Une Simple Pluie
Eugène Sledge avait besoin d'une douche. S'il y avait bien une chose dont il espérait avoir l'honneur de pouvoir sentir c'était sûrement des gouttelettes d'eau pures et sans poison. La marine n'utilisait plus l'eau pour faire leur toilette, elle était seulement réservée comme boisson pour rafraîchir les soldats lorsqu'ils partaient sur le front. Le problème, c'est que l'eau se faisait de plus en plus rare et la pluie n'était pas aussi abondante qu'aux Etats-Unis. Au Japon, c'était un véritable miracle lorsqu'elle tombait sur leurs minuscules îles. Sauf que Sledge en avait plus que marre d'être recouvert de boue et de sang séché, sentir le cadavre et la mort. Jamais n'avait-il autant pué de sa vie.
Il était étendu sous un arbre, pas trop loin du camp, mais trop près non plus. De toutes évidences, il n'y avait pas vraiment de dangers. Les japonais n'étaient pas aussi suicidaires pour venir l'attaquer aussi près des camps. Sledge avait tenu à être seul pour rédiger quelques notes sur sa bible, seul papier qu'il pouvait avoir durant les attaques au front. Il était bien sûr interdit de marquer quoi que ce soit de la vie des soldats, simple sécurité par rapport aux ennemies. Mais depuis plus d'un an, Eugène n'en avait rien à foutre. Il en avait déjà marre de cette guerre et de ce pourquoi il se battait. Tout ce qu'il avait voulu faire en entrant dans les rangs c'était de retrouver son ami Sid Phillips et de combattre à ses côtés. Seulement, en arrivant sur l'ïle, le jeune homme n'avait pu le voir qu'un seul jour avant de le regarder partir vers les Etats-Unis. Lui, avait eu la chance de fuir la guerre. Au fond, Sledge avait détesté Phillips pour l'avoir si lâchement abandonné. Enfin, abandonné était un bien grand mot.
Au lieu de combattre avec son meilleur ami, Sledge s'était retrouvé avec la pire des raclures ; Snafu. Un mec étrange, aux yeux si gris et si grands qu'ils en devenaient presque effrayants. Il est vrai qu'Eugène s'était mis un peu à l'apprécier durant les nombreux mois qu'ils avaient passés ensembles. Et c'était sans nul doute réciproque. Snafu l'avait d'abord méprisé car il était un simple nouveau soldat mais durant une bataille, le garçon l'avait sauvé. Et ça, Snafu lui en serait toujours reconnaissant. Avec le temps, ils étaient devenus quelque peu inséparables. Mais parfois, il arrivait que quelques disputes s’entremêlaient dans leurs conversations. Cependant, ils s'en remettaient très vite.
─ T'es encore en train d'écrire ? Tu sais que t'as pas le droit.
Sledge leva les yeux vers la voix et soupira en se rendant compte que ce n'était juste que Snafu. Il referma sa bible et la rangea dans sa poche de chemise avec le crayon. Puis en croisant les bras, il regarda le camps qui semblait endormi. Snafu prit place à ses côtés et se cala contre l'arbre. Un sourire sans émotions s'était dessiné sur ses lèvres.
─ Ils font quoi ? demanda Eugène en un soupir.
─ Certains se reposent, d'autres bouquines, ... Ils essayent de paraître normaux.
─ Leur famille leur manque.
