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 Sujet du message: La Légende des Larmenuits
MessagePosté: 03 Sep 2005 20:51 
Corriger "Les notes en noir" de Mailine m'a donné envie de poster le premier chapitre d'un long texte que j'ai commencé ya deux ans et que j'ai jamais continué depuis...Je m'étais arrêté au chapitre IX....
Sô a été ma première critique^^ alors je me suis dit qu'il fallait je soumettre à plusieurs points de vue différents.
Je préfère personellement écrire un texte où j'invente tout plutôt que des fics. Même si ce texte est à visée yaoi au long cours, c'est une histoire sans flood^^
En plus, le poster ici me permet de le corriger en même temps, ce que je ne fait qu'après avoir terminé un texte... 8)
J'attends vos critiques, toutes vos critiques, bonnes ou mauvaises, du moment qu'elles sont constructives^^

Donc voilà la premier chapitre!


______________________________________________

La Légende des Larmenuits

Tourbillonnant entre les bras de leur mère,
Brisures des étoiles chassées par le chant du coq,
Se fondant dans une éternité opale et éphémère,
Ils plongent dans l’obscur manteau de l’ombre,
Tel des feuilles mortes dansant au vent,
Comme des éclats d’absences tenant compagnie au silence

Un mouvement, une vague d’ébène qui passe
La vérité se tient là, sous le regard des princes,
Contemplant le néant qui peu à peu s’efface
A la lumière de l’âme qui déjà l’évince

Embrassant les tours de la vieille muraille des cieux,
Le vent emporte les dernières plumes de l’ange évanescent
Rendant à l’horizon son dernier adieu ;
Et tandis que le rêve de chagrin ensemence les terres
Les Larmenuits reviennent à la vie.


Première Partie

Chapitre I : Le jeune duc




Le jeune homme arriva hors d’haleine devant la haute et vieille grille de fer forgé du manoir familial. Derrière celle-ci, la masse noire du château émergeait de la sombre forêt du domaine, les toits de métal coniques de ses tourelles luisant sous la lune. Rond et blanc, tel une gigantesque opale céleste, l’astre nocturne dispensait sa pâle clarté d’entre les nuages gris et lacérés, plongeant le monde dans une atmosphère étrange, fantastique, et presque lugubre.
Tâtonnant fébrilement dans sa sacoche de cuir à la recherche d’une clé, le jeune homme se retourna vers les lumières de la ville qui brillaient en contrebas. Se répercutant le long du chemin pavé de pierres qui descendait vers Artolanth, on pouvait déjà entendre les cris et les imprécations des hommes furieux et le fracas des armes qui montaient dans la nuit.
Asrial, toujours à la recherche de cette clé dont il maudissait tout bas la disparition, sentit la première goutte de sueur glacée de la peur lui descendre le long de l’échine. A présent, d’innombrables lueurs de torches apparaissaient sur le chemin, comme vomies des portes de la ville elle-même.
- Mais où est donc passée cette satanée clé ? pesta le jeune homme, le cœur battant à se rompre et le corps inondé de sueur froide. Tant pis, plus le temps !
Refermant son sac d’un mouvement brusque, il empoigna deux des barreaux de fer glacés et entrepris d’escalader la grille. Derrière lui, les habitants de la ville gagnaient du terrain ; dans quelques minutes, ils seraient aux portes du manoir.
Asrial n’avait plus beaucoup de temps pour fuir. En quelques mouvements souples, il passa au-dessus des pointes acérées qui surmontaient les grilles, non sans se faire une entaille le long de la main, et retomba à genoux de l’autre côté. Puis il se releva et couru, manquant dans sa hâte de s’étaler par terre. Là-bas, au bout de la longue allée bordée de grands arbres sombres, il distinguait déjà l’imposante double porte de chêne massif dressée en haut de la petite volée de marches.
Il stoppa sa course juste au pied du perron, manquant de trébucher sur les dalles de pierre.
Devant lui, l’énorme bâtisse dressait sa triste face de pierre grise. Sous les rayons lunaires, elle semblait, aux yeux d’Asrial, plus monstrueuse que jamais. Les fenêtres, réfléchissant la lumière nocturne, donnait l’impression que le castel était pourvu de dizaines et de dizaines d’yeux glauques, dilatés et avides, qui observaient les visiteurs avant que la porte, telle une gueule immonde et noire, ne les engloutissent. Les balcons paraissaient d’affreuses excroissances de la chair de pierre, et les toits pointus étaient semblables à des cornes.
Mais malgré l’effroi et le dégoût que lui inspirait désormais la demeure familiale, que maintenant seuls les chevaux de l’écurie habitaient, il se résigna à entrer.
Etant donné que son trousseau de clés, celui que le notaire lui avait remis un peu plus tôt ce matin, avait été volé ou perdu, il enfonça violemment d’un coup de pied l’un des battants d’une des grandes porte-fenêtre gauche du rez-de-chaussée, faisant voler en éclat les vitres, d’un geste trop franc de mécanique détraqué. L’intérieur du manoir, obscur, était tel qu’Asrial l’avait quitté dans la matinée, peu après la visite du notaire Dalvay.
Tout les meubles étaient recouverts de longs draps blanc, tel des suaires, les faisant ressembler à des spectres blafards et immobiles, comme dans l’attente de la victime inconsciente qui passerait entre eux, pour l’attraper et la dévorer dans l’ombre sans un bruit.
Asrial traversa le salon de réception et passa dans le vaste et haut couloir de l’entrée, dallé et bordé de longues colonnes de marbre gris. Contrairement au reste de la demeure, ce corridor était éclairé, quoique faiblement, grâce à la lumière de la lune filtrant à travers l’énorme coupole de vitraux outremers et blancs au sommet de la large cage du grand escalier, au bout du hall. Fébrile et tremblant, les paupières battant presque comme un épileptique et les gestes d’un automate, Asrial le traversa d’un pas pressant, écoutant nerveusement l’écho de ses pas qui semblait se répercuter à l’infini.
Montant les marches deux à deux, presque en courant, il gravit le grand escalier, léchant sa plaie à la main dont le sang commençait déjà de sécher sur la paume. Il donnait sur le couloir principal du premier étage, aussi vaste et haut que celui du hall, traversé par un tapis carminé bordé d’or, comme taché du sang des victimes des spectres blancs recouvrant le mobilier qui remplissaient la bâtisse vide.
A chaque fois qu’il passait devant une pièce plongée dans l’ombre, Asrial les imaginaient, ces fantômes, leurs visages décharnés et empreint d’une affliction, d’une peine infinie, enveloppés dans leurs linceuls et leurs brumes, une lueur rouge de folie, de haine et de faim dévorante brillant au fond de leurs orbites vides et noires, semblables à des puits sans fond. Ces créatures qui n’attendaient que chair, sang et âme pour se rassasier, et qui hantaient ses pires cauchemars.
Pures inventions de l’esprit…, se dit le jeune homme en essayant de se rassurer.
Mais il n’était plus tout à fait sûr. Ce qui lui fit accélérer le pas.
En passant devant la fenêtre du bout du couloir, il nota presque inconsciemment que ses poursuivants d’Artolanth étaient à présent devant la grille d’entrée du domaine. A présent son domaine, à lui, Asrial, l’unique héritier de la famille De Calinath.
Et, l’espace d’un instant, son esprit replongea…

*

La mort du Duc Aldorem De Calinath, âgé alors de quatre-vingt six ans, était survenue en ce début d’année 8456, alors que le printemps encore frais offrait ses premières fleurs. Ce père, la seule famille qui restait à Asrial depuis que sa mère avait été emportée par la maladie, trois ans plus tôt. Elle avait toujours été fragile. Elle avait toujours été fragile.Elle avait toujours été fragile...Mais depuis quand?
Fragile…à trop de choses…détachée…détachée de la vie…d’elle-même…l’ombre d’elle…même…
A présent, le jeune homme était propriétaire de tout le domaine ducal. Mais cela n’atténuait pas sa tristesse pour autant. Tristesse, et soulagement. Pourquoi toujours les sentiments ne savent-ils pas être solitaire et faire place forte dans le cœur d’un homme ? Pourquoi toujours se le partager avec comme une malice inépuisable à faire naître la honte ?
- Monsieur, puis-je encore faire quelque chose ?
Asrial, à genoux près du corps de son père, gisant dans son grand lit à baldaquin aux tentures de velours rouge, releva la tête vers la jeune domestique qui venait d’entrer en le tirant de l’abîme noir de ses pensées qui l’emportait de plus en plus loin, ces temps-ci. Celle-ci, à la vue du visage inondé de larmes mais pourtant serein de son jeune maître, fut profondément touchée par la peine et les sentiments déchirants qui alourdissaient son cœur.
- N…non, merci, Justine. Peux-tu me…laisser seul un moment ?
- …Bien sûr, monsieur…, répondit-elle doucement.
Elle hocha la tête, ses cheveux châtains coulant sur ses épaules, lisses et bien coiffés.
Mais au moment où la porte de chêne sculpté allait se refermer sur elle, il la rappela :
- Justine !
- Oui, monsieur ?
- Dites à tous les domestiques qu’il peuvent prendre leur semaine…et aussi la suivante…J’ai…j’ai besoin d’être seul pendant quelques temps…
La jeune fille afficha un air étonné et inquiet, écarquillant ses yeux noisette, se demandant si son jeune maître ne voulait pas, sous la douleur, mettre fin à ses jours. Mais elle n’en dit mot et ressortit de la chambre de l’ancien Duc.
Dès que la porte se fut refermée, Asrial se releva et essuya les larmes qui coulaient encore le long de ses joues.
Cela semble si étrange de se faire appeler « monsieur » par une personne qui n’a que deux années de moins que soi…,pensa-t-il avec détachement pourtant pour ce qui passait dans son esprit.
Justine avait été engagée tôt au service de la famille De Calinath, en tant que femme de chambre. Elle été arrivée à seize ans au manoir. Au début, il avait cru en être tombé amoureux, mais cet état lui avait été passager. Bien que Justine aie un physique harmonieux, délicat et presque trop frêle pour elle-même, il ne s’en était jamais entiché plus que cela. Il la trouvait belle, gentille, touchante parfois, et c’était tout.
Asrial parcouru la chambre de son défunt père. Le notaire n’allait pas tarder à arriver.
Il passa près de la fenêtre et s’arrêta devant le grand miroir ovale posé sur un trépied de bois. Il y contempla le jeune homme qui s’y reflétait. Un jeune homme de vingt-trois ans, de haute et souple stature, de belle prestance, dont les cheveux brun foncé aux reflets d’une luminosité terne se partageaient en de fines mèches qui encadraient son visage ovale, d’ordinaire souriant, et retombait au bas de sa nuque. Les traits fins mais puissants de sa figure se trouvaient ravagés par les larmes. Le menton d’un bel ovale et les mâchoires anguleuses étaient agités encore de tressaillements. Ses yeux, oscillants en temps normal entre un bleu pâle de ciel d’hiver et le vert mousse, semblaient aujourd’hui sombres et vides, grisâtres des nuages de pluie.
Asrial se détourna de la glace, desserrant le col de sa veste de velours mauve brodée d’argent qui le faisait étouffer, ainsi que celui de sa chemise de soie noire. Il retira sa cravate lavallière de soie noire et la jeta sur un fauteuil.
Puis il s’assit sur le sol, les bras autour des jambes et la tête enfouie dans les genoux. Et les perles salées roulèrent à nouveau.

*

Plus tard dans la matinée, après que le corps de son père ai rejoint le caveau familial, dans la forêt entourant le manoir, et quand tous les domestiques eurent désertés la demeure, le notaire Dalvay vint trouver Asrial.
Leur entrevue fut brève ; l’homme lui fit part du contenu du testament de son père, par lequel il léguait à son fils tout le domaine et la fortune des De Calinath, et lui donna un trousseau de clés, parmis lesquelles beaucoup se trouvaient déjà en la possession d’Asrial. Mais certaines, que le défunt duc avaient confiées jadis à son notaire, ouvraient des coffres ou des endroit comme la crypte familiale, à laquelle Asrial n’avait jamais eu accès, excepté pour l’ensevelissement de sa mère, puis de son père.
Puis Dalvay était partit. A peine Asrial était-il resté quelques instants seul dans le manoir désert que celui-ci lui l’effrayait déjà.
Il était monté dans sa chambre, s’était déshabillé. Pendant un long moment, il était resté nu, enveloppé dans un long drap de soie blanche, à regarder les sous-bois obscurs, s’attendant presque à voir son père en surgir, rampant dans les feuilles, la mousse et la terre, murmurant son nom avec une volupté indécente. Il enfila ensuite une tenue plus simple que ses riches atours qui l’étouffait et dont il avait, à son goût, été trop souvent vêtu jusqu’à présent.
Il descendit de sa chambre, portant une veste de cuir brune toute simple dont l’ourlet au bas lui battait les genoux, un tricorne de feutre noir piqué d’une longue plume grise, et un pantalon ajusté, de peau beige. Puis il passa en travers de sa poitrine une épaisse sacoche de cuir brun où il fourra son trousseau de clé et son argent.
Au sortir du manoir, il trébucha dans une grande flaque d’eau noire, épaisse et luisante, et faillit s’écrouler par terre.
- Qu’est-ce que… ? hoqueta-t-il.
Il retira son pied de l’eau sombre dont la substance tenait plus de la vase que de l’eau. Sa courte botte de cuir en était recouverte. Mais en quelques secondes la vase sombre glissa au bas de son pied. Mais Asrial n’y fit aucunement attention.
- Quelle saleté !grogna-t-il avant de se remettre en route vers le portail de fer du domaine ducal.
Il voulait aller à Artolanth. Sans savoir ce qu’il y ferait, mais tout était mieux que de rester dans ce grand édifice vide, et pourtant rempli. De chagrin. Et d’autres choses.

