Je suis comme beaucoup et je n'avais jamais pensé pouvoir slasher Castle. Et pourtant...
Je dois cette fic à Cybélia qui, sans s'en douter m'a donnée l'idée, lorsqu'elle a demandé une bêta pour celle qu'elle écrivait sur notre écrivain préféré. Résultat... le voila :
ANGUILLE SOUS ROCHE
Castle arriva, comme tous les matins où il n’allait pas directement sur une scène de crime, deux cafés à la main, un pour lui et un pour Beckett. Mais il trouva celle qu’il considérait comme sa coéquipière, bien qu’il ne soit pas membre des forces de police lui-même, en train de faire les cents pas devant le tableau.
- Pourquoi vous ne m’avez pas averti que nous avions une affaire ? s’exclama Castle en lui tendant son café.
Puis il se planta devant le tableau pour n’y découvrir qu’un nom et un grand point d’interrogation.
- L’Anguille, lut-il. Voilà qui est très… énigmatique ! Et… ça signifie quoi ? Qu’on a une affaire concernant un bateau de pêche fantôme ? Qu’on a repêché un corps coupé en deux par un requin dans l’East River ?
- Vous pouvez mieux faire, Castle, lui répondit Beckett en avalant une gorgée de café.
- Un cuisinier découpé en sushi avec un katana ?
- Déjà mieux, répondit Beckett avec un sourire moqueur qui n’échappa pas à l’écrivain.
- Un truand se fait dévorer par l’anguille qu’il a apprivoisée en prison !
- Quoi ? s’exclama Beckett surprise.
- Mais où vous allez chercher des trucs comme ça ? s’étonna Ryan.
- L’Anguille, un film japonais de Shohei Imamura de 1997 ! s’exclama Castle.
- Assez rigolé, dit Beckett. Il faut qu’on le trouve.
- On dit « la », répliqua Castle qui n’y comprenait toujours rien. Anguille est du genre féminin.
Kate Beckett finit par avoir pitié de lui et lui expliqua enfin le pourquoi de ce mot.
- L’Anguille est le surnom que les forces de police ont donné à un criminel de grande envergure.
- Et son vrai nom, c’est… ?
- Plein d’hypothèse, mais aucune certitude.
- Si c’est son nom, il ne devrait pas être trop difficile à trouver, plaisanta Castle.
- On ne connaît pas son nom et on ne sait pas à quoi il ressemble, répondit Beckett d’un ton las.
Et même Richard Castle en resta sans voix, enfin, juste un instant, mais c’était déjà un exploit.
- Là, j’ai du mal à comprendre…
Ce fut Esposito qui vint à la rescousse de son chef.
- On sait qu’il trempe dans le trafic de drogue, le racket, des escroqueries en tous genres et on peut le relier à deux ou trois meurtres, mais à chaque fois qu’on a pensé l’avoir attrapé, on s’est retrouvé avec des prête-noms, des hommes de pailles, des sous-fifres.
- Vous ne savez absolument rien de lui ? s’exclama Castle sidéré qu’une telle chose soit encore possible au 21ème siècle.
- Deux choses, dit Beckett. On sait qu’il a une cicatrice en forme de larme sous la joue droite et qu’il est gay.
- La cicatrice est déjà un bon point de repère, dit Castle.
- Il y a sept milliards de personnes sur Terre et, heureusement, leur préférence sexuelle ne fait pas encore l’objet d’un fichier, alors si on ne sait pas où chercher…, répondit Esposito.
- Alors là, je vais sans doute poser une question bête, commença Castle, mais si vous ne savez rien de lui, pourquoi est-ce qu’on en parle ?
Beckett arrêta de regarder le tableau et se laissa tomber dans son fauteuil.
- Parce que l’un de nos indics nous a appris qu’il pourrait se trouver à New York pour quelques jours. Et quand c’est le cas, il passe toujours une soirée dans une boite, le Splash à Chelsea.
