Plusieurs personnes m'avaient demandé une petite suite à cette fic et j'ai pensé que cela pourrait effectivement être pas mal intéressant à faire. J'aurais mis le temps mais la voici
En espérant que la réaction de Mary vous paraisse crédible.
Bonne lecture.
ooOoo
Le trajet de retour jusqu’à Kensington n’est pas des plus aisés. Comme je l’avais craint, la neige tombée durant la nuit a rendu les transports tout à fait difficiles. Ne trouvant de fiacre, je fais une bonne partie du chemin à pieds, m’enfonçant par endroit presque jusqu’aux genoux dans la couche blanche tout en luttant pour garder l’équilibre, les bras chargés de tous les paquets remis par mon compagnon. Et lorsqu’enfin je parviens à dégotter un véhicule, je m’engouffre à l’intérieur en grelottant. Et je passe les minutes suivantes à songer à Holmes. Le quitter au petit matin, n’a pas été facile. Quand je l’ai embrassé pour lui dire au revoir, il m’a serré dans ses bras avec force, refusant ensuite de me laisser partir, me maintenant d’autorité contre lui. Je ne suis parvenu à lui faire entendre raison qu’après lui avoir assuré un nombre incalculable de fois que je reviendrai très vite. Promesse que je suis bien décidé à tenir, quitte cette fois à mettre définitivement mon mariage en péril. Je suis certain qu’il a lu en moi, comprenant ma résolution, la raison pour laquelle il sut finalement se montrer raisonnable.
A présent j’ai l’angoissante sensation que le pire m’attend. Affronter Mary ne sera probablement pas commode, à plus forte raison que je ne tiens pas à la blesser. J’ai encore énormément de respect et d’affection pour elle, même si l’amour que j’ai pu éprouver à son égard au début est bel et bien en train de s’envoler. Je m’en doutais déjà ces derniers mois, étant de plus en plus mal à l’aise à ses côtés, mais l’ensemble s’est définitivement imposé à moi durant cette nuit. Reste maintenant à voir comment nous allons gérer la situation. Le divorce probablement… Je me suis toujours refusé à l’envisager et surtout à l’imposer à Mary, qui ne le mérite certainement pas, mais cela ne me semble plus guère improbable désormais. Et je m’en veux pour cela. J’étais attaché à Holmes, amoureux même de lui, bien avant de rencontrer mon épouse, j’aurai pu me douter donc que cela finirait ainsi à terme. Dans ces conditions, m’être marié m’apparaît maintenant comme une conduite impardonnable de ma part.
Entrant enfin à mon domicile, la femme de charge qui m’accueille me lance un regard apeuré que je ne lui connais pas et qui m’inquiète sur les réactions de mon épouse. Elle me débarrasse de mes paquets et je retire mon manteau au moment où Mary me rejoint. Il ne me faut pas plus d’un coup d’œil dans sa direction pour cerner son état d’esprit. Regard sombre, visage rougi, lèvres pincées, gestes empressés… Elle est en colère, et nul besoin d’avoir le génie de mon camarade pour savoir vers qui est tournée cette fureur. Je l’ai bien cherché, dois-je admettre avec philosophie.
« Vous voilà enfin ! dit-elle d’une voix grave.
- Mary, ma douce, je suis désolé…
- Non, pas d’excuse !
- Je suis désolé, je répète pourtant, la tempête de neige m’a contraint à passer la nuit à Baker Street. Je suis revenu aussi rapidement que possible ensuite. »
Devinant sans mal que mes pitoyables explications n’auront pas raison d’elle, je me dirige vers le séjour, espérant qu’une fois auprès de notre famille je pourrais éviter une scène. Elle ne m’en laisse pourtant pas l’occasion.
« Que faites-vous ? s’enquiert-elle vivement.
- Je vais aller saluer nos invités, m’excuser de mon contretemps.
- Certainement pas ! Nous avons deux ou trois choses à régler avant il me semble. »
Hochant pitoyablement la tête, je dois bien admettre qu’elle a raison. Tous ces non-dits meurtrissent notre couple depuis si longtemps, le moment est venu de jouer enfin franc jeu. La mort dans l’âme, je la suis jusqu’à la cuisine, où elle congédie notre cuisinière d’un geste brusque de la tête. La jeune femme, certainement ravie de ne pas assister à la tempête qui se profile, file sans demander son reste. Une fois seuls, Mary plonge son regard brûlant dans le mien et de mon côté je m’efforce de ne pas baisser les yeux, estimant que je le lui dois.
