Certaines seront certainement déçues, mais point de John dans cette fic, même si l'on parle de lui parfois^^ Ben oui, c'est que j'aime le Lestrade/Sherlock moi, et cela me suffit
Cet OS étant un peu plus long que prévu je vais le poster en deux fois, la seconde partie arrivera dans quelques jours. J'espère que vous apprécierez autant que j'ai aimé retrouver moi-même ces deux là.
Bonne lecture.
ooOoo
Irrité, Lestrade ralluma pour la énième fois l’autoradio, se faisant la promesse que si l’autre esquissait à nouveau un geste pour l’éteindre, il l’étranglerait sans préavis. Et effectivement Sherlock porta effectivement la main à l'objet du délit, comme prévu. L’inspecteur lui tapa les doigts, comme il l’aurait fait avec un enfant turbulent. Bof, ça lui poserait moins de problème qu’un meurtre.
« Stop ! s’écria-t-il. Ma voiture, ma radio… Je te fais un dessin ?
- Cette émission est absurde.
- Je pensais pourtant que ça te plairait. Des enquêtes impossibles… ça te rappelle le boulot. Et je suis sûr que tu vas être capable de résoudre cette affaire juste en écoutant ces quelques témoignages.
- Impossible de me concentrer sur ce qui pourrait être intéressant, grogna le détective, je suis déconcentré par l’animateur. Non mais quel ton mielleux, hypocrite… Et puis on se fiche bien de son avis. On dirait John avec son blog.
- Nous y voilà », nota Greg en changeant de station.
Musique un peu trop moderne à son goût, pas moyen de se souvenir le nom de cette chanteuse qui en faisait des tonnes, mais puisqu’il était enfin parvenu à faire parler Sherlock l’essentiel n’était plus dans la radio.
« Comment ça nous y voilà ?
- Enfin tu abordes le sujet John.
- Il n’y a pas de sujet John. »
C’est pour ça que tu rumines depuis deux jours qu’on a quitté Londres, songea Lestrade avec malgré tout une pointe d’amusement. En même temps il y avait fort à parier que c’était la première fois que les deux lascars étaient séparés aussi longtemps. A perturber autant le détective, normal que leur entourage les pense en couple. L’aîné pourtant savait qu’il n’en était rien, ce qui ne l’empêchait pas d’être surpris par l’attachement qu’éprouvait Holmes pour son colocataire.
« S’il te manque autant tu n’avais qu’à t’excuser quand tu en avais l’occasion.
- Il ne me manque pas !
- Il serait certainement venu avec nous.
- En aucun cas. Pour rater un rendez-vous avec sa conquête du moment ?
- Et crois-moi, ça m’aurait facilité la tâche qu’il vienne. Je ne sais pas comment il peut te supporter au quotidien. »
Les deux hommes étaient coutumiers de ce genre de dialogues de sourd, où aucun n’écoutait finalement l’autre. Etrangement c’était un système de communication qui fonctionnait. Et cette fois Greg, qui se sentait remonté contre l’autre homme pour les quarante-huit heures éprouvantes qu’il venait de passer, se sentait enfin plus détendu.
Ils avaient quitté Londres deux jours plus tôt pour se rendre à Newcastle afin d’interroger l’ex compagne de leur suspect sur une affaire en cours. La jeune femme, peu encline à leur faciliter la tâche, leur raccrochait systématiquement au nez, ce qui avait poussé Lestrade à choisir de faire le voyage, entraînant un Sherlock curieux dans son sillage. Une grève du rail et avec elle la crainte de se retrouver coincé avec le petit génie dans une gare quelconque avait décidé le policier à prendre sa voiture. Il avait mal calculé son coup finalement, ne pouvant se soustraire à l’autre homme dans ce petit espace. Mauvais choix. A sa décharge pourtant, dans ses calculs il avait inclus la présence de John. Mais celui-ci, après une nouvelle dispute avec son colocataire, avait préféré déclarer forfait au moment du départ. Lestrade ne pouvait le lui reprocher, il en aurait fait autant si seulement il en avait eu l’opportunité.
Et les voilà sur le chemin du retour. Ce voyage, en plus d’être fatiguant, s’était de surcroît avéré inutile, n’apportant définitivement rien à leur enquête. Enquête néanmoins que Sherlock avait affirmé avoir résolue huit heures plus tôt, alors qu’ils s’étaient arrêtés dans un petit bouiboui sans âme où seul l’aîné avait mangé. Celui-ci avait des doutes quant à la culpabilité soudaine de la mère avancée par le logicien, mais l’expérience lui avait appris à faire confiance à ses dires. Ne restait qu’à rentrer pour tester cette dernière théorie.