Cela faisait un moment maintenant que Castle côtoyait cette brigade, Beckett, Ryan et Esposito et c’était la première fois qu’il les voyait aussi perplexes ? désemparés ? frustrés ? sans doute les trois en fait, devant un simple mot « L’Anguille ». Par contre coup, lui aussi se sentait dans le même état qu’eux, mais pas pour les mêmes raisons. Il ne comprenait pas ce qui clochait dans cette histoire. Ils avaient le lieu précis où le trouver, la date à quelques jours près et la description d’une cicatrice aussi reconnaissable que celle d’Harry Potter.
- Alors, où est le problème ? S’exclama-t-il.
- Vous avez compris pourquoi ce surnom, je pense ? Répondit Beckett.
- Simple. Parce qu’il glisse entre les mains de la police. Mais avec un bon filet ? Vous savez où il va être, vous n’avez qu’à blinder l’endroit de flics !
- Il ne viendra pas si on fait ça, dit Ryan.
- Je vous demande pas de les envoyer en uniforme, enfin, sauf si c’est une soirée Village People… là ça pourrait encore le faire, commenta Castle.
- Castle, soupira Beckett. Nous ne savons pas comment il fait, mais il repère le moindre flic à un kilomètre. Nous n’arrivons pas à l’approcher, nous n’arrivons pas à le piéger, nous n’avons même pas une photo de lui ! Nous avons essayé avec des nouveaux flics, on en a fait venir de Washington, le FBI a essayé. Ou il est devin, ou bien il a une liste de tous les flics de la ville, voir du pays…
- Des taupes dans les forces de police ? Je sais que vous n’aimez pas qu’on dise ça, mais…
- Nous y avons pensé, mais il faudrait qu’il y ait un flic véreux à sa solde dans chaque commissariat.
- Il doit bien y avoir quelque chose !
- Je ne sais pas Castle, mais une chose est sûr, si un seul flic ne fait que penser à cette boite, il ne viendra pas.
- Là, je ne vous reconnais pas Beckett ! Ni vous non plus, lança Castle en regardant Ryan et Esposito. Depuis quand vous baissez les bras !
- Vous voulez qu’on fasse quoi ? s’énerva la jeune femme.
- Des intérimaires ? hasarda l’écrivain pour faire retomber la tension.
- Si seulement ça existait, une agence d’intérim pour flic, on ferait moins d’heures supp, répondit Esposito.
Castle s’appuya contre la table et regarda lui aussi le tableau, avec ce simple mot « L’Anguille ». Il était vraiment bien trouvé ce nom. Mais même l’animal, aussi visqueux, insaisissable et électrique, soit-il, finissait toujours en sushi.
Après un moment à ressasser son idée, certain que Beckett dirait non, Castle se lança. Il avait tenté d’imaginer toutes les objections possibles et y avait répondu mentalement. Il restait maintenant à la convaincre, elle.
- Envoyez-moi ! lâcha Castle en se tournant vers Beckett.
- Pardon ? dit-elle en sortant de ses pensées.
- Envoyez-moi au Splash avec un micro. Je ne suis pas flic, donc pas de raison que l’Anguille se fasse la malle.
- Ne dites pas n’importe quoi… Vous n’êtes pas policier, juste consultant.
- Justement, c’est là toute l’astuce ! Et puis, je n’aurais rien à faire, juste repérer un type avec une cicatrice sur la joue. Je vous contacte et vous intervenez.
- Trop dangereux Castle ! asséna Beckett d’un ton sans réplique.
Mais l’interpellé n’avait pas l’intention de rendre les armes aussi facilement. En dehors d’un certain goût pour le risque, il y avait là ses amis qui étaient dans une situation apparemment inextricable. Et il pouvait quelque chose pour eux. Et même s’il n’était que consultant, il considérait qu’ils étaient une équipe.
- Que voulez vous qu’il m’arrive ? s’exclama-t-il.
- Vous faire tuer par exemple ! s’emporta Beckett.
- Ou pire, vous faire violer, dit Ryan.
- Ah, parce que vous trouver que c’est pire que de se faire tuer ? demanda Castle surpris par la réflexion.
