Suite...Ils avaient pris du retard par rapport aux kidnappeurs de Cara, mais les soldats ne passaient pas inaperçus et ils purent les suivre grâce aux indications des fermiers et des marchands qu’ils croisèrent.
Peu avant midi, ils virent se profiler à l’horizon les contreforts lugubres d’un massif rocheux. Zedd et Kahlan surent alors où Cara avait été emmenée. Il s’agissait de l’une des forteresses de Darken Rahl. Située sur un plateau rocheux, elle était cernée par le vide sur les trois quarts de son pourtour et seul un pont levis permettait d’y accéder. Elle était quasi imprenable. Et encore, fallait-il l’atteindre, car son seul accès était un étroit canyon taillé dans la roche dont les parois étaient si hautes et si lisses qu’on ne pouvait les franchir autrement que par là. Et ce passage serait sûrement très bien gardé.
Ils s’approchèrent aussi près que possible sous le couvert de la forêt et inspectèrent le camp qui gardait l’entrée du défilé. Il y avait au moins une trentaine de soldats qui montaient la garde.
Richard pensa mettre à profit la stratégie de Kahlan, à savoir passer pour des prisonniers et être amené à la forteresse. Mais l’Inquisitrice émit un doute. Deux gardes pour trois prisonniers, ça aurait peut-être pu passer, deux gardes pour maintenant cinq prisonniers, ça paraissait plus suspect. D’autant plus que parmi ces prisonniers il y avait le Sourcier en personne, une mère Inquisitrice et un sorcier du 1er ordre. Bref, trois personnes largement aptes à se défaire de deux soldats, même des meilleurs.
- Il ne me reste plus qu’une chose à faire, dit soudain Zedd.
Et devant le regard interrogateur de ses amis, il continua :
- Souhaiter les voir disparaître.
- Tu es sûr…, commença Kahlan inquiète.
- Si je peux faire apparaître des arbres, des chevaux et même des gens, je dois pouvoir les faire disparaître. Et pour nos deux nouveaux amis, il faudrait mieux que ce soit le cas.
Cette fois-ci Kahlan n’émit aucune objection. De toute façon les soldats de Rahl étaient bien trop nombreux pour eux.
- Je souhaite que tous les soldats de ce camp soient transportés sur l’ile de Korbe, dit Zedd.
- Tu aurais pu simplement les faire disparaître, lui fit remarquer Richard.
- J’ai appris qu’il fallait mieux que je sois précis dans mes demandes. Si j’avais seulement demandé à ce qu’ils disparaissent, rien ne me dit qu’ils n’auraient pas réapparu autre part, voir chez Rahl en personne, et là, bonjour l’effet de surprise. Et puis l’ile de Korbe est loin de la côte et inhabitée. On n’est pas près de les revoir, répondit Zedd en faisant un clin d’œil à son petit-fils.
- Ou bien on va les revoir plus tôt que prévu, laissa tomber l’Inquisitrice d’un ton lugubre.
Tous les regards se tournèrent vers le camp. Les soldats étaient toujours là. Mais il semblait soudain y régner une grande agitation. Il y avait des cris et des exclamations mais rien de compréhensible.
- Ils semblent moins nombreux que tout à l’heure, fit remarquer l’un des convertis.
En tans qu’ancien soldat, il connaissait les camps et leur organisation, le nombre de soldats qui pouvaient s’y trouver et leurs postes. Il avait tout de suite noté après le sort, la désorganisation et la disparition de certaines sentinelles.
- Ça n’a pas marché du premier coup, mais tu peux peut-être réessayer ? demanda Richard.
Zedd sembla soudain hésiter. Il lança un regard vers Merlin et Arthur toujours inconscient, puis le reporta vers Richard et Kahlan.
- J’ai… une étrange sensation, lâcha le sorcier.
- Etrange comment ? demanda Kahlan.
- J’ai l’impression que mes nouveaux pouvoirs ne sont pas aussi puissants que précédemment. Comme si… ils s’estompaient.
- Et quand bien même ce serait la dernière fois que tu peux te servir de ce nouveau don, ça en vaut la peine. Pour la suite, on se débrouillera comme on l’a toujours fait, répliqua Richard.
- Oui, sans doute. Mais si je n’ai plus ce don, je ne pourrais pas renvoyer Merlin et Arthur chez eux.
