, aux épais ourlets d’or, toute parsemée et cousue de perles blanches et de motifs complexes, était attachée à sa taille par un monstrueux flots doré. Des rubans en retombaient, cousus aux aussi d’une ligne de perle, et ornés de nombreuses fleurs pâles.
Déjà, elle avait eu du mal à s’asseoir devant sa coiffeuse, avec tant d’entraves dans les jambes.
Elle venait de terminer de se faire maquiller. Un doux fard couleur d’or lui couvrait les paupières et les arcades sourcilières. Un peu de rose aux joues avait légèrement redonné plus de couleur, trop à son goût, à ses joues d’ivoire.
Et quel parfum entêtant émanait d’elle ! Elle cru qu’elle allait tourner de l’œil.
Julia se regardait depuis un moment dans son miroir, atterrée.
Même à travers la porte fermée de sa chambre, elle entendis sa belle-mère l’appeler, la tirant de sa rêverie horrifiée :
- Julia ! Mais que faites-vous donc, ma fille ? Pressez-vous, voyons !
C’est à cause de votre séance imposée de maquillage et de coiffure que je suis en retard, belle-maman !
La jeune femme se leva, repoussant brusquement son tabouret, et saisit une longue canne de bois blanc au pommeau d’or orné de fleurs blanches et de quelques rubans dorés, posée contre le mur. D’un geste brusque, elle ouvrit la porte et dévala les escaliers du mieux qu’elle pu, tentant de ne pas tomber à cause des trop petits talons de ses trop petits escarpins.
Quand elle arriva dans le hall, sa belle-mère lui lança :
- Voulez-vous donc nous mettre en retard chez le baron ?
- Mais non, Mère, mais non…
Julia descendit les dernières marches de marbre d’un pas lent, ennuyé. Son père, avec toujours son monocle cerclé d’or, avait revêtu une redingote noire, aux ourlets d’un léger mauve pâle, et au col droit et serré. Il portait comme toujours une cravate lavallière blanche. Jamais il ne portait de chemise à jabot. « C’est bon pour les jeunes paons » disait-il souvent. Cela faisait rire sa fille.
Sa belle-mère, elle, portait une énorme robe d’un profond vert émeraude sans manches, rehaussé par de nombreuses couches de satin noir. Un boa de fourrure était glissés entre ses bras, qu’elle avait passé autour de celui de son mari.
A quarante-sept ans, la marquise Mariva Felgard Afrevilay avait dix ans d’écarts avec le marquis. Ses cheveux roux, contrastants avec les cheveux gris du père de Julia, frisaient autour de son visage mince, élégant mais pincé. Relevés à l’arrière de son crâne en un petit chignon, ils semblaient comme des flammes ternes, presque éteintes, prises dans un filet. Ses yeux gris observaient Julia avec impatience et contrariété.
- Dépêchez-vous ! pressa-t-elle Julia. La voiture attend dehors et les chevaux s’impatientent. Le cocher n’arrivera bientôt plus à les tenir !
Eh bien qu’il les laissent courir, s’en aller ! Ils seront bien mieux libres qu’attachés à cette carcasse de bois…
- Oui, Mère, lâcha-t-elle avec son plus beau sourire hypocrite.
La famille d’Afrevilay sortit de manoir. Dehors, il faisait nuit. Julia monta dans la voiture à cheval à la suite de ses parents. Tandis qu’elle démarrait, Le marquis dit à sa fille, prenant un air grave :
- Julia, tu sais…le fils du duc De Calinath…
- Asrial ?
Papa ? Qu’y a-t-il ? Tu as toujours appelé Asrial par son prénom…Pourquoi ne le fait-tu pas aujourd’hui ?
- Papa, qu’y a-t-il ?
Le marquis regarda Julia avec des yeux étranges, comme tristes.
- Je…non, ce n’est rien…

*

En entrant dans le premier salon de réception croulant de monde de la demeure du baron d’Ildecast, Julia repéra immédiatement Eloïse. La jeune femme était assise sur un long fauteuil recouvert de velours rouge, la tête appuyé sur l’un de ses poings, l’air de s’ennuyer fermement. Ses cheveux roux étaient remontés à l’aide d’un pince en bois de rose, quelques mèches ondulantes retombant sur son délicat visage bougon. Deux petites boucles d’oreilles d’argent scintillaient près de ses mâchoires, et un collier minuscule et presque invisible de fils d’argents où quelques perles blanches étaient passées, lui enserrait tout le cou et cascadait sur sa poitrine.
Son décolleté était bordé de fines étoffes blanches et froissées, fermé par un bouton d’argent orné d’une rose. Par-dessus ses longues manches de satin pourpre, elle avait passé deux gants de satin rose pâle. Une longue bande de tissu de même couleur lui tenait lieu de ceinture et soulignait sa taille fine et gracile. Un grand éventail dont elle ne se souciait pas le moins du monde gisait sur la banquette, à côté d’elle.
Quand elle aperçut Julia dans la foule, elle se leva d’un bond, faisant bruisser sa longue robe à paniers d’un rose pâle, couverte de longues bandes d’étoffes blanches translucides et de roses.
- Julia !
La fille du marquis d’Afrevilay se fraya un chemin parmis les invités, semant ses parents au passage. Ceux-ci se dirigèrent vers le second salon, une salle de bal. Partout autour d’eux évoluaient les invités du baron, déployant tous leurs habits d’apparats, créant un murmure nerveux et permanent, une sorte de bruit de fond, alliant des éclats de rires aux conversations animées, les gloussements des jeunes filles aux badinages des jeunes hommes, les saluts à l’entrée de la salle aux ordres donnés aux domestiques.
- Julia ! Ta belle-mère a encore réussi à te convaincre de porter une de ces robes ? demanda Eloïse en pouffant.
- Tu n’est pas dans une meilleure posture que moi, ma chère ! répondit aussitôt Julia en riant.
Du coin de l’œil, elle repéra sa belle-mère qui, les observant, leva les yeux au ciel avant de retourner à ses occupations.
- Non, c’est vrai, avoua Eloïse. Mais… ? Elle a même réussi à te faire mettre du maquillage ? fit-elle d’un air exagérément choquée. Serait-tu en train de faiblir, Julia ?
Elle éclata de rire. Un rire qui passa tout à fait inaperçu dans le brouhaha incessant qui ne cessait de monter de partout à la fois.
Julia essaya de reprendre son sérieux, sans y arriver véritablement. Elle finit par dire :
- Asrial n’est pas là ?
Eloïse retrouva son air anxieux d’une seconde à l’autre.
- Non. Son père vient de mourir, il faut lui laisser le temps de s’en remettre…Nous irons voir comment il va demain.
Julia acquiesça. Puis elle demanda :
- Tu as vu Baptiste ?
Une ombre passa sur le visage d’Eloïse. Mais elle la chassa d’un coup.
- Non, je ne l’ai pas encore vu…
- Oh, le voilà !
Baptiste venait d’entrer dans la pièce, habillé d’une longue veste verte émeraude cousue d’argent et de diamants, fendue à l’arrière jusqu’à son buste. Il avait toujours aimé le vert. Et cela n’en faisait que plus merveilleusement ressortir ses boucles d’or, peignés en arrière et ramenés en un petit catogan approximatif orné d’un flot de velours noir. Il portait, dessous, une légère chemise noire sur laquelle se déversaient plusieurs lourds colliers d’argent et de diamant. Ses longues bottes noires parfaitement cirées renvoyaient la lumière.
Sur son visage se lisait une touche d’inquiétude, d’anxiété, et de nervosité. Mais la joie y transparaissait aussi. Il semblait chercher quelqu’un dans la foule, sans parvenir à le trouver.
Julia se précipita vers lui, autant que le lui permettait son encombrante habit.
- Baptiste !
D’un geste mécanique, brusque, il se retourna. Ses pupilles étaient dilatées, et il semblait transpirer. L’atmosphère ici était, il est vrai, lourde et chaude, mais ce n’est pas cela qui le faisait suer, Julia le sentait. Il était nerveux, ses gestes étaient fébriles et tremblants.
- Julia… ! Je…Bonsoir…
- Eh bien, qu’est-ce qui ne va pas ? lui demanda-t-elle en un sourire amusée, sûre déjà de connaître la réponse.
- Oh…Rien ! Rien du tout…C’est juste que…il fait chaud, ici.
- Mmm…Oui, tu as raison. Nous étouffons !
Eloïse s’approcha à son tour, très posée.
- Bonsoir, Baptiste …, fit-elle doucement en lui déposant un baiser sur la joue, sans le regarder dans les yeux plus d’une seconde.
- Bonsoir, Eloïse…Tu est ravissante, ce soir…
Ne joue pas avec moi… Tu n’a jamais su jouer un rôle correctement dans une pièce de théâtre, alors ne te risque pas à cela…
Il regarda encore autour de lui, cherchant des yeux.
Eloïse réprima un frisson.
- Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Baptiste en revenant à elles deux.
- Rien. J’ai…un peu froid.
- Elle n’a pas tord…, renchérit Julia.
- Vous avez froid ! fit Baptiste en riant. Eh bien, cela peut paraître normal, avec de tels décolletés…
- Tu insinue que je suis comme toutes ces dindes ? demanda Julia, furibonde.
- Non, non, pas du tout ! fit Baptiste sans cesser de rire.
Voyant l’expression à faire peur de Julia, il continua :
- Heureusement que tu n’a pas emporté ton sabre…
- J’ai une canne, cela fera tout aussi bien l’affaire, si je dois t’embrocher…
Baptiste éclata de rire une nouvelle fois, alors qu’elle brandissait sa canne comme pour mettre sa menace à exécution, s’attirant au passage des propos réprobateurs. Soudain, quelque chose attira l’attention son attention. Quentin d’Ildecast venait d’entrer, vêtu d’un pourpoint amarante, une étoffe de soie noire lui enserrant le cou. Ses cuissardes de feutre noir faisait ressortir la longueur de ses jambes fuselées, et son veston cintré, sa taille élancée. Ses épis et ses mèches rebelles et noires s’échappaient de sous un haut-de-forme de feutre de même couleur que son veston.
Il discutait, entouré d’un groupe de jeunes hommes. Julia décida de s’approcher discrètement. Prétextant le fait qu’elle en avait assez de rester debout, elle alla s’asseoir sur l’un des fauteuils, près de celui où Eloïse avait laissé son éventail. Elle l’ouvrit devant son visage et l’agita comme une précieuse, s’atirrant les fous rire de ses amis. Du coin de l’œil, elle surveillait Quentin.
Eloïse avait compris son intention. Baptiste lui aussi avait repéré Quentin. Incapable de tout mouvement sur le coup, il fallu qu’Eloïse le pousse vers une autre banquette. Julia écoutait.
- Alors, Quentin, quand commence-tu à apprendre à manier l’épée ? demanda, ironiquement un jeune homme blond.
- Il faudra bien que tu sache protéger ta femme ! s’exclama un autre.
- Pourquoi ne parle-tu pas un peu plus ? Tu sais, il y a plein de belles filles autour de toi ! Regarde, elles n’attendent que toi ! fit un autre en désignant Julia et un groupe de jeunes femmes.
La fille d’Afrevilay eu envie d’étriper quelqu’un et ses doigts se crispèrent de façon très peu précieuse sur son éventail qu’elle agitait furieusement comme pour chasser de la fumée.
Le pauvre…A cause de son détachement et de son désintérêt des choses populaires, on ne fait que de le harceler…Pourtant, il est si gentil et si différent…
Quentin continuait à essuyer les railleries, les sarcasmes et les brimades avec un air las, ennuyé. Que pouvait-ils contre lui, après tout ? Tout n’était que raillerie. Il les dépassaient d’un ou deux bon pouces et sa carrure restait dissuasive.
Soudain, il croisa le regard de Baptiste et son attitude changea du tout au tout. Une goutte de sueur glissa le long de sa tempe. Il lança un regard souriant au blond, dévoilant du même coup son tendre sourire.
- Excuse-moi…, souffla Baptiste à Eloïse.
Avec des gestes raides d’automate, il se leva et se dirigea vers le grand balcon, où personne ne s’était aventuré de la soirée, craignant les coups de vents froids. Il appuya les mains sur le garde-fou de pierre.
- Quentin…qui est-tu donc ?
Il alla se réfugier dans l’ombre, sur le côté de la terrasse qui n’était pas visible de l’intérieur, et s’y terra, seul.
Julia l’avait remarqué. Elle quitta son fauteuil pour rejoindre Eloïse.
- Pourquoi Baptiste est-il parti ?
- Je ne sais pas…Il est sur la terrasse. Tu crois que nous devrions aller le voir ?
- Non…non, je ne pense pas. Il faut…
- Julia !
Celle-ci se prit la tête entre les mains ; c’était sa belle-mère qui venait de l’appeler, et la jeune femme était sûre de ce qu’elle allait lui dire.
- Cache-moi, Ellie, cache-moi !
- Tu viens de briser mon éventail, je ne peut plus rien faire pour te soustraire à sa vue, fit-elle avec un sourire.
- Ma fille, venez ! On vous réclame pour jouer ! Tous le monde attend un de vous charmants récitals ! Un clavecin vous attend !
Ce n’est pas vrai…pas encore !
Eloïse se retenait tant de rire qu’elle était rouge et qu’elle en avait presque les larmes aux yeux.
- Dommage…, fit-elle en riant à moitié.
Elle se leva et dit :
- Je viens pour t’encourager ! pouffa-t-elle avant de se diriger vers le second salon, la grande salle de bal.
Tous les invités s’y rassemblaient. Tous se massaient dans la salle de bal pour écouter Julia jouer. Il était vrai qu’elle jouait merveilleusement du clavecin. Elle savait également jouer du piano et du violon, mais l’aristocratie du pays avait décidé que la grande mode était au clavecin. Et par conséquent, à chaque fois qu’elle se trouvait traînée de force dans une des soirées ou des réceptions auxquelles se rendaient ses parents, il était quasiment sûr qu’il lui serait demandé de jouer pour les invités.
Le premier salon était à présent vide de toute présence. Même les lumières avaient étés soufflées, et seule la clarté de la lune éclairait la salle…et le balcon.
En marchant vers son destin comme vers l’échafaud, Julia croisa Quentin. Le groupe de mauvaises langues l’avait quitté pour la salle de bal. Le jeune homme semblait chercher quelqu’un. Julia, passant près de lui, lui souffla:
- Il est sur la terrasse.
Quentin l’observa avec une expression surprise et angoissée, mais Julia, toute d’or et d’albâtre, disparaissait déjà entre les ombres de la foule, sous les acclamations.
Le jeune d’Ildecast resta un instant ainsi, le regard rivé vers l’endroit où Julia avait disparue. Puis il se souvint de Baptiste.
Ses pas le dirigèrent directement vers la grande terrasse de marbre et de pierre. Arrivé juste devant, il hésita. Puis, d’un pas incertain, il pénétra sur le balcon, laissant la lumière blafarde de la lune le recouvrir de son manteau. Personne ne s’était aperçu de son absence. Son père était de toutes façons habitué à ses disparitions subites.
Un mouvement, sur sa droite, attira son attention. Etonné, Baptiste se relevait, appuyé à la balustrade comme pour ne pas tomber, les yeux agrandis comme si il découvrait Quentin pour la première fois.
Pour moi, c’est toujours la première fois…
- Baptiste … ? fit Quentin de sa douce et profonde voix.
Suave. Chaude. Voluptueuse. Calme.
Il s’approcha de son compagnon, et posa ses mains sur le parapet, encerclant Baptiste. Celui-ci, crispé, s’aplatit contre la rambarde de pierre.
- Quentin, j’ai réfléchi…, dit-il d’une voix incertaine et un peu tremblante.
Les coquelicots refleurissaient sur ses douces joues de porcelaine. L’autre pencha la tête sur le côté, une lueur intrigué dans son regards toujours riant et brillant, comme pour dire « Oui ? ».
Baptiste lui tourna le dos, les mains sur le parapet, s’abîmant dans la contemplation d’Artolanth illuminée la nuit. Son ami avança encore un peu vers lui, sans un bruit. Doucement, il posa doucement ses mains sur les siennes. Un frémissement parcouru le corps de Baptiste.
- Quentin…tu sais…je tiens beaucoup à toi…mais peut-être pas de la même façon que toi…
- Si.
Le brun releva la tête des douces boucles de Baptiste et regarda le ciel.
- Comment peut-tu le savoir… ?
- Je le sais.
L’étreinte des mains de Quentin se resserra sur celles de son compagnon. Un sourire tremblant se dessina sur les lèvres sèches de Baptiste, bien qu’il sentit encore les ponts de l’anxiété tendus entre eux deux.
Baptiste baissa la tête et ferma les yeux. Il sentait la douce chaleur qui émanait du corps qui l’entourait. Les mains, longues et déliées, qui couvraient les siennes. Un étrange sentiment de bonheur se propageait sans son corps par ondes, par vagues, se retirant puis revenant, mais jamais absentes, comme une marée. Quand Quentin n’était pas là, c’était la marée basse. Parfois même, c’est comme si la mer et ses vagues s’étaient asséchées.
Même s’il ne le voyait pas, Baptiste sentit que Quentin souriait. Un sourire heureux et deux yeux fins et brillants. Bleus comme deux ciel d’orage azurés et argentés.
D’un coup, Baptiste se retourna, coupant le contact de leurs mains, se retrouvant face aux yeux gris de Quentin. Des yeux dans lesquels il n’osait pas encore plonger tout entier.
Quentin saisit son délicat menton entre ses longs doigts d’ivoire et le releva pour que ses yeux plongent dans les siens. Il sourit et ses yeux pétillèrent. Il approcha son visage du sien.
Baptiste, bien qu’à l’air libre et froid, sentit une goutte de sueur descendre le long de sa tempe jusque dans son cou.
Quentin posa tendrement sa main sur sa joue, ses doigts glissants doucement entre les mèches de ses cheveux d’or.
Baptiste sursauta et écarquilla tout grand ses yeux couleur de sous-bois.
Les lèvres de Quentin venait de toucher les siennes, délicatement, pour ne pas le presser, caressantes et tièdes. Elles étaient sèches et infiniment douces, enjôleuses.
Baptiste senti une bouffée violente de chaleur lui balayer le visage et son corps fut parcouru de tremblements voluptueux et incontrôlés.
Les lèvres de Quentin jouaient avec les siennes, qui s’humectait doucement à leur contact. Presque inconsciemment, le blond crispa ses mains sur la veste de son aîné, s’accrochant à son ami comme s’il avait peur de le perdre sur l’instant. La main de Quentin continuait de serrer le menton de porcelaine entre ses doigts pour le forcer doucement à continuer ce baiser. Il passa son autre bras autour de sa taille gracile et l’appuya précautionneusement contre son torse, sentant son mince corps tremblant contre le sien. Leur lèvres jouaient, se frôlaient, se caressaient, s’aimaient.
Baptiste se sentait submergé par nombre d’émotions, aussi disparates qu’il était possible. Sentir les mains de son compagnon sur sa peau était pour lui quelque chose de merveilleux. Son corps contre le sien… ! Goûter aux formes douces de son corps avec chaleur !
Baptiste sursauta de surprise, mais se calma alors que Quentin, avec à nouveau cette anxiété légère, resserrait son étreinte. Timidement, presque insensiblement, Quentin pénétrait dans la bouche de son cadet, sa langue caressant la sienne avec affection. Peu à peu, elles se mêlèrent dans une languide danse amoureuse. Il la sentait, douce et chaude, s’insinuer sans sa bouche comme du miel, aguicher la sienne, la taquiner, l’étreindre, tandis que leur lèvres se faisait l’amour lascivement.
Baptiste se laissait guider par son ami. Il n’était plus maître de lui-même. Il s’abandonnait à lui, entièrement.
Il oubliait la réception, les invités, les notes qu’égrenait le clavecin dans l’air nocturne, la clarté de la lune qui les enveloppaient comme une couverture, le murmure incessant venu de la ville. Il ne voulait plus que rester près de Quentin, contre lui. Le simple fait d’être à ses côtés était un véritable bonheur, un plaisir. Un sentiment d’amour véritable l’envahissait alors pour le première fois de sa vie.
Il avait envie de rester pour toujours comme cela, dans les bras de Quentin. Sans rien faire à part l’aimer. Sans rien faire à part se sentir aimer.
Alors comme à regret, leurs langues se séparèrent, leurs lèvres se quittèrent, leurs visages s’éloignèrent.
La poupée de porcelaine se serra encore plus fort contre son aîné, enfouissant sa tête contre sa poitrine
Affectueusement, Quentin lui caressa les cheveux, passant son bras autour de ses épaules. Puis, ne tenant plus sur ses pieds, il s’écroula au sol, contre le garde-fou de pierre, un sourire lumineux et pétillant sur les lèvres et dans les yeux. Et il riait. Effondré sur lui, Baptiste riait aussi, serrant toujours contre lui l’être tant aimé, riant dans son cou.