« Hum Lestrade, je ne porte qu’un intérêt tout relatif aux voitures, n’ayant passé le permis que dans le but de faciliter mes trajets hors de la capitale.
La raison probablement pour laquelle depuis la veille qu’ils roulaient il n’avait pris le volant qu’un seule toute petite fois, et de mauvais grâce encore, songea le DI avec amertume
« Mais tout de même, reprit le cadet du même ton monocorde, c’est normal cette fumée qui sort du capot ? »
Le policier lâcha un juron tandis qu’il remarquait lui aussi ce détail. Dans sa tête il passa en revu les détails de sa dernière révision, tentant de se remémorer s’il avait reçu des mises en garde spéciales de la part de son garagiste. C’est que la bête commençait à afficher un kilométrage certain. Un instant plus tard, le tableau de bord s’illumina joyeusement avant de s’éteindre brutalement en même temps que le véhicule lui-même.
« Et merde ! maugréa Lestrade en parvenant tout juste à se ranger sur le bas-côté.
- Oh Lestrade, le coup de la panne, tu as osé… Même moi je sais combien c’est cliché. »
Intéressant de voir le cadet tenter ainsi une manœuvre pour détendre l’atmosphère. Tellement ironique en, à plus forte raison qu’au début de leur collaboration le policier avait été plus d’une fois tenté par ce type de manœuvre plus ou moins subtile. Avant de comprendre que ce genre de démarche était bien inutile avec un type pareil. A présent néanmoins ce n’était pas son problème le plus important.
« Je vais aller voir si je peux faire quelque chose, dit-il en ouvrant le capot. Essaie d’appeler quelqu’un de ton côté.
- John ne répondra certainement pas s’il voit mon numéro, soupira Sherlock, toute trace de sa malice précédente envolée.
- C’est plutôt à un dépanneur que je songeais. Pas sûr que depuis Londres John puisse nous être d’une quelconque utilité. »
Au regard blessé qu’il lui lança alors, Greg comprit que le Sherlock facétieux qui s’étai montré un trop bref instant s’était bel et bien envolé. C’était évidemment une déception, mais l’aîné avait d’autres chats à fouetter pour l’instant, comme sortir sous la pluie pour se lancer à la recherche d’une panne qu’il ne comprendrait certainement pas.
Le gamin, l’air assez peu concerné par ce qui se passait, sortit finalement son portable de sa poche tandis que Lestrade se précipitait hors du véhicule en grommelant. Il n’avait pas encore atteint le capot qu’il était déjà totalement trempé. Et comme prévu après un rapide examen il ne remarqua rien qui pouvait expliquer l’incident. Il n’avait de toute façon jamais montré le moindre intérêt aux voitures. Pour lui à partir du moment où un véhicule l’emmenait à destination, il savait faire le plein d’essence et se contentait parfaitement de cela. Pour le reste il faisait confiance à son garagiste habituel. Autant dire qu’il n’y comprenait rien à présent. Ils étaient donc plutôt mal barrés à ce stade. La mort dans l’âme, il regagna l’habitacle, où Sherlock l’accueillit avec un regard insistant.
« Je n’ai pas de réseau, glissa le cadet avec dépit.
- Logique », grogna le policier, qui bizarrement s’était attendu à ce genre de dénouement.
Par acquit de conscience il vérifia tout de même son propre téléphone, quoi qu’en vain.
« Le prochain village doit être à moins de trois miles, dit le détective. Ce qui n’est pas irréalisable en soit. Mais avec cette pluie…
- C’est une averse. Il n’y a eu que ça toute la journée, rappela Lestrade. Attendons que ça passe puis nous irons à pieds. »
Sherlock hocha la tête, guère enchanté par ce contretemps.
Comme prévu, il cessa rapidement de pleuvoir et les deux hommes purent se mettre en route, couvrant rapidement les quelques miles qui les séparaient du village le plus proche, une bourgade de quelques centaines d’âmes à peine. Voilà qui s’annonçait follement stimulant pour Holmes. Lestrade se prit à penser que s’ils se retrouvaient coincés ici plusieurs jours il n’y survivrait certainement pas.
***
Les deux hommes n’eurent aucun mal à localiser le garagiste du coin, qui alla récupérer la voiture. Après un bref examen, il rassura le propriétaire en lui annonçant que c’était une panne classique. Pas de pièce rare à commander et à attendre des jours et des jours, pensa Greg avec soulagement. Au vu de son travail le professionnel promit de leur rendre le véhicule sous quarante-huit heures. Deux jours, ça devait être gérable. Avec de la chance ils auraient peut-être un petit meurtre à se mettre sous la dent, l’idéal pour occuper le petit génie. Quelle pensée cynique, songea alors le policier. Et malsaine ! Il se faisait l’effet, à souhaiter ainsi du malheur à cette communauté, d’être aussi tordu que Sherlock lui-même. Décidément, il fallait qu’il cesse d’urgence de le fréquenter autant, parce qu’il craignait bien souvent de finir aussi blasé et insensible que lui.