Richard regarda à son tour les deux natifs de Camelot et surtout le prince. Il savait qu’ils ne pourraient pas le garder éternellement dans cet état léthargique. Mais s’il se réveillait, il risquait d’être toujours épris de lui. Et le Sourcier n’avait pas envie d’un homme transis d’amour qui risquait de coller à ses basques pour le reste de sa vie.
Ils décidèrent donc de réserver ce qu’il restait de la nouvelle magie de Zedd pour renvoyer Merlin et Arthur chez eux et de jouer le jeu des prisonniers.
- Vous devriez réveiller Arthur, dit Merlin.
- Trop risqué, répondit Richard.
- C’est un chevalier, un guerrier et un bon. S’il faut se battre et je pense qu’on devra le faire, il vaut mieux l’avoir une épée à la main, qu’endormi en travers d’un cheval.
- Je ne pensais pas l’emmener dans cet état, dit Richard d’un ton sec. Il reste dans la forêt jusqu’à notre retour.
- S’il reste, moi aussi, répliqua Merlin sur le même ton.
- On n’a pas le temps de palabrer, les coupa Zedd. Et je pense que le petit à raison.
Et d’une incantation, il leva le sort.
Arthur se réveilla instantanément, pour découvrir qu’il avait le nez contre le flanc d’un cheval. Il tenta de se redresser, ce qui eut pour effet de le faire glisser en arrière et de se ramasser par terre.
- Ça va ? demanda Merlin en se penchant sur lui.
- Qu’est-ce… qu’est-ce qu’il c’est passé ? balbutia Arthur.
- Vous êtes tombé de cheval, répondit Merlin en lui tendant la main pour l’aider à se relever.
Arthur eut un bref moment d’hésitation, puis accepta l’aide de son sorcier de valet. Il regarda autour de lui surpris.
- Où sommes-nous ? Vous avez encore usé de magie à mon égard ? demanda-t-il en se tournant vers Zedd.
- Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? s’étonna le vieux sorcier.
- J’étais en train de parler magie avec… lui, dit-il en désignant Richard d’un air hargneux, et nous étions sur une route, pas dans une forêt. Alors comment je me retrouve là ?
- Comme je vous l’ai dit, vous êtes tombé de cheval, répondit Merlin. Un serpent a affolé votre monture et vous vous êtes cogné la tête. Vous êtes resté inconscient longtemps…
- Je ne sens aucune douleur à la tête…
- Zedd vous a soigné, mentit à nouveau Merlin.
- Tu es sûr que la magie…, commença Arthur pas convaincu.
- Ça suffit ! le coupa Richard. Il faut profiter de la confusion qui règne dans le camp. Plus nous attendons, plus ça sera difficile de passer.
Merlin raconta brièvement à Arthur ce qu’ils allaient tenter et aida son prince à mettre son armure.
- Merlin est un bien piètre menteur, murmura Zedd à Kahlan. Á se demander si ce Arthur n’est pas un imbécile fini. Comment Merlin a-t-il pu garder son secret aussi longtemps, c’est un mystère…
- Ou bien, il a compris depuis longtemps mais refuse, consciemment ou non, de se l’avouer pour ne pas perdre Merlin, répondit l’Inquisitrice sur le même ton.
- En tout cas, j’aimerai bien savoir ce qui a fait lever le sort pour Arthur… Il n’est visiblement plus épris de Richard et heureusement.
La jeune femme ne répondit pas, se contentant de regarder Merlin s’occuper d’Arthur et un léger sourire effleura ses lèvres.
Toutes les armes avaient été dissimulées et les mains des cinq pseudo-prisonniers semblaient ligotées, les deux convertis jouant le rôle de loyaux soldats de Darken Rahl. Pourtant, aucun des membres de l’équipe ne pensaient vraiment faire illusion très longtemps.
Et ils eurent raison.
Ils purent approcher du camp sans trop de difficultés, mais malgré… ou plutôt à cause de ce qui venait de se passer, de la disparition d’une partie de cette garnison, les soldats étaient sur leurs gardes et malgré leur précédente défaite face au Sourcier, ils restaient l’élite de l’armée de D’Hara. Au moment où l’un des capitaines qui leur barrait le passage posa une question à l’un des convertis qui se tourna vers l’Inquisitrice dans l’attente de la réponse à donner, celui-ci comprit. Il eut juste le temps de donner l’alarme avant que l’épée de Richard ne le fasse taire à jamais. Toute la garnison se rua sur eux, autant pour toucher la récompense promise par Darken Rahl que pour venger leurs compagnons disparus.