*

Sous les applaudissements des convives, Julia descendit de l’estrade où trônait un grand clavecin entièrement peint et verni avec la plus grande finesse. Elle s’engouffra dans la foule qui se dispersait à nouveau, rejoignant son amie.
- As-tu vu Quentin et Baptiste reparaître ? demanda-t-elle d’un air inquiet.
- Non, répondit Eloïse. Baptiste est avec lui ?
- Oui, je lui ai dit qu’il se trouvait sur la terrasse.
Eloïse ouvrit de grands yeux.
- Oh non, s’alarma Julia. Les gens sont en train de revenir de le premier salon ! Si on les découvres ensemble, cela va être une catastrophe ! Ils se feront sûrement les écharper !
Je crois que j’exagère à peine…
- Allons les prévenir…, murmura Eloïse.
Julia la prit par la main et l’entraîna vers le premier salon, se dirigeant droit vers le balcon. Personne n’y avait encore mis les pieds, remarqua avec soulagement Julia.
D’un pas assuré, elle sortis à l’air libre. Ses yeux balayèrent le balcon, sans trouver de traces des deux amants.

*

- Pourquoi ne sommes-nous pas à l’intérieur ?
La voix d’Aurore ne résonna absolument pas dans le silence presque complet qui régnait sur le désert. Le soleil était presque à son zénith. Aurore se rapprocha d’Endymion. Un doux coup de vent frais fit voler ses cheveux flamboyants. Quelle bénédiction que le vent, en un tel endroit ! Le ciel était bleu, sans le moindre nuage. Le soleil, aveuglant astre de lumière, brillait plus que tout et inondait de sa chaleur les dunes du désert Soliphyus, faisant onduler l’air. Souvent, cette partie du désert était balayé par un doux zéphyr, ce qui y rendait la vie supportable. Quelques oiseaux traversait lentement le ciel, points noirs sur fond d’azur. Valfos les regarda passer avec un lueur d’envie dans ses yeux de rapace, mais restant cependant sagement sur l’épaule de sa maîtresse.
- La transportation est un sortilège instable, expliqua impassiblement Endymion. Sa performance peut être mis à l’épreuve, ou être tout bonnement stoppé par un obstacle physique tel que les rempart de la cité.
- Je vois…La magie est comme toute chose, n’est-ce pas ? Elle a ses limites.
L’elfe noir ne répondit pas. Aurore déboutonna et entrouvrit le haut col de sa longue robe, se tournant vers la colossale cité du désert. L’une des plus grande d’Era. Transcengel, une immense et gigantesque pyramide vide de cristal d’une douce nuance bleutée, se dressant entre les dunes, réfléchissant la lumière du soleil comme un énorme joyau brillant de milles éclats. Son pied, s’enfonçant dans le sable, n’avait comme pas été finit ; on aurait dit que le géant qui avait taillé cet énorme pyramide avait oublié d’achever son travail, laissant la base de cristal brute, inachevée, imparfaite, recouverte de milliers et de milliers de facettes brasillantes.
Aurore et Endymion n’atteignaient même pas la taille d’une fourmis face au monument cristallin, tant la taille de la pyramide était grande. L’épaisseur de ses parois avait de quoi repousser l’assaut le plus redoutable ; elle atteignait bien trois ou quatre perches. Malgré cela, elles étaient tout à fait limpides, et, se trouvant d’un côté du titanesque joyau, on pouvait observer au travers la forme des dunes se trouvant de l’autre côté, leurs contours troubles, comme peints à l’aquarelle.
Flottant dans les airs à quelques toises au-dessus de la pointe que la pyramide dirigeait vers le soleil, une seconde colossale construction réfléchissait la lumière. C’était un immense octaèdre de cristal. Une immense double pyramide flottante à base commune, vide elle aussi, dont la partie inférieure ne faisait que le tiers de la hauteur de la partie supérieure. Plus petite que la pyramide terrestre, elle aussi était limpide comme de l’eau pure. Et elle aussi possédait une partie comme inachevée : les arêtes communes aux deux pyramides constituant le monument flottant étaient invisibles, non existantes. A cet endroit aussi, le cristal était laissé comme brute, comme taillé de façon aléatoire au couteau, à la hache, avec des milliers de facettes miroitantes.
La ville de Transcengel à proprement parler se trouvait à l’intérieur de l’octaèdre de cristal flottant. La base commune aux deux pyramide servait de surface plane où se trouvait les habitations. Cette aire était couverte de sable, comme un petit désert. Des arbres et des points d’eau y étaient même, au fil des siècles, apparus.
Pour les personnes qui y venaient pour la première fois, Transcengel était bien sûr impressionnante. Pour les personnes qui y étaient déjà venues, elle restait impressionnante.
- Il n’y a personne…, souffla Aurore. En cette saison, les alentours de Transcengel sont désertés…même si les portes de la cité restent ouvertes.
Le soleil étincelait. Heureusement pour eux, Aurore et Endymion se trouvait au pied de Transcengel. S’ils s’étaient trouvés plus loin, sur les dunes alentours, ils n’auraient pu regarder la cité tant l’éclat reflété du soleil était grand et aveuglant.
Comment arrive-t-il à garder ses vêtements noirs sans même transpirer ? se demanda Aurore en regardant Endymion.
- L’entrée est par là, déclara celui-ci.
Suivant le mage, l’impératrice longea l’immense paroi limpide aux milles facettes. Après quelques instants, ils se trouvèrent devant un vaste cercle de runes gravées dans le cristal. Des vieilles runes, des runes du peuple nain. Des runes épaisses, à angles droits, hautes comme un bras. Alors qu’Endymion s’approchait, la vue d’Aurore se troubla, comme si elle se sentait prête à défaillir, comme ses des larmes emplissaient ses yeux. Endymion était une vague tache noire ondulante près du cercle de runes qui semblaient disparaître. Puis, progressivement, sa vue se rétablit et elle put à nouveau observer l’elfe, le ciel bleu vierge de tout nuage, la paroi gigantesque de la pyramide. L’espace de la surface de cristal délimité par les runes s’était envolé, révélant un long tunnel rond, parfaitement lisse, s’enfonçant dans la paroi bleutée et translucide.
Sans attendre, l’elfe noir s’introduisit dans ce nouveau chemin, ses longs cheveux de jais agités par la douce brise du désert. Ses pas résonnaient, clairs, tandis qu’il se dirigeait vers l’intérieur de la pyramide. Aurore repoussa les quelques mèches de cheveux qui collaient à son front et ses temps recouverts de sueur, et emboîta le pas au mage.
Traversant l’épaisseur du cristal, Aurore songea :
Il est vrai que Transcengel est impressionnante…de l’extérieure déjà, mais de l’intérieure !
L’elfe et l’humaine pénétrèrent dans l’immensité de la pyramide, la partie terrestre de la cité du désert. Sa base, totalement plane, lisse, était comme un gigantesque miroir, et les quatre face, à travers lesquelles on pouvait observer le ciel et les passagers volatiles des courants aériens, à qui Valfos, qui n’avait dit mot depuis leur arrivé au désert, enviait leur sort.
Il ne régnait à l’intérieur que le silence et la fraîcheur. Après la chaleur des dunes du désert, il y faisait presque froid. Aurore se rapprocha d’une des parois pour observer, à l’extérieur, les dunes de sable écroulées contre les flancs de la pyramide.
Que cette surface est lisse…même un lézard ne pourrait y grimper…
- Majesté.
- Oui ?
- Venez.
Aucun sentiment…aucune émotion…rien que le vide…Comment une telle chose peut-elle être possible ?
Aurore rejoignit Endymion près d’un grand bassin circulaire, bordé lui aussi de runes naines, remplis d’une eau pure et limpide où s’épanouissaient quelques nymphéas dont la blancheur se reflétait dans l’eau. Six petites colonnes de marbre blanc l’encerclait, et quelques marches descendaient progressivement dans l’eau, sans qu’on l’on puisse en voir la fin. Pourtant, le bassin ne devait faire plus de deux ou trois pieds de profondeur.
Endymion descendit quelques marches, repoussa les pans de sa robe de cuir noir et s’accroupit. Doucement, il plongea sa main dans l’eau, la touchant comme s’il fut agit de quelque étoffe, et ferma les yeux, se laissant comme envahir par quelque chose à qui la nature n’avait donné de corps matériel. Jusqu’à présent immobile, l’eau fut sillonnée de rides. Aurore observa son profil.
Qu’il est beau…Les elfes…Sont-ils tous comme lui ? Je n’en avait jamais vu jusqu’à ce jour…Les royaumes des confins du monde existent-ils tous réellement ? Sont-ils comme les fables et les contes le décrivent ?
- Nous pouvons y aller, Majesté, déclara Endymion en se redressant.
Sortant de sa rêverie, Aurore répondit, évitant le regard d’améthyste et de cobalt de l’elfe :
- Oh, euh…oui, oui, bien sûr !
Endymion reporta son attention sur l’eau oscillant encore faiblement. D’un pas sûr, il descendit le reste des marche et pénétra dans l’eau. Ses cheveux noirs ondulaient à la surface tandis qu’il s’enfonçait, de plus en plus. Il descendit encore, puis l’eau recouvrit sa tête, et il disparut. Aurore le suivit et disparut sous les remous liquides et le bruissement léger des nénuphars agités.
Elle émergea de l’onde tandis qu’un doux zéphyr l’enveloppait de sa fraîcheur. Ses cheveux de cuivre tombaient autour de son visage comme une cascade rousse, coulant sur ses épaules. D’un geste uniforme, elle passa quelques mèches derrière ses oreilles et retrouva Endymion au sommet du petit escalier qui les séparaient. L’impératrice jeta un regard en arrière.
…ce bassin est exactement le même que celui d’en bas…cela va même jusqu’au même nombre de fleurs…
Dans la pyramide supérieure, celle qui, flottant dans les airs, abritait la ville de Transcengel, le vent traversait les murailles de cristal, apportant ses bienfaits vitaux aux habitants. Un sable doux recouvrait le sol, et quelques arbres se balançaient dans les courants aériens. Valfos, n’y tenant plus, s’élança dans es airs en poussant un cri bref et strident.
Le bassin qui reliait la pyramide du bas à la ville se trouvait devant les portes de Transcengel. De grandes portes d’or engoncées dans une mince et petite muraille blanche qui faisait le tour de la ville. Les hauts bâtiments aux murs lisses et lactescents s’élevaient par-delà, parfaitement droits. Les rayons du soleil se réverbéraient sur les nombreuses coupoles dorées qui florissaient comme autant de fleurs d’or aux corolles encore fermées, réchauffées par la chaleur solaire.
- Allons-y, fit Aurore, un instant après s’être abîmée dans la contemplation de la ville.

*

Elle m’a laissé ici…mais…reviendra-t-elle ? Elle est si…imprévisible…Et puis tout c’est passé si vite…
Asrial croisa les bras sur le rebord de la fenêtre de sa chambre, et posa la tête dessus. Le soleil s’était couché et la nuit parée d’étoiles avait pris sa place.
Quand reviendra-t-elle… ?…Quand reviendra-t-il ? C’est lui qui doit revenir pour me chercher…Endymion…Quel homme étrange ! Il ne connaît rien des sentiments ? Mais comment est-ce possible ?…Ne doit-il pas…en souffrir ? Non, bien sûr que non, puisque toute émotion lui est inconnue…
Le jeune homme déplaça ses yeux de l’horizon pour les diriger vers les Monts de Feu, dont les fumées noires recouvraient le ciel du nord, une obscurité parfois embrasée par une colonne de feu jaillissant des entrailles de la terre.
Plus je me force à vider ma tête de toute pensée, et plus elles ressurgissent en nombre…Tant de choses se sont passées en si peu de temps…Je ne peux m’empêcher de songer à Artolanth…Pourtant je sais qu’y revenir serait une folie…J’aimerais pourtant les revoir…mes amis…malgré moi, je ne veux pas que vous me voyiez comme un monstre, sans que je puisse me défendre contre les jugements qui seront prononcés contre moi, là-bas…
Asrial ne put s’empêcher de sentir un sourire nostalgique naître sur ses lèvres. Ses lèvres qui n’en avaient esquissé un depuis longtemps, maintenant. Des années…des décennies entières lui semblait-il, tant cela lui paraissait inhabituel.
J’aimerais tellement savoir ce que vous avez pensé de moi…ce que vous pensez de moi…vous trois…Mais peut-être, tant la surface que couvre Artolanth est grande, peut-être que vous n’avez encore eu vent du carnage dont je suis l’auteur…Ha ha ! Un auteur inconscient, oui ! Un auteur qui ne sait pas comment il a réalisé sont chef-d’œuvre…Oh…J’aimerais tant revenir…Mais j’en ai peur, une incommensurable peur…Peur de votre vision de moi…peur de vous…Pourtant, j’essaie de m’en défendre…
Sans qu’il puisse la retenir, une petite goutte limpide, étincelante dans la lumière s’étiolant du soleil, glissa le long de sa joue et tomba sur sa main. Il soupira doucement.
Cet homme…étrange me revient lui aussi à l’esprit…Général Morgan…Vynce…indéfinissable…Il est si…Son comportement m’a fait étonnement réagir ? Mais qui est-il…réellement ? On dirait qu’il ne fait que jouer un rôle difficile à jouer…et en même temps…on dirait qu’il y prend plaisir…Qui est-il ?
Tandis qu’il essayait de chasser l’image de l’homme aux yeux verts, une autre pensée s’immisça dans son esprit. Une autre larme roula sur sa joue. Mais celle-ci n’avait rien à voir avec cette pensée. Depuis combien de temps n’avait-il pas pleuré ?
Alexandryus…seules les plus anciennes légendes d’Era parlent des archanges…Les archanges ? Selon les anciens écrits, ce sont des êtres de lumière pure, de sagesse et de puissance…Les valets de la Petite Lumineuse… Les esprits ne sont le rassemblement, le point culminant de forces rassemblées en une seule entité…C’est cela, un esprit ? Oui, c’est cela…ce n’est que cela…l’incarnation du paroxysme de la force d’un élément du monde… …tout ce qui compose le monde……Mais personne n’a vu jamais d’esprit, et personne n’a jamais vu d’archange…Aurore est pourtant certaine qu’Alexandryus attend, quelque part…Mais moi aussi, pourtant, je crois que je veux y croire…Si Saeptum est bien réel, pourquoi ne serait-ce pas de même avec Alexandryus ?
Asrial repoussa quelques mèches brunes qui lui retombaient devant les yeux, tandis qu’une autre larme, semblable à une petite perle de cristal, si fragile, courait sur sa peau pour venir abreuver le cuir de sa manche. Un nouveau soupir, un soupir chargé de chagrin, de regret et d’une vague et étrange mélancolie, s’échappa d’entre ses lèvres.
Ma vie…que va devenir ma vie à présent ? Je suis à la recherche d’un archange…La dégénérescence d’un monde encore jeune…La dégénérescence ? Oui…la déchéance, le déclin, la déliquescence…Un monde qui, comme un rêve, tombera en ruine…des ruines qui vivront encore, qui survivront encore, malgré leur souffrance abominable, leurs vie à moitié disparue, leurs espoirs fanées de revoir un jour les existences heureuses d’antan…Des existences bien ordinaires…On naît, on vieillit pendant un temps, puis on meurt…La vie n’est qu’un court d’eau qui s’assèche sous la chaleur du soleil…Si Seaptum n’est pas arrêté par Alexandryus, Era connaîtra une ère d’accablement, de dépression, plein de ruines et rêves envolés…Oui, ce sera l’Ere des Ruines…les ruines de nos vies…nos vies qui pourtant subsisteront, mais qui subiront à jamais l’horreur constante dans un monde à l’agonie, jusqu’à ce qu’elles s’envolent et replongent dans le néant…Les Limbes…
…Limbes…

Ha ha ! Et moi qui me souci des misérables problèmes que m’apporte ma pauvre existence…une existence qui je crois n’a plus aucun but, à présent…
…à moins que…


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MessagePosté: 02 Oct 2005 10:55 
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J'aime particulièrment la scène du bal avec Julia et la scène qui précède où elle parle de tout ce qu'elle a du subir.

