En fait, voilà un moment que je pense à poster ce sujet sur le forum, parce qu'entre lectrices, parfois acharnée, c'est dommage de ne pas se refiler des bons plans. Je vais d'ailleurs peut-être rappatrier Pratchett dans ce coin.
Pour commencer ce jour (vous avez le droit de continuer), point de slash (quoique... la relation des deux persos dont il est question dans la suite est à mon avis à mettre au rang de celle qui provoquent la suspicion de slasheuses un peu ivres), un bouquin qu'il est vieux, qu'il est à priori pas comique, mais qui m'a en fait fait gravement rigoler. Et qui par ailleurs, dont le choix a été quelque peu influencé par la dernière oeuvre poétique de notre Halfeline nationale. Il s'agit d'un livre prêté par mon Castor favori, qui cause (Fifine, ça devrait t'évoquer des choses) d'un gars qu'il est paysan bouseux dans la campagne jurassienne, et de la Vouivre, personnage mythique de la même région qui commande aux serpents, se baigne à poil dans les rivières, et porte sur le front un rubis gros comme un oeuf. En fait, c'est une histoire de coucherie, mais y a des personnages secondaires ma foi fort attachant, que je m'en vais vous détailler tout de suite - avec le passage qui fait rigoler.
Marcel Aymé – La Vouivre – 1968 (je crois)
C’est l’histoire d’un maire radical (donc farouchement anti-clérical) et d’un curé (donc clérical lol) qui discutent de la Vouivre, sous les yeux de l’instituteur (donc anti-clérical – qui a vu la Gloire de mon Père ?), dans les années qui suivent la première guerre mondiale.
Le maire, comme le curé, a vu la Vouivre, mais aucun des deux ne veut l’admettre (pour diverses raisons) ; le maire vient même d’affirmer qu’il s’agissait de basse tradition populaire et qu’il n’en croyait pas un mot. L’affaire tourne au débat. C’est l’instituteur qui commence.
« - Monsieur le curé pourrait nous dire, glissa l’instituteur, si ces apparitions de la Vouivre sont conformes aux enseignements du dogme catholique. »
Le curé répondit que le démon pouvait revêtir n’importe quelle apparence et aussi bien celle d’un personnage de légende. En fait, il s’y risquait bien rarement. Ayant la faculté de s’introduire dans les êtres et d’agir ainsi secrètement à l’intérieur des âmes, il n’avait aucun intérêt à se manifester sous des espèces matérielles, car celui que le témoignage de ses sens aura convaincu de l’existence du diable sera bien près de croire, ou alors c’est un âne, en Dieu et en Notre-Seigneur. Toutefois, le peu probable est encore du possible. De grosses gouttes de sueur emperlaient le front de Voiturier [c’est le maire]. C’étaient les sueurs horrible d’un brave homme de radical, antibondieusard, anticlérical, bon ouvrier de la laïcité, qui voyait tout à coups le diable entrer dans sa vie, dans le beau grand domaine de sa raison, et y faire le chemin à Dieu le Père et à son Fils. Les paroles du curé achevaient de l’éclairer. Il était dans une situation à se prosterner dans la poussière en criant aux quatre points cardinaux qu’il voyait, qu’il croyait, qu’il était désabusé. Mais, d’airain, tout au moins de bois dur, Voiturier savait reconnaître l’évidence et, à la fois, en refuser les preuves. Plus souvent, qu’il aurait porté des pierres et travaillé pour le curé et tous les Jésuites de Vaux-le-Dévers [le nom du bled] qui rêvaient (pourtant bien contents d’avoir l’électricité) de revenir au temps des seigneurs ! L’âme de Voiturier, qui n’était qu’une poussière d’insaisissable éparse entre ses orteils et le fond de sa casquette, se ramassa, s’aggloméra, se contracta et se durcit en un bloc immatériel rayonnant l’héroïsme. Converti, ouvert à la vérité du Christ et comme autant dire les doigts dans les plaies du Sauveur, il renonçait aux fontaines heureuses du paradis pour rester fidèle à son député et à son idéal de laïcité. »
_________________ Cat
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