A trois contre vingt, ils auraient peut-être succombés, surtout sans Cara. Mais ils n’étaient plus trois. Les deux convertis furent tués rapidement, mais Richard dut se rendre à l’évidence qu’Arthur n’était pas un novice dans le maniement de l’épée, loin de là. Quant-à Merlin… Le jeune sorcier défendait son prince avec une ardeur décuplée. Non seulement il n’était pas question qu’il arrive quoi que ce soit à Arthur, mais il n’avait plus de raison de se cacher. Il pouvait laisser libre cours à sa magie et il ne se gênait pas. Entre Zedd et lui, il y avait souvent plus de soldats de Rahl en train de « voler » que ceux qui avaient encore les pieds au sol.
Le combat s’acheva et un silence morbide tomba sur la garnison, à peine troublé par les râles des blessés.
- On continue ! intima Richard en récupérant son cheval.
Les autres l’imitèrent et ils reprirent leur route en empruntant le défilé qui menait à la forteresse.
Les cinq voyageurs ne furent pas tellement surpris en voyant une compagnie de soldats garder le pont levis qui menait à la forteresse, pas plus qu’ils ne l’avaient été de ne pas voir de sentinelles sur les hauteurs du canyon qu’ils venaient de traverser. Darken Rahl avait sans doute été prévenu depuis le début de l’attaque de la garnison.
Le petit groupe s’arrêta à une centaine de mètres des soldats qui ne bougeaient pas.
- En maintenant ? demanda Arthur.
- Tu pourrais demander le retour de Cara ? dit Richard à son grand-père.
- Je pourrais…, admit le vieux sorcier. Mais je sens une puissante magie entourer cette citadelle. Je ne sais pas si je pourrais passer outre. Et si je n’y arrive pas, aurais-je une seconde chance ? Je sens mon nouveau pouvoir s’affaiblir au fur et à mesure que mon corps évacue ce que j’ai inhalé.
- Alors ? insista Arthur.
Zedd se tourna vers Merlin.
- Tu vas faire tomber cette barrière magique.
- Moi ?! Mais… Je ne connais pas ce sortilège. Je ne sais pas comment…
- Moi je sais. Tu va réciter la formule que je vais te donner en te concentrant.
- Et si je n’y arrive pas…, commença à s’affoler Merlin qui n’avait jamais contré une magie aussi puissante.
- Tu peux y arriver, lui dit Zedd. Je sais que tu peux le faire, je le sens. Ta magie est très puissante. Tu dois juste la laisser s’exprimer.
Merlin prit une grande inspiration et acquiesça d’un signe de tête. De toute façon il n’avait pas le choix. Le retour d’Arthur à Camelot était subordonné au retour de Cara auprès de ses amis. Et pour que la Mord-Sith revienne, il fallait qu’il donne tout ce qu’il avait.
Richard regarda Arthur et celui-ci comprit quel allait être leur rôle, protéger les deux sorciers. Il sortit son épée et d’un signe de tête indiqua au Sourcier qu’il était prêt. Puis Richard se tourna vers Kahlan, et elle lui confirma par un tendre sourire qu’elle aussi était prête.
Et comme si un signal invisible venait d’être lancé, les soldats de Darken Rahl se ruèrent sur eux. La forteresse ne pouvant sans doute pas contenir autant de chevaux, les soldats étaient à pieds et les trois cavaliers lancés à vive allure firent pas mal de dégâts à leur première charge. Tant qu’ils restaient sur leurs montures, ils avaient un avantage certain.
A l’arrière, Merlin récita une première fois la formule que Zedd venait de lui apprendre, mais la barrière magique ne céda pas et une vague de découragement le submergea. Qu’avait-il espéré ? Un miracle sans doute. Après que Zedd lui ait parlé de la puissance de sa magie, il avait pensé que tout irait vite et bien. La barrière tombait et pendant que le vieux sorcier ramenait son amie, lui pourrait protéger Arthur pendant son combat. Mais voilà, ça ne se passait pas comme ça.
- Recommence, lui intima Zedd. Recommence encore et encore.
Merlin lança un regard inquiet en direction de son prince.
- Fais-lui confiance, dit Zedd, ce n’est pas un enfant, il sait se battre, et surtout, fais-toi confiance.
Merlin se détourna à regret du combat et se concentra à nouveau sur la forteresse et ses défenses magiques, récitant à nouveau la formule de Zedd, la récitant encore et encore.