:suite: :suite: :suite: :suite: :suite:

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The Doctor: [Irritated] Oh, don't start!
Captain Jack: I was only saying 'hello'!"

Non non je ne suis pas monomanique en ce moment


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MessagePosté: 02 Oct 2005 14:10 
Valmont a écrit:
la scène qui précède où elle parle de tout ce qu'elle a du subir.

Oui j'ai pris bcp de plaisir à écrire cette description^^


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 Sujet du message:
MessagePosté: 03 Oct 2005 08:20 
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Citation:
Oui j'ai pris bcp de plaisir à écrire cette description^^


ça se voit et c'est super bien écrit jesuis ébahie ;)

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MessagePosté: 06 Oct 2005 11:50 
Merci Valmont t'est trop choupi! :oops:
Voilà le 8e chapitre^^









Chapitre VIII: Ventorultimo la Tourbillonnante





Le palais était encerclé par une haute muraille blanche dépassant de leur hauteur celles de la ville-même, surplombée par plusieurs tours immaculées, hautes et minces, leurs toits comme des flèches d’or pointées vers le ciel. L’édifice en lui-même, dressé au centre, possédait quatre ailes, formant une croix. Au milieu, un grande tour ronde surmontée d’une coupole d’or s’élevait fièrement. A l’extrémité de chacune des ailes du bâtiment, une tour avait été construite, étant reliée à celle du centre par un imposant arc-boutant de marbre blanc.
Grande ouverts, les battants de laiton des portes du palais offraient un libre accès à la grande cour circulaire, entre les murailles et le palais. Sitôt passé sous l’arche de marbre blanc qui les surplombaient, Aurore Endymion se dirigèrent vers le grand escalier immaculé qui conduisait aux portes du palais proprement dit. Deux gardes les arrêtèrent.
- Halte ! Qui êtes-vous et que voulez-vous ?
Endymion resta de marbre, mais Aurore s’approcha en disant :
- Nous sommes…de hauts dignitaires venus de la Cité de Fer. Mon ami ici présent est mage. Nous souhaiterions nous entretenir avec Dame Elywen.
L’un des soldats sembla étudier la requête, puis répondit enfin :
- Bien. Venez, nous allons vous conduire à elle. Eh ! Varius, Meltdor ! Remplacez-nous !
Les deux militaires hélés par le garde accoururent et prirent les postes de leurs compagnons.
En pénétrant dans le vaste hall d’entrée du palais, Aurore se sentie submergée par une vague de fraîcheur qu’elle goûta avec plaisir. Tout était fait de marbre blanc. Le sol, lisse, poli comme un miroir, leur renvoyait une légère image translucide d’eux-mêmes. A leur droite et à leur gauche, les rayons du soleil passaient sous de grandes arches blanches donnant sur de spacieux balcons aux parapets sculptés de fins motifs, de la vraie dentelle de pierre.
Aurore leva les yeux. La salle était surmontée d’une coupole, percé à sa base par de nombreuses fenêtres qui déversaient une lumière dorée dans le hall comme une cascade. L’intérieur du dôme était recouvert d’un fin grillage de laiton qui reluisait comme d’innombrables perles d’or, entre les feuilles vert tendre et grandes fleurs blanches qu’il supportait. Des actélias. Cette superbe plante grimpante, passant par les ouvertures de la coupole, s’était attachée au grillage comme un amant s’attache à celui qu’il aime, l’enserrant de ses tiges et déployant ses fleurs couleur d’ivoire aux larges corolles évasées.
Les plantes entraient par les balcons, grimpant sur les arches, répandant leur doux parfum, un parfum de miel et de cannelle qui flottait dans l’air comme les restes d’un doux rêve de volupté et de chaleur.
L’impératrice et le mage noir furent conduits vers un grand escalier, au bout du hall. Suivant sa courbe hélicoïdale, il s’engagèrent sur les marches fraîches. Aurore soupira.
Comme j’aimerai marcher ici pieds nus…Que ce doit être agréable de vivre ici, de sentir la douce chaleur du soleil sur sa peau, tout en savourant la fraîche atmosphère des palais de marbre…
Ils débouchèrent sur un longs couloir traversé par une douce et fraîche brise. Une femme venait à leur rencontre. Une grande femme au teint clair et doux. Elle portait une longue robe de soie entièrement blanche, faite d’une seule pièce, qui la moulait des épaules aux cuisses. Ce seul vêtement permettait de remarquer qu’elle ne portait rien en-dessous. Un large col bénitier s’ouvrait jusqu’au milieu de sa poitrine, dénudant ses gracieuses formes. Ses manches étaient longues et évasées, et l’extrémité de sa robe balayait le sol de marbre.
Ses longs cheveux auburn, lisses, épais et à l’aspect soyeux, parsemés de petites fleurs blanches, coulaient autour de son visage jeune et souriant. Deux longues mèches cascadaient sur sa poitrine, et le reste de ses cheveux retombaient jusqu’à ses hanches.
Les gardes s’inclinèrent en la voyant s’approcher.
- Ma Dame, fit l’un d’eux. Ces gens réclament une audience.
La femme le regarda puis observa Aurore avec un léger sourire.
- Bien. Laissez-nous, voulez-vous ?
- Bien sûr, Ma Dame, répondirent-ils.
Ils se retirèrent. Elywen les regarda partir, puis se tourna vers Aurore, inclinant brièvement la tête.
- Eh bien, Majesté, que me vaut l’honneur de votre visite ?demanda-t-elle avec un petit rire clair.
Aurore afficha un air étonné. Elle ne s’était pas attendu à ce qu’elle la reconnaisse si vite !
- Eh bien, je…vous me prenez de cours, savez-vous ? répondit-elle en riant à son tour.

*

Les rayons d’or du soleil matinal s’infiltrait entre les rideaux entrouverts de la chambre. Asrial goûta avec bonheur à cette chaleur qui caressait doucement son torse nu, et ses muscles encore engourdis pas le sommeil. Il s’étira dans ses draps de soie blanche et se força à ouvrir les yeux. La chambre, était plongée dans une douce pénombre seulement percée par les rayons dorés du soleil qui réchauffait son lit. Le jeune homme s’assit au milieu de son lit et passa une main dans ses cheveux bruns en bataille.
Aurore…Nous allons bientôt nous revoir…Quelle étrange impératrice tu fait ! Tu as l’air de rendre les gens heureux, quand tu rit…Quand tu rit…J’aime bien te voir rire. J’espère…j’espère être proche de toi…si tu est une amie…
Il allait se lever quand la porte de sa chambre s’ouvrit. Ses yeux se posèrent sur une ombre noire, dans l’encadrement de la porte. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Avec appréhension, il pensa à Vynce Morgan. Mais il chassa rapidement de son esprit l’image du jeune et séduisant général aux yeux verts. Il reconnu alors Endymion.
Le mage fit un pas dans la pièce et apparu à la lumière. Asrial s’empourpra.
Ce n’est pas possible ! C’est la deuxièmes fois qu’un homme rentre dans ma chambre alors que je suis à moitié nu !
Endymion le regardait avec une indifférence totale, de ses fins yeux d’améthyste et de cobalt. La gêne d’Asrial ne faisait qu’augmenter. Il s’entoura de ses draps pour cacher sa nudité presque complète.
- Lève-toi, dit le mage. L’impératrice nous attend.
Cela, c’est de la gêne. Un sentiment de malaise éprouvé par une personne quand elle a…honte de quelque chose…Tu comprend ?

Je crois, Trioch.

Allons, laisse ce pauvre garçon tranquille, maintenant ! Il faut bien qu’il s’habille !

Endymion se retourna et sortit de la pièce. La porte se referma toute seule derrière lui. Asrial sauta de son lit et verrouilla la porte. Son visage avait repris une couleur normale. Debout, il s’étira comme un chat de toutes ses forces, et bailla à s’en décrocher la mâchoire. Il sentait ses muscles chauffés par le soleil s’étirer sous sa peau, répandant en lui un incroyable bien-être.
En quelques minutes, Asrial s’habilla et alla ouvrir la porte. Mais au moment de sortir, il se rappela les rires d’Aurore et du général Morgan. Rapidement, il essaya de recoiffer ses cheveux rebelles, sans savoir qu’il était en train de les rendre encore plus hirsutes, et s’engagea dans le couloir dont les ombres commençaient à céder à la lumière.

*

Asrial fit irruption dans la salle du trône, toujours vide de toute présence, et dont le marbre noir reluisait sous la douce lumière du matin. Dame Savinna se trouvait à côté de son trône, assise sur les marches noires. Son visage exprimait un peu d’inquiétude. Endymion se tenait droit, noir comme une ombre, un peu plus loin.
- Nous partons, déclara-t-il.
Savinna se leva et dit :
- Saluez l’impératrice de ma part. Dites-lui que mes pensées l’accompagnent.
Asrial hocha la tête. Endymion jeta son sortilège ; Asrial vit la même chose qu’Aurore, auparavant. Il vit tout en une fraction de seconde. Un instant, c’était la salle du trône et Dame Savinna qu’il eu sous les yeux. Puis tout devint noir. Alors apparu le désert, les dunes s’étendant à l’infini sous un ciel de plomb. Asrial, à quelques mètres du sol, s’écroula à genoux dans le sable chaud. Endymion, à côté de lui, retomba souplement sur ses deux pieds.
Ahuri, le jeune homme se releva et épousseta ses vêtements. Jetant un coup d’œil circulaire, il observa les alentours. L’atmosphère était chaude et humide, tendue, oppressante. Le ciel était presque entièrement couvert d’épais nuages d’un gris de plomb, et les rares endroits où ceux-ci ne le dévorait pas, la voûte céleste déversait des rayons de lumière blafarde. Les dunes, s’étendant à perte de vue, étaient devenues sombre et comme ocres sous les cieux gris. Un vent froid soufflait sur les lieux, malgré l’air chaud qui semblait stagner, et procurait une sensation désagréable. Au loin, au nord, on pouvait distinguer d’énormes nuages presque noirs qui se déversaient sur le ciel, comme vivants, comme une raz-de-marée céleste et menaçant. Quelques éclairs bleutés les zébraient, crevant leur sein, les illuminant quelques secondes, puis disparaissaient. Mais nulle trace de la cité de Transcengel.
- Où…sommes-nous ? balbutia Asrial.
- Je ne sais pas. Quelque part dans le désert de Soliphyus.
- Mais…et la ville ?
- Quelque chose a perturbé le sortilège. Nous avons étés arrêtés avant d’atteindre Transcengel.
Endymion gardait les yeux fixés sur l’horizon, où les nuages noirs illuminés d’éclairs qui s’y amoncelant avançaient toujours, déferlant sur le ciel comme des vagues furieuses , pourtant étrangement lentes et silencieuses. Cependant, un grondement sourd, comme un bruit de fond, se faisait entendre, semblable aux lointains roulements de tambours d’une armée en marche.
- Elle se rapproche, déclara le mage noir, impavide.
- Qui cela ? demanda Asrial, inquiet.
- La chose qui a interféré dans mes pouvoirs. Je sens sa puissance.
Asrial jeta un coup d’œil circulaire autour de lui. Rien. Le désert semblait s’étendre à l’infini. Le vent se faisait plus insistant, plus froid, plus insidieux, et lui sifflait aux oreilles. Le sable commençait à tourbillonner autour de leurs jambes, et le ciel s’assombrissait de seconde en seconde. Le grondement sourd se rapprochait, toujours étouffé. Un orage se préparait. Sans crier gare, la pluie se mit à tomber.
Au début pluie légère, celle-ci commença à tomber de plus en plus drue, de plus en plus froide, de plus en plus lourde. C’était comme si un véritable rideau était descendu du ciel et leur troublaient maintenant la vue. Tout était brouillé, tout était flou, tout était noyé. La force du vent, elle aussi, ne cessait de s’amplifier. Asrial failli être renversé. Les nuages de suie se rapprochait toujours, plus immense, plus vivants. Les éclairs les déchiraient, illuminant le désert de lumières d’apocalypse. Le grondement du tonnerre, allié au plaintes du vent et au tambourinement de la pluie sur le sol, couvrait à présent tout bruit.
- Pourquoi le temps a-t-il aussi subitement changé ? cria Asrial pour couvrir les mugissement du vent.
Endymion n’eu pas le temps de répondre. Un énorme cyclone gris parcouru de brefs éclairs bleutés surgit au nord, comme émergeant des dunes. Son pied soulevait de gigantesques nuages de sables brûlant malgré la pluie, générant un véritable et colossal simoun. Autour de lui, la pluie elle-même tourbillonnait, dansant en tous sens comme une folle. Le vacarme était horrible. On aurait dit un effroyable rugissement provenant des entrailles de la terre. Mais le plus étrange, c’est que le cyclone ne touchait pas le ciel ; sont sommet tourbillonnant était comme…plat. Au-dessus de lui, les nuages noirs tournoyaient comme un obscur siphon, laissant pénétrer la lumière pâle et froide du soleil, produisant comme un énorme tunnel de lumière qui restait constamment au-dessus de la tempête. C’était un tout un cataclysme auréolé de lumière, zébré d’éclairs et enveloppé dans un manteau aveuglant de pluie qui s’avançait.
En quelques instants, la tempête fut sur eux. Les deux hommes essayèrent de résister à la fureur du vent de toutes leurs forces. Peine perdue. La force des bourrasques les arracha du sol. Asrial se sentit ballotté dans tous les sens, malmené par les forces de l’air. Il avait l’impression que ses vêtements allaient s’arracher, suivis par ses membres, l’un après l’autre. Le sable chaud lui égratignait la peau, l’air brûlant lui asséchait la gorge et lui piquait les yeux. La pluie le frappait avec toute la violence dont elle en était capable. Le vent tournoyant lui sifflait aux oreilles d’une manière abominable.
Quelle horreur… ! Ma tête, elle tourne…touts se trouble, tout tangue…tout tourne…Oh, ma tête ! Je vais…mourir ?
La vue du jeune homme se voila. Tout devint noire. Les bruits qui fusaient autour de lui moururent. Tout sombra dans un trou noir.

