et voici la 2ème partie et fin :
Le samedi suivant, Ianto et Owen n’en menait pas large. La salle était bondée et Ianto avait l’impression que les murs se rapprochaient de lui et allaient l’écraser d’une minute à une autre. Quant à Owen, il faisait les cent pas, essuyant d’un mouchoir les gouttes de sueur sur son front.
Tosh et Jack n’étaient pas encore arrivés. L’un comme l’autre était pris d’une envie de faire demi-tour avant que cette grotesque mascarade ne démarre. Ils se postèrent derrière le rideau, dans un coin pour ne pas gêner.
« T’as vu ? » demanda le médecin en désignant les personnes présentes d’un mouvement du menton.
« Quoi ? » lui répondit le plus jeune.
« Mais les femmes ! Elles ont toutes l’âge d’être ma mère ! J’en ai repéré juste quelques unes, un peu plus jeunes et potables »
« Tu mériterais vraiment de passer la soirée avec une de ces femmes ! Ta façon de parler d’elles n’est vraiment pas respectueuse »
« Attends, mais ne fais pas ton saint. Tu ne vas pas me dire que cela t’enchante, toi. Imagine le moment où elle voudra te pincer les fesses »
« Elles ne sont pas toutes comme toi, aussi obsédées ! Je suis sûr qu’il y a des femmes qui ont juste envie d’une compagnie galante, un repas et une bonne conversation. Remarque, avec toi, c’est une perte d’argent »
Owen, furibond, était pour lui claquer l’arrière de la tête quand la Présidente de l’association les interrompit en passant devant eux.
« Messieurs… Je vois avec plaisir que vous avez hâte de remplir votre devoir. Ils vont en avoir pour leur argent. »
Puis sans attendre, elle accéda à la scène.
« Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, bonsoir… »
« Pff… mesdemoiselles, elle se fout de nous là » balança Owen, énervé.
« Tout d’abord, je souhaitais vous remercier tous et toutes de votre présence ici, pour une si vénérable cause. Comme vous le savez, nos caisses manquent cruellement de cet argent indispensable pour soulager toutes ces familles dans le besoin. Elles comptent sur nous. Sur vous et votre générosité, qui j’en suis sûre, sera sans borne. D’autant que nous avons de magnifiques spécimens qui attendent de jouer le jeu et je les en remercie tous chaleureusement. Bien, je ne vais pas retarder plus le début de la mise aux enchères. Je vous laisse avec James. »
Le dit James s’avança et prit place derrière le pupitre.
« Bonsoir. Alors nous allons commencer par Cherry, jeune femme de 30 ans, institutrice. Elle aime les ballades en forêt, les enfants bien entendu, le cinéma et les gâteaux au chocolat. »
…
Jack était assis dans le fond avec Tosh à ses côtés. Celle-ci était magnifique dans un superbe fourreau bleu nuit. De nombreux regards s’étaient tournés sur eux et le très beau couple qu’il formait. Quant au Capitaine, il avait laissé son long manteau pour un smoking noir qu’il portait avec élégance. Bien sûr il pensait au moment où il pourrait enfin l’enlever, préférant largement ses tenues dans lesquelles il se sentait plus à l’aise.
D’ailleurs le costume, il préférait le voir sur Ianto. Avec l’une des chemises en soie… Il reprit ses esprits quand un énième « adjugé » se fit entendre. Le prochain était Owen. Il souriait déjà mais quand le médecin apparut, complètement coincé et pâle comme la mort, il ne put réprimer son rire.
« Pardon… mais franchement tu as vu sa tête ? On dirait qu’il va à l’abattoir »
Tosh fut contaminée et prise elle aussi d’un fou-rire.
« Oui, je suis sûre que d’être enfermé avec un de nos weewils lui semblerait plus tentant »
« Je ne te remercierai jamais assez, Tosh, pour me permettre d’assister à cela. »
« Attends, on n’a pas encore tout vu. Tout va dépendre de qui va l’acheter »
« Allez, qui veut d’un médecin, ne jouez pas les timides… Mesdames ? »
Une personne leva sa petite pancarte et James enchaina :
« Ah, oui… Les messieurs également, il n’y a pas de problème. Tous les dons sont les bienvenus, n’est-ce pas Owen ? »
Ce dernier ne put que bafouiller et hocher la tête, de plus en plus livide. C’était encore pire que ce qu’il croyait.
S’ensuivit une petite bataille pour gagner la soirée de celui-ci, entre cet homme élégant et cette femme un peu âgée, mais qui semblait tout à fait vive à en voir l’enthousiasme qu’elle y mettait. Ainsi que les moyens, puisqu’elle gagna et remporta Owen.
Son supérieur et son amie étaient pliés en quatre.
« Oh mon dieu, ça fait longtemps que je n’ai pas ri ainsi »
« Ça valait le coup, hein ? Et puis il ne démérite pas, il a ramené une bonne somme d’argent »
« Bien, nous allons passer au suivant. Et là je peux affirmer que vous allez vous l’arracher. Ianto Jones, superbe Gallois qui vous accueillera à l’office de tourisme et qui connait notre contrée comme personne. Aimable, de très bonne éducation, charmant d’après ma fiche et nous n’en doutons certes pas. En attendant ce soir, il ne fera qu’une heureuse, alors ne perdez pas de temps et brandissez vos cartons ! Ianto ? »
Owen qui s’était « débarrassé » cinq minutes de sa nouvelle partenaire le poussa dans le dos, pour se venger, pour qu’il passe le rideau et c’est un Ianto très mal à l’aise qui parut sur la scène. Il entendit un léger brouhaha mais ne voyait plus rien. Trop de visages. Tout se brouillait.
