(Je suis vraiment nulle.
Merci et désolée haha
)
Bureau de Lestrade - 14 septembre 2007- Je pensais avoir été clair.
L'autorité chez Lestrade avait toujours légèrement laissé à désirer. Cette tentative n'était pas plus fructueuse que les autres. Face à lui, Sherlock snobait visiblement les remontrances de son interlocuteur.
- Si tu es sous influence, il est hors de question que nous collaborions, insista Greg en s'ébouriffant les cheveux.
Regrettant momentanément ce partenariat des plus absurdes, Lestrade admit l'horrible vérité : ce gamin lui permettait de clôturer deux fois plus vite certaines affaires et de résoudre des enquêtes qui seraient demeurées hors de leur portée.
Les yeux du détective se posèrent sur le gobelet de café que sirotait l'inspecteur. Il esquissa un sourire, impatient de démontrer une fois de plus ses talents :
- Vous essayez toujours d'avoir un enfant, vous et votre femme ?
- Que- Quoi ? Je suis juste fatigué. Je pensais avoir convenu que tu n'utiliserais pas tes pouvoirs bizarres sur-
- Fatigué, répéta Sherlock en mimant des guillemets à l'aide de ses doigts.
Lestrade le considéra d'un œil blasé et peiné à la fois.
- Tu es une plaie.
- Mais ça en vaut la peine, répondit Sherlock, fier de son statut fraîchement acquis.
Greg ne s'avoua pas vaincu. Il gardait, depuis le début de leur conversation, une carte à jouer des plus précieuses. Certain de marquer un grand coup en employant cette astuce, il prit la parole d'un ton confiant.
- Ton frère m'a contacté récemment. Plusieurs fois.
Sherlock avait mordu à l'hameçon, affichant une moue renfrognée en lieu et place de son sourire victorieux.
- Il souhaitait des informations sur moi, n'est-ce pas ?
Lestrade prit un ton faussement détaché :
- Ouais. De noooombreuses informations. De toutes sortes.
Le niveau de nervosité de Sherlock était monté d'un cran. Impassible en surface, le jeune homme refusait de lâcher l'affaire.
- Et que lui avez-vous dit ?
Lestrade s'avança, fixant Sherlock droit dans les yeux.
- D'aller emmerder quelqu'un d'autre.
L'aspirant détective observa à son tour, silencieusement, l'inspecteur.
- Okay. Pas de drogue. J'ai compris.
Squat, aux environs de Barnet – 6 novembre 2007Trois semaines entières sans la moindre nouvelle de Sherlock. Ce n'était pas faute de lui avoir envoyé quelques messages anodins pour s'informer de son état de santé. Malheureusement, Lestrade n'avait eu aucune nouvelle enquête valable à lui soumettre.
Quelques tensions internes dans ses services l'avaient obligé à maintenir un peu de distance entre lui et l'apprenti détective. Une altercation verbale assez violente entre Sherlock et Anderson avait mis le feu aux poudres un mois plus tôt.
Depuis, Sherlock avait disparu de la circulation. Renonçant jusqu'à ce matin à contacter Mycroft Holmes, Lestrade avait cédé, en proie à de mauvais pressentiments depuis plusieurs jours. L'homme lui avait aussitôt renseigné une adresse, sec et froid, avant de lui demander de le tenir au courant.
Planté dans le couloir délabré d'un vieux bâtiment d'une ruelle de Barnet, Lestrade vérifia le numéro inscrit sur son calepin. Face à la porte écaillée, il frappa fortement à quatre reprises. Aucune réponse. Il recommença sans obtenir davantage de résultat.
Un coup d'œil à gauche, un coup d'œil à droite. Il fracassa la porte d'un coup de pied. La piece puait littéralement l'humidité et le renfermé. Quelques meubles en mauvais état encombraient la piece, jonchée de journaux et de vêtements sales.
Sur son talkie-walkie, la voix de Donovan s'éleva :
- Lestrade, répondez. Tout va bien ?
Sally avait été reléguée dans la voiture. Lestrade n'aurait jamais pris le risque d'une confrontation entre le sergent et Sherlock sans connaître l'état de celui-ci.
- Lestrade !
Greg déglutit difficilement, faisant basculer sur le flanc une silhouette cadavérique inerte.
- Envoyez les secours.
Heureusement, Sally s'abstint de tout commentaire. Fébrile, elle lui demanda de répéter sa requête.
- Une ambulance. Rapidement !
Barnet Hospital – 6 novembre 2007Entre l'évanouissement et la semi-conscience, Sherlock remuait dans un lit trop grand pour lui. Entravé aux poignets, une perfusion plantée dans l'un des bras, il grognait parfois, conscient de la présence de deux personnes dans sa chambre. Saisissant des bribes de conversation, le bruit semblait perturber son sommeil de toutes façons non-réparateur.
En tolérant mon frère à vos côtés, vous avez engagé votre responsabilité quant à son intégrité et son bien-être.
Pardon ? Vous êtes un membre de sa famille, je ne le suis pas. Débrouillez-vous.
Vous disposez d'un atout que je n'ai pas pour parvenir à mes fins. Il vous tolère.
Il n'est pas très coopératif, hein, votre frangin...
Il est impératif cependant de le remettre sur le droit chemin.