« Mary…
- Non John, m’interrompt-elle en levant un doigt inquisiteur. Pour l’instant c’est moi qui parle ! Par votre absence hier vous m’avez humiliez devant mes proches. Ce réveillon de Noël je le préparais depuis des semaines. La première fois que nous avions nos deux familles réunies sous le même toit… Vous saviez combien c’était important pour moi ! Mais pour vous bien sûr il n’y en avait que pour Holmes. Comme toujours ! J’en ai assez John ! J’ai toujours su combien cet homme était important pour vous, mais cette fois c’en est trop ! »
La voyant aussi agitée à cet instant, je prends enfin entièrement conscience du désarroi dans lequel je l’ai plongé par mon inconséquence. Et j’en souffre. J’en souffre autant que j’en ai souffert la veille auprès du détective. Je suis pris entre deux feux et comprends du même coup que quelque soit mon choix pour l’avenir, je blesserai forcément quelqu’un. Reste à décider lequel saura me faciliter la tâche. Cette nuit Holmes m’a prouvé qu’à ce niveau-là je ne pourrai guère compter sur lui. Ce n’est pas une grande découverte pour moi, Mary a toujours été plus censée que lui. Plus censée même que je le suis moi-même.
« Son odeur est sur vous, reprend mon épouse avec un dégoût qu’elle prend même plus la peine de dissimuler à ce stade. Et votre mise… il manque deux boutons à votre chemise… J’étais sûre que ce n’était qu’une question de temps avant que vous ne recommenciez à copuler tous les deux ! Pour autant j’ai souhaité de toute mon âme me tromper à ce sujet. »
A présent je la fixe avec le plus grand désarroi. Ainsi non seulement elle sait à quoi mon compagnon et moi-même avons passé la nuit dernière, mais surtout elle ne semble rien ignorer du lien qui m’unissait à lui avant notre mariage.
« Apparemment je ne suis pas aussi stupide qu’il ne semble le croire, continue-t-elle, mordante.
- Pourquoi avoir accepté de m’épouser en ce cas ?
- Vous ne vous en doutez pas ? Parce que je vous aime. Est-ce si difficile à imaginer ? J’espérais naïvement que je parviendrais à terme à vous détourner de lui, vous permettre de l’oublier, ou au moins à faire en sorte qu’il ait moins d’importance dans votre vie. J’aime à croire que cela a été le cas pendant un temps, mais il compte pour vous davantage que je n’ai pu le croire. J’espère seulement que vous avez choisi de vous marier avec moi pour de bonne raisons.
- Bien sûr ! je m’exclame brusquement. Je vous aimais.
- Choix judicieux du passé, note-t-elle avec un sourire triste. Au moins vous avez l’honnêteté de le reconnaître.
- Mary, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire…
- Et moi je suis sûre que si au contraire. »
Elle s’approche de moi et pose sa main sur ma joue.
« J’aurais souhaité parvenir à vous rendre heureux comme lui semble y arriver », dit-elle dans un murmure.
Ses lèvres tremblent tandis que ses yeux brillent d’une lueur triste. Un instant je crains qu’elle ne craque, mais très vite elle se reprend et je retrouve la femme forte que j’ai toujours connue et admirée.
« Au moins les choses sont claires. Ce soir je dormirai donc dans la chambre d’amis, avant de m’y installer décisivement.
- Je puis déménager ma douce. Je prendrai les dispositions nécessaires pour que vous conserviez la maison. »
Elle s’écarte soudainement de moi, me tournant cette fois le dos.
« J’accepte la situation John, mais je refuse l’humiliation d’un divorce. Surtout si vous retournez ensuite vous installer avec… lui. »
Ce dernier terme avait été prononcé avec mépris, pourtant, ne pouvant le lui reprocher étant donné les circonstances, je me refuse à l’interrompre.
« En ce cas nous ne pourrions rien faire pour éviter à certaines… rumeurs vous concernant de voir le jour. Je ne veux vivre cela.
- Que faisons-nous en ce cas ?
- Nous préservons les apparences, quoi qu’il en coute, énonce-t-elle lentement. Vous continuez à loger ici, à être mon époux, mon ami. »
Je ne suis pas certain qu’il ne s’agisse là d’un choix très honnête, autant pour elle que pour moi, mais si c’est ce qu’elle veut qui suis-je pour le lui refuser ? Je hoche la tête, puis, conscient qu’elle ne peut pas me voir, je me fends d’une réponse concise.
« C’est vous qui décidez.
- Bien. »
Je reste un moment silencieux, me contentant de la fixer, tandis qu’elle n’esquisse toujours pas le moindre geste. Les épaules voutées, elle semble supporter toute la misère du monde. Une instant je remarque que j’aurais préféré qu’elle ne s’emporte, s’énerve, m’insulte et surtout qu’elle me fasse passer auprès de tous pour le méchant que je suis finalement dans cette affaire. Qu’elle ait de cette façon sa revanche. Ainsi ma culpabilité aurait été moins grande. Alors que la voir ainsi tout garder pour elle comme elle en a l’intention me tue au moins autant que cela ne n’aura raison d’elle à terme.