Puis ce fut l’escalade des premiers tarifs, au départ raisonnables. Les voix de femmes accompagnaient les tablettes à bout de bras. Il se sentit devenir aussi rouge que la chemise qu’il portait ce soir. Et cramoisi quand il perçut une voix masculine qui surenchérit très notablement, mettant ko la plupart des participantes qui ne pouvaient plus suivre.
« Ah monsieur se décide de nouveau. Alors personne pour reprendre le flambeau ? Vous laissez cet homme superbe vous passer sous le nez. Vous en êtes sûr(e)s ? Bien, un, deux… »
Muet jusque là, Jack se leva d’un bond et prononça un montant supérieur de sa voix forte et calme. Ianto redressa la tête en le reconnaissant. Son soulagement ne fut que de courte durée, puisque l’autre participant augmenta aussitôt la donne.
Ils se battirent consciencieusement, chacun voulant remporter le droit d’une soirée avec le bel étalon. Celui-ci allait mourir de honte sur place. Deux personnes s’affrontaient pour lui, deux hommes. Au vu et au su de tous… Il manquait d’air, se sentait réellement mal. La pièce tournait autour de lui.
« Adjugé à Mr Harkness ! Mr Jones est tout à vous pour une soirée »
Ianto s’écroulait au même moment au sol n’ayant même pas l’occasion d’entendre le nom de celui à qui il devait consacrer une soirée.
…
Ianto était dans des bras, porté tel une princesse et sentit vaguement qu’on le déposait sur un canapé.
Tosh lui mit un coussin sous la tête et Owen lui releva les jambes. Jack lui claqua « gentiment » les joues pour le faire revenir à lui.
« Ianto ? Tu m’entends ? Réveille-toi allez ! »
« C’est le choc. Savoir que c’est toi qui l’a acheté a du l’achever » plaisanta Owen.
« Ferme-la Owen. Tu ferais mieux d’y aller, ta dulcinée t’attend. Il me semble que vous avez un rendez-vous à mettre au point »
« Oh d’accord, si on ne peut plus plaisanter ! Je vous laisse. » Le médecin les abandonna, non sans avoir essayé d’éviter une certaine femme mais sans y parvenir.
« Owen !! Très cher !! Nous avons certains détails à régler… » Lui cria-t-elle. Il dut s’arrêter et l’attendre.
Tosh se décida à aller chercher un verre d’eau. Resté seul, le Capitaine contempla le jeune homme endormi. De ses doigts, il redessina ses traits. La peau était douce et tiède. Sa main dériva dans les boucles brunes.
Il ne savait trop pourquoi il s’était levé si vite et sans aucun contrôle sur sa volonté tout à l’heure. Il était juste certain, au moment où il pensait que le participant avait réussi, qu’il ne pouvait laisser Jones passer une soirée avec ce bellâtre qui avait déjà tenté d’avoir Owen. Sa tête ne lui revenait pas. Et si l’homme avait recours à de moyens peu recommandables pour le mettre dans son lit ? Ou si l’homme plaisait tout simplement à Ianto ? Cette idée lui était tout bonnement insoutenable.
Irrésistiblement, son visage se rapprocha jusqu’à toucher les lèvres souples et roses. Un léger souffle mentholé s’en échappait. Sa langue s’infiltra et caressa. Jusqu’à ce que deux pupilles bleues croisent son regard. Tout d’abord affolées, puis traversées d’une lueur d’intérêt quand il reconnut l’homme au dessus de lui. La timidité du jeune homme l’empêchait de faire tout geste mais si son Capitaine voulait bien aller plus loin, il était tout à sa disposition.
« Ianto… tu nous as fait peur. Tu te sens mieux ? » Souffla Jack en se reculant légèrement.
« Oui »
« Alors tu ne verras aucun inconvénient si je fais ceci »
Joignant le geste à la parole, l’immortel céda enfin à son envie et prit sa bouche dans un baiser passionné sous lequel son subordonné rendait les armes, laissant échapper un gémissement de bonheur.
« Pourquoi vous… ? »
« Je… Ce n’était pas prémédité, crois-moi. Mais je ne pouvais pas te laisser… avec ce… C’était comme une évidence »
« Je… » Il ne savait quoi dire, subjugué par les yeux de son supérieur. Il croyait y voir la même attirance, les mêmes sentiments qui l’animaient secrètement…
Alors il passa son bras autour de la nuque de l’immortel et l’attira à lui pour l’embrasser avec toute la tendresse dont il était capable.
« Tu me dois une soirée Ian » lui dit-il quand il se détacha.
« Juste... » Il hésita et ajouta « Juste une soirée ? Jack » C’était la première fois qu’il utilisait son prénom.
« Tu as raison. Toutes tes soirées, Ian, toutes. »
Ils n’avaient pas besoin d’explications sur le pourquoi du comment. Elles viendraient plus tard.
Tosh s’approchait avec son verre mais stoppa quand elle vit le charmant tableau. Jack avait enlacé tendrement son collègue. Ianto la vit et lui fit un signe de la main, le pouce levé en signe de victoire. La jeune femme lui sourit en retour et fit demi-tour, les laissant tous deux face à un avenir bien ensoleillé.
Fin