*

Asrial soupira, faisant apparaître un nuage de buée sur la vieille vitre. Ce qui s’était passé ensuite, même lui n’en conservait que d’infimes fragments mémoriels.
Il se souvenait être arrivé à Artolanth, et de s’être rendu dans une taverne. Il se souvenait aussi s’être fait bousculé par un gros butor complètement saoul, qui s’était alors violemment énervé contre lui. Même la matrone qui s’occupait de cette gargote s’y était mise. Ainsi que certains autres clients de passablement éméchés.
A partir de là, Asrial n’avait plus aucun souvenir à part de s’être sentit submergé par une vague d’anéantissement, de chagrin et de fureur mêlés en une seule et puissante émotion. Et puis, plus rien. L’unique chose dont il se rappelait par la suite était qu’il s’était retrouvé à genoux, en train de pleurer, le visage déformé par l’horreur et l’esprit au bord de la chute, au milieu de la taverne dévastée et les décombres du toit effondré dans une mer de sang et de cadavres en lambeaux.
La suite, par contre, il ne s’en souvenait que trop bien : une bonne centaine d’habitants étaient arrivé, l’avait pourchassé hors de la ville, comme un monstre, d’abomination.
Maintenant, même si il ignorait tout de ce qui s’était passé dans la taverne, il savait que ses poursuivants, qui à présent entreprenaient de défoncer le portail du château à l’aide d’un bélier improvisé, un grand tronc d’arbre, n’hésiteraient pas à le lyncher. Ou pire.
Réalisant que le temps dont dépendait sa vie lui glissait entre les doigts comme du sable, Asrial s’arracha à sa rêverie et à ses souvenirs récents. Il se dirigea vers la porte située près de la fenêtre, l’ouvrit à la volée et dévala l’escalier en colimaçon qui s’enfonçait dans l’ombre.

*

L’écurie dans laquelle il avait débouché était grande et éclairée par de nombreuses torches. Une bonne vingtaine de chevaux de chasse et de course se trouvaient là, dormant, se tenant immobiles comme des statues de pierre.
Le jeune duc se dirigea vers un grand étalon, dont la robe brune, à la lueur vacillante des torches, avaient des reflets roux. Il passa sa main sur sa longue crinière noire.
- Viens, Qualath…, lui souffla-t-il à l’oreille en le flattant du plat de sa main encore douloureuse.
L’étalon piaffa. Le jeune homme sella sa monture et le mena près des portes de l’écurie, qu’il ouvrit d’un geste uniforme. Enfourchant Qualath, Arial chuchota, autant pour le cheval que pour lui-même :
- Cours. Cours aussi vite que tu le pourra. Aussi loin que tu le pourras.
Il éperonna l’étalon qui se cabra en hennissant, battant l’air de ses pattes avant. Filant au galop, il s’enfonça dans la sombre forêt du domaine, au moment même où le portail de fer de l’entrée cédait sous les assauts répétés du bélier de bois, et s’écroulait dans la poussière de l’allée.
Asrial savait que, à un quart de lieue environ, le domaine se terminait sur un vieux mur de briques surmonté par la haute grille de fer forgé qui l’entourait dans sa totalité. Mais en allant toujours au nord, il découvrirait une ancienne porte que plus personne n’utilisait depuis longtemps, mais qui pouvait, à lui comme à son cheval, assurer la liberté.
Qualath fonçait au triple galop à travers la forêt, et Asrial s’agrippait au pommeau de sa selle pour ne pas tomber. Le vent et les branches lui fouettaient le visage et engourdissaient ses muscles bandés et crispés, mais il tenait bon. Il lui fallait fuir ce manoir, fuir cette ville, fuir ses habitants, fuir cette vie. Le jeune duc ne savait pas encore où il irait, mais ce serait loin, très loin d’ici.

*

Asrial tira sur les rênes de sa monture pour la forcer à s’arrêter.
- Oh, Qualath !Arrête-toi, nous sommes arrivés.
Dans un hennissement et un cabrement, l’étalon s’arrêta. Il descendit de son cheval et le prit par la bride. Avançant sur un tapis de feuilles mortes et de lierre, Asrial ne tarda pas à se trouver devant une grande porte de métal rouillé encastrée dans le mur, recouverte par le lierre et la mousse. Il attacha Qualath à une branche d’un arbre voisin et commença à arracher les végétaux qui entravait l’ouverture de la porte.
- Vite, vite !se pressa-t-il lui-même.
Il savait que, ne le découvrant pas dans le manoir, les artolanthiens organiseraient une battue dans le domaine pour le retrouver.
S’écorchant les mains, il parvint tout de même à arracher en grande partie le lierre. Alors il prit à deux mains la poignée couverte de rouille et de mousse et tira de toutes ses forces. En vain.
Asrial paniqua. S’il n’arrivait pas à ouvrir cette porte, il était comme mort.
Bien sûr, il pouvait passer au-dessus de la grille, mais, sans cheval, il n’irait pas bien loin. Il allait être prit, exhibé devant tout le monde comme un monstre et être…
Soudain, il pensa à ses amis. Ses meilleurs amis. Les seuls, aussi. Les amis qu’il s’était fait il y a déjà des années, pendant les réceptions que donnait son père – tous issus de la noblesse, comme lui – , auxquels il n’avait pas pensé jusqu'à maintenant, ni pendant sa tragique sortie à Artolanth.
Julia, Baptiste, Eloïse…, se dit-il. Ils ne sont pas au courant de ce qui c’est passé à Artolanth…Comment vont-ils réagirent en apprenant que j’ai tué tout le contenu d’une taverne ? On me présentera sûrement comme un horrible assassin en liberté, un véritable boucher, alors que je ne sait même pas ce qu’il c’est passé !
Des larmes due à l’injustice, au chagrin, à l’incompréhension et à son sort d’exil désormais vital lui montèrent aux yeux. Il les refoula, et se ressaisit. Non, il ne périrait pas ici !
Il reprit la poignée et exerça toute la force qu’il possédait dessus. Cette fois, peut-être grâce à la force du désespoir, la porte s’ouvrit violemment, et Asrial s’écroula en arrière dans les feuilles mortes jonchant le sol. Le jeune homme se releva vivement, détacha Qualath et monta en selle. Immédiatement, anticipant les ordres de son maître, l’étalon partit au triple galop.
Adieux, mes amis…Je ne vous reverrais sans doute jamais…Je m’exile à cause d’une chose que je ne puis comprendre moi-même, pour me protéger de vous, et pour vous protéger de moi…


_____________________________________________________


Voilààà^^


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MessagePosté: 03 Sep 2005 21:31 
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Pas encore atteint(e)... mais presque
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Ce ne sera sans doute pas constructif, mais je laisse juste un petit mot pour dire que j'ai vraiment aimé.
Ton texte sent vraiment le XVIII ^^

_________________
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La barbe fait l'homme

Proverbe taoïste: Si demain, après ta victoire de cette nuit, te contemplant nu dans ton miroir, tu te découvrais une seconde paire de testicules, que ton coeur ne se gonfle pas d'orgueil, ô mon fils, c'est tout simplement que tu es en train de te faire enculer


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MessagePosté: 03 Sep 2005 21:44 
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Localisation: ♫ J'ai longtemps cherché un paradis sur Terre... ♫
Oh là là, c'est trop bien écrit !! J'ai vraiment hâte de lire la suite et de voir ce qui va arriver à ton héros !!

:suite:

Cybelia.


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MessagePosté: 03 Sep 2005 21:48 
cybelia a écrit:
Oh là là, c'est trop bien écrit !!


Tu le penses vraiment? *__*


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MessagePosté: 03 Sep 2005 21:49 
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Localisation: ♫ J'ai longtemps cherché un paradis sur Terre... ♫
Ah vi !! Je peux te dire qu'il y a des prétendus "auteurs professionnels" qui pourraient en prendre de la graine !! Tu as un très beau style et tes descriptions sont très fluides à lire (sachant que moi, je suis nulle pour les descriptions, c'est un très grand compliment !!!).

Cybelia.


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MessagePosté: 03 Sep 2005 21:51 
MOn problème, c'est que j'ai tendance à faire des phrases à rallonge qui sont parfois plus très compréhensibles.... :oops:


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MessagePosté: 03 Sep 2005 22:01 
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Localisation: ♫ J'ai longtemps cherché un paradis sur Terre... ♫
Moi, ça ne m'a pas gênée du tout !! Donc, tu peux nous mettre la suite quand tu veux :wink: !

Cybelia.


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MessagePosté: 03 Sep 2005 22:03 
:oops: faut que je la relise et que je corrige un peu le chapitre 2 avant de le mettre je l'ai jamais relu il doit être pleins de fautes... :oops: :oops:


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MessagePosté: 04 Sep 2005 12:59 
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Localisation: Brest pour le moment
Je suis d'accord avec Cybe c'ets vriament super bien écrit. Et j'ia très envie de savoir la suite !
:suite: :suite: :suite: :suite: :bravo: :bravo: :bravo: :bravo: :bravo:

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The Doctor: [Irritated] Oh, don't start!
Captain Jack: I was only saying 'hello'!"

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MessagePosté: 04 Sep 2005 13:30 
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Wouao.... Wouao..... c'est vraiment..... wouao....


Tu écris très bien et j'adore ton histoire.... Les déscriptions sont tellement bien faîtes qu'on se retrouve directement transporter dans ce siècle. De plus elle ne sont pas chiantes comme dans Zola... Bravo... Et ne t'inquiète pas pour tes phrases à ralonge comme tu dis, ca n'enlève rien à la beauté de l'histoire.... Et puis, Marel Prous a bien écrit une phrase quit fait 4 pages je crois.


Alors :suite: stp......

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Chaque ange possède ses propres démons qui apparaissent pour telle ou telle raison. Lorsque ces démons dominent l’ange, il perd ses ailes…..


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MessagePosté: 04 Sep 2005 14:23 
Sarina a écrit:
Les déscriptions sont tellement bien faîtes qu'on se retrouve directement transporter dans ce siècle.


Les descriptions, c'est ce qui me plait le plus dans l'écriture: j'adore ET les lire ET les écrire, et ça depuis que j'ai lu Tolkien à 10 ans^^
C'est marrant que tu dise "dans ce siècle"...Mailine déjà, puis toi. On a vraiment l'air que c'est un siècle particulier?
Au départ mon texte est sensé être plus orienté fantasy, avec un mélange du XVIIIe, XVIe et Moyen-âge, et un peu de XIXe au niveau sciences.

Je met en ligne le 2e chapitre dès que j'aurais finis de le relire....en plus ça date pour moi alors :?


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MessagePosté: 04 Sep 2005 14:38 
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Slash ou non, telle est la question...
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Messages: 615
Localisation: Brest pour le moment
Citation:
De plus elle ne sont pas chiantes comme dans Zola...


Moi j'iame bien les descritpion de zola ! :wink:

Citation:
Au départ mon texte est sensé être plus orienté fantasy, avec un mélange du XVIIIe, XVIe et Moyen-âge, et un peu de XIXe au niveau sciences
.

Jetrouve que l'ambiance fait plus moyen age/fantasy

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Dernière édition par Valmont le 05 Sep 2005 12:05, édité 1 fois.

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MessagePosté: 04 Sep 2005 18:44 
Valmont a écrit:
Je trouve que l'ambiance fait plus moyen age/fantasy


C'était le but^^ merkiii^^


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MessagePosté: 04 Sep 2005 19:11 
Voilààààà j'ai enfin réussi à relire et corriger le 2e chapitre en entier...mais il est deux fois plus longs que le premier c'est normal^^

Donc voilà, c'est là que vous pourrez (enfin je pense) mieux juger....