*

Asrial ouvrit faiblement les yeux. Tout dansait encore dans sa tête, et tout son corps était engourdi. Un bourdonnement lui vrillait les oreilles, et son cœur battait comme s’il allait jaillir de sa poitrine. Au travers d’une vision floue et mouvante, distinguait quelques formes sombres penchées sur lui. Des bribes de mots jouaient à ses oreilles, sans signification pour lui. Des points lumineux virevoltaient encore devant ses yeux, et, malgré le froid qui régnait ici, il sentait que sa peau était brûlante.
Mais… ?Où…où suis-je… ? Le cyclone, le vent…Endymion…Non, ce n’est pas…Je ne suis…pas mort ?
Tant bien que mal, Asrial tenta de se relever, mais retomba. Tous ses muscles le faisait souffrir comme s’ils avaient enduré un écartèlement incomplet, et tout son corps subissait de constants élancement, vifs et douloureux. Son crâne était encore en ébullition. A nouveau, il leva, mais trébucha. Sa chute fut arrêtée par un corps d’homme. Deux mains se posèrent sur ses épaules.
- Eh là, mon garçon ! Fait attention à toi ! Tu viens de subir un sacré choc, tu sais ?
Asrial se retourna vers son interlocuteur, hagard. Sa vision encore floue devint plus nette alors qu’il plissait les yeux comme un myope. C’était un homme d’une trentaine d’année, aux cheveux blonds rassemblés sur sa nuque en un court catogan. Ses yeux bleu étaient pâles et ternes, presque vides. Il semblait amical, mais Asrial voyait bien qu’il se forçait à sourire. D’un écarlate profond, un grand manteau de cuir serré l’enveloppait, boutonné d’or sur la partie droite de son torse jusqu’à la taille où il s’ouvrait en de longs pans qui volaient autour de ses cuissardes noires, jouant avec le vent froid.
- Où…suis-je… ? demanda faiblement Asrial. Endymion…où est-il ?
L’homme le considéra un instant, puis demanda :
- Hum…La situation dans laquelle tu te trouve est…complexe. Comment te nommes-tu ?
- Asrial…
- Bien. Moi, c’est Vidias. Endymion, c’est cet homme…étrange ?
- Il est ici ?
- Je crois, oui…Viens !
Après s’être assuré qu’il pouvait marcher seul, Vidias l’entraîna. Encore abasourdi, Asrial observa l’étrange paysage dans lequel il se trouvait. C’était un énorme banc de terre et de roche grisâtre, une sorte d’île, se prolongeant d’un côté, lui donnant à peu près une forme d’arc. Mais en place d’eau, c’était des courants de vent tourbillonnants qui les entouraient, tournoyant autour d’un centre au creux de l’arc que formait l’« île » principale. L’œil du cyclone qui semblait si calme, si paisible par rapport à la tempête qui l’entourait. Parfois, de faibles courants électriques parcouraient les courants aériens, qui sifflaient et mugissaient comme des âmes en peine déchaînées. La nappe de nuage sombres tournoyants, dans le ciel, s’ouvrait en une vaste ouverture circulaire, au-dessus d’eux, déversant des torrents de lumière blanche, froide et pâle. Certains petits bancs de roche étaient retenus à l’« île » principale par d’énormes câbles, d’épaisses cordes aussi larges qu’une jambe d’homme, cloués au sol à l’aide d’imposant clous d’acier. Reliant les îlots entre eux, des passerelles et des ponts de bois et de cordes s’agitaient au vent.
J’ai peur de comprendre…Mais non, c’est…c’est impossible !
Quelques habitations étaient éparpillées de-ci, de-là. Fendues, leurs parois craquelées, leurs pierres branlantes. A chaque endroits où se portait le regard, c’était une maison sur deux qui était debout. Les autres étaient écroulées. Le sol, partout, était jonché de ruines en tout genre : des morceaux de colonnes brisées, des restes de toits abattus, des pans de murs écroulés, des statues à moitié enfoncées dans la terre, des barreaux de grilles…Dans l’esprit d’Asrial, cet endroit ressemblait au domaine de la Cité des Interdits. Mais à Cresca, tout semblait comme…endormit depuis des siècles dans un sommeil mystérieux. Ici, c’était la désolation et le chagrin qui émanait de chaque chose.
Soudain, Asrial aperçu quelque chose, plus loin. C’était Endymion, étendu, appuyé contre les restes de ce qui avait dû être le piédestal d’une énorme fontaine. Il était inconscient.
- Endymion ! s’exclama le jeune homme.
Abandonnant Vidias, il couru vers le mage noir et s’agenouilla près de lui. Il n’avait rien, juste un peu de sable parsemant ses vêtements. Sa longue épée était toujours accrochée dans son dos, ses cheveux de jais toujours attaché sur sa nuque, et sa peau parfaite et immaculée sans aucune égratignure. Asrial lui passa un bras dans le dos et le releva un peu.
Il n’est pas mort…je suis soulagé…
- Endymion !
- C’est bien lui, n’est-ce pas ? fit Vidias, derrière lui.
- Oui…
- En le voyant, la première fois, j’ai cru que c’était une femme. Puis je me suis rendu compte que c’était un homme. Mais il est d’un physique et d’une beauté si peu commune…Même pour un elfe.
Asrial afficha un air surpris.
- Vous…Vous savez ?
Vidias sourit.
- Bien sûr. Avant, notre cité se trouvait près du royaume des elfes blancs. Parfois, il arrivait que nous les rencontrions.
- C’est un elfe noir…
Asrial reporta son attention sur le mage. Le paupières aux longs et fins cils noirs de celui-ci se soulevèrent doucement, révélant son regard profond. Son regard d’améthyste et de cobalt plongea dans celui d’Asrial, puis glissa vers Vidias. Souplement, il se releva, sans même chanceler. Il jeta observa rapidement ce qui l’entourait, puis demanda à Vidias :
- Qu’est cet endroit ?
Une ombre de tristesse et de lassitude passa sur le visage de l’homme au manteau écarlate.
- …Vous êtes dans la cité de Ventorultimo.
Sans ciller, Endymion lâcha :
- Ce lieu ne devrait-il pas se trouver dans les Monts du Vent ?
- C’est exacte…, soupira Vidias. Accompagnez-moi jusqu’à ma maison. Je vais vous expliquer.
Il se retourna, les longs pans de son manteau rouge claquant comme des bannières au vent. La pluie ne s’arrêtait pas, mais tombait moins drue qu’aux alentours du cyclone. La puissance du vent s’était elle aussi atténuée, mais celui-ci restait froid et perçant. Vidias les conduisit devant un
bâtiment de marbre gris, nu, haut et cubique, vierge de toute ouverture. A droite et à gauche, deux ailes rectangulaires le prolongeait, plus basses, percées chacune d’une grande fenêtre sans vitres, recouvertes de barreaux de métal noir. Le pied de la bâtisse était craquelé comme une coquille d’œuf qui s’apprête à se briser sous les coups de bec d’un poussin. Sur sa surface couraient de longues lézardes, semblables aux nervures d’une feuille.
Au bas du bâtiment central, une étroite porte de bronze s’élevait au sommet de quelques marches, entourée de deux comme colonnes tout aussi fissurées. Vidias la poussa et les fit pénétrer dans la vaste, haute et unique pièce que constituait l’édifice cubique principal. Elle était presque entièrement vide. Sur les murs de gauche et de droite s’ouvraient deux portes, de bronze également. Au centre de la salle, un petit bassin était entouré par deux bancs de bois et de fer noir se faisant face, à moitié recouverts par de longues tapisseries de satin d’un rouge sang délavé
brodé de fils d’or. Le bassin, carré et peu profond, ne contenait pas d’eau ; le fond était tapissé de petits galets gris. Une frêle gerbe de roseaux et d’iris depuis longtemps séchés se dressait dans un de ses coins, doucement bercée par le souffle du vent. Un nénuphar autrefois blanc et dont les feuilles étaient à présent jaunies et froissées gisait au fond, sur les pierres. Au fond de la salle, une fenêtre sans vitres, semblable à celles des bâtiments annexes, ouvrait la pièce à la fade clarté de l’extérieur. Ses barreaux sombres semblaient vouloir désespérément retenir la pluie qui s’insinuait à l’intérieur. Le vent froid, lui, soufflait et sifflait doucement, comme appelant, et jouait avec les pétales et les feuilles séchées qui jonchaient le sol de marbre.
Leur hôte s’assit sur l’un des bancs et les invita à faire de même. Asrial s’installa en face de lui, mais Endymion resta debout près de la fenêtre, au fond, à observer le ciel à la fois sombre et lumineux, et pluie qui s’effondrait sur le sol.
- Ce qui est arrivé à notre ville, commença Vidias, nous n’arrivons pas bien à nous en rendre compte nous-même. Depuis quelques temps, des tremblement de terre survenaient aux alentours de la cité. Les jours passant, ils s’intensifièrent et se déclenchèrent de plus en plus souvent. Les dégâts qu’ils causaient devenaient sérieux. Puis, il y a quelques jours, la terre s’est fendue tout autour de la ville, en de nombreuses failles. D’intenses bourrasques tourbillonnantes en ont jaillit, emportant les habitations trop proches et tous ceux qui s’approchaient. Les rafales s’élevaient de la terre en tournoyant autour de Ventorultimo, pour aller se perdre dans les nuages. Et les séismes ne s’arrêtaient plus. Nous avons tous cru que c’était la fin de la cité, quand un effroyable craquement a retenti, comme si toutes les montagnes alentours s’étaient fendues en deux. Ce bruit affreux a continué, et le vent sortant de terre a atteint un paroxysme de puissance abominable, surgissant autour de la ville comme un mur gigantesque, et rugissant comme un lion plus grand que les montagnes. Puis tout le plateau qui soutenait Ventorultimo s’est peu à peu élevé, soulevé par la force du vent, pour finalement être propulsé dans les airs par une gigantesque et apocalyptique tornade rugissante, toute parcourue et accompagné d’éclairs qui dansaient tout autour, tandis que la pluie se déchaînait, que la grêle tombait. Depuis, la ville voyage au gré de l’humeur du cyclone qui la supporte. Certaines parties du banc de terre principal menaçaient de se décrocher, alors nous les avons attaché avec ces grosses cordes que vous avez vues, et reliés grâce à de petits ponts. Nous avons bien fait, car ils se sont séparés peu après.
- Alors…c’est bien ce que j’avais imaginé…, souffla Asrial.
- C’est la puissance de ce qui a généré cet ouragan qui a perturbé mes pouvoirs et qui a interrompu le sortilège, déclara Endymion.
- Ne savez-vous pas…ce qui c’est passé ? demanda Asrial à Vidias.
- Non. Non, personne ne le sait…Mais…Nous allons mourir…Dans les deux cas.
- Comment cela ?
- Si le cyclone ne s’arrête jamais, nous sommes condamnés à mourir de faim…Si le cyclone s’arrête, comment pourrions-nous survivre à une telle chute ? Sans compter l’effondrement de toute la cité ! Toute la plaque de terre qui soutient Ventorultimo tombera en miette, broyant habitations et habitants.
Vidias baissa la tête. Des larmes commençaient à rouler sur ses joues.
Je ne veux pas…je ne veux pas mourir si jeune…ce jeune homme n’a pas l’air de se rendre compte…Nous allons mourir ici…Sans espoir…Je ne veux pas ! J’avais encore tant de choses à faire ! Je voulais encore vivre ! Faire d’autres choses ! Je ne veux pas mourir maintenant sans rien avoir fait qui aie marqué ma vie !
Endymion détourna ses yeux du ciel pour les poser sur Vidias et Asrial. Il rejoignit la porte et l’ouvrit.
- Où vas-tu ? demanda Asrial.
- J’en ai assez entendu. Je sors.
Sur ces mots, il partit. La porte se referma toute seule.

*

Sous la pluie battante, l’elfe se dirigea vers le bord du banc de terre qui soutenait ce qui restait de la cité. Il laissa errer son étrange regard sur l’œil du cyclone semblable à un siphon infini.
Nous sommes dans une impasse…Quelle est la chose qui a généré cet ouragan ? Une chose qui a tant de force qu’elle peut perturber la magie du monde et créer une distorsion dans les forces naturelles…
…Trioch ?

Oui…Le vent hurle sa rage…La foudre crie sont besoin de détruire…La pluie est leur servante et les accompagnes…Les éléments de l’air sont affolés.

Mais pourquoi… ?

Le vent, la pluie, le tonnerre, la foudre, la grêle…Tous sont liés par un serment. Un serment qu’ils ne peuvent briser…Il sont soumis et désordonnés…On dirait qu’ils sont en liesse…Mais ils ravagent le ciel et la terre…Je n’arrive pas à les comprendre…

Endymion observa à nouveau le ciel de lumière et les nuages anthracites et tourbillonnants. Puis il balaya du regard l’humide immensité désertique qui s’étendait autour d’eux, tandis que l’immense cyclone continuait sa course vers un endroit inconnu. Toujours inconnu.
Ah…
……La vie…est-ce si important ? Je ne parviens pas à comprendre…Asrial avait l’air totalement abattu quand il a su qu’il n’y avait aucun espoir de s’échapper de Ventorultimo. Et cet homme, Vidias, lui aussi.

Tu est un elfe…Votre race est éternelle, elle ne s’éteint jamais…

La mort est-elle si différente de la vie ? Pourquoi les gens ont-ils peur de mourir ? Pour quoi sont-ils tristes ?

Dans un sens, oui, la mort est bien différente de la vie…Era est un monde de vie…Et les êtres qui vivent en ce monde appartiennent au monde de la vie. Le monde de la mort leur est inconnu, il n’est pas fait pour eux.

Mais pourquoi s’accrocher ainsi à la vie ? Pour moi, l’une et l’autre de ces alternatives sont semblables.

Je sais, cependant…Toi, les notions de sentiment et d’émotion te sont inconnues…Mais les gens veulent vivrent, car ils en possèdent ! Ils veulent vivrent pour pouvoir éprouver de la joie, du chagrin, de l’amour ! Ils veulent vivrent parce qu’ils ont une volonté de faire quelque chose durant cette vie, ce temps qui leur est accordé, avant de passer dans le monde la mort. Là-bas, seuls les sentiments assez puissants triomphent et supportent ce passage. Les amours les plus puissants passent outre la mort et battent en un seul coeur pour l’éternité. Les chagrins aussi. Ainsi que les haines. Mais alors l’éternité n’est plus faite que d’un sentiment. Le monde de la mort est bien différent de celui de la vie. C’est un monde où il sont heureux, où ils savent qu’ils pourront faire quelque chose. Un monde où leurs sentiments pourront s’épanouir.

Alors pourquoi certains hommes se suicident ?

Parce que rien ne peut leur apporter de sentiments positifs dans le monde de la vie, je suppose. Dans leur vie. En tous cas, c’est ce qu’ils pensent. Bien souvent, ils ont tort. Ils quittent Era pour le monde de la mort, parce que mort peut leur apporter le soulagement d’un sommeil éternel.

Je…j’ai du mal…à comprendre. Ils se battent pour la vie, alors qu’ils savent qu’ils vont mourir.

Endymion…Au cours de ta vie, ta a déjà eu à protéger ta vie, n’est-ce pas ? Tu t’est battu pour vivre, pour ne pas qu’un adversaire te tue. Pour ne pas mourir.

Oui, je me suis battu…Parce que la mort ne m’aurait rien apporté. La vie ne m’apporte rien, mais la mort non plus ne m’apporterais rien.

Je vois…un état de stagnation constante……une neutralité………

Mais alors…et ceux qui assassinent ? Et ceux qui font la guerre ?

C’est différent. Tout cela rejoint les notions de bien et de mal.

Le bien et le mal ? En quoi cela a-t-il un lien avec la vie et la mort ?

Eh bien…Cela est dur à expliquer. Le bien et le mal sont liés aux sentiments et aux émotions. Ce que tu ne possèdes pas. Tout s’explique par cela. Le bien. Le mal. Mais…le bien et le mal sont deux concepts abstraits, aussi bien pour les êtres du monde des morts que ceux du monde de la vie. Le bien et le mal sont définis par les sentiments. Comment t’expliquer cela…Imagines…Un arbre dont les racines s’abreuvent à une rivière. Cette eau lui est vitale. Maintenant, imagine une chose ou un être qui alors assécherait cette rivière, pour une raison connue de lui seul. L’arbre trouvera que cette action est mauvaise, parce qu’elle lui fait du tort. Et tous ceux qui penserons comme cet arbre assignerons cette action au mal. A présent, si l’on se place du côté de l’être ou de la chose que a asséché la rivière…Lui aura fait cela parce qu’il pense que cela est bien, que cela lui sert. Et tous ceux qui penseront comme lui définiront cette action de bonne…C’est seulement une question de point de vue…Quand deux peuples se font la guerre, ils tuent leurs adversaires, ils les combattent car leur point de vue est différent de celui de leurs ennemis…Ils définissent les autres comme « ennemis », car leur opinion est que leurs action est bonne, et que leurs ennemis sont mauvais…Le bien et le mal ne sont que cela…Ils ne sont que divergence de jugement, deux perspectives opposées…C’est pour cela qu’aucun esprit en ce monde n’a pu émaner du bien et du mal, ni les régir…Car ces deux notions peuvent se voir en une seule et même chose…seulement, les gens voient les choses différemment, c’est tout…

Oui…Des points de vue…

Tu as déjà tué des êtres, Endymion…

Oui, parce qu’ils m’avaient attaqué…Je me suis défendu.

C’est parce que leur manière de voir les choses les opposaient à toi.

Je crois comprendre…Le bien et le mal ne sont pas si complexes…Cela est simple, en réalité.

Très simple. Mais toi, tu comprend cela simplement car tu ne possède aucun sentiment. Les êtres qui en possèdent ont beaucoup de mal à distinguer ces deux notions essentielles et à les comprendre…Une grande partie n’y arrive jamais…Moi-même, tout cela, des années entières m’ont été nécessaires pour comprendre cela…Et je suis vieille…On ne peut définir qu’une chose est mauvaise ou bonne arbitrairement, et imposer cette idée…Les gens qui font cela sont dans l’erreur la plus totale. Le bien et le mal ne peuvent êtres définis que par une personne, et ce jugement s’appliquera uniquement à elle-même, ou à ceux qui pensent comme elle. C’est à nous-même de décider ce qui nous est nuisible ou bénéfique, tout en gardant un esprit très ouvert…Peu de gens en sont capables…

Je ne sais si je le suis.

Moi, je crois que tu en est capable. J’en suis même sûre…Mais ta vision des choses est spéciale. Pour toi, il n’y a ni bien qui t’accompagne, ni mal que tu veux éradiquer ou repousser. Il y a juste ton chemin, et tu ne combat que ce qui t’entrave. Ceux qui sont avec toi ne sont pas bon…Ils laissent simplement le chemin ouvert. Ce qui se dresse sur ta route n’est pas mauvais…C’est simplement quelque chose à contourner ou à éliminer pour pouvoir avancer. Je me trompe ?

Je ne sais pas.

Néanmoins, dans tout cela, les notions de bien et de mal sont présentes…Presque invisibles, mais pourtant là…Et définis juste par toi, pour toi.

Le monde est si complexe…

Oui, c’est vrai…
…………
……
…Endymion ?

Oui.

Peux-tu me remettre à l’abris de la pluie ?


*

Asrial referma doucement la porte derrière lui. Il avait bien vu que Vidias ployait sous la charge d’un chagrin indicible. Sans lui arracher de réaction, il était sortit. La pluie fit retomber son trouble rideau devant ses yeux, et le vent revint siffler à ses oreilles. Le paysage semblait si irréel. Des écueils de pierre arraché à leur mère la terre pour venir flotter sur une mer de courants aériens, baignés de lumière froide. Cherchant des yeux le mage noir, le jeune homme finit par repérer, à travers les gouttes de pluie. Une grande ombre noire et longiligne sur le bord de l’île.
Alors qu’il arrivait derrière l’elfe, il lui demanda :
- Qu’observes-tu ?
- Au loin…Regardes.
Asrial déplaça son regard dans la direction désignée par Endymion. Là-bas, très loin, sous le ciel de plomb, on distinguait une énorme ombre noire qui se mouvait sur les dunes ocres. Comme une longue ombre, ou un immense serpent noir qui ondulait lentement.
- Mais… ? Quel peut-être ce rassemblement ? s’interrogea Asrial. Une armée ? Et…
A ce moment, ses yeux se fixèrent sur deux gigantesques ombres volantes, qui dominaient tout le flot serpentiforme des airs, le suivant comme des chiens de berger suivent le bétail.
- Des dragons ? fit Asrial. Mais ils sont énormes ! Jamais un dragon n’a fait une telle taille. Comment peuvent-ils êtres aussi gigantesques ?
- Ils se dirigent vers le sud.
- Selon Vidias, nous serions quelque part dans le nord de Soliphyus, entre Hatismah et l’extrémité septentrionale des Monts de Giriel.
- Effectivement, laissa platement tomber une voix derrière lui. Au sud, il n’y a que la cité de Dârhûn. C’est la seule que l’on peut trouver dans cette partie du désert.
Asrial, surpris, se retourna et se trouva face à Vidias. L’homme blond avait les yeux rouges, mais ses larmes ne coulaient plus ; il s’était repris.
- Cela fait un moment que le cyclone n’erre plus de manière aléatoire, déclara Endymion. Il se dirige droit dessus.
- Comment ?! s’exclama Vidias ? Mais…mais c’est impossible ! Cet ouragan n’a cessé, depuis le début, de ne prendre aucune direction précise ! Pourquoi maintenant ?
Le mage ne répondit pas.

