Chapitre 4
Neal se réveilla à nouveau une heure plus tard. Une délicieuse odeur emplissait la pièce. Il identifia aisément une soupe de légumes. D'ordinaire c'était Elizabeth qui cuisinait dans la maison des Burke mais Neal avait passé suffisamment de temps avec le couple depuis sa sortie de prison pour savoir que Peter l'égalait fort bien dans ce domaine. Il ferma les yeux, se laissant simplement flotter dans l'odeur. Il entendit aussi des pas s'approcher. Quelque chose fut posé près de lui sur la table basse du salon. Une main serra son bras à travers la couverture et la voix de Peter chuchota son prénom. Il ouvrit les yeux et vit Peter lui désigner la table. L'objet posé était un mug rempli de soupe. Peter s'en était aussi servi un. Il attendit que Neal s'assit pour prendre place à ses côtés. Même s'il n'avait pas faim, Neal ne refusa pas le repas proposé car il espérait que le liquide chaud apaiserait son mal de gorge.
- Il neige toujours à gros flocons. Pendant que tu dormais, je t'ai préparé quelques vêtements pour la nuit dans la chambre d'ami. Prêt à t'habiller comme Peter Burke ?
Neal évita de justesse d'avaler une gorgée de travers.
- Laisse-moi deviner. Un bas de jogging et un t-shirt FBI ? - Le pyjama en flanelle c'est pas trop mon truc. - A vrai dire, je les préfère en soie. - Le luxe te perdra. La salle de bain est toute à toi aussi.
Neal ne réalisa qu'à cet instant que Peter s'était déjà douché et changé. Il sentait cette classique odeur marine des gels douches masculins bon marché et avait troqué son costume contre un jean large et un polo marron dont le col et les manches étaient rehaussés d'un liseré blanc. Neal tourna vers Peter un regard plein d'effroi :
- Oh mon Dieu ! Je vais aussi sentir comme Peter Burke ! - Il y a l'option Elizabeth si tu préfères la lavande. - Je crois que je préfère.
Neal reposa le mug sur la table basse. Comme il l'espérait, la soupe onctueuse avait soulagé sa gorge mais la moitié de la tasse était vraiment tout ce qu'il pouvait ingurgiter au risque d'ajouter l'indigestion à ses symptômes. Une douche chaude lui ferait assurément du bien. Il se leva. Sans doute trop brusquement car le mouvement lui causa un vertige et le temps que la pièce cesse de tourner, Peter le tenait déjà fermement, l'inquiétude perceptible sur son visage et dans sa voix.
- Neal ? - Ça va... ça va. Laisse-moi juste une minute. - Tu allais où comme ça ? - Prendre une douche, comme tu l'as suggéré. - Je ferais peut-être mieux de monter avec toi. - Non, ça va. Ça va aller.
Neal se dégagea de l'étreinte de Peter. Il se dirigeait vers l'escalier quand il s'aperçut qu'il était suivi. Il s'arrêta, soupira et demanda sans se retourner :
- Qu'est-ce que tu fais Peter ? - Je m'assure que tu ne te brises pas le cou dans les escaliers.
Neal lui fit face et Peter en profita pour lui indiquer l'escalier des deux mains dans un geste théâtral.
- Après toi. - Tu es pire que ma mère. Neal s'en mordit la langue. Trop tard. - Oh, oh, oh, je veux des détails. - Oooh, non, non, non. Ça n'arrivera pas.
Il gravit les marches lentement, en s'aidant de la rampe, Peter sur ses talons.
- Que faisait-elle quand tu étais malade ? - ... - Est-ce qu'elle te mettait une compresse froide sur le front ? - ... - Elle te préparait aussi de la soupe ? - ... - Je sais ! Elle t'assommait avec des médicaments pour te faire dormir. - Tu as fini ? - Presque. Elle te chantait une chanson ? - ... - Allez, lâche au moins un indice. - Aucune chance.
Neal fit un détour par la chambre d'ami pour récupérer les vêtements que Peter lui avait préparé. Il avait presque vu juste : un bas de jogging gris, un t-shirt blanc sans fioriture, sobre et confortable et oh... un caleçon blanc. Si on lui avait dit un jour qu'il porterait un des sous-vêtements de Peter... Quand il sortit de la chambre, Peter l'attendait devant la salle de bain.
- Tu comptes me suivre jusque sous la douche ? Non, parce que j'avais espéré un peu d'intimité. - Ça va, n'exagère pas. Tu cries si tu as besoin de quelque chose. Les serviettes propres sont dans le placard à côté de la baignoire. La brosse à dent verte est pour toi. - Merci. - Y'a pas de quoi.
Neal s'enferma dans la salle de bain. Son reflet dans le miroir l'effraya presque. Toute couleur avait disparu de son visage pour ne laisser qu'un teint blafard. Des cernes creusaient ses yeux et les cheveux en contact avec son front et sa nuque étaient plaqués contre sa peau par la sueur occasionnée par la fièvre. Il sortit une serviette du placard avant de se dévêtir, aussi vite que ses muscles courbaturés le lui permettaient, puis il se glissa dans la baignoire. L'eau chaude eut un effet relaxant immédiat. Il parcourut du bout des doigts les gels douches et savons à sa disposition et opta pour celui à la lavande. Les goûts d'Elizabeth étaient toujours plus raffinés que ceux de Peter.