Chapitre II : La Cité-lumière



L’épuisement. La faim. La sensation d’avancer automatiquement et indépendamment de sa volonté. Par nécessité. Oui, c’est cela. Par nécessité. Nécessité de quoi…au fait ? Là, lt’état du corps et de l’esprit, il est tel…Oui, non, on ne voit plus les arbres, on ne voit plus les chemins…et les gens ? Non plus, il n’y a personne…
perso…ne….plus du tout….du tout…personne…………hé hé hé………oh…mon Dieu………hé hé…non, personne…plus…
Des lieues et des lieues parcourues, jours et nuit, nuit et jour, sans savoir où il allait. Sans voir personne. Sans voir une ville. Il avait délibérément au début évité toute trace de civilisation, et les chemins fréquentés. D’instinct. Il s’était perdu. Oui, sûrement. La plaine intérieure du nord-ouest de Miltharée était immense. Perdu…
Après des jours de chevauché sans avoir mangé, à moitié couché sur Qualath et ne s’accrochant plus que par automatisme, il s’était trouvé devant un large et tumultueux fleuve dont le lit était tapissé de galets bruns, donnant à l’eau une étrange couleur de terre, malgré sa limpidité.
Le jeune duc avait voyagé en allant toujours vers le nord. Enfin le pensait-il. Par conséquent, avait-il pensé, il devait se trouver sur la rive sud du fleuve Brunroc, qui prenait source dans les hauts monts de la chaîne de l’Ashesûl et qui traversait tout le nord des plaines intérieures de l’Empire de Miltharée.
Si le jeune Duc ne se trompait pas, il arriverait à la cité d’Ybvern le lendemain et pourrait se restaurer et s’y reposer. De même que Qualath, sa fidèle monture. Epuisé, lui aussi. Mais au moins lui n’avait pas de questions à se poser sur son devenir.
Avant tout, il devait passer le fleuve. Là ou il était, il ne pouvait pas passer à gué, les rapides blancs et déchaînés lui barrant le passage. Asrial descendit donc le long de la vallée. Au bout d’un moment, le Brunroc s’étrécit et les eaux se montrèrent moins impétueuses.
- Allez, mon bon Qualath, souffla-t-il à l’oreille de sa monture. L’eau doit être glacée, mais nous serons bientôt sur l’autre rive. Encore un effort !
Oh…oui…encore un effort…
L’étalon hennit doucement et s’engagea timidement dans les remous du fleuve, pas à pas, lentement, évitant ainsi de glisser sur un galet bancal et de les entraîner dans une chute dont l’issue serait de toute évidence peu enviable.
Quoique…qu’est-ce qui désormais est enviable ?
Arrivé sur la rive opposée, Qualath sortit de l’eau d’un bond, soulevant avec lui une grande gerbe d’eau et d’écume de neige, puis repartit au trot pour rejoindre le route quittée un peu plus tôt, s’ébrouant.
*

Le lendemain, Asrial arriva en vue d’Ybvern. Il y resta deux jours - passés entièrement à dormir et à réfléchir-, le temps de se remettre de son épuisement, puis repartit en direction du nord-est, ayant fait provision de vivres et d’une carte d’Era.
Pourtant…à quoi peut bien me servir une carte du monde à présent ? Mon monde est détruit, lui…
Le jeune duc avait l’intention de se rendre à Folorion, un grand port de commerce, et, là-bas, de prendre un bateau pour l’Ile du Cœur d’Argent, qui était réputé pour le calme qui y régnait et pour la beauté de ses forêts, qui, disait-on, rivalisaient avec les mystérieuses et légendaires forêts des elfes d’Alicore, de l’Asehnti et même du Silioth, les mythiques Royaumes des Confins du Monde.
Il pensait y prendre du repos, du recul par rapport aux événements récent et le temps de réfléchir à son avenir. Avenir…un mot qui sonnait d’une étrange façon à présent. Mais jamais il ne reviendrait à Artolanth. Jamais.
Je devrais peut-être changer de nom…,songea-t-il. Non. Non, je ne pourrais jamais supporter l’idée d’une…d’une double identité. Mais je tairai mon rang et…Je serai toujours Asrial, mais De Calinath disparaîtra à jamais…
Pourtant, malgré ses maigres projets…la sensation que tout était inutile…Juste une sensation ?

*

Sur la grande route pavée qui menait à Folorion, il ne rencontra que peut de gens. Mais il se fit la dit qu’il n’était encore qu’au début du chemin, et qu’il rencontrerait sûrement plus de monde, allant vers la côte. Et puis, la saison commerçante ne commencerait que dans quelques semaines.
Au crépuscule, une forêt de pins d’un vert sombre, nombreux dans la région, s’éleva à sa gauche, prenant la place des dernières crêtes en dents de scie de l’Ashesûl. Avisant depuis quelques moments déjà que Qualath était épuisé, il décida d’aller se reposer quelques instants à l’ombre des sous-bois. Au trot, il se dirigea sous les frondaisons d’épines, dans l’ombre fraîche qu’elles laissaient tomber sur lui comme un voile apaisant.
Au bout de quelques instants, il arriva devant un petit ruisseau où il fit boire sa monture. Il décida de s’arrêter ici, craignant de trop s’éloigner de la route. Il ne connaissait pas ces forêts. Puis, après avoir attaché la bride de Qualath à un pin, il s’assoupit contre un tronc, laissant ses soucis se noyer dans les rêves.

*

C’est le froid qui le réveilla. Après un coup d’œil circulaire jeté autour de lui, il se rendit compte avec affolement que Qualath avait disparu.
La nuit était tombée, et seule la lune, toujours aussi ronde, lui permettait de distinguer les formes qui l’entourait. Un coup de vent glacé secoua les branches et leur fit émettre un long sifflement. L’imagination trop abondante et les délires oniriques d’Asrial refirent surface. Chaque arbre était semblable à un immense golem d’ombre et d’épines, qui tendait avidement ses griffes vers lui en sifflotant une mélodie sinistre ; chaque pierre semblaient des yeux blancs et vides sortant de la terre elle-même ; chaques racines étaient comme des serres ou des bras décharnés et pâles surgissant du sol ; chaque buisson lui paraissait abriter des créatures innommables, suintantes, et affamées.
Il se leva brusquement, avec des mouvements brusques, et resserra sa veste de cuir autour de son corps comme si ce geste pouvait lui apporter quelque protection.
- Qualath ? appela-t-il, plus pour se rassurer d’entendre encore sa propre voix qu’espérant que son cheval ne lui revienne.
Soudain, Asrial réalisa qu’il n’avait aucune arme à sa disposition, à par ses poing, dont il n’avait pas eu l’occasion de se servir depuis ses leçons de combat, au manoir de son père.
Non, mon manoir…non…le Manoir De Calinath……
Il pensait que si des brigands – pour ne pas penser à d’autres choses – décidaient de lui tendre une embuscade, armés de lames, il ne pourrait en aucun cas se défendre.
Néanmoins il décida de partir à la recherche de Qualath, ne sachant que faire d’autre. A tous moments, il jetait des coups d’œil à droite, à gauche, derrière lui, et sursautait au moindre bruit anodin.

*

Un hennissement déchira la nuit. Pas un hennissement normal, comme un cheval en pousserait d’ordinaire, non : un hennissement horrible, atroce, effroyable. Un hennissement qui laissait imaginer les pires choses. Un hennissement qui traduisait une souffrance et une terreur abjectes.
Asrial sentit ses cheveux se raidir sur sa nuque, et la sueur glacée de la peur lui descendre le long du dos. La Peur. La Peur véritable, une angoisse profonde et violente qui broie de l’intérieur en un instant, anéantit toute volonté, laisse imaginer les choses les plus démentes, les plus atroce, les plus effroyables que tout ce que d’ordinaire l’esprit peux concevoir, qui laisse imaginer des choses sortant des plus profond, des plus ténébreux, des plus secrets tréfonds de l’esprit.
Une peur qui nouait le ventre, qui raidissait les muscles, qui éradiquait toute pensée. Une peur qui glaçait comme le vent du Nord, qui paralysait, et qui faisait s’effondrer presque tout raisonnement cohérent et toute résistance mentale, plongeant dans une folie indicible l’esprit et l’écrasait comme une frêle feuille morte dans un étau de pierre. Voilà ce qu’était la Peur, la véritable Peur, la Peur qu’il ressentait en cet instant.
Mais au travers de ce hennissement atroce, Asrial avait reconnu Qualath. Bien que la terreur lui retourne l’estomac, il se mit à courir vers l’endroit d’où venait ce gémissement, s’attendant à tout et n’importe quoi.
Tout à coup, d’innombrables lueurs bleues apparurent devant lui, formant comme un mur, une barrière. C’étaient des milliers de petites flammes bleutées qui brûlaient sans aucun carburant visible et flottaient dans les airs, se balançant au gré du vent. Et qui semblaient l’observer, attentif au moindre de ses mouvements.
Asrial contempla, incrédule, les milliers de feux follets qui occupaient l’air silencieusement, flottants, suivants les courants aériens, montants, descendants, mais se maintenant toujours dans leur position.
Asrial hésita, méfiant. Non pas de la présence des feux, mais bien de leur disposition en mur et de leur façon de sembler vivants.
Prudemment, il s’avança vers eux, ne faisant aucun mouvement brusque, comme pour ne pas les effaroucher ou trop attirer leur attention sur lui. Arrivé à quelques pas des feux, il vit ceux-ci s’écarter brusquement, d’un même mouvement, comme une vague bleue et scintillante, créant une large ouverture circulaire, s’écartant d’Asrial comme si la proximité de l’humain les importunaient.
Surpris, celui-ci ne réagit tout d’abord pas. Puis, essayant de ne pas prêter attention aux questions qui se bousculaient dans son crâne, il passa outre le champs des feux, et se remis à courir alors que le hennissement de souffrance et d’angoisse de Qualath se retentissait à nouveau. Plus proche.
Soudain un vide se présenta devant lui ; emporté par l’élan de sa course, Asrial ne parvint pas à s’arrêter et dégringola la pente.
Un sol de terre malléable amortit sa chute, néanmoins rude. Abasourdi, il se mit à genoux, se tenant la tête, qui bourdonnait. Le hennissement de Qualath se fit à nouveau entendre, tout proche.
Asrial leva brusquement la tête. Son cheval était là, étendu sur le sol au milieu d’éboulis de roches et de terre.
Oui, Qualath était là, mais il n’était pas seul : au-dessus de son flanc ouverts sur ses os, ses chairs et ses entrailles sanglantes, une forme sombre venait de relever la tête, et se tenait là, immobile.
La créature, se tenant à quatre pattes sur le corps du cheval moribond, fixait l’intrus arrivé en plein milieu de son festin.
Elle possédait un corps d’homme décharné et torturé, désarticulé comme une marionnette brisée, mais avec des seins de femmes qui pendaient, mous et flasques, tétons énormes et pointus. Les pointes de ses vertèbres, sanguinolentes, ressortaient de son dos, plus grosses et pointues qu’a l’ordinaire.
Les articulations de ses coudes et des ses genoux étaient pliés de le sens inverse de la normale, et l’extrémité des os ressortaient, suintantes, comme des prolongations de l’épiderme. Toute sa peau pâle et étique semblait morte, cadavérique, couverte d’égratignures et de traces ensanglantées.
Les deux jambes squelettiques ne se terminaient non pas par des pieds, mais par d’énormes serres à quatre doigts, aux écailles grises, aux énormes griffes couleur de bronze aussi larges, acérées et aiguisées que des faux, plantées profondément dans les chairs du malheureux Qualath. Ses bras disloqués, eux aussi, se terminaient par des griffes.
De son dos saillaient trois ailes décharnées et ébouriffées, dont deux étaient grandes et larges, et la dernière plus petite, cassée, toutes du même noir de charbon.
Sa tête chauve n’était qu’une ébauche, semblant, comme le reste, celle d’un cadavre humain, avec deux yeux blancs et brillants comme des opales, dilatés et fixés sur Asrial, le nez presque inexistant, la peau parcheminé, avec une bouche sans lèvres remplie de nombreuses petites dents pointues suintantes de sang. Des morceaux de chairs étaient encore coincées entre elles.
Asrial regardait cette chose avec autant de terreur que de dégoût, si bien qu’il dû se retenir pour ne pas rendre ce qu’il avait avalé quelques heures plus tôt. D’autant plus qu’il émanait de la chose une puanteur immonde, comme celle d’un charnier. Et la chose le scrutait avec toujours autant d’intensité. Mais étrangement, seule la crainte et la colère se lisait dans ses yeux brillants.
Soudain, le son puissant d’un cor de chasse retentit au loin, suivit par un envol massif d’oiseaux. La créature, d’un seul mouvement, fit complètement pivoter sa tête derrière elle, comme une chouette, dans un abject craquement de vertèbres.
Asrial, qui n’avait pas exécuté un seul mouvement, le cœur au bord des lèvres, fit un pas en arrière. Aussitôt, la chose retourna brusquement sa tête vers lui et émit un cri déchirant, perçant et strident, la bouche grand ouverte comme un puit noir et sans fond. Il cru que ses tympans allaient éclater.
Soulevant des nuages de poussière, le monstre décolla de son perchoir agonisant, battant l’air de ses horribles ailes, poussant toujours ses abominables cris dissonants.
Asrial, au comble de la frayeur, devint d’une blancheur de craie, croyant qu’elle allait fondre sur lui pour lui faire subir le même sort qu’a sa monture. Son cœur manqua un battement. Mais la chose se détourna et se perdit au loin. Le jeune homme tomba à la renverse, sans connaissance.