Snafu haussa les épaules. Lui, il s'en foutait un peu de sa famille. Elle ne s'était pas vraiment beaucoup occupé de lui. C'était bien pour cette raison qu'il était partit s'inscrire dans la marine, pour avoir un but. Il n'avait jamais vraiment aimé personne... jusqu'à aujourd'hui. Le mot "sentiment" avait pris une définition pour lui, une vraie raison. C'était sûrement à cause de Sledge. Avec le temps, ils avaient échangé leur rôle. Quand il était arrivé, Eugène était un bambin qui n'aurait jamais du connaître la guerre, le genre de mec qui aimait la littérature, la paix et la tranquillité, qui était l'innocence pure. Snafu, lui, était le soldat ingrat, emmerdeur et sans pitié qui s'amusait de toutes les crasses des petits nouveaux. Puis au fur et à mesure, il s'était attaché à ce gamin (même s'il devait être dans la même tranche d'âge), si gentil, si pur. Il avait commencé à changer son comportement, à lui faire plus attention, à ne plus saccagé les corps des japonais. Mais la guerre, avec le temps, avait volé cette partie d'innocence à Sledge. Il avait tout simplement perdu son humanité, à l'inverse de Snafu qui avait su la retrouver. Grâce à lui.
─ Et comment vont les autres ?
Snafu baissa la tête aussitôt.
─ L'absence de Bill Layden les rends un peu dépressifs.
Bill Layden avait été l'un de leurs compagnons, Sledge l'avait beaucoup aprécié pour sa juste valeur. Un type bien et réfléchi, qui n'aimait pas forcément la violence mais qui protégeait simplement la patrie. Layden s'était malheureusement tué en voulant protégé l'un de ses amis qui était presque devenu fou après l'une des disputes de Sledge et Snafu. Il avait voulu se faire tué par les Japonais, sous le coup du désespoir et Layden l'avait ramené en arrière. Sauf que les Jap tiraient et il s'était pris une balle entre les deux yeux. Il n'avait pas souffert mais Sledge avait craqué sous cette seconde disparition. Il avait beau caché son humanité, parfois elle revenait sans prévenir.
─ C'est bizarre... mais j'ai l'impression d'être vide.
─ On l'est tous un peu.
Et sans prévenir, une goutte tomba sur la joue de Snafu. Le brun leva les yeux au ciel et eut un sourire de satisfaction.
─ On l'attendait depuis un bout d'temps celle-là. T'as vu, tu...
Il ne sut jamais ce qu'il avait eut envie de dire par la suite car le spectacle qui s'offrait à lui était bien trop émouvant pour s'en rappeler. Sledge, avait baissé la tête et pleurait. C'étaient des pleurs silencieux, dont les larmes pouvaient très bien être des gouttes de pluie mais Snafu savait très bien faire la différence. Sledge leva le menton et regarda le ciel, la pluie lui percutant les joues déjà mouillées.
─ Les gouttes de pluies sur mon visage... on dirait presque que je pleurs.
─ Ouais... ça doit sûrement être ça, répondit le brun en feignant l'ignorance.
Ils laissèrent quelques minutes tandis que la pluie ruisselaient sur leurs habits. Puis, sans crier gares, Eugène posa brusquement sa tête contre la poitrine de son ami. Ce dernier, par réflexe, le serra contre lui de toutes ses forces. Il sentit les sanglots violents du garçon contre son torse et il eut du mal à se retenir de pleurer à son tour.
─ T'inquiètes pas, lui murmura-t-il contre son oreille, je suis là. Je serais toujours là, je ne te laisserais pas tout seul. Promis.
─ Quand est-ce que ça va finir tout ça ? sanglota le plus jeune.
Snafu le serra un peu plus fort contre lui et lui posa un baiser sur le haut de sa tempe.
─ J'en sais rien.
Doucement, la main de Sledge vint tenir celle de son ami et entrelaça ses doigts avec les siens. Le coeur battant, Snafu dégusta longtemps cette position. Seul contact qu'il pouvait avoir durant la guerre, seul sensation positive qu'il pouvait sentir, seul amour qu'il pourrait avoir dans sa vie.
La pluie continua de tomber durant de nombreuses minutes, mais les deux hommes restèrent côte à côte, dans cette même position, durant toute la soirée...
FIN
NDA ; Nyoup ! ma première fanfiction sur ce forum, comment je suis trop contente. Je voulais faire dans l'originalité et comme il n'y avait pas de sujet sur cette série... voilà ! j'espère qu'elle vous aura plu !