*

Quentin et Baptiste avançaient dans un couloir sombre. Les murs de pierre grise étaient nus, et le sol était couvert d’un véritable tapis de poussière, accumulé au fil des siècles, étouffant presque le bruit de leurs pas dont les échos se répercutaient contre les vieux murs. A chaque pas, leurs chaussures soulevaient de petits nuages de poussière qui voletaient dans la clarté lunaire que dispensait les petites et étroites ouvertures sur mur de gauche. Le couloir n’était ni véritablement spacieux ni étroit, et le plafond en ogive se perdait dans l’ombre.
Derrière lui, Quentin entendait les pas et le souffle de Baptiste, court et rapide. Ses mains glissèrent le long du mur.
- Qu’était, cet endroit, avant ? demanda le blond à son compagnon.
- Je crois que c’était un temple…Ce sont les appartements d’une ancienne prêtresse, selon le peu d’écrits retrouvés…
La réception au manoir d’Ildecast s’était prolongée tard dans la nuit, et battait encore son plein. Un peu plus tôt, Quentin et Baptiste s’étaient échappés dans les jardins. Les deux jeunes hommes y étaient restés quelques moments, profitant de la solitude et de la sérénité qui enveloppait les lieux. Quelques baisers échangés, quelques mots, quelques frôlements exquis. Puis le fils d’Ildecast avait désiré montrer quelque chose Baptiste. Il l’avait entraîné dans cet endroit, au plus profond de l’antique demeure.
Quentin aimait ce lieu. Tout était silencieux, tout était calme. Souvent, il venait ici pour s’échapper du monde, pour fuir l’extérieur, pour s’y réfugier. C’était une sorte de jardin secret. Un jardin secret qu’il voulait faire découvrir à Baptiste. Les deux amants avaient pu s’échapper sans problème, surtout Quentin, son père étant trop habitué à ses disparitions soudaines.
A présent qu’ils avançaient dans le corridor obscur, seule la clarté pâle de la lune de nacre leur permettaient de voir où ils posaient le pied.
- Quand ma famille s’est installée ici, continua Quentin, ce lieu s’est avéré comprendre tout une grande partie au nord du manoir, en sous-sol. Des recherches et des explorations on été entreprises, car, à la différence du reste de la demeure, tout était ici laissé à l’abandon, et personne ne paraissait y avoir mis le pied depuis des lustres. Nous n’avons retrouvé que très peu de documents qui traitaient de cet endroit…Les explorations se sont très vite arrêtées, car cela devenait un véritable labyrinthe, et seulement quelques fragments en très mauvais état d’une carte avait été découverte. Il était impossible de continuer, alors mes parents ont décidé de faire sceller cette partie du château. Ils n’existaient que très peu de passages qui y conduisaient, mais tous on été murés définitivement. Seul l’entrée par laquelle nous sommes passés est restée…le seule clef qui existe est en ma possession…mais mon père ne le sait pas. Le temple, selon les écrits s’étend sur de longues distances…
- Quel prêtresse était-ce ?
- On ne sait pas…Son nom n’est mentionné nulle part…
- Peut-être que son esprit hante encore les lieux ! plaisanta Baptiste, un sourire aux lèvres.
- Peut-être…, répondit Quentin en souriant. Nous allons arriver à la partie souterraine…les appartements de la prêtresse…
Les ouvertures par lesquelles la froide clarté lunaire se déversait commencèrent à se raréfier, et le sol à s’incliner légèrement. Bientôt, un escalier apparu devant eux, et les fenêtres disparurent, refermant encore un petit peu plus l’ombre sur eux. Doucement, profitant des restes de lumière, ils descendirent les marches de pierre taillée. En bas de l’escalier, ils se retrouvèrent à un croisement. Deux couloir latéraux qui s’enfonçaient dans les ténèbres, ainsi qu’un large escalier qui leur faisait face. Baptiste leva la tête pour constater qu’ils se trouvaient effectivement au-dessous du niveau du sol ; le plafond arqué était percé, sur la gauche, d’une petite ouverture rectangulaire recouverte d’une grille d’acier, d’où cascadait des ondulantes branches de lierre. Certaines s’agrippaient à la pierre du plafond, en compagnie d’un peu de mousse qui recouvrait en partie la grille et des quelques brins d’herbes qui se frayaient un passage vers le sous-sol. Les minces rayons de la pleine lune éclairaient faiblement l’endroit, coulant de l’extérieur comme une petite fontaine d’écume.
- Nous sommes sous la forêt du domaine, expliqua Quentin, alors que Baptiste se passait une main dans ses courts cheveux blond en baissant les yeux.
Qu’il est beau…Ses cheveux blonds…On diraient qu’ils appellent les rayons de la lune…Et ses yeux de noisette et de mousse sont si doux……Personne ne pourrait le voir comme moi, je crois…
- Viens, je veux te montrer mon…refuge, dit-il.
Il prit Baptiste par la main, glissant doucement ses doigts entre les siens, presque sans sembler vouloir les toucher. Il ne fallait pas risquer de fêler la poupée de porcelaine.
Quittant le croisement, ils s’engagèrent dans les escaliers de pierre qui leur faisaient face et qui débouchaient sur un court couloir obscur se terminant sur une large double porte de bois sculptée cloutée de fer. Bien que visiblement très vieux, le bois de chêne qui la constituait n’était pas trop détérioré, simplement couvert de mousse par endroit. Quelques branches de lierres cascadaient entre ses gonds et veinaient le mur. Les bandes de fer qui la renforçaient étaient rouillés.
Quentin appuya légèrement sur la clenche et ouvrit le battant de droite. La salle aux parois de pierre lisse dans laquelle les deux jeunes hommes pénétrèrent était vaste, entièrement vide et rectangulaire. Les recoins et les murs du fond et de droite se perdaient dans une ombre complète. Une mer de poussière recouvrait le sol et leur pieds s’y enfonçaient d’un pouce à chacun de leurs pas. Au milieu du plafond, une petite ouverture carrée et couverte d’un grille ouvrait sur l’extérieur, sur le sol de la forêt, qui déversait tentacules de lierre, longues tresses d’herbes et de tiges, accompagnées de la lumière de la lune. Juste en-dessous, éclairé par la cascade de lumière blanche, faisant comme un îlot au milieu d’une mer de poussière, un petit tapis de mousse et d’herbes, à peine aussi grand que l’ouverture qui le surplombait, croissait en silence. Au centre de ce petit espace de verdure perdu au milieu des ombres s’élevait une toute jeune pousse, un tout petit arbuste. Un chêne.
Plus à droite, le seul objet qui meublait la pièce. C’était un énorme lit à baldaquin de bois de chêne sculpté. Son ciel de lit et ses tentures, bordés de galons d’argent terne, étaient d’un vieux rose à la couleur passée. Ses draps et ses nombreux oreillers blancs étaient à moitié couverts par une couverture de même couleur. Son état n’était pas celui qu’il aurait dû être après avoir passé des siècles dans l’isolement, le silence et la poussière. Bien que visiblement vieux, il n’était en rien délabré. Posés près de la tête de lit, des livres formaient quelques piles plus ou moins stables.
- C’est ici que je viens pour m’isoler, dit Quentin. La première fois que je suis venu ici, j’ai trouvé ce lit. Alors je l’ai retapé et nettoyé, et voilà.
- Tu as fait du bon travail..., fit le jeune homme blond. On ne dirait pas qu’il est si vieux.
Baptiste se dirigea vers le pied du lit et se baissa vers quelque chose qui, même noyé dans la poussière, possédait un éclat doré. Se relevant, il souleva un objet entièrement constitué de métal doré, de près trois pieds de long. Il se constituait comme d’une longue poignée d’épée dont l’extrémité représentait un lys aux pétales presque entièrement refermés. Ce qui aurait pu être la garde d’une épée était formé de trois paires d’ailes longues comme une main, déployées, et supportant un disque gravé d’inscriptions anciennes à moitié effacées par le temps. S’élevant de ce disque, une longue tige de métal terminée par une autre fleur de lys encore en bouton. Deux barres métalliques, croisées, étaient fixés au centre où se trouvait une gerbe de roses et d’épines d’or. Deux fins cercles concentriques entourait la gerbe d’or, reluisant sous la faible lumière.
- Qu’est-ce que c’est ? demanda Baptiste.
- Je ne sais pas, répondit son compagnon. Je l’ai trouvé ici la première fois que je suis venu. C’est peut-être un emblème...L’emblème de la prêtresse qui vivait autrefois ici, sûrement.
Baptiste reposa doucement l’objet métallique dans la poussière. Son regard se porta vers le lit, vers les livres.
Le refuge de Quentin…son jardin secret…Sa solitude, son mystère…
Baptiste s’assit sur le bord du lit, et fut bientôt imité par Quentin. Le blond saisit le premier livre de la pile qui était à côté de lui. Il en lu le titre. « La plume rouge ». Il l’ouvrit à une page et commença à lire.
Les pétales couleur de sang tombèrent sur le sol, les uns après les autres. La tige de la rose lui échappa des mains et chuta à son tour. Il sentit une larme froide lui couler le long de la joue, tandis qu’il s’écroulait. Lentement, il…
Baptiste sentit une longue main chaude passer sous sa chemise, tandis que Quentin posait sa tête dans le creux de son cou.
- Tu sens bon..., murmura-t-il.
Doucement, ses doigts soulignèrent la taille de Baptiste, caressants, puis remontèrent le long de son torse avec d’infinies précautions. Baptiste se sentit trembler sous la caresse amoureuse. Tandis que Quentin l’embrassait langoureusement dans le cou, une bouffée de chaleur lui monta du visage qui prenait une couleur rosé puis rouge de plus en plus soutenue.
- Baptiste...est-ce que tu veux...est-ce que tu veux rester avec moi...cette nuit ?
Surpris, Baptiste ne sut que répondre. La gêne s’enracinait profondément en lui.
- Je…euh…
Doucement, Baptiste sentit une autre main déboutonner son pantalon et se glisser dedans. Il sursauta vivement.
Il a peur…
Quentin retira la main de son pantalon. Sans prévenir, il referma ses bras autour de la taille de Baptiste. Il le souleva et s’assit au milieu du lit.
- Quentin… !
Le brun relâcha son étreinte, et, avec son sourire et ses yeux pétillants, s’allongea sur le lit. Puis il se mit sur ses coudes et recula un peu avant de se laisser retomber sur les oreillers, pour regarder Baptiste, le dévisager. Les joues rouges de ce dernier ressortait comme des roses sur un désert de neige. Toujours assis sur les jambes de Quentin, il le considéra, sans savoir quoi faire ni que dire. Quentin fit de même, plongeant son regard gris-azur dans le sien, souriant.
Quentin allongea le bras et tira Baptiste à lui par sa chemise. Le blond, à quatre pattes au-dessus de son compagnon, tremblait comme une feuille. Doucement, Quentin avança les main et caressa la joue de son amant. Puis lentement, elles descendirent le long de son cou, caressèrent sa pomme d’Adam puis s’attardèrent sur le col de sa chemise. Quentin ouvrit le premier bouton de la chemise de Baptiste.
- Quentin... ! On…on ne peut pas… ! souffla ce dernier.
- Chut…, chuchota suavement l’autre.
Il termina de déboutonner la chemise de soie, puis remonta le long de son torse, de sa poitrine. Tendrement, il glissa ses grandes mains autour du cou délicat de Baptiste, puis sur ses épaules, écartant un peu le col de sa veste. Oh, quel bonheur de sentir cette peau sous les doigts, sa chaleur ! Baptiste frissonnait…de plaisir ? Timidement, Baptiste avança les mains et ouvrit, petit à petit, la chemise noire de Quentin. Celui-ci sourit.
L’aîné fit descendre ses mains le long du torse mince de Baptiste, le caressant du bout des doigts. Puis du bout des ongles, lui arrachant un spasme de volupté. Quentin entoura sa taille de ses bras chauds et, délicatement, remonta le long de son échine avec son ongle jusqu’à ses épaules, rapprochant un peu plus de lui l’être aimé. Pliant le genoux entre les jambes de son compagnon, il les fit se frôler, avec un délice divin. Baptiste n’arrivait plus à penser de façon constructive. Il avait l’impression d’être ivre. Il sursauta quand la langue chaude de Quentin caressa ses clavicules. Elle remonta le long de sa pomme d’Adam et suivit le contour de ses mâchoires. Puis doucement, il amena Baptiste à lui, le serrant contre son corps, sentait la douce et fraîche peau de son torse contre la sienne. Le blond, lui, goûtait au plaisir de sentir le corps chaud de Quentin contre lui, son souffle sur sa peau, les caresses qu’il lui offrait dans les cheveux, sur ses épaules à présent dénudées, tandis qu’il déposait des baiser dans son cou. Il sentait aussi l’érection qui l’avait gagné, et celle de son amant contre sa cuisse, preuve de son amour enflammé qui le faisait trembler dans ses bras, soupirer de délice. Il percevait la tension des muscles de Quentin contre son corps. Il n’était pas bien sûr de ce qu’il était en train de faire, de ce qu’il allaient faire, mais il s’en fichait éperdument, tant l’ivresse du plaisir lui faisait tourner la tête. Peut importait si ses sens était fous, ses pensées éparses, ses idées floues et son cœur prêt à se rompre. Quentin, lui aussi, exaltait son amour dans l’étreinte qu’il apportait à Baptiste. Petit à petit, il faisait descendre sa chemise en bas de son dos. Il aimait goûter à la peau de son amant en l’embrassant, sentir l’odeur de ses cheveux, sa tête appuyée contre son épaule.
Tendrement, Quentin remonta le long de son cou en suivant sa courbe de ses lèvres. Le souffle de Baptiste était maintenant son souffle. Avec une infinie délicatesse, ses lèvres touchèrent les siennes et se mêlèrent dans un baiser passionné. Ses lèvres tièdes caressaient celles de Baptiste comme ses mains caressaient son corps, savourant leur goût, leur douceur. Timidement, Baptiste ouvrit la bouche pour se fondre dans le baiser, laissant la langue de son amant rejoindre la sienne. S’entremêlant, se caressant, elles se confondaient en une danse amoureuse et tendre. Tandis que leurs deux corps se faisaient plus proches encore, Quentin glissa doucement ses mains dans le pantalon à moitié ouvert de Baptiste et fit descendre sa main sur le creux de ses reins et sur ses fesses. Les yeux de Baptiste s’écarquillèrent tandis qu’il sursautait entre les bras de Quentin, mais celui-ci le retint contre lui et ne laissa pas ses lèvres lui échapper.
Quentin resserra son étreinte et s’assit, se penchant sur Baptiste qu’il retenait entre ses bras. Il rompit leur baiser tandis que ses lèvres glissaient des lèvres de Baptiste sur son cou. Baptiste poussa un petit gémissement quand la langue chaude et douce rentra en contact avec un de ses tétons, alors que le bout des doigts chauds effleuraient ses reins et sa taille. Tandis que la main de Quentin finissait de déboutonner le pantalon Baptiste, sa langue descendait le long de son ventre. Baptiste était au comble de la gêne.
- Quentin…non…s’il te plait…Pas encore…je…je ne peux pas encore…
Le brun releva la tête, lui adressa un sourire. D’un bras autour de sa taille, il le souleva, et de l’autre ouvrit d’un grand geste les draps de satin blanc. S’allongeant dans le lit avec Baptiste contre lui, il referma à nouveau son étreinte autour du corps de porcelaine.
- …Dors, je veillerais sur tes rêves…
Tout doucement, il caressa ses cheveux d’or, jusqu’à ce que son compagnon s’endorme dans ses bras.


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 Sujet du message:
MessagePosté: 06 Oct 2005 13:24 
Et voilà le 9e et dernier chapitre que j'avais pris le temps de recopier...J'ai jamais continué de recopier sur ordi la suite, et je l'ai jamais continué....donc voilà j'espère que ça vous a plus^^











Chapitre IX: Le pouvoir des Anciens Rois





Le monstre émit un grondement pareil à celui d’un orage. Soulevant sa tête imposante, il la tourna vers l’arrière, et repéra de ses yeux d’or ce qu’il avait sentit. Il gronda à nouveau et dit :
- Aserah, elle arrive…Elle est derrière nous, elle se rapproche.
- Je sais, moi aussi, je l’ai sentie.
Sa voix n’était pas comme celle de son compagnon. Elle était glaciale, sifflante comme la tempête, d’un aigu presque détimbré, et sèche. Comme le murmure d’un spectre dans la tourmente, comme le son de la grêle qui martèle les toits. Ses yeux couleur de bronze dévièrent de leur route pour se poser sur le monstre aux yeux d’or.
- Ne craint rien, lui dit-il, elle ne peux rien. Si elle approche, je l’anéantirais.
- Je n’ai pas peur, gronda l’autre. Je ne veux pas qu’elle se mette en travers de notre chemin.
Le monstre aux yeux de bronze sourit intérieurement. Juchée sur le dos de son compagnon, debout et droite, l’ombre noire plus noire que les ténèbres eux-mêmes ne disait mot. Ses deux grandes, longues et minces ailes étaient repliées, et les pans de son immense cape noire s’agitaient autour d’elle tel une brume opaque et vivante. Soudain, elle déclara de sa voix d’orgue :
- Ce qui est derrière vous n’a aucune importance. Bientôt, devant nous s’élèvera une puissance bien supérieure…
Elle… Elhaard…La dernière fois que nous nous sommes retrouvés face à face, ma chère, tu était un homme…Aujourd’hui, à ta nouvelle renaissance, les éléments de ton principe brûlant t’on fait femme…Une femme, et bien plus puissante que la chrysalide masculine qui t’emprisonnais il y a des millénaires…Oui, tu est plus forte, mais ta constitution n’est pas encore achevée…Folle, que t’a apporté le fait de toujours protéger cet endroit ?
- Je la ferais ployer…
Le temps vous manques, à vous tous…je sens vos essences se concentrer…Mais…serait-ce elle qui vous ont tous appelés à ressurgir ? Elle le savait donc……
A-t-elle changées, ou a-t-elle veillé depuis tous ce temps sans prendre de repos ?…
………
…Peu importe, vous tous serez toujours loin derrière, car le temps vous manque, comme il manque à chaque fois que l’on veut accomplir quelque chose qui nous tiens à cœur, quelque chose de décisif…


*

- Ce n’est pas possible ! répéta Vidias.
- Le cyclone est attiré par quelque chose, déclara Endymion, impavide. Il se dirige droit sur ce rassemblement.
- Il va se faire balayer par la puissance du vent, remarqua Asrial.
Endymion repoussa une mèche noire trempée qui collait à son front blanc. Levant les yeux vers le ciel qui dominait Ventorultimo, il observa les nuages de plomb qui ne cessait de tourbillonner avec de plus en plus de fougue. La pluie tombait plus dru que jamais, plus assommante et froide. Le vent mugissait de rage, et les éclairs ne retenaient plus leur excitation. Les rafales tournoyantes qui soutenaient les « îles » de Ventorultimo s’intensifiaient, soulevant de gigantesques nuages de sables projetés sur d’impressionnantes distances. C’était comme un géant de vent destructeur aux pieds et au sillage de vent brûlants et de sable, enveloppé d’un manteau de nuages obscurs agités comme une mer déchaînée, parcouru d’éclairs d’un bleu vif et aveuglant.
- Non, déclara le mage noir. La puissance qui maintenait l’ouragan comme il était faiblit. Elle diminue sensiblement et s’apprête à disparaître. Elle déploie toute sa force avant de mourir.
Asrial le regarda sans comprendre. Ventorultimo fonçait vers le mystérieux rassemblement comme un rapace sur sa proie, à une vitesse phénoménale.
Nous ne devons plus êtres loin de Dârhûn à présent…Cette armée va elle aussi à une grande allure. Si Ventorultimo ne s’arrête pas avant, la ville va être rasée…Mais j’ai le sentiment qu’elle l’aurait été après le passage de ces millions d’êtres…

*

- Je la vois au loin, fit Aserah. Nous arrivons…
- Et elle nous suit toujours, fit remarquer sont compagnon aux yeux d’or. Nous ne pouvons pas la laisser faucher ce que nous sommes venus chercher.
- Elle s’apprête à disparaître…, répondit l’autre.
L’ombre noire étira ses longues ailes, si fines, et dit :
- Aserah…Nous ignorons ce qu’il reste de ces antiques énigmes. Cette histoire est si vieille qu’il ne doit presque plus rien en rester. Je ne peux me permettre de laisser partir en fumée l’une de ces informations. A ce jour, l’issu de ce dessein reste obscur. Nous avançons sur un fil d’araignée. Il suffit d’un faux pas. Et si je n’arrive pas à le retrouver rapidement, tout sera qu’encore plus compliqué que cela ne l’est. Alors anéantis-là.
Le monstre aux yeux de bronze gronda.
D’un puissant battement d’aile, Aserah s’éleva, véloce, au-dessus de son compagnon aux yeux d’or, son corps long et fin suivant les courants aériens.