*

Quand il reprit conscience, tout était redevenu silencieux. L’on entendait que le martèlement étouffé de la pluie s’écrasant au sol. Une pluie purificatrice.
Qualath était mort. Asrial se releva et se dirigea vers le cadavre de sa monture.
- Mon pauvre Qualath, mon compagnon…, murmura-t-il. Puisse Amoth, le Seigneur des Mânes, te recueillir.
Asrial leva les yeux vers le ciel. Plus loin, à l’est et à l’ouest, les cimes de hautes crêtes sombres se dardaient, déchiquetées, comme des poignards vers le ciel. Celui-ci était devenu noir. Un véritable noir d’encre, strié de nuages gris en lambeaux qui se mouvaient lentement dans ce ciel ténébreux. Mais même ainsi, on y voyait comme en plein jour, ou plutôt comme pendant un jour pluvieux et gris.
Mais en réalité, ce n’était pas le ciel ; c’était une énorme et dense brume noire, qui recouvrait toute la région et restait au niveau des nuages les plus bas, sans descendre au sol. Asrial baissa le regard. La forêt de pins, d’un vert sombre, l’entouraient de toutes parts. Où pouvait-il donc se trouver ?
Il s’accroupit et voulu prendre sa carte dans sa sacoche, mais il se rendit compte avec stupéfaction qu’elle ne se trouvait plus autour de sa poitrine. Etait-ce la même chose qui le lui avait pris et qui avait tué son cheval ? C’était improbable ; si c’était le cas, à supposer que cette créature aie assez d’intelligence pour faire cela, il ne serait sûrement déjà plus de ce monde. Dépité, il se remit sur ses pieds.
Je suis perdu au beau milieu d’une forêt que je ne connais pas, sans argent, sans vivres et sans moyen de transport…
Puis soudain, un éclair lui traversa l’esprit. Une immense forêt de pins, une crête sombre en dents de scie, un ciel noir, et tout cela près de la route de Ybvern !
Il devait sûrement être perdu dans la grande forêt de Carmulla, et les crêtes dont il avait aperçu les cimes devaient être celles de Norquaad. Le ciel était obscur parce que la région était plongé dans la Saison Noire : une fois par an, la forêt et ses environs étaient recouvert d’une opaque brume noire, qui disparaissait au bout de quelques mois. Il l’avait totalement oublié.
J’espère que je ne me trompe pas, sinon, c’en est finit d’Asrial De Cali…Non…Je dois oublier ce nom ! Je dois l’oublier !
Si ses estimations étaient bonnes, et s’il se dirigeait toujours vers le nord, il devait finir par apercevoir les lumières de la cité de Lamarielle, capitale de l’Empire, qui s’élevait exactement au centre de la forêt conifère de Carmulla, elle même encerclée par les hautes crêtes du Norquaad, qui formaient ainsi une énorme presqu’île au nord du continent.
Mais quelque chose tourmentait Asrial : les autorités de Lamarielle savaient-elles qu’une créature mangeuse de chair agissait librement dans le domaine de la cité ? Cette pensée ne le rassurait guère, mais il devait avancer.

*

Le jeune homme cheminait donc sous le couvert des pins, piétinant les aiguilles ternies qui formaient une véritable couverture sous ses bottes de cuir. Parfois, il lui arrivait de trébucher sur les longues racines sinueuses et ramifiées, telles des hydres rampantes aux innombrables cous toujours plus longs, enserrant les roches et semblant les étouffer.
Parfois, les fougères recouvraient le sol, et Asrial avait l’impression d’avancer dans une mer végétale. Il suivait toujours le nord, grâce à la mousse des troncs volumineux, mais n’était pas totalement sûr de la direction dans laquelle ses pas le menait. Comme cette idée s’imposait de plus en plus fortement à son esprit, il s’arrêta net.
Suis-je dans la bonne voie ? Comment le savoir ?
La réponse à cette seconde question lui vint presque immédiatement ; il leva les yeux vers les branches des sapins et constata qu’elles étaient suffisamment épaisses pour ne pas céder sous son poids. Il n’avait pas la moindre envie de se contraindre à se coller les doigts de sève, de s’écorcher aux branches et d’avoir les cheveux parsemés d’aiguilles, harassé comme il l’était, mais comme il devait s’y résoudre, il commença à grimper.
Arrivé au sommet de son arbre, un spectacle aussi beau qu’insolite l’attendait. Tout autour de lui s’étendait une véritable mer verte et végétale, un océan de pins qui semblait s'étendre à l’infini, à la surface duquel flottaient doucement les vaporeux spectres d’une brume diaphane. Au loin, on distinguait les cimes déchiquetées des crêtes de Norquaad, qui semblaient minuscules derrière l’immensité de Carmulla. Et toujours ce ciel noir, noir comme de la suie, parsemé de ces longs et fins nuages gris, mornes, sous lequel on ne savait reconnaître l’aube du crépuscule.
Oui, Asrial se rappelait, maintenant : on lui avait dit, un jour, qu’une fois par an, le ciel de Lamarielle devenait noir comme de l’encre….
Il baissa les yeux : au milieu de la mer d’arbres, une vive lumière d’or semblable à un phare illuminait la nuit artificielle. En fait, c’était un ensemble d’innombrables lueurs chaudes, des milliers et des milliers, toutes rassemblées et formant comme une boule d’étoiles dorées tombées sur terre au cœur de la forêt. C’était Lamarielle, la cité-lumière.
Asrial, émerveillé, resta un instant à contempler ce spectacle, songeur.
Comme ce doit être merveilleux et grisant de survoler la contrée…Bien un peu à contrecœur, il redescendit de son pin, à présent sûr qu’il marchait dans la bonne direction. Et puis tôt ou tard, les lumières de la capitale apparaîtraient entres les arbres et le guiderait.
Une nouvelle fois, le son du cor de chasse retentit, paraissant plus proche, cependant, que la première fois où il était parvenu à ses oreilles. Etait-ce des soldats de Lamarielle qui pourchassaient ce monstre volant ? En tous cas, il ne le saurait pas en restant ainsi, planté au milieu de ce bois. Il reprit donc son chemin.
Pendant des heures, il marcha sans s’arrêter. Comme si le sylve, doué de vie, ne lui permettait pas d’approcher de la cité-lumière et le faisait tourner en rond.
Un instant, il voulu se reposer. Mais à l’instant où il allait s’asseoir contre le tronc d’un des conifères, il perçut des bruits furtifs, un peu plus loin.
La créature qui avait massacré Qualath revenait-elle pour s’occuper de lui ?
Il se redressa d’un bond, les battements de son cœur s’accélérant et s’amplifiant. Les fougères frémirent. Soudain, sans crier gare, comme sortant du néant, deux hommes émergèrent des fourrés, à un trentaine de pas de lui. Ils portaient des heaumes de bronze fuselés, presque coniques mais légèrement bombés, dont les visières triangulaires étaient baissées, et des plastrons de bronze ornés d’un aigle d’or, au sommet d’un chêne, enserrant un astre solaire entres ses serres. Leurs bras et leurs jambes étaient couverts de vêtements de cuir épais par-dessus lesquels ils portaient des cottes de mailles. Leurs bras, leurs avant-bras, leurs cuisses et leurs tibias étaient protégés par des plaques de métal attachées à l’aide d’épaisses bandes de cuir. Dans leurs gantelets de fer, ils serraient de longues rapières et les brandissaient devant eux.
Les questions se bousculèrent à toute vitesse dans l’esprit d’Asrial : Qui étaient-ils ? Que voulaient-ils ? Etait-ce des soldats de la Garde Impériale ? Oui, c’était cela, la Garde Impériale, mais ces armures ! Ce n’étaient pas des guerriers de l’armée de l’Empire…
La Garde Intérieure… !
Il tenta de fuir, mais les autres furent plus rapides. D’un geste souple et rapide, l’un des deux décrocha quelque chose de sa ceinture et le lança dans la direction d’Asrial. En une fraction de seconde, l’arme entrava des chevilles du jeune homme qui s’écroula à terre.
Les deux soldats arrivèrent à sa hauteur. L’un d’eux, l’empoignant par l’épaule, le releva brusquement. D’une voix hargneuse, il lâcha :
- Qu’est-ce que tu fais ici, toi ? Tu sais pourtant qu’il est interdit de s’aventurer à proximité de la barrière, non ?
Les yeux agrandis par l’incompréhension et l’appréhension, Asrial lui répondit :
- La barrière ? Quelle barrière ?
- Comment cela, quelle barrière ? fit-il. Ne te moque pas, ou…
- Mais je ne me moque pas ! Je dit la vérité !De quoi…
- Tu ne sais donc pas que tout le domaine de Carmulla est fermé à l’extérieur par un cercle de feux ? Les feux follets, imbécile, cracha-t-il en voyant la tête que faisait Asrial. Si tu est venu jusqu’ici, tu as bien dû les voir !
Oui, il les avaient vus. Bien sûr qu’il l’avait vue, cette barrière de feux.
Une protection ?Je n’était pas au courant que ce mur avait été mis en place…, se dit-il. Pourquoi l’impératrice n’a-t-elle pas fait d’annonce officielle ?
- Je vous répète que je ne savait rien de cette barrière, et que je ne viens pas de Lamarielle ! Je viens de l’extérieur !
- Impossible, répliqua calmement l’autre, celui, grâce à sa voix, qu’Asrial désignait comme le plus vieux. La Muraille des Feux est absolument inviolable. A moins que…es-tu mage ? L’impératrice a pourtant signé un accord avec Evralon, non ?
- Il faut croire que cette protection des feux n’est pas si inviolable que cela, et non, je ne suis pas mage.
- Cesse ton insolence !siffla l’autre soldat. Tu est forcément un mage ! Et pas un débutant, en plus !
- Je vous répète que c’est la vérité ! Je me suis perdu avec mon cheval près de la route d’Ybvern ! Et les feux se sont écartés devant moi ! Je ne suis pas mage, bon sang !
Le jeune garde ricana.
- Tiens donc ! Et où est-il, ton cheval ?
Cette fois, Asrial ne se contint plus. Il explosa d’une colère mêlée de larmes de rage et d’épuisement qu’il ne put contenir, après tous les événements récents qui avaient bouleversés sa vie et mis ses nerfs à vif :
- Il s’est fait massacré par un monstre ! Et j’ai bien failli y passer, moi aussi ! Alors pourquoi ne faites-vous pas votre travail, défendre les terres intérieures de l’Empire ?!
Etait-ce ce qu’il avait dit, ou son débordement d’émotions qui avait fait changer si vite les soldats de réaction à son égard ? Pourquoi semblait-ils le prendre au sérieux, à présent ?
Le plus vieux des gardes releva la visière de son heaume, révélant le visage doux et grave d’un homme à la mâchoire carrée qui devait avoir un peu plus de la trentaine, dont quelques mèches de cheveux blonds retombaient devant ses yeux bleu brillants d’inquiétude. Il s’approcha d’Asrial et lui tapota la nuque d’une main.
- Eh…Calmes-toi, c’est pas grave…Tu es sûr ? Tu es sûr de l’avoir vu, ce monstre ? A quoi ressemblait-il ?
- C’était une créature avec un corps qui ressemblait à celui…d’un cadavre, avec des…des membres pliés dans le mauvais sens…et des yeux…blancs…entièrement blancs…Elle avaient des serres comme des épées, et des ailes noires…
Les deux hommes se regardèrent. Puis l’un deux gémit :
- Ce n’est pas vrai…on dirait que plus le temps passe, plus elle se maintient longtemps dans la forêt.
- Et elle ne t’as rien fait ? !
- Eh bien, non.
- Incroyable ! souffla le plus jeunes des soldats. Je pense, dit-il en s’adressant à son compagnon, que nous devrions le ramener là la cité, et puis parler de tout cela au capitaine. Tu ne crois pas ?
- Tu n’as pas tort…De toute façon, on le ramène à la capitale : il n’avait pas le droit d’être ici, et il faut éclaircir cette histoire ; on pourra parler au capitaine…
L’homme se baissa et retira les boules de plomb des chevilles d’Asrial pendant que son compagnon maintenait celui-ci. Puis le militaire prit à sa ceinture une épaisse corde et lui lia les poignets.
- Excuse-moi, mais…Maintenant, en marche !