Les trois combattants auraient dû succomber sous le nombre, mais étrangement ils étaient encore debout et même en selle. Si Arthur trouvait cela étonnant, Richard et Kahlan comprirent très vite que les soldats essayaient de les prendre vivants et ils profitèrent de cet avantage au maximum.
Arthur venait de se défaire de deux nouveaux adversaires et il lança un regard vers les deux sorciers pour voir où ils en étaient, quand il vit trois soldats se précipiter vers eux. Concentrés sur la forteresse, Merlin et Zedd ne semblaient pas avoir conscience du danger qui les menaçait et le prince de Camelot se précipita vers eux. Il faucha le plus lent des trois sans même ralentir sa monture, mais les deux autres stoppèrent leur course pour affronter le cavalier. Et avant qu’Arthur n’ait le temps de comprendre, il se retrouva à terre.
Il fit face à ses deux adversaires, tentant au mieux de se positionner entre eux et Merlin. Les deux soldats attaquèrent en même temps. Arthur para l’une des épées et esquiva l’autre. Au second assaut, il réussit à peu près la même manœuvre, mais de justesse, se laissant glisser à terre pour éviter le coup. Là, il en profita pour attraper une poignée de terre et une fois remis sur ses jambes, il la lança dans les yeux de l’un de ses agresseurs. Ce n’était pas très chevaleresque, mais ils n’étaient pas dans un tournoi ! Momentanément hors de combat, Arthur se tourna vers l’autre. Après deux ou trois attaques que l’autre para, il finit par trouver la faille et lui planta son épée en plein cœur. Mais pendant se temps, son premier adversaire avait retrouvé sa vision et se rua sur le prince. Celui-ci réagit une fraction de seconde trop tard et avant d’avoir pu lever son épée, il sentit le froid de la lame adversaire déchirer sa côte de maille et pénétrer sa chair puis se retirer de façon encore plus douloureuse.
Arthur regarda son flanc ensanglanté. Sa jambe fléchit et il se retrouva un genou à terre à la merci du soldat de Rahl. Il tenta de s’appuyer sur son épée pour se relever, mais en vain. Il savait que pour lui s’était la fin et qu’il allait mourir. Pourtant le soldat hésita un instant. Ses ordres étaient d’essayer de prendre le Sourcier, l’Inquisitrice et le sorcier vivants. Personne ne lui avait parlé des deux autres. Néanmoins, dans le doute, il décida de ne pas achever Arthur. De toute façon, dans son état il n’était plus une menace. Il abandonna donc le prince de Camelot à son sort et se tourna à nouveau vers son premier objectif, Zedd. Voyant son adversaire indécis, Arthur essaya à nouveau de se redresser. Et quand il y parvint, le soldat lui tournait le dos et s’éloignait en direction de son valet. Et cette vision lui glaça le sang encore plus. Les deux sorciers étaient perdus dans leurs incantations et totalement vulnérables.
Si Arthur Pendragon ne devait croire à la magie qu’une seule fois dans sa vie, c’était maintenant ou jamais. Il était très faible et le soldat courait. Il leva son épée par-dessus son épaule comme un javelot et la lança. Qu’elle chance avait-il de réussir ? Aucune sans doute. Pourtant l’épée alla se ficher entre les omoplates du soldat qui tomba comme une masse. Quelle magie avait bien pu agir ? Celle de Merlin ou celle de son cœur ? Cette pensée l’effleura un instant alors que son regard se voilait sur le visage du jeune sorcier dont la concentration faisait ressortir la beauté. Vision qui se dissipa bien trop vite alors que l’obscurité l’envahissait.
Richard et Kahlan avaient eux aussi perdu leurs montures et le combat était devenu bien trop inégal pour pouvoir être gagné. Sans les ordres de les avoir vivants, ils seraient morts depuis longtemps et bientôt ils seraient prisonniers. Dans sa forteresse surprotégée par la magie, Darken Rahl n’avait sans doute pas toute une armée à sa disposition, nul besoin. Il avait envoyé tous ceux qu’il avait dans cette bataille. Il y avait peu de chance de voir d’autres soldats arriver et Richard et Kahlan s’accrochaient encore à l’espoir de la réussite de Zedd.
Les soldats restants qui les encerclaient marquèrent une pause. Avec ces ordres de les prendre vivants, leurs rangs étaient décimés et ils commençaient à se demander s’il ne valait pas mieux les tuer au risque d’encourir la colère de leur maître plutôt que de mourir là. Mais fallait-il encore que Rahl ne les tue, parce que s’il contentait de les torturer… Les cris de douleurs de la Mord-Sith qui était prisonnière leurs revinrent en mémoire.