*

- Regardez ! s’exclama soudain Vidias. Il…
Son visage était devenu crayeux. Endymion et Asrial virent la même chose que lui. L’un des dragons qui survolaient comme des chiens de berger l’armée en mouvement venait de prendre de l’altitude et se dirigeait vers Ventorultimo, ondulant. Alors qu’il se rapprochait de seconde en seconde, ils eurent tous le loisir de le contempler avec terreur.
La bête avait un corps extrêmement long, comme celui d’un serpent, très fin, se terminant comme un fouet. Jamais vu encore chez un dragon. La longueur total de son corps était incroyable. Tel un fin lacet ondulant, il fendait les airs à une allure formidable, crevant les nuages bas. Sur son passage, la pluie s’affolait et tournoyait autour de lui, les éclairs embrassait de temps à autre son corps et le vent lui ouvrait la route.
La pâle clarté du soleil qui subsistait et passait outre les impressionnants nuages se reflétait sur son corps vert, un vert clair de jade étincelant. Sa tête était bien proportionnée, ni trop grosse, ni trop petite par rapport à son corps, comme celle d’un serpent. Même de loin, on pouvait déjà distinguer deux longues cornes couleur de bronze, effilées et recourbées, pointant vers l’arrière, ainsi qu’une épaisse crinière de jade. Plus loin, deux pattes, deux serres semblables à celle d’un énorme oiseau de proie, mais plus épaisses et musclées. Descendant le long de son corps, encore plus loin de là, ses deux autres pattes. L’extrémité de sa queue se terminait en un panache de fourrure de même couleur que sa crinière. Ses ailes, situées à l’avant de son corps, un peu plus loin que ses pattes avant, étaient elles aussi très impressionnantes ; aussi gigantesques que sa morphologie était longue, elles battaient l’air lentement, produisant comme un assourdissant roulement de tambour à chaque battement, un grondement de tonnerre. Très longues, très fines, ces ailes de peau étaient comme d’immenses voiles dont l’intérieur était d’une pâle et terne couleur de bronze, tout comme les écailles de son ventre.
Le dragon de jade se rapprochait.
- Mais… ?! s’étrangla Asrial. Un hêertyr ? Mais jamais aucune race de cette espèce de dragon n’a eu une morphologie semblable !
- Ce n’est pas un dragon ordinaire ! s’exclama Vidias. Il est beaucoup trop grand ! Il est gigantesque ! S’il se met à cracher du feu, nous sommes perdus !
C’est comme à la Cité des Interdits…, songea soudain Asrial. Là-bas aussi, certains guerriers on dit avoir vu un dragon rouge, un valfëril, non loin de la cité. Ils disait qu’il était titanesque, plus grand que tous les dragons qui avait jamais vécu sur Era…Ils avaient parlé de…
- Mais que fait-il ? s’écria Vidias.
La gigantesque dragon rugit. Un rugissement crissant, aigu et déchirant. En jetant un coup d’œil autour de lui, Asrial vit des habitant de Ventorultimo, déjà si peu à sortir de leurs habitations, courir se mettre à l’abris. Des abris désormais bien inutiles.
- C’est de lui que venait la puissance qui a engendré cet ouragan et emporté Ventorultimo, déclara Endymion, impavide. De ce dragon. Il vient la reprendre.
Asrial l’observa, incrédule, sans que l’elfe ne lui rende son regard. Que voulait-il dire… ?
Le dragon était à présent tout proche. Il allait si vite qu’Asrial cru qu’il allait passer au travers du cyclone. Mais il n’en fut rien. Il s’arrêta brusquement devant lui, en déployant vigoureusement ses immenses ailes, qui se gonflèrent brusquement et claquèrent comme un coup de tonnerre fracassant. Un instant, il resta ainsi, battant nonchalamment des ailes au milieu de la tourmente qui ne semblait pas le toucher le monde. Il considéra de son œil de bronze l’étrange spectacle qu’offrait cette pitoyable populace enfermée à double tour dans leurs masures au bord de l’anéantissement.
- Il viens détruire Ventorultimo, dit le mage. Ainsi, toute la puissance qu’elle contient lui retournera. C’est lui qui affolait les éléments aériens. Près de lui, ils déchaînent toute leur furie.
Le jeune homme, à côté de lui, ouvrit de grands yeux.
- Mais…Nous allons tous mourir…
- Pas nécessairement. Presque plus rien n’interférera dans mes sortilèges. Une force telle que celle qui maintenait Ventorultimo n’était pas contenue, c’est pour cela qu’elle avait un impact sur la magie. Revenue dans l’être dont elle a émanée, elle ne perturbera plus les sorts d’une importance mineure, ou ceux qui ont un effet limité.
Dans le vacarme que générait la tempête à la force décuplée, Asrial était obligée de crier pour se faire entendre. Mais le mage avait une voix qui perçait la bruit. Si calme, si vide, si grave et voluptueuse. Et incroyablement sensuelle.
Asrial chercha Vidias des yeux, mais ne le trouva pas.
Il est sûrement allé se mettre à l’abri…même si cela ne sert pas à grand-chose…La couardise est bien normale dans un moment pareil…
Un nouveau rugissement jailli de la gorge du dragon aux yeux de bronze. Aserah savait qu’il devait faire vite, car Ventorultimo avançait toujours, toujours plus vite sur sa lancée. L’ouragan et la ville avaient étés attirés par lui, mais à présent qu’il était là, elle allait continuer d’avancer dans la direction qu’elle avait prise. Et si il ne l’arrêtait pas maintenant, elle risquerait de faire partir en fumée ce pourquoi ils étaient là.
Aserah rugit à nouveau. Il invoquait toute la puissance du vent, de la pluie, du tonnerre. Il rappelait à lui la puissance qui avait généré l’ouragan de Ventorultimo. Il puissant battement d’aile, un sinistre roulement de tonnerre, et il s’éleva encore un peu, dominant la ville misérable qui lui faisait face. Les éléments semblèrent s’apaiser.
Puis, insensiblement au début, le vent recommença à monter. Mais il ne venait plus du même endroit. La pluie changea de sens ; elle partait dans le sens opposée au dragon. Un battement d’aile et un rugissement de plus, et tout se déclencha d’un coup. Des rafales jaillirent tout à coup de derrière Aserah, qui déployait ses ailes au maximum. Un vent d’un puissance bien supérieure à celui qui constituait Ventorultimo. Un vent qui arracha Asrial du sol. Le jeune homme fut projeté en arrière et s’écrasa sur le sol, à plat ventre. Il sentit son souffle se couper net et un élancement parcourir son dos. Lentement, l’air pénétra à nouveau dans ses poumons, et il se releva doucement. A genoux sur le sol, il leva soudainement les yeux, pensant à Endymion. La force du vent, qui ne cessait d’augmenter, le surpris à nouveau. Il lui siffla aux oreilles et lui fit pleurer les yeux. Mais il distingua néanmoins le mage noir. Lui aussi à genoux, l’échine courbée, ses longs cheveux noirs et lustrés claquant au vent, il essayait de résister à la force du vent.
Tant bien que mal, Asrial rampa vers lui. Arrivé à sa hauteur, il hurla pour se faire entendre :
- Le vent va tout emporter !
L’elfe tourna la tête. La lumière pâle et aveuglante qui filtrait à travers les nuages produisit comme un éclair dans ses yeux fins. Son visage était toujours aussi vide et impassible.
- Non, dit-il simplement.
S’accrochant d’une main à un pans de roche, il entrepris décrocher son épée de son dos. Quand il y fut parvenu, il l’empoigna fermement et la planta d’un coup sec dans le sol. La lame d’argent y pénétra violemment, avec des étincelles argentées. S’ayant sur la garde, Endymion l’enfonça encore un peu dans le sol.
- Accroche-toi à la poignée, ordonna-t-il à Asrial.
Le jeune homme s’exécuta aussitôt, serrant le diamant noir de toutes ses forces, si fort que les arrêtes de la poignée en prisme lui firent mal.
Aserah ne bougeait pas. Le vent continuait de souffler, souffler toujours plus, souffler toujours plus fort. Les tuiles s’envolaient des toits, des ruines qui jonchaient le sol étaient propulsées dans les airs, ainsi que des morceaux de roches qui commençaient à se décrocher des « îles » de Ventorultimo. Les éclairs bleutés parcouraient l’ouragan faiblissant, de plus en plus nombreux. Les petits îlots rattachés par les épaisses cordes virevoltaient comme les feuilles d’un arbre dans le vent, si bien que certains des liens qui les retenaient finirent par se rompre.
Petit à petit, le banc de terre soutenant la ville s’effrita, se fendit, craqua. Les rafales tourbillonnantes qui lui faisait un socle s’apaisaient, disparaissaient, comme effacées par l’extraordinaire puissance du vent que le dragon générait. Soudain, un effroyable craquement retentit, et Aserah sut qu’il était arrivé à ses fins. Le craquement se prolongea, tandis que le banc de terre de la ville se fendait de part en part. Au même moment, le cyclone s’effaça entièrement dans un dernier tournoiement de bourrasques, ne laissant plus qu’un énorme nuage de poussière et de sable. Ventorultimo s’effondra. L’éboulement de la ville et de son soubassement parti en morceaux plut sur le désert. Il pleuvait des roches, il pleuvait des bâtiments, il pleuvait des hommes. Tout s’écrasait dans le sable avec des bruits creux et sourds, propulsant comme de grands geysers de sable mouillé et de poussière. Le vent généré par le dragon s’atténua soudainement et disparu, ne laissant plus qu’une douce brise, comme si rien ne s’était passé.
Alors que les derniers morceaux chutaient, un bref éclair de lumière éclaira l’un des fragments de pierre qui chutaient. La seconde d’après, dans une pluie de plumes noires, Endymion s’élançait dans les airs en tenant Asrial, planant grâce à de longues ailes noires aux plumes brillantes. Ils décrivirent des cercles pendant quelques instants, s’éloignant de l’éboulement, se rapprochant petit à petit du sol. Les ailes d’Endymion grésillèrent, parcourues de petits éclairs blancs, puis s’évanouirent dans un nuage de plumes sombres. Les deux jeunes hommes tombèrent dans le sable.
Non loin de là, les dernière volutes de fumées retombaient, révélant les restes de ce qui avait été jadis la cité de Ventorultimo. Un amas de roches broyées, des maisons écrasées comme des noix, des objets, des vêtements, des corps écrasés, pulvérisés. Le doux zéphyr qui avait succédé au rafales mortelles soufflaient toujours. Les nuages de plomb disparaissaient peu à peu, laissant progressivement place à un ciel bleu sombre, striés encore de quelques nuages gris. Aserah s’en retournait, ondulant dans le ciel. Une pluie légère commença à tomber, semblant comme irréelle après les torrents d’eau déversés quelques moments plus tôt. Ventorultimo était morte.

*

Aurore tournait comme un lion en cage dans ses appartements du palais de Transcengel. Elle avait posé un énorme livre à la reliure d’argent sur son bureau, ouvert à une page qui traitait de la légende de l’archange Alexandryus. Passant devant, elle le referma avec un mouvement rageur. Sur sa couverture, on pouvait lire « Mythes et Légendes du Monde ».
Ce n’est pas possible ! Mais que leur est-il donc arrivé ? Ils devraient êtres ici depuis longtemps déjà ! Que fait Endymion ? Le temps est ce qui nous manque le plus ! Saeptum est peut-être déjà en route…
…Seulement…est-ce bien lui que j’ai libéré de sa prison d’ambre ?…

Finalement, las de se ronger les sangs, l’impératrice décida de se rendre aux thermes du palais. Il fallait qu’elle se détende. Mais y arriverait-elle dans son état d’esprit actuel ? L’inquiétude ne cessait de la dévorer.
Il faut que je pense à autre chose…Je vous en supplie, revenez vite…Asrial, j’ai besoin que tu m’aides à le délivrer…

*

Asrial se releva, sonné par sa chute. Il tourna la tête pour découvrir ce qu’il restait de Ventorultimo. Horrifié, il se laissa tomber dans le sable, n’arrivant pas à détacher son regard des ruines qu’il avait sous les yeux. Une montagne de débris de roches et d’habitations en miettes s’élevait au milieu du désert. La pluie en faisait monter un peu de fumée, une fumée légère et diaphane, comme des âmes qui s’enfuient. En regardant ce monceau gigantesque, ces ruines sombres et ces morceaux éparpillés au alentours, le cœur d’Asrial se serrait. Il ne savait plus quoi faire, il n’avait plus rien envie de faire. Il restait là. Aucune importance que ses vêtements soient maculés de sable mouillé, que ses cheveux lui retombent sur le front et que la pluie lui coule dans le cou, dans le dos.
Non, ce n’est pas vrai, ce n’est pas possible…Tout…Tout le monde est mort, maintenant…Vidias, tous les autres…Mais pourquoi ? Et ce dragon…cet hêertyr gigantesque…Mais pourquoi a-t-il fait cela ? Il peut…diriger les vents ?…Quel est donc cet être ?…Tant de morts…de morts…
Puis soudain, il se souvint du mage noir. Endymion ? Ils étaient tombés, puis il n’y avait plus pensé. Il se releva, et se retourna vers la dune qui se trouvait derrière lui. L’elfe se trouvait au sommet.
- Endymion ! s’exclama aussitôt Asrial.
En quelques enjambés, il rejoignit le mage. Celui n’avait rien. Même ses vêtements n’avaient subis aucune séquelle. Une petite plume d’un noir profond et luisant gisait à ses pieds. Ses cheveux sombres, mouillés, lui cascadaient dans le dos comme un torrent d’ombre immobile. Ses yeux d’améthyste et de cobalt était toujours aussi vifs, aussi inexpressifs. Sa peau blanche, sous les gouttes de pluie, brillait. Asrial le regarda un instant, tourna son regard vers les ruines de Ventorultimo, puis leva les yeux vers le ciel qui recommençait à s’obscurcir doucement.
- Que faisons-nous, à présent ? fit-il.
Endymion croisa les bras.
- Il faut aller rejoindre l’impératrice.
- Oui…Dis-moi, qui était cet énorme dragon ?
- Je ne sais pas. Mais sa puissance est grande. Il commande aux éléments de l’air. Il est aussi gros que le valfëril qui était présent lors de l’attaque de la Cité des Interdits.
- Ce n’est pas un hasard, je suppose.
- Je le pense aussi.
Asrial se perdit dans ses pensées.
Un dragon qui peut commander aux forces du ciel…quelle chose incroyable ! Même les plus puissants d’entre les archimages ne peuvent leur imposer leur volonté, seulement les solliciter…Mais… !
- Un tel être me dit quelque chose…Les Anciens Rois…combien étaient-ils ?
- Les Anciens Rois…ils ne sont que légende…Je ne connais pas leur nombre…
Asrial hocha la tête. Oui, une légende.
Tout comme Alexandryus…L’archange…Et Saeptum ?…Lui, est-ce vraiment lui ou encore une autre de ces légendes, de ces fables ? Aurore en est pourtant persuadée…Et je le crois. Pourtant, cela devrait me terrifier de savoir qu’un tel être est libre de parcourir Era comme bon lui semble. Mais je ne ressens rien de tel. Pourquoi ? Oh, bien sûr, j’ai peur, oui. Comme n’importe qui. Comme n’importe quel homme. Mais cela ne va pas plus loin. Alexandryus…Aurore m’a dit que j’étais son signe, le signe qu’elle attendait, et que par cela, j’étais quelqu’un de particulier…Cela m’a fait une impression étrange qu’elle me dise cela. Seaptum, Alexandryus…les Anciens Rois ? Ridicule…Cela n’a rien à voir…
- Et la cité de Dârhûn ? fit soudain Asrial. Cette armée, ce dragon ! Ils se dirigeaient vers cet endroit !
- Oui. Elle va sûrement être détruite. Cette armée était la même que celle qui a attaqué La cité des Interdits. Mais ses rangs ont considérablement grossis.
- La même ? Oh non…
Même si Aurore ne l’a pas dit, je savait ce qu’elle pensait, à Cresca.
- Je crois…je crois qu’il faudrait que nous y allions. Il faut au moins prévenir les habitants du danger qui les menaces. Cette ville est le berceau d’Elhaard…peut-être pourra-t-elle faire quelque chose…
- Je ne sais pas.
- Allons-y ! Et puis…il se peut que j’aie à vérifier une chose, pour l’impératrice, conclu Asrial d’un seul trait, essayant d’en révéler le moins possible.
Il n’est au courant de rien……
Si c’est bien lui qui a attaqué Cresca, alors je doit le vérifier…Au moins, nous saurons qu’Alexandryus n’est pas un légende…mais une question de temps…

Mais c’était trop tard. L’elfe, bien qu’ignorant de l’histoire, avait soupçonné quelque chose dès qu’Asrial lui eu dit cela. Endymion se tourna vers lui, et pour la première fois de leur conversation, le regarda. Bien que légèrement plus petit que lui, il n’avait pas beaucoup à lever les yeux pour plonger l’intensité de son regard dans le sien. Un ou deux pouces à peine. Asrial se sentit mal à l’aise face à ce regard. Il avait l’impression que les yeux de l’elfe lisait à travers lui, qu’il recherchait quelque chose.
- Dârhûn n’est pas très loin, dit-il en se détournant, vers le sud.
Asrial demanda :
- Mais comment y aller ?
Endymion décrocha son épée, qui atterrit dans son poing. Il l’empoigna à deux mains, et fendit l’air devant lui, faisant siffler sa lame comme un serpent à la voix de cristal. Brusquement, le sable vola dans les airs, projeté par un invisible tranchant de géant, modelant un chemin en longueur. Un chemin qui se creusait à travers les dune, et qui continua au loin, comme si une énorme charrue creusait à une vitesse incroyable un sillon dans le sable humide. Quelques secondes après, le sable retombé révéla le long sentier qui se perdait entre les dunes de sables.
- Tu comptes…y aller à pieds ? C’est encore assez loin.
- Oui, confirma Endymion.
Sur ce mot, l’elfe s’avança sur la voie dégagée, qui avait séparé net deux parties d’une haute dune. Son arme s’envola en tournoyant dans les airs pour plonger dans son dos, où elle se logea d’elle-même dans la sangle prévue. Le vent changea de sens, faisant voler ses longs cheveux noirs. Asrial repoussa quelques mèches brunes de son champs de vision en soupirant et emboîta le pas au mage.
Endymion passa entre les parois fendues de la dune. Le chemin s’éleva. Asrial le suivit. L’elfe disparu derrière le sommet de la monté. Le jeune homme le rejoignit et s’arrêta d’un seul coup, les yeux agrandis.
Que les mages sont étonnants !
La cité du désert de trouvait sous ses yeux. Dârhûn. Dârhûn qui se trouvait à des dizaines de lieues plus au sud se trouvait juste ici. Endymion, descendant déjà la pente sablonneuse, se retourna vers lui.