Ah oui ? Comment pourrais-je sauver quelqu'un qui refuse de l'être ?
Excellente question. La meilleure manière d'y répondre est de tenter. Bonne nuit, Inspecteur. Merci pour votre coopération.
Ouais... Merci pour votre précieuse aide.Quelques longues secondes de silence passèrent. Sherlock, comateux, ne ressentit plus que la présence et la voix d'une seule personne.
Coopération, c'est ça… Pauvre con.Barnet Hospital – 8 novembre 2007- Ce n'était pas la drogue.
Cette affirmation douteuse provenait de Sherlock. Blafard, les joues creusées, le jeune homme semblait noyé dans la montagne de draps d'hôpital. Face à lui, fermé, Lestrade refusa de se laisser faire.
Sherlock comprit que, pour une fois, il ne s'en tirerait pas à si bon compte.
- Ce n'était pas que la drogue.
- Tu ne pesais plus que cinquante kilos.
- Je ne ressens pas le besoin de manger. Cela ralentit le cerveau, se défendit Sherlock, intimement convaincu du bien-fondé de ses propos.
Se frottant vigoureusement le visage d'une main, Lestrade en vint à se demander si l'étage psychiatrique n'aurait pas été plus indiqué pour le patient face à lui.
- Parfois, je me demande si tu joues avec mes nerfs par plaisir ou si mon décès prématuré t'apporterait un quelconque avantage.
- Loin de là. Je ne gagnerais rien à ce que vous mouriez jeune… ce qui se produira si vous ne cessez pas de vous inquiéter sans raison.
Greg jeta un coup d'œil curieux au tuyau qui pendait de la perfusion. Combien prendrait-il pour étranglement s'il se débrouillait habilement pour faire disparaître les preuves ? Lestrade chassa finalement cette idée de sa tête, songeant à sa réputation ruinée pour un insupportable gamin.
- Sans raison ? Je m'inquiète pour toi.
- J'ai réduit drastiquement ma consommation. Je serai bientôt en mesure de me sevrer.
Lestrade éclata d'un rire ironique, provoqué par l'attitude nonchalante de Sherlock.
- Comment pourrais-je te faire confiance ? Tu n'es même pas foutu de t'alimenter correctement !
- Bien, je mangerai… mais laissez-moi bosser à vos côtés.
Au terme d'une longue discussion animée, Lestrade soupira bruyamment, soldant l'échange avec fermeté :
- Très bien ! Cependant, c'est mon job, mes enquêtes, mes règles, Sherlock !
L'apprenti détective sourit, victorieux.
- J'accepte.
Saint Bart's Hospital – 14 novembre 2007- Une prise de sang n'est absolument pas nécessaire.
Assis sur un tabouret, tournoyant sur lui-même, Lestrade refusa la moindre remarque de Sherlock. Ayant décidé qu'il ne l'intégrerait à ses enquêtes que si l'apprenti détective était totalement clean, Greg avait insisté pour un contrôle épisodique.
Conscient qu'il prenait déjà des risques non négligeables en intégrant un ancien drogué dans son cercle professionnel, Lestrade refusait d'avancer à l'aveugle. Donovan et son nouveau coup de cœur, le légiste Anderson, le menaçaient suffisamment d'en référer à leur supérieur au prochain débordement de Sherlock.
- Tu verras… Elle est charmante en plus, commenta Lestrade. Elle me file régulièrement des coups de main. Une gentille fille.
L'intérêt professionnel que représentait l'apprenti détective motivait largement sa démarche laborieuse. Les talents de déduction et de logique du jeune homme constituaient un atout des plus profitables. Au-delà de cette considération, Sherlock le divertissait. Epaté par ses premières démonstrations, Lestrade éprouvait de l'intérêt à côtoyer le phénomène. Ce gars-là était unique. Cela méritait amplement quelques contrariétés à l'occasion.
Une laborantine, discrète et bienveillante, apparut dans la pièce.
- Mrs Hooper ? J'ai besoin d'un service. Une prise de sang dans le cadre du… travail. Cependant, j'aimerais autant qu'elle ne soit renseignée nulle part. C'est un cas un peu particulier.
Nerveuse, la jeune femme fixa à plusieurs reprises l'inconnu qui se tenait dans le bureau. Les joues rouges, elle manifesta ses craintes à voix haute :
- Je ne risque rien, n'est-ce pas ?
- Absolument rien, répondit aussitôt Lestrade, sûr de lui.
- Vous ne devriez pas le croire, conseilla Sherlock, se raccrochant à la perspective d'échapper à la prise de sang.
Interprétant la dernière remarque comme une forme d'humour maladroite, Mrs Hooper éclata de rire.
- Vous êtes drôle, lui adressa-t-elle comme compliment en préparant le nécessaire pour la prise de sang. Bras gauche ou droit ?
Sherlock remonta sa manche gauche jusqu'à révéler son coude, fixant agressivement l'inspecteur Lestrade qui observait la scène avec amusement.
- Je ne suis pas drôle. Je suis manipulé et victimisé par un membre de Scotland Yard.
Greg lui fit un clin d'œil, un sourire revanchard sur les lèvres.
- C'est quoi encore, la phrase ? Ah oui ! Cela en vaut la peine.