Les deux hommes connurent un grand moment de solitude lorsqu’ils demandèrent au garagiste de leur indiquer l’hôtel le plus proche. Apparemment ce genre d’établissement n’existait pas dans le coin. Logique en même temps, les touristes ne se bousculaient pas particulièrement. Ils se virent finalement indiquer l’adresse d’une maison d’hôtes, sans pour autant avoir l’assurance d’y trouver des chambres libres. Décidément, ce petit contretemps s’annonçait de plus en plus compliqué.
La petite maison dans laquelle ils arrivèrent était tout à fait charmante, même si Sherlock, fidèle à son habitude, resta totalement hermétique à la beauté du cadre. Greg pour sa part apprécia immédiatement l’endroit, lieu idéal pour un week-end en amoureux. Et lui était coincé là avec Holmes, l’homme qu’il avait tellement désiré par le passé, quelle ironie. Ils furent accueillis par une femme au moins aussi chaleureuse que ne l’était la maison, qui ressemblait en bien des points à Mrs. Hudson.
« Vous verrez, la chambre est idéale pour un couple, vous y serez bien.
- La chambre ? En fait nous…, commença Lestrade.
- Nous ne sommes pas ensemble, l’interrompit vivement Sherlock, exaspéré. C’est deux chambres qu’il nous faut. »
Décidément c’était une manie. Généralement tout le monde le pensait en couple avec John, voilà qu’il se passait la même chose avec Lestrade. C’était lassant.
« Oh, hoqueta la vieille dame. C’est-à-dire que mes deux autres chambres sont déjà occupées.
- Nous nous contenterons de ce que vous avez », trancha Greg en voyant le regard douloureux de son ami.
Etant donné les circonstances autant savoir se contenter de ce qu’ils avaient où les choses ne feraient qu’empirer.
Quelques minutes plus tard les deux hommes étaient introduits dans leur chambre avec leurs maigres effets. Une belle chambre, agréablement meublée avec un soin tout particulier. Une commode sur laquelle se trouvait un bouquet de fleurs fraîches, deux fauteuils qui semblaient tout particulièrement confortables, un lit avec des draps en dentelle… Une grande salle de bain attenante, contenant une baignoire d’une taille parfaite pour deux personnes. Un bref instant, retombant dans ses anciens travers, lorsqu’il fantasmait à tout moment sur Holmes, Greg s’imagina dans cette baignoire avec lui. Mauvaise idée ! Comme si Sherlock était du genre à perdre du temps à barboter dans l’eau.
Après un détour par salle à manger pour profiter de la table d’hôtes, où Sherlock consenti à manger un peu, le policier proposa une promenade dans les rues. La nuit qui venait de tomber était superbe, la température agréable, c’était l’occasion rêvée désormais qu’il ne pleuvait plus. Et puis à la vérité l’idée de se retrouver aussi tôt dans leur chambre totalement romantique ne le branchait que moyennement. Il avait eu trop de mal pour se défaire de son attachement pour le cadet pour avoir une telle proximité avec lui. La rechute menaçait, il le sentait. Quel besoin avait Sherlock d’être aussi attirant ? A son grand étonnement, le détective accepta sa proposition et les deux déambulèrent un moment en silence dans les petites rues. Lestrade pendant ce temps s’interrogeait sur la façon dont il allait gérer de partager le même lit. Il avait accepté pour ne pas engendrer de problèmes avec la propriétaire des lieux, qui avait paru suffisamment gêné pour eux, mais à présent que le temps passait il en venait à se demander s’il ne serait pas plus judicieux d’aller passer la nuit dans sa voiture.
« Tu sais, je ne vais pas te sauter dessus durant la nuit, dit tout à coup le cadet. Ce n’est pas quelque chose que je fais. »
De mon côté c’est moins sûr, songea Lestrade avec amertume.
« Pourquoi tu penses à ça ? lança-t-il plutôt en espérant paraître nonchalant.
- Tu sembles nerveux, et connaissant ton passif à mon égard ce n’est pas difficile d’imaginer pourquoi.
- Mon passif ? s’écria Greg, surpris. Et comment tu sais ça toi ?