Mais Asrial regardait la ville. L’énorme ville, dressée au milieu d’une cuvette entourée de hautes dunes qui cachaient presque l’horizon. Entourée par un haut mur d’enceinte blanc et parfaitement circulaire, la cité du désert resplendissait comme une perle dans son écrin de sable. Au-delà de la muraille, toutes les constructions étaient elles aussi d’une blancheur pure, et les nombreux toits plats, les terrasses, arches et arcades, toits de bronzes, étaient surplombés par de hauts et superbes minarets, aux toits pointant le ciel de leurs flèches de tous les endroits de la ville. Sous les rayons du pâle soleil qui perçait les nuages, ils semblaient scintiller au milieu de la pluie comme de l’argent. Pourtant Dârhûn était la ville du Feu. Elle était aujourd’hui la Ville aux Minarets d’Argent.
Plus le regard se rapprochait du centre le la ville, plus les habitations, demeures et palais s’élevaient, reliés par de grands ponts de marbres et de longs et fins escaliers. Les fenêtres étaient hautes et larges, en ogive et sans vitres, laissant les vents s’y engouffrer, parfois justes recouvertes de grilles de bronze semblables à de véritables branches entrecroisées. Les rues et les grandes artères fourmillaient de monde. Enfin le regard atteignait le cœur de la cité du désert, et se posait sur un grande place toute pavée de marbre blanc et de bronze. Une vaste place blanche, encerclée par ces immenses minarets et ces palais scintillants comme de la nacre, encerclée comme par de hautes montagnes construites par la main même de l’homme, qui s’effondrait brusquement et abruptement en un haut mur l’encerclant entièrement. Là, au centre de cette place, se dressait un énorme dôme aux arêtes de métal cuivrées, sur lequel les rayons du soleil jouaient à chaque heure du jour.
Endymion se retourna et continua à descendre. Asrial détacha son regard de la ville qui, sous l’humidité de la pluie, resplendissait sous le soleil. La pente était raide et le sable mouillé. Une fois en bas, la ville était toujours aussi impressionnante.
Le cité du désert possédait quatre portes : la Porte des Ecrins de Rouille, au nord, la Porte des Amants du Vent, au sud, celle de Giriel, à l’est, et enfin la Porte de l’Ehfelsaëh, à l’ouest.
- La Porte des Ecrins de Rouilles, fit Asrial en observant les deux énormes battants d’acier grands ouverts.
Un gouffre entourait la ville, parfaitement circulaire, tout comme son mur d’enceinte. Quatre ponts blancs et lumineux le surplombaient pour donner accès aux quatre portes de la ville. Ce précipice était si profond, si noir, que quelque soit la position de l’astre du jour dans la voûte céleste, personne n’aurait pu voir ce qu’il renfermait. C’était l’ombre, le noir complet et mystérieux. Mais ainsi la ville était mieux protégé contre un quelconque assaut terrestre. Les habitants n’avaient qu’à fermer les quatre portes, et le tour était joué.
Endymion s’engagea sur les pavés blanc du pont, à moitié recouvert par le sable. La force de la pluie avait diminué, mais celle-ci ne semblait vouloir disparaître pour autant. Asrial, en regardant aux alentours, remarqua que personne ne sortait ni n’entrait dans la cité.
Bientôt, la pleine chaleur arrivera, et avec elle tous les marchands, tous les convois aériens qui ont des difficultés à se déplacer par temps pluvieux.
Arrivant près des hautes portes, il observa les toits qui s’élevaient, s’élevaient toujours plus au fur et à mesure que le regard se perdait vers le centre de la ville. Puis les deux hommes s’engouffrèrent dans la ville.
Les quatre grandes artères partant des quatre grandes portes de la ville rejoignaient en ligne droite la place centrale. La place Eléonora.
La grande rue dans laquelle ils s’avançaient était pavée de grandes grosses pierres de granit bien agencées. Le sol était partiellement recouvert de sable venue du désert entourant la ville. D’un côté et de l’autre de l’artère, des dizaines d’échoppes diverses s’alignaient côte à côte. Dans la foule cosmopolite dont les remous et les courants faisait ressembler la rue à une rivière, Asrial distingua beaucoup d’humains, car Dârhûn était un ville avant tout humaine, mais des humains venant de tous les recoins d’Era, ainsi que quelques rares nains et des nymphes. A mesure qu’il évoluaient dans la cité du désert, à mesure qu’ils approchaient de la place Eléonora, le nombre de minarets augmentait à vue d’œil. La nuit, à leur sommet était allumés d’énormes brasier qui resplendissaient dans la nuit tel des étoiles.
Après un moment passé dans l’artère bondée, ils parvinrent enfin sur la gigantesque place Enéonora. Cette place, si vaste, était entièrement encerclé par de hautes tours, minces et blanche, ou grise sous la pluie qui persistait encore, et par les grandes et blanches façades des palais de marbres de la ville. Un véritable mur de tours, de palais et de minarets ceinturait Eléonora, comme pour mieux la protéger, reluisant sous la pluie comme un cercle de cristal, comme un cercle de montagnes à l’éclat de diamant. Eléonora était pavée de bloc parfaitement lisses de bronze, de cuivre, de laiton, de marbre blanc et gris. Et entièrement vide. Sous la pluie et les blanc rayons du soleil, le sol brillait et reluisait comme un lac de feu et de nacre.
Au centre se dressait le sanctuaire d’Elhaard.
Le Dôme d’Elhaard. Le sanctuaire unique du sacre du Feu. Un impressionnant édifice de marbre rose et blanc à la forme de coupole. Quatre minarets aux toits d’argent lui était rattaché, formant un carré parfait, chacune en face d’une autre. Une armature d’airain était inséré au marbre du sanctuaire ; deux cercles de métal ceinturaient la coupole à la base, l’un au-dessus de l’autre, reliés par des formes végétales forgées dans le bronze. Ces même motifs, d’immenses arabesques, semblaient émaner du pied des quatre minarets comme d’énormes fleurs de métal plates, collés à la paroi du sanctuaire, de grands volutes de bronze qui ondulaient, s’entrecroisaient, formaient des pointes et des feuilles, ressortant sur les marbres du bâtiment.
Le sommet du sanctuaire en coupole était de verre. Aux deux tiers de sa hauteur, le Dôme d’Elhaard laissait le marbre pour devenir de verre limpide et éclatant, délimité par des branches de bronze venant des minarets, et qui s’étalaient et se terminaient contre les flancs du dôme luisant comme une perle.
Par rapport à la foule qui évoluaient dans les rues de la ville, la place Eléonora semblait vide tant les rares personnes qui s’y promenaient étaient noyées dans la grandeur des la place et des tours et minarets qui l’entouraient. La place semblait vide.
Le reflet d’Endymion sur les dalles de marbre mouillées de la place était comme une perle noire se déplaçant sur le marbre mouillé d’Eléonora. Asrial, qui contemplait le formidable mur de minarets ainsi qui les palais de la ville le rejoignit en quelques enjambées. Marchant aux côtés de l’elfe, il l’observait.
Qu’il semble jeune ! La première fois que nous nous sommes rencontrés, je lui aurait donné vingt ans, peut être vingt-cinq…A présent que je le côtoie depuis un certain moment, il me semble plus jeune…il semble adolescent…et en même temps adulte…dix-sept, dix-huit ans, lui donnerais-je…Que je paraît vieux à côté de lui ! on dirait que j’ai six ans de plus que lui, alors qu’il connaît le monde depuis sûrement des centaines d’années…
Asrial sourit un peu. Le mage semblaient si étranger au monde, et pourtant il semblait tout savoir…Il avait l’air un peu perdu, un peu trop seul…et pourtant. Subitement, Asrial retomba dans la réalité.
- Quand crois-tu que les dragons seront ici ? demanda-t-il, inquiet.
Endymion s’arrêta et se retourna.
- Regarde, dit-il en montrant le ciel, au loin.
Un ciel aux nuages à nouveau noirs comme du charbon, qui semblaient vivre et crier leur rage. Des nuages noirs, qui rougeoyaient. Asrial n’arrivait pas à détacher son regard de cela.
- Ils seront-là bien assez tôt.
Asrial se retourna pour observer avec étonnement que la tenue d’Endymion avait changée ; l’elfe, qui avait repris sa marche, avait à nouveau la tenue qu’il avait si mystérieusement passé à la Cité de Fer. Sa veste de feutre noire, sa chemise de dentelle blanche, ses bottes cavalières, sa longue cape de velours noire qui volaient sous les assauts du vent et qui l’enveloppait comme une brume obscure.
- Où va-t-on ? fit Asrial.
Endymion tendit une main gantée de soie noire vers les palais, à l’autre bout de la place. Sa manche était ouverte jusqu’à son coude, alors qu’elle aurait dû être fermé par deux petits boutons dorés, et deux couches de volants de satin soie blanche étouffaient presque sa main.
- Le Palais d’Arcandélie, celui du gouverneur.
Asrial observa la demeure de marbre blanc qui s’élevait plus loin, près d’un des minarets. C’était un haut palais à la façade sobre mais respirant la splendeur, comme toute la place. Son marbre blanc veiné de gris semblait posséder des nervures d’argent et les tuiles anthracites de son toit ruisselaient d’eau limpide. Deux petites coupoles se trouvaient chacune à un bout de la façade, surmontant deux petites tourelles. Ses hautes fenêtres entourées de sculptures délicates semblaient des lacs opalescents. Un banc de nuages passa, dévoilant le soleil blanc, éteint.
Soudain, un homme les dépassa brusquement, manquant de les bousculer, et toqua à la porte du manoir. Quelques secondes plus tard, une déflagration se fit entendre suivit d’une seconde explosion, celle qui annonçait des bâtiments éclatant et partant en fumée. Asrial et Endymion se retournèrent dans un bel ensemble pour voir des flammes et des braises s’élever d’un quartier au nord de la ville dans un air rougeoyant. Les nuages noirs, qui auparavant semblaient encore toucher à l’horizon paraissaient à présent vouloir avaler Dârhûn.
- Que… ? s’étrangla Asrial. Oh non ils sont là ! Nous sommes est arrivé trop tard !
Une ombre, bientôt suivit d’une autre, plus longue et plus fine, se détachèrent, sombres sur le rougeoiement du feu sur les nuages obscurs. Ceux-ci palpitaient sous leurs mouvements, leurs aller-retours incessant, le battement de leurs ailes, les ondulations de leur corps. A l’abri des nuages de cendres, ils surveillaient la cité du désert du haut du ciel.
- Le gouverneur…, fit Endymion.
Le mage tourna les talons et se dirigea rapidement vers la porte béante du palais. Au moment ou il allait entrer, l’homme qui était venu un peu plus tôt sorti en courant, manquant de lui rentrer dedans. Asrial le regarda partir à toute allure. Son regard se reporta à nouveau vers son compagnon, mais Endymion avait déjà pénétré dans la demeure du gouverneur.
L’intérieur était aussi resplendissant que l’extérieur. Le hall du Palais d’Arcandélie était baigné de lumière. Le regard se portait avant tout sur le grand escalier qui trônait au centre, un large escalier de marbre blanc qui décrivait un arc de cercle jusqu’au balcon du premier étage. Un tapis d’un pâle vert de mousse aux ourlets d’argents, descendait en cascade sur les marches de l’escalier jusqu’à la porte d’entrée du palais. Une grande statue de marbre, à droite de l’escalier surplombait une fontaine à deux étages et à l’eau claire. La sculpture représentait un groupe de créatures angéliques. Un ange au corps masculin et aux ailes étirées, étendu, comme mort, sur une volumineuse corne d’abondance. Cette même corne était soutenu par un autre ange ployant sous le fardeau comme Atlas sous le poids du monde. Un ange féminin était assis sur le bassin de l’ange étendu, les ailes étirées dans toute leur envergure, et le retenant à la gorge par une chaîne épaisse. Elle exhibait un sourire sardonique.
A gauche de l’escalier, une autre statue de marbre semblait comme une vie figé en un éclair. Un ange aux bras écarté, la tête renversée en arrière, avait les ailes repliées et attachées par un ruban. Un homme, serré contre lui, lui enserrait la taille d’un bras et lui maintenait un épée plantée dans le dos d’une autre, se transperçant ainsi lui-même. Son beau visage aux traits torturés exprimaient une tristesse froide et vide, et une frustration exacerbante.
Au sommet de l’escalier, au-dessus du balcon, une énorme fenêtre romane monopolisant presque tout le mur et était recouverte d’une grille aux barreaux noirs et espacés, déversait une pâle lumière dans tout le hall. Quelques grands tableaux sombres, funèbres, couvraient le murs à quelques mètres au-dessus du sol. Celui-ci représentait un homme aux traits du visage étirés de manière grotesque vers le sol, comme s’il se liquéfiait, et qui tentait de retenir son âme qui s’échappait de lui-même. Cet autre, dans un coin, montrait un corbeau mort enchâssé sur un clou et tenant une rose rouge fanée dans son bec.
Endymion était déjà en haut de l’escalier, sa longue cape de velours traînant sur les dernières marches. Une deuxième détonation retentit, plus lointaine que la précédente. Mais Asrial sentit néanmoins des vibrations du sol qui parvenait jusqu’ici. Endymion tourna prestement à droite et s’engagea dans un couloir. Asrial monta l’escalier quatre à quatre et le rattrapa.
- Le bureau du gouverneur doit être ici, dit le mage.
- Oui mais à quoi servira-t-il de mettre la main sur cet homme ?
- Dârhûn est la ville du feu. Il en est le gouverneur, il doit en connaître les secret.
Se déplaçant comme une ombre furtive, Endymion avança jusqu’à une porte de chêne sculpté avec goût, à la poignée de laiton en forme de feuille de chêne recourbée pour épouser la forme d’une paume. D’un geste rapide, il appuya dessus et s’introduit dans la pièce. Asrial le suivit dans la bureau.
- Qui êtes-vous ? s’exclama l’homme qu’ils découvrirent en train de déverser un monceau de livres d’une armoire en hâte.
Il était grand, âgé d’une cinquantaine d’année environ. Ses cheveux coupés courts étaient déjà presque entièrement blancs, et ses rides délicats et ses yeux bruns reflétaient toute les années qui étaient à présent passées derrière lui. Il portait un veston vermeil, aux ourlets de velours noir cousus d’or, ouvert sur une longue chemise de crêpe de soie noire et de fils dorés qui décrivaient des motifs entrelacés. Ses hauts de chausse noirs étaient rentrés dans ses bottes cavalières de cuir noir, bouclés sur le côté par de petits fermoirs d’or en forme de tête de loup grognant. Sa cravate lavallière d’un blanc nacré était maintenue par une broche à la forme identique, et dont les yeux de grenat étincelaient.
Les yeux d’Asrial se portèrent immédiatement sur la grande porte-fenêtre qui éclairait la salle. Elle donnait sur la vaste place Eléonora, et elle seule était éclairée par la lumière fade et blanche du soleil qui perçaient les nuages obscurs juste au-dessus. Le reste de la ville semblait plongée dans la nuit, tant cette sombre marée assombrissait le ciel. A présent, d’ici, le jeune homme pouvait voir les incendies qui ravageaient nord de Dârhûn. Les flammes de la fournaise s’élevaient au dessus des toits comme et leurs langues léchaient les bâtiments alentours, les faisant sembler de gigantesques fleurs de feu. Quelques bâtiments explosaient dans une vive détonation, et le brasier gagnait du terrain.
- Qui êtes-vous ? répéta l’homme.
- Peu importe, fit Endymion, placide.
Dans les yeux de l’homme se lisait non pas la colère et l’impatience, mais la peur, la tension, et une sorte de lassitude.
Il a dû déjà tellement voir de choses... , pensa Asrial en le regardant. Des horreurs comme des joies. Il a déjà dû se retrouver dans des situations où il risquait de perdre la vie...on lit le courage dans ses yeux. Ce n’est sans doute pas la première fois qu’il a peur de mourir, ou qu’il se demande ce que le sort nous réserve...lui réserve...
- Je m’appelle Asrial. Gouverneur, connaissez-vous un moyens d’arrêter ou tout du moins de repousser les dragons ?
Suis-je bête de dire cela...Pourquoi lui, un simple homme aux abois comme tous ici, aurait la solution ?
Depuis qu’il était jeune, et même depuis qu’il était gouverneur, Edward Lincourt n’avais jamais eu à faire face à une telle situation. Oh bien sûr, la cité du désert avait déjà dû faire face à des situations de crise, menaçant son peuple, son intégrité ou pouvoir. Mais jamais à quelque chose qui risquait tout bonnement de rayer la ville de la carte.
Le gouverneur soupira en fermant les yeux. Tournant les talons, il se dirigea vers la grande porte-fenêtre de son bureau.
- Je…Je ne sais que faire…, lâcha-t-il comme à regret.
Se retournant, il enchaîna rapidement :
- Oui, je me doute de ce que vous pensez…que j’ai la charge de cette ville et que je n’ai en aucun cas le droit de baisser les bras…mais face à une telle situation…Que faire ?
Asrial le regarda avec compassion, même si ses traits restaient figés. Cet homme lui rappelait…
Mon père…Ce visage si grave, si triste, semblant porter un fardeau si grand, si lourd pour ses épaules de simple homme…Si las, si triste…
Le jeune homme s’approcha du gouverneur. Au loin, les explosions continuaient de se faire entendre, le feu dévorait toujours.
- Avez-vous pensé à Elhaard ? risqua-t-il.
Edward se retourna d’un coup.
- Elhaard ? Vous n’y pensez pas ! s’exclama-t-il.
- Pourquoi cela ?
- Elle n’est pas encore…totalement enfantée…
- Je le sais bien…Mais justement. C’est le moment ou son essence est la plus pure…et tout ce feu ! Ne voyez-vous pas qu’elle est la plus à même de maîtriser cette crise ?
Endymion s’approcha d’eux et fixa le gouverneur.
- Il a raison. Il vous faut la solliciter incessamment. Le temps presse.
Les traits d’Edward se crispèrent. Il porta la main à son front comme si sa tête se fût mise à tourner. Il se détourna des deux jeunes hommes alla s’asseoir à son bureau.
- C’est impossible…, finit-il par répondre d’un voix presque inaudible.
Son visage était blême à présent, comme celui d’un mort, et ses deux prunelles noires, semblant deux billes d’obsidienne, vacillaient comme la flamme d’un bougie sous l’assaut des courants d’airs.
- C’est impossible…, répéta-il. On ne peut pas…Son essence est incomplète, et sa conscience n’est pas unifiée ! Et puis les Gardiens Murmurants ne laisseraient passer personne…Vous rendez-vous compte ? En imaginant qu’un chose soit possible, le temps qu’Elhaard n’entreprenne quoi que ce soit, la ville sera partie en fumée !
Il avait dit tout cela sur un ton tremblant et crispé. La tension qui l’habitait ressortait. Il avait peur.
Asrial le regarda et dit :
- Mais cela vaut le coup d’essayer…sait-on jamais. Il faut forcer Elhaard à faire quelque chose !
- On ne peut pas ! s’exclama le gouverneur d’un voix forte en se levant d’un coup.
Endymion, qui observait toujours à travers les vitre les mouvements tournoyant des ombres au-dessus des nuages, se retourna et trouva les yeux d’Asrial. Il y lu la confirmation que le jeune homme pensait la même chose que lui. D’un mouvement rapide, il s’approcha du gouverneur et abattit sa main ganté sur la nuque d’Edward Lincourt. Le vieil homme s’écroula sur sa chaise, inconscient.
- Je suis désolé, vieil homme, souffla Endymion en rabattant son ample capuchon noir, plongeant presque entièrement dans l’ombre son délicat visage, ne laissant apparaître que ses lèvres bien dessinés et son menton d’un grande finesse.
Il se releva et se dirigea vers le couloir. Asrial, sans perdre de temps, passa ses bras dans le dos et sous les genoux du gouverneur et le souleva.
Alors qu’il rejoignait Endymion dans le grand hall d’Arcandélie, un homme, sans doute un émissaire, pénétra par les portes restées grandes ouvertes.
- Mais que… !? s’exclama-t-il en apercevant le gouverneur inconscient dans les bras d’Asrial.
Il n’eu le temps d’esquisser un seul geste ; Endymion descendit les dernières marches de l’escalier d’un mouvement agile et, passant près de l’homme, éleva sa paume au niveau de son visage. Il en émana une diaphane lueur blanche et l’homme s’écroula comme une marionnette désarticulée, sans qu’Endymion ne le regarde ou ne s’arrête.
Asrial descendit l’escalier de marbre et enjamba l’émissaire. Pénétrant sur la place Eléonora, sous la pluie et la soleil pâle et froid perçant toujours au-dessus, il vit Endymion se diriger vers le centre de la place. Vers le sanctuaire, le Dôme d’Elhaard qui brillait toujours tel une gigantesque perle.
Asrial traversa l’énorme place à présent entièrement vide, sous la pluie battante. Il contourna le Dôme et trouva Endymion, debout devant les portes d’acier et de bronze du sanctuaire.