Richard profita de ces quelques minutes d’indécision de la part des soldats pour jeter un œil vers les deux sorciers, espérant voir apparaître Cara à tout instant. Mais ce qu’il vit fut la chute d’Arthur. Une profonde tristesse envahie le Sourcier ainsi que de la culpabilité. S’il avait demandé à Zedd de le renvoyer chez lui plutôt que de ne penser qu’à Cara… Mais c’était trop tard. Toutes les magies du monde n’y changeraient rien. Et se fut encore plus déterminé qu’auparavant qu’il fit de nouveau face aux soldats de son cher demi-frère.
Merlin n’en pouvait plus. Il psalmodiait encore et encore cette incantation en y mettant toute sa foi. Il avait l’impression de le faire depuis des heures. Il n’entendait même pas le bruit du combat. Il était hors du temps et de l’espace. Pourtant, à un moment une violente douleur lui transperça le cœur et il se sentit fléchir. Quand il ouvrit les yeux, il constata qu’aucune arme de l’avait frappée. Il était à genou, le buste penché en avant, en appui sur ses deux mains. Il était essoufflé et en nage.
- Merlin ! Tu as réussi ! s’exclama Zedd près de lui.
Le jeune sorcier fit un effort pour tourner la tête vers son ainé et fut surpris de voir celui-ci retenant contre lui une jeune femme blonde. Elle était très peu vêtue et si Merlin n’avait pas été si épuisé, il en aurait sans doute rougi jusqu’à la racine des cheveux. Mais les marques de coups et les traces de sang qui la maculaient, ne donnaient pas envie de la dévisager malgré son indéniable beauté. Merlin avait fait sauter la barrière magique le temps que Zedd la ramène.
- Vous en avez mis du temps, murmura Cara affalée contre le vieil homme.
- Désolé ma belle. Mais il va falloir que tu t’accroches encore un peu. On n’est pas tout à fait hors de danger. Merlin ! J’ai encore besoin de toi.
Le jeune sorcier leva les yeux vers les combats et vit Richard et Kahlan sur le point de succomber. Mais ce qui le paniqua le plus fut de ne pas voir Arthur. Malgré sa fatigue, il se redressa et scruta le champ de bataille pour voir le soleil se refléter sur l’armure de son prince. Et il comprit la douleur qu’il avait ressenti un instant plus tôt, celle de son cœur en train de se briser. Il voulut hurler le nom d’Arthur mais aucun son ne put sortir et il se précipita dans sa direction.
Voyant cela, deux soldats s’écartèrent du groupe qui s’occupait du Sourcier et de l’Inquisitrice, pour se précipiter à sa rencontre. Merlin les balaya d’un simple regard, avant de s’effondrer auprès d’Arthur. Il retourna doucement son corps pour voir une lugubre coulée de sang s’épancher de la plaie.
- Arthur… ? appela Merlin d’une voix brouillée par les sanglots qu’il sentait monter en lui.
La tête du prince tourna légèrement dans sa direction, signe qu’il était en vie, mais il n’émit aucun son et n’ouvrit même pas la bouche.
- Je vous interdis de mourir ! s’écria Merlin.
Une grande colère ainsi qu’un profond sentiment d’injustice s’emparèrent de lui, reléguant sa peine au tréfonds de son cœur et de son âme. Pourtant, il se concentra, oubliant sa fatigue, et récita une incantation de guérison. Et il échoua. L’affolement commença à s’emparer de lui. Il essaya de se calmer et récita une nouvelle fois la formule, mais toujours en vain. C’était la troisième fois qu’il n’arrivait pas à guérir Arthur ! Pourquoi ? S’il y avait bien une personne au monde qu’il voulait sauver, c’était lui.
- Alors pourquoi… ? murmura Merlin effondré.
- Pourquoi quoi ? demanda Zedd et s’agenouillant près de lui et d’Arthur.
- Pourquoi je n’arrive pas à sauver Arthur ? Pourquoi mes sorts de guérison ne marchent pas avec lui ? demanda le jeune sorcier avec colère.
- Parce que cette magie fait appel à ce qu’il y a de plus personnel et de plus intime entre deux êtres. Plus tu es proche de la personne que tu veux soigner plus c’est difficile. Il faut savoir doser tes sentiments afin qu’ils ne soient ni trop forts et qu’ils affaiblissent ta magie, ni trop faibles et qu’ils affaiblissent ta volonté.