*

Cela faisait bien plusieurs heures qu’ils marchaient, avait estimé Asrial, qui n’avait toujours pas eu le temps de se reposer. A présent, la forêt n’était plus aussi sombre. Passant entre les troncs et filtrants à travers les branches, des rayons de lumière dorée éclairaient les alentours.
- Nous arrivons, souffla l’un des soldats.
- Espérons qu’ils aient laissée la porte de l’Aigle ouverte, avec tous ces problèmes…, soupira l’autre.
Après quelques minutes, le chemin s’élargit, et les pins se raréfièrent, bien au contraire des lumières de la capitale. Enfin, Asrial et ses deux geôliers arrivèrent devant une gigantesque paroi de roche grise, reliée à une autre, à trois ou quatre cent toises plus loin. Avec du recul, on pouvait observer deux gigantesques, titanesques falaises rocheuses, deux énormes récifs gris, escarpés et abrupts qui émergeaient au centre de l’océan de pins et le dominaient, et reliés par une énorme arche de roche.
Les trois hommes longèrent l’écueil de pierre colossal devant lequel ils se trouvaient, celui de droite, et, au bout d’un petit moment, se trouvèrent face à un large escalier taillé à même la pierre, dont le côté droit, qui donnait en montant sur un précipice, était protégé par un parapet de granit surmonté de nombreux flambeaux rougeoyants et crépitants.
Au fur et à mesure de leur ascension, le paysage, en bas, rapetissait. La mer de conifères ressemblait à présent un immense tapis de velours vert piqueté de pointes.
L’escalier faisait le tour de l’escarpement, tout en montant, et aboutissait, à une vingtaine de perches ou plus au-dessus du sol, devant deux grandes colonnes de granit surmontées de deux vasques où crépitaient de hautes flammes où quelques soldats gardaient le passage. Entre elles, deux impressionnants battants de bronze bardés de bandes de fer cloutées étaient ouvertes. Derrière, jouxtant l’énorme porte, se dressaient trois tours de garde à petits toits coniques, nichés entres d’imposants créneaux, où l’on distinguait des silhouettes de gardes, et où brillaient de nombreuses torches.
Passant entre elles, on découvrait une immense allée, en fait un énorme pont de pierre orangées soutenu par l’arche rocheuse qui reliait les deux immenses falaises grises. Cette allée, large de quarante coudées, étaient bordée d’innombrables flambeaux posés sur des trépieds de métal qui couraient tout le long, à droite et à gauche, jusqu'à la cité-lumière, comme une double rangée d’étoiles scintillantes dans l’atmosphère sombre de la saison.
La capitale portait bien son surnom. Elle était immense, titanesque, lumineuse et impressionnante à la fois : c’était une gigantesque superposition, une gigantesque forêt de tours et de ponts suspendus, de lumières et de monde, s’élevant toujours plus haut, ceinturée à son pied par de hauts et solides remparts semés de tourelles, dont les racines s’enfonçaient dans les flancs de la roche grise qui faisait comme un piédestal à la cité.
Des tours grandes, petites, larges, fines, carrées, rondes, au toits coniques, en dôme, plats, pyramidaux, reliées par d’innombrables passerelles et ponts de pierres paraissant aussi fins que des brindilles et qui semblaient flotter dans les airs, entre toutes ces tours…Une immense inflorescence de tours et de tourelles d’un style fin et ouvragé, tout en étant massif et imposant, aux pierres orangées, ocres, jaunes, aux toits de métal, percées de millions de fenêtres et éclairée de millions de lumières, de flambeaux, de torches qui illuminaient la nuit d’encre comme autant d’étoiles d’or scintillantes.
Et toutes ces tours, toute la ville s’élevait, s’élevait toujours plus haut, rétrécissant le nombre de tours et s’allongeant, s’affinant, jusqu'à un quatuor final de constructions en entourant une unique et centrale, une ultime tour surmontée de longues flèches et d’un long étendard pourpre et or qui claquait au vent. Un étendard où apparaissait l’aigle d’or nichant dans un chêne, le soleil entre les serres.
Bien qu’il soit venu déjà deux ou trois fois, Asrial était toujours émerveillé par l’aspect imposant et impressionnant de la capitale de l’Empire. Mais il ne s’y était jamais rendu pendant que le ciel de charbon occupait la place. En raison des milliers de lumière qui étaient allumées, on y voyait quasiment comme en plein jour et Lamarielle paraissait une myriade d’étoiles prises dans un filet.
Sortant de sa contemplation, le jeune homme réalisa que lui et ses deux gardiens étaient quasiment arrivés devant la porte de l’Aigle. Immense, ses épais battants de bronze ouvragés et sculptés avec goût étaient largement ouverts. Elle était surmontée d’une volumineuse statue de laiton figurant un aigle, les ailes largement déployées, une petite branche de chêne dans le bec, qui enserrait un orbe doré à la feuille, bardé de pointes ondulées, représentant le soleil.
L’aigle, le chêne et le soleil. Les emblème de l’Empire. Le grand Empire millénaire de Miltharée, qui englobait tout le nord et le centre du Continent Est.
Maintenant Asrial entre eux deux, les deux militaires franchirent la porte, gardée par une dizaine d’autres soldats alignés, portant de longues hallebardes d’airain. Ils pénétrèrent dans un vaste couloir de pierre où quelques soldats en armes patrouillaient, au haut plafond soutenu par des colonnes encastrées dans les murs. Le sol était couvert d’une longue mosaïque aux couleurs chaudes, qui représentait un envol d’aigles royaux vers un soleil aux rayons d’or. Aux murs étaient accrochés des lanternes qui éclairait le chemin.
Après un court instant, ils débouchèrent sur une très vaste place où le monde, au contraire de l’extérieur, fourmillait. Au sol, une autre mosaïque représentant une rose des vents avec en arrière plan, une carte du monde d’Era. Au centre se trouvait une grande fontaine de marbre rose représentant des aigles attaquant une guivre.
Asrial leva la tête vers le ciel et le distingua, toujours noir et lacéré de nuages gris, dans un cercle de tours qui paraissait encore plus démesurées vues de l’intérieur. Ses gardiens et lui se dirigèrent vers l’une d’elles, qui bordaient la place, se frayant un chemin au milieu de la foule.
A l’intérieur, tout était vide. D’environ onze pieds de diamètre, elle était totalement déserte de tout aménagement, sans compter le monde qui s’y pressait. Deux soldats en gardaient l’entrée. Au bout d’un instant, l’un d’entre eux se plaça au milieu de celle-ci, bloquant l’accès à l’intérieur. L’autre se retourna et pesa de toutes ses forces sur un gros levier de la taille d’une jambe d’adulte, encastré dans le mur. Soudain, le sol d’acier de la tour s’ébranla, puis se mit à monter lentement.
Cela faisait longtemps que je n’avait pas pris un élévateur…
Celui-ci arrêta son ascension au niveau d’une ouverture qui donnait sur un large pont. Asrial, les soldats impériaux, et une partie des autres gens sortirent de la tour élévatrice tandis que les autres restaient. Alors que les deux militaires et leur prisonnier s’avançait déjà sur le pont, le mécanisme reprit sa montée.
Le pont de pierre passait entre les innombrables tours et d’autres ponts, parcourus par la foule comme par autant de fourmis, qui reliaient les tours dans tous les sens, même, parfois, obliquement, si bien qu’ils en devenaient des hybrides de passerelles et d’escalier. Il y avait des tours en dessous, des tours au-dessus, des tours sur les côté. Même en étant prisonnier, Asrial ne put s’empêcher de songer :
Je demande tout de même comment les habitants de la ville font pour ne pas s’y perdre…
A un carrefour que formaient deux ponts, ils continuèrent tout droit, et entrèrent dans une autre tour élévatrice située un peut plus loin. Cette fois, ils comptèrent quatre étages avant de sortir, sur un autre pont, plus large que le premier. Ils arrivaient dans les grandes artères suspendues de la capitale, et se rapprochait du centre de la ville. Encore une fois, le trio passa plusieurs croisements en continuant en ligne droite.
Finalement, après un moment passée dans les élévateurs et sur les ponts, ils parvinrent devant le cinquième étage d’une énorme tour, plus grande que celles qu’ils avaient rencontrés jusqu'à présent, encerclée d’une place suspendue d’ou partait quatre grands ponts bordées de jeunes arbres. Quelques fontaines bordés elles aussi d’arbustes se trouvaient sur les bords de la place. Un très grand nombre de soldats armés patrouillaient près de la tour, sur les ponts ou effectuaient des rondes sur la place. Là aussi, beaucoup de monde passait.
La Tour Impériale. Plus haute et plus grosse que toutes les autres, elle dominait la ville et abritait non seulement le palais impérial, mais également la grande bibliothèque, l’Ambassade de la Magie, la Garde Impériale et la Garde Intérieure, les temples de plusieurs Esprits : Engageant Savoir, Puissant Véridique, Petite Lumineuse, et Sublime Solaire. Enfin, la grande prison de Lamarielle se dispersait sur plusieurs étages dont une bonne partie en sous-sol, s’enfonçant dans les profondeurs de la falaise sur laquelle s’élevait la cité-lumière.
Les grandes portes de bronze poli qui se trouvaient devant eux, grandes ouvertes, donnaient sur le premier des niveaux réservés à la Garde Intérieure. Pénétrant avec ses deux gardiens dans le hall d’entrée sur un tapis grenat, Asrial se fit la remarque que c’était la première fois qu’il pénétrait à cet étage de la Tour Impériale.
Au centre de la vaste pièce circulaire se trouvait un bureau de chêne verni, lui même en forme de cercle, où étaient postés une dizaine de soldats. Ceux-ci parcouraient la salle en tous sens. De grandes colonnes massives en forme d’arbres ornés d’aigles sculptés, tenant dans leurs serres des torches, soutenaient le plafond, très loin au-dessus de leurs têtes, et de hautes et minces fenêtres à barreaux déversaient la faible lumière extérieure dans la pièce. A gauche, un impressionnant escalier en colimaçon donnaient sur les étages supérieurs et inférieurs.
Le trio se dirigea vers le bureau, mais stoppa bien avant : le plus jeune des deux soldats venaient de repérer quelqu’un. Laissant seul son compagnon avec Asrial, il courut vers un homme en armure dorée, avec une ample cape pourpre et coiffé d’un heaume surmonté de longues plumes pourpres qui lui tombaient jusqu’au bas du dos. Une longue épée était accrochée à sa ceinture.
Le jeune guerrier s’entretint un instant avec lui, puis l’homme d’or jeta un regard dans la direction d’Asrial, eu un large mouvement du bras et se dirigea vers la porte de la tour, faisant signe au passage à une dizaine de soldats de le suivre. Le geôlier du jeune noble revint vers son compagnons, visiblement livide, même sous son casque.
- Le…le capitaine veut que…que nous l’amenions à l’impératrice…, dit-il d’une voix mal assurée.
- Comment ?s’exclama son analogue. Mais tout le monde sait qu’en ce moment, c’est une vrai pelote de nerfs à cause du Prêtre Majeur… Elle va nous écorcher vifs…
- Le capitaine, poursuivit l’autre en désignant Asrial, pense qu’il détient des informations intéressantes relatives à la Harpie. C’est le seul à l’avoir vue d’aussi près tout en restant en vie. Et puis il y a ce problème, le fait qu’il ai dépassé la barrière des feux sans être mage. Ou s’il en est un, c’est Evralon qui devra s’expliquer. Le capitaine n’a pas le temps de l’amener lui-même, il part en expédition dans la forêt de Carmulla.
- Bien, alors…allons-y. Il faut prendre l’élévateur.
Sur ces mots, ils emmenèrent Asrial vers la cage de pierre qui contenait le petit mécanisme intérieur de la Tour Impériale, au fond du hall. Celui-ci permettait de passer rapidement d’un niveau de la tour à un autre très éloigné. Pour les petites déplacement, l’escalier principal était amplement suffisant.
L’élévateur mis un certain temps à arriver au palais impérial, qui comprenait tous les étages les plus élevés de la plus haute tour de la ville. Ils ressortirent dans une antichambre percé d’une haute fenêtre à barreaux, comme celles de la Garde Intérieure. Le petit groupe gravit un large escalier couvert d’un fin tapis pourpre tissé de fils d’or et de cuivre. Au sommet se dressait une grande porte à arc plein cintre, d’acajou sculpté incrusté d’or, entouré de deux gardes à l’armure semblable à ceux qui accompagnaient Asrial.
- Halte ! s’exclamèrent-ils à l’unisson, croisant le fer de leurs hallebardes devant la porte. Que voulez-vous ?
- Nous amenons cet homme devant l’impératrice, sur ordre immédiat de Leyd Taëlhrost, capitaine de la Garde Impériale et Intérieure, répondit automatiquement le geôlier le plus jeune.
Les deux sentinelles décroisèrent leurs armes.
- Je vais voir si Sa Majesté Impériale peut vous accorder une audience, dit le garde de gauche.
Il entrouvrit l’un des battants de la porte et s’y engouffra. Il revint quelques minutes plus tard, apportant la réponse :
- C’est bon. Allez-y, lâcha-t-il platement en ouvrant en grand les larges battants d’acajou.