- Tu es si transparent. Jamais personne ne m’avait regardé avec tellement d’intensité, ni nourri tant d’intérêt pour ma personne. Remarque, c’est plutôt flatteur. J’étais presque déçu que ça s’arrête.
- Pourquoi tu n’as rien dit à l’époque ?
- Je n’étais pas intéressé, marmonna Sherlock avec son tact habituel. Je ne voulais pas t’encourager.
- Au moins c’est clair.
- Qu’est-ce qui t’a fait repenser à cette période ?
- Ça c’est quelque chose que je ne saurais expliquer, souffla Lestrade avec un haussement d’épaules. Les sentiments, ce genre de choses, ça ne se contrôle pas.
- Tu as envie de moi ?
- Voilà une question à laquelle je ne risque pas de répondre Sherlock.
- Donc c’est oui ?
- Non ! »
Voilà bien le genre de sujet que l’aîné n’avait eu aucune envie d’aborder, pourtant maintenant qu’ils y étaient il ne se sentait pas de continuer à se dissimuler.
« Tu me plais Sherlock, c’est un fait. Mais je ne suis pas assez stupide pour croire que l’un comme l’autre pourrait tirer quoi que ce soit de bon à répondre à cette attirance. Alors on va en rester là.
- Si c’est ce que tu veux… Ce dont je doute.
- Ce n’est pas un jeu Sherlock, s’offusqua l’aîné, décontenancé de le voir prendre cela tellement à la légère malgré la gravité de la situation. Ecoute, laissons tomber, ok ?
- Comme tu veux » grogna Holmes en baissant les épaules.
Greg hocha la tête. C’était mieux ainsi. Il était adulte après tout et, à l’inverse du cadet, suffisamment expérimenté pour être capable de gérer tout ça. Il lui fallait simplement du temps. Cela avait fonctionné la dernière fois. De toute façon il n’aimait pas Sherlock, celui-ci était bien trop arrogeant, insupportable et peu enclin à une relation sociale classique. Non il n’était pas amoureux, seulement attiré physiquement. Une sorte de pulsion, rien d’autre. Une pulsion qui gâcherait tout s’il y succombait.
Préférant se changer les idées, l’inspecteur orienta la conversation vers un tout autre sujet, commentant ainsi les rues calmes qu’ils traversaient. Conversation qui vira très vite au monologue, Sherlock semblant bien peu intéressé par ce qui les entourait. C’est finalement en silence que les deux hommes regagnèrent leur chambre. Tandis que Lestrade profitait de la salle de bain, le cadet s’énerva un moment en constatant qu’il n’y avait aucun équipement wifi. Et c’est finalement sans plus d’encombre qu’ils finirent au lit, maintenant une distance respectable entre eux.
Immédiatement tout le bénéfice qu’avait apporté sa douche à Greg, délassant ses muscles et calmant son cœur qui n’avait de cesse de s’emballer, s’envola. Il était ravi que l’obscurité puisse au moins dissimuler son trouble à son ami, mais lui se sentait terriblement mal à l’aise. Avoir un Sherlock à peine vêtu allongé si près de lui était tellement tentant. Savoir de surcroît que ce même Sherlock ne semblait guère contre l’idée qu’il ne se passe quelque chose rendait la situation plus excitante encore. Résister, garder la tête froide, ressemblait à une épreuve de force pour le policier, qui s’était promis d’agir avec sa tête pour n’avoir surtout rien à regretter après ce séjour. Il retint sa respiration en sentant le brun bouger prés de lui, comme si ce geste pouvait bien changer quelque chose, comme si le cadet aurait pu oublier sa présence. Si seulement cela pouvait être aussi simple. Si seulement il pouvait prendre cela à la légère lui aussi plutôt que se torturer à ce point.
Et tout à coup, sans le moindre avertissement, alors même qu’il en était à réenvisager l’idée de passer la nuit dans sa voiture immobilisée, Lestrade sentit une main se poser sur son torse.
« Sherlock ? »
L’interpellé ne répondit rien tandis que ses doigts amorçaient une caresse à travers l’étoffe du tee-shirt. Un bref instant l’aîné envisagea de faire cesser cette torture en se saisissant brutalement de la main tentatrice pour la repousser vivement, mais lorsqu’un petit gémissement franchit ses lèvres, il décida judicieusement d’envoyer sa raison se faire voir. Après tout ils étaient deux sur ce coup-là, si Holmes estimait que le jeu en valait la chandelle, alors qui était-il pour jouer ainsi les rabat-joies ?