*

Julia empoigna les pans de sa longue robe de bal pour faciliter son avancée à travers les jardins, pestant intérieurement contre ces vêtements Ô combien encombrant et peu fonctionnels.
J’enrage ! Ah, que les hommes ont la belle vie ! Oh, mais pourquoi faut-il que les aristocrates portent ce genre d’accoutrement ?
- Julia, est-tu sûre que nous les trouverons ici ?
Eloïse suivait son amie en prenant garde à ne pas trébucher à cause de ses escarpins. Julia, avec un geste agacé, se passa une main dans les cheveux, repoussant les deux épaisses mèches qui obstruaient son champ de vision, réduisant à néant les efforts minutieux des servantes qui lui avaient réalisé cette coiffure parfaite.
Parfaitement affreuse, oui…Mais pourquoi faut-il qu’on me prenne pour une poupée de collection à chaque bal, chaque réception mondaine, chaque sortie ? Ils pourraient tout aussi bien m’empailler pour décorer une vitrine !
- Non, mais c’est toujours mieux que de tourner en rond…, répondit la jeune femme aux cheveux de neige.
Julia, affolée, avait tourné en rond sur le balcon où elle avait cru abandonner Baptiste et Quentin. Manque de chance, les deux jeunes hommes semblaient s’être évaporés. Et alors qu’elle mourrait d’envie, après cet horrible récital de clavecin qui lui avait broyé les doigts, de se jeter sur le buffet et de dévorer les délicates pâtisseries et autres délices sucrés créés spécialement par les cuisiniers du baron, elle s’était mis en quêtes des deux amants…se promettant de leur faire payer d’une manière ou d’une autre la perte de ce moment si tendre qu’elle aurait passé avec ces douceurs de buffet.
Mais où sont-ils donc passés ?
Elles sortirent de la petite allée délimitée par deux petites rangées de buis taillés et arrivèrent près de l’étang aux nénuphars. Trois cygnes, deux blancs et un noir, glissaient avec une grâce silencieuse sur l’eau sombre et presque immobile dans laquelle se miraient la lune et les étoiles. Les fleurs aquatiques, closes, assemblés en groupes sur les bords de l’étang, semblaient sous la clarté nocturne autant de petites flammes d’un délicat blanc rosé. Le grand et bel oiseau noir se rapprocha de la rive, où poussait une gerbe de roseaux enlacée par un liseron blanc. Julia s’arrêta, et s’approcha doucement de la rive pour ne pas effaroucher l’animal.
- Que fait-tu ? s’étonna Eloïse, alors que Julia s’approchait dangereusement de l’eau sombre et luisante comme une surface de diamant noir poli.
- J’aime ces oiseaux, répondit la jeune femme sans quitter le cygne noir des yeux.
Le cygne noir regardait Julia en penchant la tête sur le côté. Puis il se lissa les plumes et la regarda à nouveau. Méfiant, peut-être, ou simplement curieux de voir ce que cette femme étincelante lui voulait.
Eloïse poussa une exclamation. Julia venait d’entrer dans l’eau à petit pas.
- Julia ! L’eau est gelée ! Et…et ta robe ?!
- Ce n’est rien, elle sèchera…, souffla Julia.
- Ta mère va défaillir et les autres filles vont avoir l’occasion de pouffer comme des dindes et de lancer des ragots !
Julia haussa les épaules d’un geste dédaigneux.
- Et alors… ?
A présent, elle avait de l’eau jusqu’à la taille, et sa robe d’or et d’albâtre gonflée faisait comme un coussin autour d’elle. Le cygne avait reculé en balançant le cou de gauche à droite et en secouant la tête. Julia sentait des propres frissons la parcourir. C’est vrai que cette eau était froide. Mais qu’importe ; c’était tellement excitant.
Elle tendit un bras vers le grand oiseau noir. Il commençait à s’intéresser, semblait-il. Mais avant qu’elle n’ait pu caresser les sombres plumes soyeuses, une flèche siffla et se ficha sans le cou du cygne. Celui-ci poussa un cri bref et s’écroula dans l’eau, son sang rouge coulant et commençant à imbiber la robe blanche de Julia.
La jeune femme était resté pétrifiée sur place, les yeux écarquillés, la bouche ouverte, comme si un régiment dragons était passé juste sous son nez.
- Julia ! s’écria pour la seconde fois Eloïse. Sors de là !
Cette fois, la blanche jeune femme l’entendit. Elle se retourna, conservant son expression toujours ahurie, et entreprit de remonter sur la rive, relevant les pans de son vêtement alourdi par l’eau.
C’est alors qu’elle vit un groupe de jeunes gens. Devant, près d’Eloïse qui s’était accroupie près de l’eau pour aider son amie, se tenait Aldorid d’Olfitz, un jeune homme aux courts cheveux châtains, aux fins yeux gris, presque noir, et à forte carrure. Il tenait dans la mains un arc et un carquois était attachés dans son dos. Un petit sourire flottait au coin de ses lèvres.
L’expression de Julia passa de l’état ahuri à celui de furibond.
- Ma chère, lança Aldorid, il était moins une ! Un peu plus et cette bête cassait vos jolis doigts ! Mais que faisiez-vous dans cet étang en pleine nuit ?
Derrière lui, quelques jeunes femmes gloussèrent.
Julia sortit de l’eau avec l’aide d’Eloïse qui la tenait par le bras, et posa les pieds sur la rive. Sa robe ruisselante traînait sur le sol et les fleurs blanches délicates qui avaient soigneusement étaient disposées sur les ourlets pendaient lamentablement ou étaient tombées. Ses longues cheveux blancs tressés gouttaient. Eloïse les lui passa devant les épaules.
Julia se dirigea vers Aldorid d’un pas décidé et lui assena une gifle retentissante et humide, laissant un trace rouge et dégoulinante sur sa joue.
- Etait-ce une raison pour le tuer ?! s’écria-t-elle, furieuse.
D’Olfitz écarquilla les yeux de surprise en se tenant la joue de sa main gantée. Sa main se crispa sur son arc. Ses yeux s’étrécirent et se reposèrent sur Julia. Il lui prit le poignet.
- Petite catin ! crachat-il. Je vous sauve d’un certain désagrément et voilà comment vous me remerciez ? Il vous faudrait réapprendre les bonne manières si celles-ci ne vous ont pas été suffisamment inculquées !
- Lâchez-moi, Aldorid, laissa tomber Julia sur un ton froid et tremblant de colère contenue.
Le jeune arrogant relâcha son étreinte sur son poignet avec un petit sourire de satisfaction.
Quel rustre…C’est ça, regarde-moi bien avec tes yeux de porcins…si cela t’amuse de croire que c’est par peur de toi que je tremble…Si cela peut faire tomber ces greluches en pâmoison devant ta prétendue virilité…Pauvre imbécile !
Julia le regarda encore un instant dans les yeux, puis partit vers la demeure d’Ildecast d’un pas furibond. Les courtisanes qui accompagnaient Aldorid s’écartèrent sur son passage, pouffant derrière leurs éventails. Eloïse soupira et suivit son amie.
Dans le lac, le sang vermeil du cygne noir léchait à présent la berge.

*

- Les portes sont fermées…, souffla Asrial.
Endymion leva la tête vers le sommet des portes du Dôme. Il posa doucement sa main sur l’acier, l’effleurant presque. Il y eu un grondement sourd, un grincement. Les lourdes portes métalliques pivotèrent vers l’intérieur. Endymion pénétra dans l’obscurité du Dôme sans un mot. Alors que son compagnon allait le suivre, une voix qui lui disait quelque chose retentit derrière lui :
- Asrial ! C’est toi ?
D’un mouvement brusque, l’interpellé se retourna. Là, sous la pluie diluvienne qui continuait de tomber, dans les pâles rayons du soleil, se tenait une grande silhouette dont les cheveux clairs et trempés jouaient avec le vent.
- Ei…Eiger ?! s’étonna Asrial. Mais...mais comment...? Que fait-tu ici ?
L’homme s’approcha. Il portait, comme quand Asrial l’avait pour la première fois, une chemise de lin blanc, qui, trempée, laissait distinguer son torse. Une entaille sanglante le marquait sur le côté. Eiger tenait à la main un sabre à lame fine taché de sang, et ses boucles blondes mouillées pendaient autour de son visage anguleux aux traits crispés et inquiets. Il s’arrêta à quelques pas d’Asrial, et resta un instant là, les yeux fixés sur lui, sous la pluie battante. Ses yeux auparavant brillants étaient éteints et semblaient voir à travers lui, ne pas le regarder.
- Que fait-tu ici ? demanda Eiger avec un demi-sourire un peu vacillant, mais authentique.
- Je…, commença Asrial. Je pourrais vous poser la même question…
- Oh…, fit l’homme en se fendant d’un sourire, entier et quelque peu maladroit, en repoussant de longues mèches blondes et trempées de son visage. C’est une longue histoire. Je te la conterais une autre fois, si le cœur vous dit toujours…Mais pour l’instant…
Il n’y aura peut-être jamais d’« autre fois »…
- Non n’avons plus beaucoup de temps.
La voix grave et suave d’Endymion les fit se retourner. Du mage, enveloppé d’ombre, ses cheveux d’ébènes flottant dans le vent, émanait un charisme sombre.
- C’est vrai…, souffla Asrial. Eiger, où allais-tu ?
- Au Dôme. Je voulais…il faut trouver le moyen de faire réagir Elhaard !
- Oui, nous le pensons aussi…Endymion, il… !
Mais l’elfe avait déjà disparu dans l’ombre du sanctuaire. Asrial pris la main glacée d’Eiger et lui dit :
- Viens…
Ils s’enfoncèrent dans la sombre atmosphère du Dôme à la suite d’Endymion.
L’intérieur était entièrement plongé dans un obscurité impénétrable. Même la lumière pâle pénétrant par les hautes portes grandes ouvertes ne perçait pas les ténèbres. Asrial et Eiger s’y enfoncèrent sans pas à pas.
- Endymion ? Où êtes-vous ?
La voix d’Asrial retentissait clairement dans le silence qui emplissait l’air. Comme une réponse, un grincement métallique se fit entendre, puis un rais de lumière blanche jaillit devant eux. Les deux hommes plissèrent les yeux, éblouis. Les deux battants finissaient de s’ouvrir, laissant la silhouette noire d’Endymion se détacher dans la blancheur scintillante, leur faisant face. Se retournant, il pénétra dans la lumière.


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MessagePosté: 07 Oct 2005 16:01 
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Alors réaction à la fin du chapitre 8 : :maiseuh: ai-je hurlé intérieurement (ben oui, j'étais au bureau) en voyant que Baptiste et Quentin allaient juste dormir ensemble en fin de compte...

Et réaction à la fin du chapitre 9 : :maiseuh: Je veux :suite: moi !! Je veux savoir ce qui va se passer, si Asrial va finir par succomber au charme d'un bel homme, si Julia va tuer sa belle-mère, si les deux zozos cités au-dessus vont enfin sauter le pas et puis tout le reste !!! Tu vas nous faire une suite un jour ? :nieux:

Cybelia.


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MessagePosté: 07 Oct 2005 19:28 
cybelia a écrit:
voyant que Baptiste et Quentin allaient juste dormir ensemble en fin de compte...

hé hé...eh oui, j'essaie de faire durer le plaisir et la frustration au maximum, et surtout, de réduire le nombre des lemons dans un texte pour donner à ceux qui reste plus de qualité...
On reconnait les pervers >_<

cybelia a écrit:
Je veux savoir ce qui va se passer, si Asrial va finir par succomber au charme d'un bel homme, si Julia va tuer sa belle-mère, si les deux zozos cités au-dessus vont enfin sauter le pas et puis tout le reste !!! Tu vas nous faire une suite un jour ?

je réponds dans l'ordre: Asrial va surement succomber au charme de quelqu'un, ou c'est quelqu'un qui va succomber à son charme, effectivement, Julia ne va pas finir par tuer sa mère, j'en suis désolé, et de toute façon on ne la vois plus après^^, et est-ce que les deux zozos vont sauter le pas: peut-être, en fait j'en sais rien, mais de toute façon ils vont pas durer longtemps...
Ben la suite euh...voui mais faudrait que je la recopie parce que j'ai environ encore 220 feuilles manuscrites qu'il faudrait recopier à l'ordi...qui date de ma 4e donc pleins de changements à apporter...
Puis en fait j'ai laissé tomber le projet parce que je me suis rendu compte que j'avais pleins d'élément pour finir l'histoire mais que je savais pas comment les raccrocher puis, avec du recul je trouvait l'histoire assez stéréotypée et simplette...Donc j'ai prévu un autre manuscrit, un vrai, que j'aimerais faire éditer, et pour lequel je suis en train de faire des recherches...


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MessagePosté: 08 Oct 2005 15:09 
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Lord Archevert a écrit:
avec du recul je trouvait l'histoire assez stéréotypée et simplette...

Simplette ??? :shock: :shock: :shock: C'est plus recherché que la plupart des bouquins que je lis !!

Enfin, maintenant que je connais ton talent, je peux t'assurer que je lirai ce que tu écriras d'autre !!

Cybelia.


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MessagePosté: 08 Oct 2005 20:10 
Merci Cyb :oops: :oops: :oops:
Si tu veux à noel je pourrais te donner un résumé de ce que la suite aurait donné eavec des petites explications sur le monde que j'ai inventé parce que j'avais fait un lexique et une carte du monde m'ai j'ai eu la flemme des les recopier ou de les scanner-_-0


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MessagePosté: 08 Oct 2005 21:45 
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Ah oui, ça m'intéresse beaucoup !! :D

Cybelia.


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MessagePosté: 09 Oct 2005 14:53 
cybelia a écrit:
Ah oui, ça m'intéresse beaucoup !! :D

Cybelia.


Oki, fait moi-y penser avant le réveillon^^


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MessagePosté: 15 Oct 2005 21:18 
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Slash ou non, telle est la question...
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Localisation: Brest pour le moment
Avec trois plombede retard je dois dire :bravo: :bravo: :bravo: :bravo:

J'adore tjrs c'est très complet très bien écrit et puis moi d'abord je veux :suite: :suite: :suite: (trop tard pour que j'ecrive un truc intelligent)

_________________
"outside the government, beyond the police"
"Captain Jack: Nice to meet you, Martha Jones.
The Doctor: [Irritated] Oh, don't start!
Captain Jack: I was only saying 'hello'!"

Non non je ne suis pas monomanique en ce moment


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