La salle du trône…Asrial ne l’avait jamais vue. Ni l’impératrice. Mais il savait qu’elle était jeune, très jeune pour gouverner un empire. Mais ce n’était pas pour cela qu’elle se laissait marcher sur les pieds ; elle avait la réputation d’une grande force de caractère. Peut-être est-ce même cela qui lui avait permis de rester sur le trône jusqu'à présent.
La pièce où ils furent introduits était très vaste et circulaire, très haute de plafond. Un carrelage aux dalles de marbres blanc et pourpre veiné de blanc, finement agencées, recouvrait le sol. Deux larges colonnes, également de marbre pourpre et dont les chapiteaux sculptés en forme de longues branches de chênes abritaient des aigles d’or, s’élevaient de chaque côté de la salle. Deux énormes fenêtres à barreaux d’or, aussi longues que larges, perçaient la pièce, derrière les colonnes, et étaient encadrées par de longues tentures pourpres aux tissages d’or représentant des aigles, des astres solaires et des chênes millénaires. Des draperies aux couleurs pastelles, fines et translucides, étaient suspendues au plafond.
Deux gardes entourant chaque colonne se tenaient debout et maintenaient de longues francisques de cérémonies, d’où pendaient des rubans d’or.
Tout autour d’eux, une rumeur, un murmure intense s’élevait de la foule que formait les gens de la Cour ; courtisans et courtisanes, ducs et duchesses, barons et baronnes, princes et princesses, qui évoluaient dans une mer de couleurs, de tissus précieux, de plumes, de fards et de parfums, de coiffures montantes, de bijoux dont chacun en possédait d’une taille supérieurs à ceux de son voisin.
Les corsets des femmes étaient serrés à qui mieux-mieux et les faisaient étouffer, leur laissant à peine assez d’air pour parler ; les robes, grâces aux crinolines de fer et aux jupons surnuméraires, étaient toujours plus amples et plus couvertes de dentelles, de falbalas, d’ornements grotesques et scintillants, de traînes les faisant ressembler à des paons, même si cela devait les empêcher de marcher correctement ; leurs décolletés était toujours plus plongeant, toujours pour plaire plus à ces messieurs de la Cour, qui ne s’en privaient pas le moins du monde ; leurs coiffures étaient telles qu’elles devaient se lever plus tôt que le soleil pour avoir le temps de les élaborer ; leur maquillage leur était comme un masque, et l’on se cachait derrière jusqu'à ce que l’on ne se reconnaissent plus.
Les hommes arboraient des lavallières et des jabots toujours plus fournis, des chemises et des pourpoints toujours plus ajustées, des vestes et des costumes des plus chères et brillantes étoffes, d’une longueur incroyable ou s’arrêtant à peine à la taille ; des bottes toujours plus astiquées, plus reluisantes ; des hauts-de-chausse horriblement bouffants ou des pantalons aussi moulants qu’une deuxième peau.
Et les bijoux, les parures, les bagues, les colliers, les bracelets, les boucles d’oreilles, qu’en dire !
On avait l’impression, en regardant autour de soi, que tout le trésor d’un Roi-dragon s’était déversé sur cette énorme assemblée, cette orgie de clowns pomponnés et colorés, de perroquets et de paons déguisés et maquillés, qui se complaisait dans le chatoiement de l’or, dans le feu des bijoux et des pierres précieuses, et dans le luxe étouffant de leur vie.
En pénétrant dans cette salle à la chaleur étouffante, aux lumières vives, et en regardant autour de lui, Asrial s’était demandé comment l’impératrice pouvait supporter cela jour après jour, sans relâche. Lui, même à l’échelle réduite qu’étaient les grandes réceptions données chez les amis de ses parents ou chez lui-même, ne le supportait que parce ses amis ét…
Non…Je dois les oublier !
Tout le brouhaha qui s’élevait de cette mascarade que l’on appelait Cour Impériale s’était tût sitôt l’introduction d’Asrial dans la salle du trône.
La nuée des hautes personnalités se fendit, prenant place de part et d’autre du tapis rouge que les deux soldats et Asrial suivirent jusqu’au fond de la salle, où s’élevait l’impressionnant trône de métal doré à la feuille de l’impératrice.
Son sommet arrivait au-dessus de la moitié de la hauteur des murs. Sa forme évoquait celle d’une corolle de fleur ouverte. Un grand escalier de marbre pourpre montait du sol jusqu’à une petite plate-forme en demi-cercle où était installé le trône. Les pétales de la fleur-trône étaient au nombre de trois, et tous partaient de la base de la plate-forme de marbre ; celui du centre, arrondi, montait et pointait vers le plafond, tandis que les deux autres, à gauche et à droite, se recroquevillaient presque en demi-cylindres et s’étendaient contre le mur. Ces pétales doré étaient entièrement réduits à la plus fine dentelle métallique que les forgerons avaient pu produire.
Tout le long des pétales demi-cylindriques étaient entassés des monceaux de coussins et d’étoffes pourpres, grenats et or, de soie, de flanelle et de velours, où sommeillaient de nombreux chats angora à la musculature longue et fine, au poil brun-roux, au poitrail blanc et aux yeux d’une remarquable couleur orangée d’ambre ou d’un vert de béryl, que caressaient et avec qui jouaient de jeunes courtisanes, allongées dans les coussins comme des loutres au milieu d’un lac et seulement habillés de longs draps de fine soie blanche.
Au centre de la petite plate-forme de marbre, au centre de la corolle à la dentelle d’or, se dressait un trône au dossier élevé et étroit, tout d’acajou et d’or, couverts de draperies vermeilles.
Assise sur un coussin, les bras sur les accoudoirs, immobile, l’impératrice attendait. La jeune femme avait l’air de mourir d’un ennui effroyable. Sa voix cependant, claire et forte, résonna dans le silence la salle du trône :
- Eh bien, parlez, soldats, je vous écoute, dit-elle d’un air distrait.
Asrial ne trouvait pas la dirigeante de l’Empire de Miltarhor si impressionnante. Certes, il y avait dans son ton une note sèche et passablement ennuyée, mais qui ne paraissait pas être dirigé contre les personnes qui pouvait lui demander une audience.
Le plus vieux des deux soldats, celui aux yeux bleu vifs, s’avança, inclina le dos et débita toute sa phrase doucement, mais rapidement, comme si les mots étaient restés bloqués dans sa gorge et qu’ils en sortaient à présent comme une fontaine :
- Majesté, nous venons sur ordre du capitaine Taëlhrost. Nous avons trouvé cet homme…près du périmètre de protection des feux follets. Il dit avoir approché la Harpie de près sans que celle-ci ne l’ai attaqué. Il dit également venir de l’extérieur, mais nie être un mage.
Un murmure d’indignation et d’hilarité parcouru la foule des courtisans. L’impératrice, quand à elle, n’explosa pas de rage comme ils l’avaient cru. Elle se contenta de prendre un air étonné et intéressé.
- Ah, tiens…, dit-elle.
Soudain, comme si elle avait eu une révélation, son expression se fit grave et confuse. Elle se mit à dévisager Asrial, qui baissa la tête, gêné.
Dans un mouvement souple et majestueux, presque trop théâtral, elle se leva de son trône. Puis elle avança et descendit les marches de marbre jusqu’au bas de son trône où elle s’immobilisa.
- Majesté ! ? s’écrièrent les sentinelles postées autour des colonnes en même tant que la Cour s’exclamait, comme indignée qu’une dame d’une aussi grande importance s’abaisse à descendre au niveau du peuple.
Mais elle ne leur prêta pas attention. Elle avança un bras, lentement, devant elle, et posa la main sur quelque chose d’invisible. Des ondes d’un rose translucide iridescent palpitèrent sous sa mains comme une surface liquide. Les ondulations s’intensifièrent puis s’ouvrirent en leur centre en un large passage, et disparurent.
Une protection. Elle n’est ni folle ni inconsciente, elle sait très bien qu’il y a sûrement des gens qui pourrait lui en vouloir d’une manière ou d’une autre. Pour bien des raisons.
La protection ouverte, l’impératrice s’avança avec des mouvement gracieux et souples, faisant bruisser le satin de sa longue robe, et s’arrêta à deux pas d’Asrial et de ses deux gardiens.
Le jeune noble ne pus s’empêcher de la contempler et de l’admirer. Elle était à peine plus jeune que lui – un ou deux ans tout au plus – et il la dépassait de trois ou quatre pouces. Elle portait une longue robe de satin pourpre à large décolleté d’or qui s’ouvrait en pointe fine jusqu’à son nombril, moulant sa taille fuselée jusqu’au genoux, où elle s’évasait dans un éventail de plis galonnés d’or et balayait le sol. Le haut de sa tête était recouvert par une calotte pourpre bordée de fils mordorés se terminant en pointe sur son front. Fixées au col de sa cape, de longues plumes dorées ouvertes comme une queue de paon, remarquablement fines, s’agitaient quand elle marchait . Une chaîne d’or pendait à son cou et disparaissait dans son échancrure.
Son visage ovale aux traits délicats mais volontaires était mis en valeur par ses cheveux roux, d’une couleur de cuivre flamboyante, coulant en ondulant sur ses épaules et sur le col de sa cape dorée jusqu’à sa taille. Ses yeux étaient d’une étonnante couleur d’émeraude, vert sombre, presque noir en certains endroits, et sa peau au grain velouté avait une douce teinte laiteuse. Remarquant qu’il la dévisageait, il baissa brusquement les yeux.
- Eh bien ?! Dit-elle en se penchant sur le côté de façon à voir Asrial par-dessous, un sourire aux lèvres et ses grands yeux d’émeraudes largement ouverts, enfin réveillés. Suis-je si étrange que cela ?
A ce moment, un messager en robe, tout habillé de blanc pénétra par la porte de la salle avant qu’Asrial ai pu répondre, et appela :
- Majesté !
L’impératrice se tourna vers lui d’un mouvement sec.
- Qu’y a-t-il ?
- Un…un…un message du…du Prêtre Majeur Caliar…, souffla l’émissaire.
Il lui tendit un parchemin roulé et fermé par un sceau de cire rouge. L’impératrice le saisit brusquement, le décacheta et entreprit sa lecture. Quand elle parvint au bout, elle en était livide de rage.
- Comment ? Il ose me demander de le mettre immédiatement aux arrêts ? !s’écria-t-elle en désignant Asrial. Partez ! Retournez le voir et dites-lui que je prend mes décisions seule ! Je n’ai pas d’ordre à recevoir de lui !
Se faisant le plus petit possible, le messager acquiesça, s’inclina et sortit.
- Je le déteste ! ragea l’impératrice en écrasant la lettre dans son poing. Comment ose-t-il ? !Cela fait trop longtemps que cela dure ! Mère n’aurait pas dû lui accorder une si grande confiance !
Et, achevant de broyer la missive, elle retourna vers son trône d’un pas furieux. Tandis qu’elle gravissait les escaliers de marbre, la protection, scintillante sous les torches, se referma d’un coup. L’impératrice contourna son trône et disparut par une porte situé derrière celui-ci, la claquant avec temps de force que tous les chats entourant le trône et toute la masse des courtisans sursautèrent.
- Eh bien, notre impératrice semble un peu surmenée, ces temps-ci.
Les deux soldats, restés hébétés devant la réaction de celle-ci, se retournèrent, entraînant Asrial dans leur mouvement. Dans l’encadrement de la porte d’acajou se tenait un grands homme aux épaules carrées, les cheveux fins et noirs trempés retombant en pointes devant ses yeux. Il portait une robe de soie blanche drapée comme une toge qui traînait par terre. Ses longs yeux verts perçants et brillants étaient fixés sur le jeune homme. Il semblait être passé sous une cascade dans l’eau dégouttait de ses vêtement et perlait dans ses cheveux.
- Sire Val-d’Ansen !s’exclamèrent les deux militaires, ainsi que quelques barons, duchesses et princesses.
Sans nullement prêter attention au fait que sa robe légère et trempée, moulant son corps qui apparaissait dessous, laissait un rivière derrière lui, l’homme s’avança vers eux d’une démarche royale, théâtrale et souple.
- Eh bien, il semblerait que même après avoir affronté la pluie subitement tombée pour venir voir notre chère impératrice, celle-ci ne me boude ! dit-il d’une voix forte, un sourire au coin des lèvres.
Un rire parcouru la foule.
Le plus jeune des soldats lui demanda en montrant Asrial d’un mouvement de tête :
- Sire Val-d’Ansen, que fait-on de lui ? L’impératrice ne s’est pas prononcée.
Val-d’Ansen s’approcha, pris le menton d’Asriel entre ses doits puissants et le forca à relever la tête. Il le dévisagea un moment de ses yeux étincelants puis :
- Il me semble que notre ami Caliar a pris des dispositions ? Emmenez-le à la prison, mes mais !
- Mais l’impératrice…
- Elle est monté sur le trône il n’y a de cela que deux ans, elle n’a pas encore assez d’expérience…Mais elle apprendra…, répondit-il avec l’air de s’adresser à un demeuré.
- Bien, Sire…Mais…à quel niveau doit-on l’emmener ?
- Hum…Le premier sous-sol, le niveau des Affaires en attente.
Sur ces mots, les deux soldats empoignèrent Asrial et sortirent de la salle du trône, sous les rires nerveux de la foule multicolore.