Il se laissa faire un moment sans bouger avant de se tourner sur le côté, faisant face à son compagnon, qui s’était sensiblement rapproché de lui. Il ne pouvait voir que le contour de son visage et cela lui convenait parfaitement. Il ne voulait pas lire la lueur de satisfaction qu’il savait se trouver dans les prunelles de Sherlock. Il se joignit aux caresses, satisfait d’entendre la respiration du gamin s’accélérer. Son propre cœur battait désormais la chamade, cognant si fort qu’il s’étonnait ne pas l’entendre raisonner dans le silence de la pièce. Se collant tout à fait à lui, nouant ses jambes aux siennes, Greg posa ses lèvres sur celles du cadet, savourant les sensations qui montaient en lui. Ce baiser il en avait tellement rêvé des années plus tôt, au tout début de leur collaboration, lorsque Holmes, alors toxico, était plus insupportable que jamais. Cette période atypique et unique, avant que John n’apparaisse dans la vie de Sherlock, le rendant peu à peu tellement plus humain, avant que Greg ne prenne conscience de l’absurdité, voir même du danger, de ses sentiments. Et maintenant, sans qu’il ne voit rien venir, voilà où ils en étaient. Un baiser, des caresses, le plaisir… C’était trop bon. Ils marchaient sur la corde raide, c’était justement ce qui était aussi jouissif, cette sensation grisante que rien ne changerait jamais.
Malgré le plaisir éprouvé, ils prirent leur temps, savourant les baisers, se découvrant lentement au travers des caresses timides. Lestrade avait comprit avec soulagement au milieu de ces échanges qu’ils ne feraient pas l’amour ce soir. C’était aussi bien, qu’ils avancent pas à pas, ainsi il y aurait peut-être moins de regrets ensuite. Pour l’instant pourtant il en profitait. Avoir Sherlock ainsi contre lui, à se laisser aller, avait quelque chose d’irréel, de magique presque. Flottait l’impression que tout risquait de s’arrêter brutalement et avec elle cette volonté d’en profiter autant que impossible. D’apprécier chacune des inspirations hachées, de chaque gémissement…
Puis Sherlock lui fit le plus inestimable des cadeaux en s’endormant finalement, blotti entre ses bras. Il semblait ainsi tellement vulnérable. Greg réalisa que ce devait être la première fois qu’il baissait sa garde et que cela soit justement pour lui l’empli d’une fierté qu’il n’aurait jamais imaginé pouvoir ressentir. Il en profita longtemps, regardant le cadet dormir, savourant de le voir aussi humain. Pour ce moment très précis, tout l’inconfort du voyage, toutes les humeurs de Sherlock, s’envolèrent. Ne restait plus que cette étreinte qui marquait l’apothéose de ces sept années d’une bien drôle de relation qui les avait unis.
***
Au matin, attablé à côté du détective devant un petit-déjeuner particulièrement copieux, Lestrade ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur la marche à suivre après les évènements de la nuit. Il avait besoin d’en parler, pour savoir où tout cela allait les mener, s’il s’agissait d’un moment d’égarement sans suite ou si Sherlock désirait continuer… Pourtant, connaissant le cadet c’était le genre d’évènement qui demeurerait sous silence. Bref, le policier se sentait dans ses petits souliers, à plus forte raison que Holmes, depuis son réveil, avait repris son masque de froideur, ce masque qui maintenait d’office autrui à distance.
La propriétaire des lieux vint bavarder avec eux, buvant une tasse de thé en leur compagnie tout en vantant les mérites de son village. Ravie de cet intermède, Greg écouta attentivement avant de lancer un ou deux propositions sur la façon d’occuper la journée. En réponse, le brun se contenta de hausser les épaules. Oui, le Sherlock distant était bel et bien de retour. Greg ne pouvait pas dire que c’était une surprise, ça n’en était pas moins frustrant pour autant. Et pour la première fois depuis la veille, il regrettait de s’être laissé aller. Même s’il avait tenté de garder la tête froide tout du long, une part de lui avait eu la naïveté de penser qu’il parviendrait à faire craquer le jeune homme, à le faire devenir quelqu’un qu’il n’était pas et qu’il ne serait jamais. Il avait été absurde de l’espérer. Pour cela il s’en voulait. Et pourtant, lorsqu’il se plongea dans les prunelles froides de son ami, il sut qu’il était pris au piège. Quoi qu’attende Sherlock de lui, quoi qu’il lui demande, il accepterait tout. Une relation suivie, quelques coups vite faits ou l’abstinence la plus absolue, peu importe, Greg s’y plierait. A bien y réfléchir c’était d’ailleurs ce qui se passait déjà depuis sept ans. Cette collaboration professionnelle, cette amitié bancale, il avait tant misé dessus que cela lui avait coûté jusqu’à son mariage. Sa vie privée était réduite à néant depuis si longtemps, comme pour marque cette pseudo fidélité à Sherlock. Sherlock qui l’avait pris dans ses filets voilà une éternité, il s’en rendait enfin compte. Cela l’effrayait bien sûr, mais d’une certaine manière il se sentait rassuré quant à cet éclairage nouveau sur son existence, comme si tout prenait enfin son sens.