- Heu… non… je voulais dire… enfin, pas forcément dans cet ordre là…, s’empêtra Ryan.
- C’est bon, j’ai compris. Mais avouez que si je suis assez mignon pour qu’on en veuille à ma vertu, c’est que je ne peux pas être flic !
- Comment ça ! s’exclama Esposito. Ça ne veut rien dire. Nous aussi on pourrait y aller et se faire accoster sans problème, hein Ryan ? On ferait un couple parfait !
Kevin Ryan se redressa et approuva d’un vigoureux signe de tête.
- Vous avez parfaitement raison, concéda Castle. Vous faites un couple parfait !
Et pour la première fois de la matinée, l’écrivain fit sourire le lieutenant Beckett, pendant que les deux autres commençaient vaguement à se sentir stupides. Malgré tout, elle refusa de céder.
- N’insistez pas, Castle, la réponse est non, définitivement non.
- Je n’ai même pas encore posé la question ?
La voix les fit tous se retourner. Ryan et Esposito échangèrent un regard entendu, accompagné d’un petit sourire. Mais Castle en revanche eut la confirmation que cette journée n’allait pas être la meilleure de sa vie. Josh Davidson, le génial petit-ami sauveur du monde, de Beckett, posa une main sur la hanche de la jeune femme, mais se retint de l’embrasser. Même s’il en avait très envie, il ne voulait pas se donner en spectacle devant ses collègues et surtout devant Castle.
- Et c’était quoi cette question ? demanda Beckett qui gardait aussi ses distances.
- Tu viens déjeuner avec moi ?
Le lieutenant poussa un soupir en posant une main sur la poitrine de son amant. Elle en avait très envie, vraiment très envie, ne serait-ce que pour oublier cette frustration de voir, encore une fois, l’Anguille, leur glisser entre les doigts.
- Allez y Beckett, lâcha soudain Castle. De toute façon, on n’a rien de mieux à faire il me semble.
Le ton employé par l’auteur l’a mis en rage.
- Pas de ça avec moi ! S’il y avait la moindre possibilité…
- Je vous l’offre sur un plateau cette possibilité !
L’air était soudain devenu électrique entre Castle et Beckett. Il y avait toujours eu une très grande connivence entre eux, et ce genre de scène était des plus rares. Josh vit le capitaine Montgomery sortir de son bureau, mais sans intervenir. Ryan et Esposito s’étaient instinctivement reculés d’un pas. La tension était palpable et gérer les situations de crise était l’une des spécialités de Josh. Il posa doucement une main sur le bras de Beckett et se glissa, presque sans en avoir l’air, entre les deux belligérants.
- Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il d’une voix neutre.
Castle soupira et secoua la tête en signe de reddition, détournant le regard. Beckett se détendit aussi et fit quelques pas pour se calmer. Josh avait réussi, mais toujours sans comprendre comment ils en étaient arrivés là. Un regard interrogatif du côté des deux autres, et Ryan se lança.
- On a une possibilité de coffrer un sale type, mais pour ça il faudrait que Castle s’en mêle.
- Et il n’en est pas question, dit à nouveau Beckett d’un ton las.
- C’est si dangereux que ça ? demanda Josh.
- Pas plus que de finir congeler dans un entrepôt frigorifique, ou de désamorcer une bombe en tirant sur les fils, répliqua Castle.
- Justement, vous n’auriez jamais dû vous trouver dans ce genre de situation ! La prochaine fois, vous pourriez ne pas avoir autant de chance.
- De toute façon, je ne peux pas mourir pour l’instant, dit Castle. Je n’ai pas encore sorti Nicky Hard du pétrin où je l’ai mise.
Castle venait implicitement de dévoiler qu’il travaillait à un nouveau manuscrit, une nouvelle aventure pour son héroïne.
- Castle, les micros ne servent à rien en boîte, dit Beckett. Trop de bruit. Idem pour les portables. Vous seriez obligé de hurler ou trouver un endroit où vous isolé, ce qui n’est pas évident quand il y a des centaines de personnes. Si quelqu’un vous entend nous appeler… Nicky pourrait très vite devenir orpheline.