*

Au sortir de la salle du trône, ils avaient repris l’élévateur. Celui-ci, étant donné qu’ils passaient de l’étage le plus haut de la Tour Impériale au plus bas, était descendu pendant un bon moment. Dans un silence complet. Puis finalement, ils étaient arrivés dans le bureau de réception de la prison impériale. Dans la grande salle éclairée par des torches se trouvait un bureau où de nombreux scribes recensaient toutes les personnes étant incarcérées à la prison impériale. Au moment où Asrial avait dû décliner ses noms et prénoms, il avait hésité, avant de donner un autre nom de famille que le sien : Aquendi. Asrial Aquendi. Cela lui plaisait, et il avait décidé de garder ce pseudonyme pour le restant de sa vie. Mais s’il la passait en prison, cela ne lui serivrait pas à grand-chose. Le jeune duc De Calinath était mort. Ce nom, qu’il avait une nouvelle fois prononcé en pensée, avait resurgir les images du massacre d’Artolanth dont il était l’auteur, mais il les avaient immédiatement chassées de son esprit. Il ne fallait plus qu’il y pense désormais ; cela lui laissait un horrible goût de sang et de mort dans la bouche.
Suite à son inscription à la prison impériale, les deux soldats lui avait fait descendre un long escalier en bas duquel ils avait trouvé le geôlier du premier sous-sol. Celui-ci, à leurs questions, leurs avait répondu que oui, il lui restait encore des places libres dans ses cellules. Le premier sous-sol se présentait comme une longue galerie faite de granit. Le sol était recouvert de sable. Deux rangées de colonnes carrées portants de grands flambeaux longeaient la galerie, prolongées par des murs qui séparaient les différentes cellules. Le geôlier avait conduit Asrial dans l’une d’elles. Le jeune homme s’était laissé faire. Il se sentait trop vide, trop fatigué, trop dépassé pour résister.
La cellule n’était pas très spacieuse, et « meublé » de deux seules paillasses posées à même le sol. L’un des soldats le poussa dans la petite cellule et le geôlier referma la grille de fer forgé à l’aide de son énorme trousseau de clés. Puis ils partirent, le laissant à son triste sort. Dans le sous-sol, on entendait quelques murmures discussions, mais la plus grande partie des prisonniers dormaient.
Asrial embrassa du regard sa cellule ; il partageait celle-ci avec une autre personne, un homme, allongé sur sa paillasse le dos contre le mur, avec un air las, et dont les mains jouaient avec une petite flûte d’ébène incrusté d’ivoire. Asrial le détailla du regard :plus grand que lui, svelte et très large d’épaules, il portait une large chemise de lin blanc à moitié sortie d’un pantalon moulant de cuir noir sur lequel était passé une ceinture de cuir clouté où devait pendre auparavant une lame. Ses deux bottes de cavalier de cuir noir étaient nonchalamment passé l’une sur l’autre.
D’une trentaine d’année, il était plutôt bel homme. Ses yeux d’un bleu azur éclatant, tels deux topazes bleues, brillaient à présent de bonne humeur. Sa mâchoire anguleuse et puissante mais fine n’était pas sans charme. Ses cheveux bouclés, d’un blond d’or, avaient des reflets presque ambrés à la lueur des torches. Ils étaient ramenés à l’arrière de son crâne en catogan par un ruban noir, laissant des mèches plus courtes libres devant son visage et sur ses tempes.
- Salut… !fit-il d’un voix grave et enjouée. Je m’appelle Eiger.
- Euh…eh bien…je…, bafouilla Asrial, pris au dépourvu. Asrial. Asrial Aquendi.
- Enchanté, répondit l’homme avec enthousiasme.
Enfin un visage sympathique…
Il se dirigea vers sa paillasse et s’assit contre le mur de granit, face à son interlocuteur.
- Comment es-tu…arrivé ici ? questionna-t-il.
Eiger eu un petit rire.
- Moi ? Mon pays d’origine se trouve loin, très loin…Pour être précis, je viens de Tirah. Et…là-bas, il n’y a jamais eu aucun temple d’aucune sorte. Je suis simplement entré dans le temple de Valdevia, et le Prêtre Majeur a ordonné que je sois mis aux arrêts. Un hérétique…n’importe quoi…
Bien sûr…Les gens de Tirah et des îles extérieures ont été déclarés hérétiques par l’ Assemblée du Panthéon…
- … Enfin bon, continua Eiger sans ralentir son débit de paroles, de toute façon je pense que c’était une mauvaise idée de commencer mon voyage par l’Empire. Mais bon, tout le monde fait des erreurs. Quoique, ça aurait été une erreur encore plus gênante que de se retrouver dans les marais d’Isgrasères. Bien oui, avec toutes ces guivres qu’il paraît qu’il traîne là-bas…Ce n’est d’ailleurs pas là qu’il paraîtrait que se trouve le légendaire Silioth ? Le Prêtre Majeur m’a…
- Le Prêtre Majeur, oui, le coupa vivement Asrial, interrompant le flot de paroles que son interlocuteur déversait. On m’avait raconté qu’il était étroit d’esprit, mais je ne pensait pas qu’il allait jusque là. Cela dit, cela fait longtemps que je n’ai plus mis les pieds à Lamarielle…
Eiger secoua la tête, s’accroupi d’un grand geste et demanda :
- Et toi ? Pourquoi t’a-t-on amené ici ? demanda-t-il, sans se départir de son sourire.
- Je suis passé à travers le cercle de feux qui entoure la forêt de Carmulla.
Les yeux azur pétillèrent d’intérêt.
- Alors tu es mage ?
- Non.
- Tu en es forcément un. Il n’y a que ceux qui connaissent la magie qui peuvent passer outre le Cercle.
- Je te dis que je ne suis pas un mage !s’énerva Asrial.
- Eh, là, du calme mon grand ! D’accord, je te crois. Cela va ? Mais dans ce cas , comment as-tu pu passer la barrière des feux follets ?
- Je n’en sais rien. Je n’étais même pas au courant que ce dispositif avait été mis en place.
Eiger s’approcha d’Asrial.
- Le Cercle est récent, c’est vrai. L’impératrice l’a fait installé il y a seulement quelques semaines. Elle n’a peut-être pas eu le temps de prévenir tous les gouvernements du changement.
- Mais pourquoi une telle protection ? Nous ne sommes pas en temps de guerre !
- Depuis le début de la Saison Noire, un espèce de monstre, la Harpie, sillonne la contrée et s’attaque à tout ce qui passe à sa portée. Mais elle n’approche pas de la ville ; les feux et les lumières lui font peur. L’impératrice a tout de suite fait élevé un bouclier magique autour de Carmulla pour l’empêcher qu’elle ne sorte de ce périmètre et n’aille s’en prendre les autres villes de l’Empire. Depuis l’élévation de la barrière, il strictement interdit aux habitants de la capitale et aux mages de s’aventurer dans la forêt. Il n’y a que les soldats et les mages d’élite qui sont autorisés à s’y rendre pour les patrouilles, mais toujours en groupe assez important pour pouvoir repousser une éventuelle attaque de la créature.
- Je vois…, soupira Asrial.
- Bon, eh bien, sur ce, moi je vais me coucher ! Bonne nuit, dit Eiger.
- C’est cela, bonne nuit…, répondit-il.
Puis il se coucha à son tour. Avait-il trouvé un nouvel ami ? Eiger avait véritablement l’air sympathique. Un peu bavard, certes…
Séparés des siens à jamais sur sa propre décision, Asrial espérait cela plus que tout, au fond de son cœur. Avoir de nouveaux amis. Il ne voulais pas être seul. Il ne le voulait pas. Jamais.

*

Cliquetis de clés. Bruits de pas. Asrial émergea d’un coup de son sommeil léger. Son regard se porta sur la porte aux barreaux de fer de la cellule : le geôlier était en train d’ouvrir à un personnage en armure dorée, une armure masculine. Avec un petit crissement, le battant s’ouvrit et le soldat entra, dominant la pièce de son imposante stature. Asrial se mit sur son séant. Aussitôt, l’homme tourna sa tête vers lui.
A l’autre bout de la petite cellule, le grabat d’Eiger craqua et son occupant se leva d’un bond.
- Tais-toi ! lui ordonna le soldat d’une voix basse et impérieuse.
- Qui êtes-vous ?articula Asrial.
L’homme reporta son attention sur lui. Puis il ôta son heaume doré surmonté d’une cascades de plumes pourpres, révélant un homme d’une quarantaine d’années aux cheveux bruns, le visage grave, mais plutôt amical. Il dit :
- Je suis envoyé par notre impératrice. Mon nom est Leyd Taëlhrost, capitaine de la Garde Impériale et Intérieure. Je viens te chercher, jeune homme.
Les yeux aussi ronds que ceux d’une chouette, Asrial lui demanda :
- Pourquoi…moi ?
- Parce que c’est le vœu de notre impératrice. Je ne connaît pas le motif.
- Qui me dit que vous dites la vérité ?lâcha Asrial, méfiant.
Taëlhrost soupira.
- Je ne pourrait le prouver que si tu m’accompagne. Viens de ton plein gré, ou je serais contraint d’utiliser la force, dit-il en désignant le pommeau d’acier de son épée.
Asrial fit la moue. Comment pouvait-il faire confiance au chevalier ?Mais, après quelques réflexions, il se dit qu’il était peut-être préférable de l’accompagner de son plein gré. De toutes façons, cela valait mieux que de moisir dans ce cachot ou que de se faire assommer à coup de pommeau.
- C’est bon. Je viens…, soupira-t-il.
- Bien. Te voilà raisonnable, mon jeune ami. Viens, à présent ! ordonna Taëlhrost en remettant son heaume.
Au sortir de la cellule, Asrial tourna la tête vers Eiger. Celui-ci lui adressa un bref salut de la main et lui sourit.
Bonne chance…
Le cœur d’Asrial fit un bond. Après une nouvelle montée en élévateur, ils émergèrent dans l’antichambre à la salle du trône.
- Ah, capitaine Taëlhrost ! dirent les deux sentinelles postées devant les portes d’acajou. Entrez, l’impératrice vous attend !
Asrial sentait son cœur cogner contre sa poitrine. Qu’allait-il se passer ? Pourquoi l’impératrice voulait-elle le voir, en pleine nuit, et sans attirer l’attention ?

*

La salle du trône, à présent totalement vide de toute présence. Les torches y étaient éteintes, et il semblait faire nuit. D’ailleurs, sans la brume noire qui couvrait le ciel, il aurait fait nuit. L’impératrice attendait, assise sur les dernière marches de marbre qui menait à son trône, le menton dans une main. Quand ils entrèrent, elle se leva brusquement, presque impatiemment.
- Leyd ! Vous êtes enfin là ! Je désespérait de vous voir arriver, dit-elle.
Elle avait troqué sa tenue d’apparat pour une longue robe moulante au velours d’un noir profond, avec un petit col serré. Elle marcha vivement à leur rencontre.
- Est-ce bien cet homme, Majesté ? demanda le capitaine.
- C’est bien lui, confirma-t-elle.
- Puis-je encore quelque chose pour vous ?
- Non. Merci pour ce service, Leyd. Vous pouvez-vous retirer.
- Bien, Majesté.
Il quitta la salle en silence, malgré l’armure qu’il portait. L’impératrice se tourna vers Asrial et se fendit d’un sourire malicieux.
- Si…, commença-t-il maladroitement, si vous…euh…pour…Excusez-moi, Majesté, mais pourquoi m’avoir fait venir ?finit-il par lâcher d’une traite.
Elle gloussa.
- Quels est ton nom ?demanda-t-elle sans répondre à la question.
- Je…hum…Asrial Aquendi.
- Connais-tu le mien ?
Confus, Asrial répondit.
- Au…Aurore Gléordis…
- C’est cela même ! Alors, maintenant que nous nous connaissons, appelez-moi par mon prénom.
De plus en plus étonné, Asrial ne savait quelle attitude adopter. Se jouait-elle de lui ? Elle reprit :
- Asrial, sais-tu pourquoi tu es là ?
- Pour…euh…le Cercle…
- …de feux, coupa-t-elle en riant. Non, ce n’est pas pour cette raison( son expression se fit soudainement grave et sombre ). Le véritable motif pour lequel tu es là, Asrial, est plus obscur que tu ne peut l’imaginer. Et laisse-moi te dire quelque chose( elle se pencha et lui chuchota à l’oreille ) :ce n’est pas pour rien que tu a pu passer le Cercle sans être mage.
Une douce odeur de violette et de chèvrefeuille mêlés se dégageait d’elle.
- Suis-moi, dit-elle.
Elle tourna les talons et remonta les escalier du trône en forme de fleur. Puis elle contourna le trône à proprement parler et s’engouffra dans la même petite porte qu’elle avait utilisée plus tôt, lui faisant signe de la suivre. Ils traversèrent un petit couloir sombre qui se terminait sur une autre porte. Aurore l’ouvrit et ils débouchèrent sur…
Une chambre. Sa chambre.
La chambre de l’impératrice en personne. Asrial n’en croyait pas ses yeux. C’était une petite chambre, en vérité, dont le sol était, comme la salle du trône, carrelé de marbre pourpre. La porte par laquelle ils étaient entrés se situait presque à l’angle de deux murs. A quelques pas d’eux se trouvait un lit a baldaquin de cerisier sculpté, aux tentures d’or, dont la tête se trouvait contre le mur à leur droite.
De l’autre côté du lit, une armoire d’acajou, et une autre porte, en face de l’autre. A leur gauche, face au lit, une grande fenêtre surmontait un fauteuil recouvert de tentures de velours grenat, et un petit bureau de bois.
Aurore l’invita à s’asseoir. Elle opta pour le pied du lit, en face de lui.
- Je ne sait par où commencer ni si tu va me croire, attaqua-t-elle. Mais avant tout, sache, Asrial, que tu es un signe et que j’ai besoin de toi. Pour pouvoir t’exposer le problème, il me faut te raconter une légende qui se fait également prophétie, qui a circulé partout sur Era. Peut-être la connais-tu.
Peut-être…