Une nouvelle fois je me sens le besoin de tenter de tout arranger. C’est absurde et vain dans ces circonstances, mais je ne peux certainement pas changer ma nature.
« Mary, est-ce vraiment ce que vous voulez ? »
Elle se retourne enfin vers moi et ce que je vois me bouleverse au plus haut point. Les yeux humides, des larmes ont coulé sur son visage délicat. Elle habituellement si belle n’est plus que l’ombre d’elle-même, elle semble comme fanée, éteinte… Je suis tenter d’amorcer un mouvement, désirant la prendre dans mes bras comme au bon vieux temps, mais elle m’en empêche d’un geste qui demeure sûr.
« Ce que je veux ? commence-t-elle après avoir soupirer douloureusement. Non, ce n’est certainement pas ce que je veux. Ce que je souhaiterais c’est avoir la primeur du cœur de mon époux, ne pas avoir à envier un sinistre détective drogué et dangereux… En fait j’aurais voulu ne jamais vous avoir rencontré. »
Cette dernière phrase avait été à peine murmurée et pourtant la hurler ne nous aurait pas blessés davantage. Nous comprenons enfin combien notre mariage a été vain, inutile… Difficile d’imaginer que toutes ces années passés à deux n’ont finalement rien représenté. Pire, désormais, avec les sacrifices que nous devrons faire pour préserver les apparences, elles s’apparentent davantage à un fardeau.
A mon tour j’ai les larmes aux yeux. Le poids de la culpabilité ne m’est jamais apparu plus intense. Et je la laisse s’abattre sur moi, m’apitoyant enfin sur mon sort. Je n’ai jusque-là songé qu’à Holmes et Mary, conscient que l’un des deux partis serait lésé quoi que je fasse. Je comprends finalement, cette vérité me heurtant de plein fouet, que quel que soit mon choix, moi aussi je m’apprête à en souffrir.
Tandis que nous nous fixons d’un regard pitoyable, une terrible gêne palpable entre nous, je ne trouve une nouvelle fois rien de mieux à faire que m’excuser.
« Mary, je suis désolé pour tout ce gâchis. »
Cette fois mes paroles ont enfin l’effet escompté. Mon épouse esquisse un sourire sans joie puis vient se blottir dans mes bras. J’accepte l’étreinte avec soulagement, y percevant comme un premier pas vers notre guérison réciproque.
« Moi aussi John. Parce que même si une part de moi vous en veut, au fond je sais que vous n’y êtes pour rien. Vous n’avez pas agi sciemment pour me blesser, j’en ai bien conscience. »
Elle s’interrompt un instant alors que de mon côté je n’ai pas encore trouvé le courage de dire quoi que ce soit. Je sais que toute intervention de ma part serait bien inutile. Aussi lui sais-je gré lorsqu’elle reprend bien vite la parole.
« J’espère seulement qu’il se rend bien compte de la chance qui est la sienne. »
Nul besoin d’être télépathe pour savoir qui concerne ce
il pourtant tellement impersonnel. En réponse je me contente d’un bref hochement de tête, ne voulant certainement pas l’affliger davantage de quelques propos maladroits.
Enfin elle s’écarte de moi et sèche ses larmes avant de m’adresser un sourire qui, s’il est toujours un peu triste, démontre qu’elle saura trouver la force nécessaire de faire face aux épreuves à venir.
« Allez vous changer puis nous irons retrouver nos invités, voulez-vous, lance-t-elle sur un ton plus léger. Et n’oubliez pas votre promesse, pas un mot sur tout ceci à quiconque. »
J’acquiesce rapidement avant de quitter la pièce à sa demande. Le pire est passé, en tout cas je l’espère. Et pour me remonter le moral, ne me reste qu’à songer au bonheur de Holmes lorsqu’il apprendra être désormais la priorité dans ma vie. Bien sûr, selon les désirs de Mary j’ai accepté de ne pas retourner m’installer définitivement à Baker Street, mais au moins serai-je totalement disponible à l’avenir pour ce compagnon qui compte plus que qui que ce soit dans ma modeste existence.
THE END.
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Je suis toujours tellement contente que ce couple plaise, de même que mon travail dans une moindre mesure.
En tout cas, superbe fic ! 
Moi elle me plaît bien cette fin!! Même si j'avoue que j'aurais préféré voir nos deux chéris habiter de nouveaux ensembles. Mais tant qu'il n'y a plus réellement Mary entre eux, pour moi c'est une happy end!