Fort de cette révélation, il esquissa un sourire auquel Sherlock, l’espace d’une infime seconde, répondit. Ce détail fit chaud au cœur du policier. Sherlock qui souriait, à lui tout particulièrement, était quelque chose d’assez rare pour être noté, et surtout savouré. Lestrade décida alors qu’il se devait de profiter de ce séjour inopiné à la campagne, un moment exceptionnel dans leur relation avant un retour dans la réalité londonienne qui serait forcément décevante au regard de leur lien présent.
« Sherlock, tu as une préférence pour occuper notre journée ? s’enquit-il.
- Rentrer à Londres, marmonna le jeune homme.
- Et quelque chose de réalisable plutôt ? soupira Greg en secouant la tête.
- Alors aucune préférence. Pour la bonne et simple raison qu’il n’y a rien d’intéressant à faire ici. »
Prévisible, songea l’aîné. Frustrant mais tellement prévisible. Il avisa alors les autres clients qui partageaient leur table, trois couples, et eut une idée qui aurait le mérite de les occuper quelques instants.
« Que peux-tu m’apprendre sur eux ? » demanda-t-il avec plus d’enthousiasme qu’il n’en ressentait réellement.
Les démonstrations parfois féroces des talents d’observation et de déductions du cadet mettaient souvent Lestrade mal à l’aise, mais ce matin il voulait surtout qu’il se sente bien. Pourtant la phase d’observation fut nettement plus courte que prévu, Sherlock ne jetant à chaque couple qu’un bref regard ennuyé, et Greg comprit qu’il savait déjà depuis un moment tout ce qu’il y avait à savoir sur ce gens.
« Celle-ci trompe son mari avec son patron, dit-il à voix basse – Lestrade lui en fut reconnaissant – en désignant la femme la plus proche. Elle a l’intention de demander le divorce dès leur retour chez eux. Ces deux là ne sont pas mariés, du moins pas ensemble, et l’épouse trompée sait ce qu’il se passe. Quant à la dernière, elle est enceinte et cherche comment l’annoncer sans effrayer son amant. Passionnant, tu as raison. Et ça ne m’a pas pris plus de… trente secondes. Et maintenant ? »
Lestrade eut un petit rire dépité, mais se sentait un peu plus détendu après cette scène tellement holmésienne. Si détendu qu’il décida d’aborder le sujet qu’il avait jugé tabou jusque-là.
« On pourrait peut-être parler de ce qui s’est passé cette nuit », dit-il en tentant de paraître plus détendu qu’il ne l’était en réalité.
Une nouvelle fois il en fut pour argent d’avoir cru qu’il parviendrait au moins un instant à couper le sifflet à Holmes. Celui-ci lui lança un regard amusé avant de hausser les épaules.
« Pas grand chose à dire. Tu en avais envie, je n’étais pas contre…
- Je ne pensais pas que tu faisais ce genre de chose.
- Pourquoi pas ? Dans ces moments-là je ne pense pas, c’est reposant, sans en abuser évidemment. Je le fais parfois avec John alors je me suis dit qu’avec toi cela aurait le même effet.
- Minute ! Toi et John ? Il passe son temps à répéter que vous n’êtes pas ensemble pourtant.
- On couche ensemble parfois, ça ne veut pas dire qu’on soit ensemble. »
Tellement logique. En tout cas dans l’esprit particulier du petit génie. Avisant que cette fois on avait suivit leur conversation, Lestrade jeta un regard gêné à la voisine de table de Sherlock avant de piquer un fard.
« Toi et moi ne sommes pas davantage ensemble, reprit la cadet en baissant légèrement la voix.
- Pas plus que nous avons couché ensemble, rappela Greg sur le même ton.
