Déclaration : Les personnages de la série ne m’appartiennent pas. Ils sont la propriété exclusive de : Russel T Davies. Je ne tire aucun bénéfice de leur mise en situation dans cette fiction.
Heureux
C’était juste une journée banale du printemps gallois. Une journée ensoleillée, un peu fraîche, vivifiante. Juste une journée normale.
Ils marchaient, main dans la main à travers les rues de Cardiff, se dirigeant vers l’esplanade du château. Ils marchaient en regardant les familles qui baguenaudaient autour d’eux, les enfants qui couraient en riant, les adolescents qui s’interpellaient gaiment.
Tout était si calme, si paisible qu’ils en arrivaient à se demander s’ils étaient bien dans leur monde, ce monde si cruel, si imprévisible dans lequel ils tentaient de se retrouver jour après jour. On aurait dit que l’univers marquait une pause.
Heureux qui chante pour l´enfant
Et qui sans jamais rien lui dire
Le guide au chemin triomphant
Heureux qui chante pour l´enfant
Ils marchaient sans se soucier des passants dont certains jetaient des regards peu amènes, dérangés par leurs mains enlacées, leurs corps qui se cherchaient, cette sensualité qui sourdait de leur être et qui annonçait mieux que des mots que ces deux-là étaient bien plus que des amis.
La faille semblait s’être refermée et ils avaient décidé de profiter de ce moment de calme et de paix pour se retrouver, ensemble, rien qu’eux, sans armes, sans danger, sans peur…
Là, sur la grande pelouse où ils s’étaient assis, blottis l’un contre l’autre après avoir traversé toute la ville, ils se sentaient bien.
Heureux qui sanglote de joie
Pour s´être enfin donné d´amour
Ou pour un baiser que l´on boit
Heureux qui sanglote de joie
Ianto savourait la fraîcheur de l’air mêlée à la chaleur tiède du soleil sur sa peau. Il respirait à pleins poumons, appuyé sur le torse de l’immortel, les bras de celui-ci refermés sur lui, comme pour lui interdire de partir.
Ils avaient traversé tant d’épreuves, vécu tant d’horreurs ! Ils avaient réussi à survivre aux créatures d’autres mondes, aux ennemis de l’ombre. Ils s’étaient retrouvés malgré les erreurs, les mensonges, les départs.
Jack lui avait tant manqué durant ces mois où il ne savait rien de ce qu’il vivait, ni où, ni avec qui. Et lorsque son capitaine était revenu, il n’était plus sûr de vraiment savoir ce qu’il était pour lui, s’il comptait, s’il devait prendre le risque d’aimer encore, d’aimer toujours.
L’absence avait changé ses sentiments, les avait rendus plus fort, plus exigeants. L’éloignement les avait rapprochés.
Heureux les amants séparés
Et qui ne savent pas encor´
Qu´ils vont demain se retrouver
Heureux les amants séparés
Jack se sentait bien, comme un instant de bonheur volé à une existence agitée. Il tenait son amour dans ses bras et il avait l’impression de retenir ce temps qui filait si vite pour l’homme qu’il aimait et qui n’en finissait pas pour lui.
Cet amour offert à l’aube de ce XXIème siècle, c’était un cadeau qu’il avait hésité à accepter : il savait le danger d’aimer, de s’attacher, de se confier corps et âme à quelqu’un qui un jour allait vous laisser seul sur le chemin. Pourtant il n’avait pas pu résister aux prunelles azur, au sourire timide, à cette force cachée sous une apparente fragilité.
Et depuis qu’il avait cédé, la paix s’était faite en lui. A cet instant précis, il savait qu’il avait fait le bon choix.
Heureux les amants épargnés
Et dont la force de vingt ans
Ne sert à rien qu´à bien s´aimer
Heureux les amants épargnés
- Je t’aime.
- Je t’aime.
Trois mots et un baiser, quelques caresses et tant de bonheur à partager du bout des doigts. Leurs âmes n’avaient pas besoin de mots pour se comprendre, leurs cœurs n’avaient pas besoin de discours pour s’entendre.
Ils savaient l’un et l’autre que le temps prendrait sa revanche tandis que l’un vieillirait doucement quand l’autre resterait ce qu’il était : un homme dans la pleine force de l’âge qui finirait par paraître le fils puis le petit-fils de son compagnon. Mais à cet instant précis, dans leur îlot de paix et d’amour ils n’en avaient cure.
L’amour leur avait ouvert ses portes et durant quelques heures l’univers semblait vouloir leur offrir un pur moment de détente, ne penser qu’à eux, faire des projets qu’ils ne réaliseraient pas, juste pour avoir l’impression d’avoir un avenir.
Sentant son amour trembler, Jack resserra un peu plus ses bras autour de lui et Ianto se fondit dans l’étreinte.
Heureux les amants que nous sommes
Et qui demain loin l´un de l´autre
S´aimeront s´aimeront
Par-dessus les hommes
Le ciel s’était couvert et le froid s’intensifiait. L’immortel tenta de retenir encore son amour qui semblait glisser entre ses bras.
- Souviens-toi que je t’aime…, murmura Ianto tandis qu’il s’éloignait.
- Reviens-moi, supplia le capitaine en tendant la main vers son ange.
Celui-ci lui sourit et effleura sa joue d’un baiser.
- Nous avons brûlé notre temps Jack…
- Je ne veux pas.
Un sourire et l’azur de ses prunelles qui soudain s’estompait.
Le destin donne et le destin reprend…
*****
Dans le hall d’une grande tour, deux corps gisaient l’un à côté de l’autre, leurs mains enlacées pour leur dernière promenade.
FIN
Chanson de Jacques Brel
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by Christie
L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-même de ce qu'on a fait de nous (JP Sartre)
Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d'entre nous regardent les étoiles (O. Wilde)
Un artiste n'est jamais morbide. L'artiste peut tout exprimer (O. Wilde)