Il n’était pas rare à l’époque de la Renaissance de voir certaines artistes nouer des relations profondes et privilégiées avec d’autres hommes. Ainsi, Michel-Ange connu de nombreuses amitiés masculines qui lui inspirèrent des correspondances et des sonnets passionnés. Se lassant régulièrement de ses conquêtes ou faisant face à la disparition de celles-ci, il demeura cependant un homme dont Michel-Ange ne parvint jamais à se lasser.

Aristocrate romain, réputé pour sa grande beauté et son intelligence remarquable, Tommaso dei Cavalieri était âgé de vingt-trois ans quand il fit la rencontre de Michel-Ange, en août 1532. L’artiste venait alors de regagner Florence depuis peu de temps. Conscient de l’attirance que lui inspire le jeune homme, il décide alors de s’installer définitivement à Rome afin de s’en rapprocher.

Après avoir fait connaissance, le jeune romain se passionne pour l’art et principalement celui de l’artiste florentin. Il lui demande alors de lui expédier quelques croquis afin de s’initier à l’art du dessin. La plupart des cartons offerts ont pour sujet des thèmes mythologiques largement équivoques. Les cadeaux sont de plus en plus nombreux : peu à peu, la relation maître-élève se mue en amitié. Cavalieri était d’ailleurs le seul envers qui le sculpteur ne se permettait aucune saute d’humeur et n’hésitait jamais avant de répondre à une de ses demandes, aussi exigeantes soient-elles. Le jeune romain était, en effet, aussi réputé que l’artiste pour son caractère difficile et changeant. Niant parfois son bien-aimé durant des mois, il finissait cependant toujours par s’en excuser et par lui envoyer quelques nouvelles et témoignages de sentiments.

Michel-Ange lui dédia, au total, plus d’une centaine de sonnets et de lettres ainsi que son portrait grandeur nature, aujourd’hui égaré. Les textes qu’ils dédient à son amant sont les seuls où l’artiste n’éprouve aucun tourment ni aucun remord. Leur relation marquera une période heureuse de la vie du florentin durant laquelle il sera plus productif que jamais. L’une de ses statues, le Génie de la Victoire, achevé en 1534 et exposée au Palazzo Vecchio, aurait été largement inspirée par Tommaso. (*)

Daniele da Voltera, élève de Michel-Ange et l’un de ses plus proches amis, suggéra d’ailleurs au neveu de l’artiste d’utiliser cette statue comme ornement pour le monument funéraire de son oncle. Il déclina la proposition et offrit la statue à la famille Médicis.

Cet amour réciproque durera jusqu’à la mort de Michel-Ange, le 18 février 1564, à laquelle Cavalieri assistera. Il demeurera à son chevet jusqu’à son dernier souffle et sera chargé, en compagnie de Daniele da Voltera, de s’assurer de l’exécution de son testament et du respect de son désir de reposer à Florence.

Après la mort de l’artiste, cette relation fut longtemps niée. En effet, l’un des neveux de Michel-Ange se chargea de corriger chacun des poèmes dédié au jeune homme afin de dissimuler son homosexualité, pourtant connue de tous. La supercherie fut condamnée et l’orthographe originale rétablie. On dispose ainsi aujourd’hui de nombreuses correspondances et poèmes, preuves de la passion qui unirent les deux hommes.