- Peut-être pas, lâcha soudain Esposito excité. Il nous reste la veste avec la caméra, vous vous rappelez ? Celle qu’on a chourée au FBI !
Beckett foudroya son subordonné du regard et il comprit qu’il venait de commettre un impair. Pas tant à cause du terme « chouré au FBI » devant Josh, que du fait qu’il venait d’apporter de l’eau au moulin de Castle en retirant l’un des obstacles à sa participation.
Quelques mois plus tôt, il avait mené une opération conjointe avec le FBI et Esposito avait été équipé d’une veste avec une mini-caméra planquée dans le bouton du haut. Il suffisait de la connecter à un téléphone portable glissé dans la poche intérieure de la veste. Le portable était connecté à internet et les images transmises sur un simple PC portable en WI-FI. Le système avait ses limites, mais avec un bon débit, la réception était correcte. Pendant cette fameuse opération, Esposito avait dû ôter la veste, et vu la tournure que prirent les évènements, s’enfuir sans avoir le temps de la récupérer. L’entrepôt avait pris feu et, de bonne foi, ils avaient dit au FBI que leur petit gadget était parti en fumé. Mais lorsque les pompiers avaient fini de maitriser l’incendie, ils avaient retrouvé la fameuse veste miraculeusement épargnée. D’un commun accord, ils avaient décidés d’oublier cette veste dans l’un des placards du commissariat.
- De toute manière, il n’est pas question que vous y alliez seul, Castle.
- Beckett… Allez, je ne risquerai rien au milieu de toute cette foule.
- Pourquoi il devrait y aller seul ? demanda Josh.
- Apparemment, ce type fait une allergie chronique et virulente aux forces de l’ordre, répondit Castle.
- Oh ! Et bien, je pourrais l’accompagner, moi, dit Josh d’un air détaché.
Un silence se fit et tous les regards convergèrent vers lui.
- Ah non ! Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi ! s’emporta la jeune femme. Mais qu’est-ce que vous avez tous aujourd’hui à vouloir jouer les héros ?
Soudain, le capitaine Montgomery s’approcha de sa subordonnée et lui demanda de la suivre dans son bureau.
Les quatre hommes les suivirent des yeux, tout en faisant silence, mais Montgomery ferma la porte. Il ne fallut néanmoins pas longtemps avant d’entendre des éclats de voix provenir du bureau du capitaine. A travers les stores à moitié fermés du bureau, ils virent le lieutenant tenir tête à son capitaine, cela se voyait dans son attitude, mais finalement, elle finit par s’asseoir en secouant la tête d’un air accablée et vaincue. Quoi qu’il se soit dit, Montgomery avait visiblement gagné.
Les deux flics ressortirent du bureau.
- C’est d’accord, dit le capitaine. Vous irez tous les deux. Mais au moindre problème, à la moindre suspicion de danger, vous filez, c’est bien compris.
Castle et Josh opinèrent de la tête.
- Commencez les préparatifs, dit Montgomery à Beckett, mais avec discrétion.
Puis il regagna son bureau.
Le capitaine Montgomery avait accepté Castle sous la contrainte du maire, puis, au fil du temps, il l’avait, comme les autres, plus ou moins considéré comme un membre de son équipe. Néanmoins, même s’il avait souvent fait preuve de sang froid et de perspicacité, il restait un civil. S’il lui arrivait quoi que ce soit, non seulement cela risquerait d’être la fin de sa carrière, mais il ne se le pardonnerait pas. Pourtant, l’idée de mettre fin aux agissements de l’Anguille avait été la plus forte. Montgomery connaissait l’étendue de l’organisation du malfaiteur et savait les ravages qu’elle faisait.
Il n’aurait sans doute pas laissé Castle y aller seul, il était parfois trop imprévisible, mais Josh Davidson semblait avoir la tête sur les épaules. Les deux ensembles devraient s’équilibrer.
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(à suivre...)