XXXXX
Peter songea un instant à descendre voir un match à la télé mais le malaise de Neal quelques minutes plus tôt l'incita à rester près de la salle de bain au cas où. Il alla dans sa chambre en laissant la porte ouverte, attentif aux bruits que faisait Neal. Il s'allongea, savourant sa première véritable pause de la journée. Il resta ainsi une dizaine de minutes. L'envie de dormir se faisait de plus en plus pressante mais il y résistait. Il avait besoin de savoir Neal en sécurité, dans un lit, enfoui sous une montagne de couvertures avant de pouvoir se laisser aller complètement. Quand enfin il entendit la porte de la salle de bain s'ouvrir, il regagna le couloir et ne put retenir un sourire en voyant l'accoutrement de son élégant partenaire. Les vêtements, trop grands pour lui, le faisaient paraître plus mince et plus petit qu'il ne l'était. La coupe trop large du t-shirt faisait tomber les manches jusqu'au niveau des coudes. Quant au pantalon, il en avait retroussé plusieurs fois les pans pour éviter de marcher dessus.
- Quoi ? C'est à ce point-là ? - Je me demande si j'aurais pas mieux fait de te prêter un pantalon et un t-shirt d'Elizabeth. - Ah, ah, très drôle.
Peter ouvrit la porte de la chambre d'ami et invita Neal à entrer d'un geste de la main. Celui-ci s'assit sur le lit et ferma les yeux en grimaçant. Des pulsations douloureuses s'élançaient de nouveau à travers son crâne jusqu'à ses tempes où elles explosaient en de fulgurantes brûlures.
- Toujours mal à la tête ? - Mmh
Neal ne songea même pas à ouvrir les yeux en répondant à Peter. Il avait l'impression que la moindre parcelle de lumière rendrait sa migraine encore plus insoutenable. Les bruits des pas de Peter, qui redescendait l'escalier, résonnèrent douloureusement à ses oreilles. Il s'allongea, espérant que le sommeil le prendrait rapidement et chasserait la douleur.
Peter retourna à la cuisine. Il prit une bouteille d'eau minérale dans le frigo et le tube de cachets sur la table. Quand il retourna dans la chambre, il vit que Neal s'était endormi sur le lit s'en prendre la peine de se glisser sous les draps. Il hésita un instant entre le laisser dormir, le réveiller ou aller chercher la couverture au salon. A dormir ainsi il risquait d'avoir froid et d'aggraver son mal dans la nuit. Finalement il s'assit sur le lit mais au moment où il allait lui poser une main sur l'épaule, Neal ouvrit les yeux et Peter s'aperçut qu'il ne dormait pas. Neal se redressa et accepta avec gratitude les médicaments et la bouteille d'eau. Il prit un cachet sous le regard inquiet de Peter.
- Cesse de me regarder comme ça Peter. J'ai juste pris froid. Je ne vais pas mourir. - Tu as vu ta tête, récemment, dans un miroir ? Neal considéra la question avant de répondre. - Touché. Mais je suis sûr que ça ira mieux demain. - Neal, si tu as besoin de quoi que ce soit, même au milieu... Neal stoppa sa phrase en levant une main devant lui. - Je sais. Je savais que tu dirais ça. - Et je le dis sérieusement. Neal lui lança un regard espiègle accompagné d'un sourire narquois au bout des lèvres. - Tu t'inquiètes vraiment on dirait. - N'en profite pas trop non plus, lui répondit Peter en pointant un doigt dans sa direction. Neal s'en amusa ce qui aurait presque pu rassurer Peter s'il n'avait vu l'épuisement dans les yeux de son partenaire et le bâillement qu'il venait de réprimer. - Bonne nuit Neal, dit-il en se levant. - Bonne nuit Peter.
Peter se dirigea vers la porte pendant que Neal se glissait sous les draps. Avant de quitter la pièce, il jeta un dernier coup d'œil vers Neal pour s'assurer que le jeune homme ne dormirait pas au-dessus de la couverture. Satisfait par ce qu'il vit, il referma la porte derrière lui. Neal éteignit la lumière et se recroquevilla dans le lit en tirant la couverture jusqu'à son menton. Cette maudite fièvre ne cessait de lui donner des frissons malgré la tiédeur de la pièce. Le médicament que lui avait donné Peter agissait rapidement et son mal de tête avait déjà diminué mais il ne pouvait pas en dire autant pour sa gorge. Il commençait à soupçonner une angine tant déglutir lui était pénible. Il ferma les yeux, pensant s'endormir rapidement mais des bruits discrets, dans la pièce voisine, attirèrent son attention. Peu habitué à cette présence, il écouta, malgré lui, Peter se préparer pour la nuit. Au bout de quelques minutes, le silence se fit. Seul le vent rugissant et la neige qui frappait les carreaux venaient perturber la quiétude de la maison. A bout de force, ignorant la tempête, Neal succomba au sommeil.
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