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MessagePosté: 04 Sep 2005 19:43 
La suite^^(pas assez de place sur une page^.^)







-Il a plusieurs millénaires, l’archange nommé Sedvrah, un serviteur de Petite Lumineuse, tomba amoureux d’une humaine, une simple mortelle. Mais cet amour lui était interdit par Petite Lumineuse, car la place d’un archange était auprès d’elle. Ainsi, elle ne permettait à aucun de ses serviteurs de lumière de sombrer dans l’amour.
Mais Sedvrah ne respecta pas cette règle et continua d’aimer. Petite Lumineuse ne vit d’autre solution que d’envoyer un autre archange, Alexandryus, s’interposer. Celui-ci persuada donc l’ancien amant de la femme aimée par Sedvrah de la détourner, elle aussi. L’homme n’y parvint pas. Alexandryus lui insuffla alors haine et jalousie au cœur. L’homme finit donc par tuer la femme aimée de Sedvrah.
Fou de douleur, il s’abandonna à la folie et essaya détruire Alexandryus, marquant ainsi clairement sa rébellion contre Petite Lumineuse. Elle aurait voulu néanmoins le garder près d’elle, mais Sedvrah devint un archange déchu, un andémange, et pris le nom de Saeptum. Le monde oublia celui de Sedvrah. Il se fixa comme but de détruire Alexandryus, celui aussi qu’on appelait l’Arche de Lumière, dont la présence seule étaient une barrière contre les Limbes du Monde -je n’ai aucune idée de ce à quoi la légende fait référence- les plus profondes.
Petite Lumineuse, inquiète de l’avenir du monde, envoya Alexandryus contre Saeptum, dans l’espoir de le faire prisonnier et de le châtier. L’archange de lumière retrouva l’andémange dans sa forteresse, l’Eregor, et lutta contre lui dans un formidable combat dont tous les habitants d’Era purent contempler le déploiement de puissance. On dit que le combat fut si terrible qu’il remodela Era, et que certains aspects du relief actuel en sont les séquelles. Quoiqu’il en soit, Saeptum fut vaincu et amené devant la justice de Petite Lumineuse. Il fut condamné à resté enfermé au sein de la terre pour des millénaires, afin qu’il médite sur les lois établies par les puissants Piliers du Monde –ici, la même chose, je ne sait pas à quoi la légende fait référence-. Quand à Alexandryus, Petite Lumineuse ne lui pardonna pas d’avoir utilisé la haine et la jalousie comme armes contre Saeptum. Il fut également enfermé pour plusieurs millénaires, pour qu’il médite lui aussi sur ses actes.
Il est dit que Saeptum finira par se libérer ou par mourir dans son cercueil. A ce moment, Alexandryus devra lui aussi se réveiller, sinon, l’esprit ou le corps de Saeptum sera engloutit par les Limbes qui avaleront le monde. Petite Lumineuse ne pourra intervenir. Seul l’archange de lumière Alexandryus sera assez puissant pour l’empêcher. Mais il lui faudra être libéré par une personne, car, à la différence de Saeptum, il avait accepté de son plein gré le châtiment de Petite Lumineuse. Il ne pourra se libérer seul. S’il ne l’est pas, il s’éteindra comme une flamme et lui aussi sera engloutit par les Limbes…La légende est assez floue, mais elle a de quoi faire peur.
- J’ai effectivement entendu parler de cette légende, il y a longtemps, et je n’était alors qu’un enfant, dit Asrial. Excusez-moi, mais que cela a-t-il a voir avec la situation présente ?
- Eh bien, répondit Aurore, j’ai toutes les raison de penser que cette prophétie est véridique.
Asrial la regarda avec une expression d’étonnement, de surprise et d’incrédulité. Un peu comme une folle, même si lui même n’en avait pas l’impression. Mais la jeune impératrice ne se laissa pas démonter et reprit :
- Ce bijou…
Elle tira sur le sautoir d’or qui pendait à son cou et fit sortir de son col un pendentif représentant un œil de platine et de cuivre, grand ouvert, portant deux ailes mi-repliées dans le sens inverse l’une de l’autre, l’une au-dessus, l’autre au-dessous de l’œil. A droite, un sablier d’or. A gauche, un sablier d’argent couvert d’un masque. Les trois éléments étaient entourés d’un cercle de bronze.
- Ce bijou, reprit-elle, est dans ma famille depuis de nombreuses générations. Mais personne n’a jamais su ce que représente cet œil, ce soleil et cette lune. Il y a quelques mois, quand la Harpie est arrivée, la pupille de l’œil s’est ouverte toute seule, révélant une cache d’où est tombée un minuscule parchemin. Attends…
Aurore passa la main dans son décolleté. Ses doigts plongèrent dans la petite poche intérieur de sa robe, et ressortirent en tenant un minuscule parchemin, tout plié, pas plus gros qu’un noyau de cerise.
La jeune impératrice la fit rouler au creux de sa paume et de sa main libre et experte, et déplia doucement la missive. Déplié, pourtant, le papier était plus grands que sa main.
- Regarde, et écoute…, souffla-t-elle. Puis elle lu : Quand cette lettre sera trouvée par le porteur du pendentif, et ne pourra l’être seulement par lui, tout pour lui en sera changé. Sa vie s’éveillera a un but : empâcher le monde de sombrer sous le joug du chaos. Je suis Alexandryus, le Grand Archange de lumière, serviteur de ma Petite Lumineuse. Toi qui me lit, toi qui est descendant ou descendante de l’homme que j’ai jadis perverti, je te demande de m’aider. Si mon réveil n’est pas entamé bientôt, les Abysses engloutiront la lumière du soleil. Toi qui m’écoute, ton destin est de m’aider. Mon sort est scellé le doigt qui embrasse le ciel et illumine les montagnes, par delà l’or, au cœur des pics, dans les linceuls blancs et vaporeux du temps. Seul le solstice pourra t’aider. Trouve-moi et libère-moi, alors que déjà je m’éteins.Aurore se tut. Elle replia et rangea le parchemin dans la poche intérieure de son vêtement.
- Tu as entendu ? L’archange Alexandryus me demande, à moi, de le libérer…Je suis donc la descendante de l’homme qu’il a perverti…Devrais-je lui en vouloir ? Où dois-je l’aider de bon cœur ?
Aurore avait une expression mêlée de crainte et d’ignorance de la marche à suivre dans une telle situation.
- C’est écrit grâce à un ancien alphabet qui a été utilisé par les plus grands archimages des premières époques où les peuples ont su maîtriser la magie. Très peu de mages arrivent encore maintenant à le déchiffrer. J’ai envoyé ce message à la Haute Cour de la Magie, à Evralon, pour en tirer une traduction, même approximative.
- Donc, conclu le jeune homme, vous êtes la descendante directe de l’homme à qui l’archange Alexandryus aurait insufflé haine et jalousie, et le serviteur de Petite Lumineuse vous demande de le libérer aujourd’hui ? Cela signifie que l’Andémange s’apprête à refaire surface ou à mourir, et que les Limbes s’apprêtent à s’emparer de son corps ou de son esprits, c’est bien ça ? Et Evralon est au courant ?
Asrial disait cela sans y croire réellement. Il était tellement détaché de tout, et c’était tellement invraisemblable.
- C’est cela, répondit gravement l’impératrice. Oui, Evralon est au courant, mais uniquement le Maître de la Cour. Et toi, Asrial, tu est ce signe que j’attendais.
Le jeune noble écarquilla les yeux, faillit s’étrangler et bafouilla :
- Moi ? Mais…je…ce…comment ?
Aurore eu un petit rire.
- Et vous avez l’intention de libérer l’archange ?
Il se demanda si l’impératrice n’était pas folle.
- Bien sûr, dit-elle. Les prêtres dans l’ancien temps étaient formels sur ce point : la prophétie s’accomplirait, mais personne ne le savait. Et aujourd’hui, c’est ce qui est en train de se passer. Et pour ce voyage, je veux que tu m’accompagne, Asrial…
- Moi ? Mais…Il n’est pas sûr que ce soit moi qui soit…ce signe !
Elle était folle, c’était sûr.
- Tu es le signe, Asrial…Tu a passé la barrière des feux, la Harpie ne t’as pas fait de mal…( puis Aurore se renfrogna )De toutes façons, considère cela comme un ordre de ton impératrice. Tu n’a pas le choix.
Asrial était complètement abattu et ne savait plus quoi penser. Il était persuadé que l’impératrice était soit folle, soit tellement ennuyé par ses fonctions et la vie de cour qu’elle avait inventé n’importe quoi pour pouvoir y échapper. Mais lui…Il avait assassiné des dizaines de personnes sans savoir comment, il s’était enfui de chez lui pour ne jamais revenir, et il devrait partir maintenant pour libérer un archange de légende ?! Il ne pouvait pas y croire. C’était absurde ! Mais Aurore semblait déterminée. Et puis il n’avait pas le choix. Aurore était l’impératrice ; il devait lui obéir.
D’un autre côté, il se disait que s’il partait avec elle, il pourrait peut-être oublier sa vie passé, à Artolanth. Même si ce n’était que pour un grand voyage, pour aider une impératrice blasé à échapper à ses devoirs. De toute façons plus rien ne lui importait. Alors pourquoi pas ?
Tout à coup, le tirant de ses pensées, Aurore dit :
- Mais ceci devra rester secret. Si tout le monde parvenait à savoir que Saeptum dort sur Era et risque de tout déclencher à tout moment, se serait une véritable panique qui s’emparerait des populations ! Sans parler des fous qui voudrait l’éveiller ! Ou des mages qui le rechercherait pour étudier sa puissance magique ou se l’approprier ! Ou encore de certains clergés qui voudrait y mettre leur grain de sel…., termina-t-elle, le ton lourd de sous-entendus.
Elle est vraiment persuadée de la véracité de son délire… ? Ou le fait-elle exprès ?
- Si je comprend bien, fit Asrial, vous voulez partir incognito de la capitale, avec moi ? Mais qui gouvernera l’Empire en votre absence ?
- C’est bien cela. Et tu ne devras parler de rien à vos familles ou à vos amis. C’est impératif. Quand à moi, ne t’inquiète pas ; quelqu’un en qui j’ai toute confiance assurera la régence. Je lui ai laissé une lettre apposée de mon sceau personnel.
De toutes façons, pensa Asrial, je n’ai plus de famille à prévenir…Ni même d’amis…Qu’est-ce qui a encore de l’importance pour moi… ?
- Bien, alors, je crois que nous allons partir sans tarder.
- Aujourd’hui ?! s’écria Asrial.
- Bien sûr. Quelqu’un nous attend dans quelques jours à l’est de l’Empire.
- Mais… ! De toutes façons, je ne suis même pas sûr de vouloir venir ! dit-il en dernier recours, croisant les bras d’une façon résolue.
- Si tu n’est pas d’accord…
D’un geste vif et souple, l’impératrice sortit de sous la couverture deux dagues effilées, qui, en une fraction de secondes, se trouvèrent en train de chatouiller de leurs pointes le cou d’Asrial.
- …je serais au regret de devoir te faire avancer par la force, termina-t-elle.
Asrial déglutit et hocha la tête doucement pour ne pas se retrouver avec la gorge trouée.
- Je…je viens…Aujourd’hui…
Aurore se fendit d’un grand sourire, hocha la tête de contentement, et retira les armes du cou d’Asrial.
- Allons nous préparer. Et n’oublie pas, Asrial : elles sont toujours près de moi, déclara-t-elle en désignant ses deux dagues.





vilààà...fin du chapitre 2^^


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