- Tu n’étais pas prêt. John était pareil au début. A toujours se considérer comme hétéro il a eu le plus grand mal à franchir ce dernier pas. Et oui, je sais ce que tu vas me dire, que tu n’es pas spécialement hétéro, n’ayant jamais fréquenté qu’une seule femme, celle-là même que tu as eu la bêtise d’épouser. Ton problème est différent, et peut-être plus absurde finalement qu’un questionnement basique sur tes préférences sexuelles. Tu songes à notre collaboration professionnelle et notre différence d’âge… Je suis partant, tu l’es aussi, et tu devrais même être flatté de mon intérêt pour ta personne. »
Le cadet avait débité cela d’une seule traite, à la façon dont il livrait ses conclusions sur une scène de crime, avec un tel débit qu’il fallut un moment ensuite à Lestrade pour tout enregistrer. En résumé les informations essentielles étaient qu’apparemment il y aurait bien passage à l’acte – point sur lequel Greg ne savait s’il devait se réjouir ou plutôt s’inquiéter – et que jamais cette liaison ne pourrait être justement considérée comme une relation en bonne et due forme, détail qui n’avait en soit rien d’une surprise.
« Alors je n’ai pas mon mot à dire ? s'enquit-il d’une voix lasse.
- Bien sûr que non. »
Il avait dit cela d’un ton si trivial qu’un bref instant l’inspecteur en eut le souffle coupé. Décidément il fallait une bonne dose de courage pour supporter l’arrogance du ce type. Et pour l’instant Lestrade estimait avoir sa dose. Il lui fallait une pause. Il se leva en remerciant leur hôtesse, qui jusque-là, installée en bout de table, bavardait avec l’un de couples présents, puis il annonça à Sherlock qu’il allait voir où en était la voiture. Occupation suffisamment inintéressante pour que le cadet ne propose pas de l’accompagner. Effectivement celui-ci décréta qu’il allait plutôt envoyer un mail à John, découvrir s’il avait digérer sa rancœur. Admirant comme souvent la patience sans borne du médecin, l’enviant même, Lestrade quitta la maison d’un pas lourd.
***
Comme prévu le garagiste confirma que le véhicule serait prêt le lendemain, moment où il aurait le temps de s’en occuper. Pas de mauvaise surprise de ce côté-là, dieu merci. Greg passa l’heure suivante à marcher, repérant un petit musée qui semblait intéressant, un salon de thé et même un petit cinéma quoi que ne proposant que deux films, et pas récents encore. Ce n’était pas grand-chose mais ainsi pourrait-il prétendre à distraire au moins un peu le cadet.
Lorsqu’il le retrouva, celui-ci était dans le salon et semblait passablement excité, occupé à fureter un peu partout.
« Sherlock…
- Inutile, l’interrompit-il. Ce que tu vas me proposer ne m’intéresse pas. Nous sommes à la campagne, or les gens ici sont plus ennuyeux encore que les Londoniens. Mais pas d’inquiétude, je viens de mettre la main sur quelque chose de prometteur.
- Hein ?
- La charmante propriétaire des lieux a tué son mari voilà quelques jours.
- Sherlock, je t’ai déjà dit qu’avancer pareilles accusations sans fondement ne se fait pas. Si elle t’entend…
- Sans importance puisque j’ai raison. Et j’ai bien l’intention de mettre à profit les heures suivantes pour le prouver, avec ton assistance si tu le désires. Non pas qu’elle me soit indispensable, mais tu sembles tellement tenir à ce que nous fassions quelque chose ensemble. Tant que tu comprends évidemment que je ne reviens pas pour autant sur mon refus de former un couple avec toi.
- Dommage, j’avais pris cette proposition pour une demande en mariage, railla l’aîné.
- Sarcasme ? L’air de la campagne semble te faire le plus grand bien. »
Sans se donner la peine de répondre, Greg se laissa tomber dans le fauteuil le plus proche, regrettant tout à coup le Sherlock qui s’ennuyait. D’autant que fouiller dans la vie de cette sympathique femme ne lui disait rien du tout. Il essaya, quoi que n’ayant que peu d’espoir, d’orienter la conversation vers un tout autre sujet.
« Tu as contacté John ?
- Oui, miracle il y a bien un réseau internet dans les pièces communes. Je lui ai envoyé un message depuis ton compte mail pour lui raconter nos déboires.
- Mon compte mail ?
- Un mot de passe aussi simple ne pouvait être que la preuve que tu acceptes que je m’en serve. J’ai craint qu’il n’ouvre pas un message de ma part.
- Et tu t’es excusé ?
- Non, mais lui va le faire. Surtout quand il va commencer à culpabiliser de me savoir coincé ici seul avec toi. Il est si prévisible.
- Merci bien.
- Alors, concernant cette affaire…
- Sherlock, il n’y a pas d’affaire. Tu ne peux pas accuser quelqu’un comme ça d’avoir commis un meurtre sans la moindre preuve, simplement parce que tu t’ennuies.
- Tu m’interdis d’élucider un meurtre ? De mettre une tueuse hors d’état de nuire ? C’est de l’obstruction inspecteur.