Et sans attendre de réponse le sorcier du 1er ordre lança à son tour une incantation de guérison. Merlin détacha son regard du corps inerte du prince pour le porter sur le visage concentré du vieil homme. Ce faisant, un mouvement au coin de son œil attira son attention et il vit Cara, si frêle et si vulnérable avec toutes ses blessures, tenir tête à deux soldats. Merlin leva un bras et envoya les deux hommes s’écraser plusieurs mètres plus loin. La jeune femme se tourna vers lui et le remercia un hochement de tête avant de s’emparer des épées de ses deux assaillants et de se précipiter pour aider Richard et Kahlan.
La peine et la colère se disputaient le corps et l’esprit de Merlin. Et dans cet état, Zedd venait de lui dire qu’il ne pouvait être d’aucune utilité pour son prince. Néanmoins, il y avait là d’autres personnes qui ne méritaient pas de mourir. Il se leva, laissant Arthur au soin de Zedd et se tourna vers le cercle de plus en plus restreint des combattants. Et Merlin laissa sa colère s’exprimer.
Quelques minutes plus tard, la plupart des soldats étaient à terre et le peu qui tenaient encore debout s’enfuyaient vers la forteresse pour y trouver refuge. Richard, pas tout à fait certain de ce qu’il venait de se passer, aida Kahlan à se relever, et vint soutenir Cara sur le point de s’effondrer. Puis ils se tournèrent vers le jeune magicien et le regard qu’ils portèrent sur lui était à la fois emprunt de gratitude et de respect. Tout ce qu’il avait toujours désiré, tout et seulement cela. Un monde où il pouvait être lui, mais un monde sans Arthur.
ARTHUR !
L’espace d’un instant Merlin l’avait presque oublié, quand soudain il sentit une poigne de fer se poser sur sa nuque, mais sans serrer.
- Voici donc le vrai Merlin, laissa tomber Arthur debout près de lui.
Il aurait voulu lui répondre, mais il savait que la moindre parole risquait de sonner comme une justification. Et même s’il était aux anges de voir Arthur guéri, à cet instant, après ce qu’il venait de se passer, il ne voyait pas pourquoi il devrait se justifier d’être lui. Mais rapidement, l’euphorie précédente laissa place au doute, puis à la peur. Peur que vint concrétiser Zedd.
- Il faut que je vous renvoie pendant que je le peux encore et que Rahl ne lance pas d’autres adversaires contre nous.
- Bien ! dit Arthur en se tournant vers le vieil homme.
- Mais bien sûr, tu peux rester avec nous si tu veux, Merlin, précisa Zedd. Je serai ravi de t’enseigner tout ce que je sais.
- Tu es le bienvenu, confirma Richard.
Arthur lança un regard noir au Sourcier et celui-ci ne sut comment l’interpréter, tout comme l’Inquisitrice. Elle pouvait lire dans le cœur du prince et celui-ci était loin de vouloir voir mourir Merlin. Pourtant, c’était ce qu’il risquait de lui arriver s’il retournait à Camelot. En proposant à Merlin de rester, Richard et elle ne pensait qu’à lui sauver la vie tout en évitant à Arthur de devoir commettre un acte qu’il réprouvait au plus profond de lui.
- Merlin ? interrogea Arthur attendant sa décision.
- Je rentre à Camelot, répondit celui-ci. Là est ma place et nulle part ailleurs.
Il s’approcha du Sorcier du 1er ordre et le remercia de ses conseils avant de lui murmurer quelque chose à l’oreille, puis il retourna auprès d’Arthur.
- N’oublie pas Merlin. La magie est une question d’équilibre entre ton cœur et ton esprit.
Et sur ces dernières paroles, Zeddicus Zul’Zorander, émit le souhait que le prince Arthur Pendragon et son sorcier de valet, Merlin, soit renvoyés séance tenante à Camelot et que le prince…
Ils n’étaient plus là.
- Tu penses que ça a marché ? demanda Richard.
- Douterais-tu de moi ?
- Non… bien sûr que non, Zedd !
- Et bien tu devrais. Je sens bien que j’étais au bout de ce pouvoir, mais je pense les avoir bien renvoyé chez eux. Par contre, pour ce qui est du souhait de Merlin que j’ai rajouté… je ne sais pas. De toute manière, on ne peut plus rien pour eux maintenant. Alors si on décampait de là avant que quelqu’un de cette fichue forteresse ne réagisse ?
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