- Sherlock…
- Si je me trompe, ce qui serait une première reconnais-le, et qu’elle n’a effectivement rien fait je ne ferais rien de mal à enquêter. Et tu pourrais te joindre à moi, ce serait plus intéressant que visiter le musée de la bougie. »
Il avait prononcé les derniers mots sur un ton tellement dédaigneux que Greg se demanda comment il avait pu croire un instant pouvoir le traîner dans un endroit pareil.
« Il y a aussi un ciné, plaida l’inspecteur en désespoir de cause.
- Je sais. Ecoute, si tu m’aides durant la journée à faire la lumière sur tout ceci, ce soir je t’accompagne à la séance nocturne d’Independence Day. »
Sherlock qui faisait ce genre de concession ? Voilà qui était nouveau. John devait avoir eu sur lui plus d’incidence que ne l’avait pensé Greg.
« Oui, John et moi fonctionnons beaucoup avec cet échange de bon procédés. »
Lestrade ne pouvant qu’encourager cette tendance mise en place par le bon docteur, il n’hésita qu’un instant avant d’accepter ce marché.
« Parfait. J’imagine qu’avant tout chose je dois prendre le temps de te mettre au courant de ce que j’ai découvert.
- Ce serait utile en effet », confirma le policier avec un sourire amusé.
Le détective se laissa tomber dans le canapé près de lui en soupirant et à le voir faire ainsi Greg regretta qu’ils ne remontent pas plutôt dans leur chambre pour reprendre là où ils en étaient restés durant la nuit. Il se força pourtant à se reprendre en secouant la tête lorsque Sherlock commença ses explications.
« Juste après votre départ la fille de la propriétaire est arrivée. Les deux femmes ont bavardé un moment de sujets dénués du moindre intérêt. Les gens s’intéressent vraiment à ce bébé royal ?
- Certains oui, souffla Greg, réalisant que c’était le genre de sujets qui fascinait justement son ex femme.
- Absurde ! Certains ont parié sur son sexe avant sa naissance, tu le savais ? De toute façon c’était soit l’un soit l’autre…
- On pourrait peut-être avancer, non ? grogna le policier, qui craignait que ces complaintes n’en finissent pas.
- Oui. Donc ensuite la fille a demandé à voir son père. Ce à quoi Mrs. Dench a répondu qu’il était parti pêché pendant quelques jours.
- Et ? Le temps est idéal pour du camping.
- Mais enfin tu n’as donc pas vu ? Tu es pourtant passé devant plus souvent que moi avec ta sortie de tout à l’heure.
- Quoi ?
- Le matériel de pêche dans l’entrée ! Comment un homme parti pêcher laisserait son équipement chez lui ?
- Il a peut-être une autre canne, argua Greg, qui n’avait effectivement pas noté ce détail.
- Je t’en prie ! Il s’agit d’une canne à pêche de professionnel. Quelqu’un la possédant n’en a certainement pas deux de cette qualité et n’en utiliserait pas une autre.
- Et c’est tout ?
- Eh bien… oui. Pourquoi aurait-elle menti si elle n’avait rien à cacher ?
- Il y a peut-être une autre explication. Elle s’est engueulée avec lui, il est parti et elle ne veut pas le dire à leur fille… Ou autre chose. Je ne sais pas moi.
- Où serait-il allé passer la nuit ? Il n’y a pas d’hôtel.
- Chez des amis. Sherlock il y a un bon millier d’explications autre que le meurtre à ce mensonge.
- Pourtant elle semble proche de sa fille. Je doute qu’elle lui ait menti pour quelque chose de futile.
- Tu ne la connais pas.
- Bon, tu veux m’aider ou non ?
- Il me semble que je n’ai pas vraiment le choix. Ne serait-ce que pour t’éviter un incident avec elle quand tu iras l’accuser avec ton tact habituel.
- Si je ne vais pas lui parler avant ton retour.
- Mon retour ?
- Il faudrait aller voir avec les policiers du coin si elle a des antécédents judiciaires. Ou quoi que ce soit d’autre qui puisse nous servir. Ils seront certainement mieux disposés à parler avec l’un des leurs. »
Surtout si l’autre option était un blanc-bec arrogeant, songea Greg en quittant son fauteuil.
« Très bien, j’y vais. J’ai mon portable sur moi alors appelle avant de faire quoi que ce soit.
- Si tu insistes…
- On peut se retrouver à midi au restaurant du bout de la rue pour confronter nos trouvailles.
- Je ne mange pas pendant une enquête.
- Eh bien moi je mange.
- Très bien, j’y serai », marmonna le jeune homme de bien mauvaise grâce.
TBC...