Et voilà la suite
ooOoo
Un peu plus tard, après le déjeuner je m’étonnai de l’absence de mon amant. Certes selon lui il n’avait pour l’instant plus grand-chose à faire de nouveau, mais je craignais qu’il ne soit encore dehors, ce qui ne me disait rien qui vaille avec le froid qui y régnait toujours. Mais Mrs. Cabot m’appris qu’elle l’avait vu rejoindre l’étage un peu plus tôt. Curieux, je montai à mon tour et ce que je découvris dans la chambre de mon homme m’arracha un sourire des plus satisfaits. Holmes dormait, blotti dans son lit. Fichu impératif biologique, ne manquerait-il certainement de maugréer à son réveil, pourtant moi je le trouvais touchant ainsi. En fait, chaque fois qu’il se prêtait à une activité trop humaine, manger ou dormir en tête, le genre de choses dont il se serait volontiers passé s’il en avait eu le choix, je ne me sentais que davantage amoureux. Parce que dans ces moments-là j’avais enfin l’impression d’avoir un homme comme les autres auprès de moi.
Soudain rattrapé par ma nuit décidément bien trop courte, je retirai veste et chaussures puis allai m’allonger près de lui, prenant bien soin de ne surtout pas le réveiller.
Lorsque j’émergeai un peu plus tard, je découvris sans grand étonnement que j’étais seul dans la pièce. Dormir en pleine journée, soit, mais Sherlock n’allait certainement pas y passer des heures non plus. Je le retrouvai donc au salon, où il interrogeait Black sur les divers clients qu’il rencontrerait le surlendemain. Je m’installai dans un fauteuil et acceptai la cigarette que me proposait mon hôte.
« Mr. Holmes pense que pour la durée des fêtes je ne risque rien, expliqua-il ensuite. Qu’en dites-vous docteur ? »
Flatter que l’on me consulte alors même que Sherlock avait déjà parlé, je ne pus m’empêcher de lui jeter un coup d’œil, notant qu’il me fixait d’un regard bienveillant.
« Je pense qu’il a raison, m’exclamai-je alors. Tant que vous demeurez à l’intérieur et ne restez pas seul vous serez certainement à l’abri.
- Tant que cette brute n’habite pas ici, reprit Black, pensif.
- Holmes et moi-même avons déjà probablement éliminé cette hypothèse.
- Fort bien. Après tout on n’est jamais sûrs de rien. »
A cette réflexion je lançai un regard entendu à Holmes. Notre homme pensait-il que son fils était derrière tout cela ? Mon compagnon secoua discrètement la tête et je compris que je ne devais pas relever cette remarque. Je préférai le lancer sur un autre sujet et entendait bien interroger plus tard le détective pour comprendre les raisons de ces cachotteries.
Notre conversation ensuite fut parfaitement légère puis notre hôte fut appelé par Mr. Cabot. Resté seul avec lui, j’en profitai pour interroger mon camarade.
« Quelque chose n’est pas comme il y paraît ici, me dit-il sans davantage d’explication. »
Conscient qu’il ne m’en dirait pas plus avant d’être prêt, je n'insistai pas, prenant plutôt mon mal en patience.
Le dîner fut des plus sympathiques. Si Black voyait d’un mauvais œil la présence des domestiques à notre table, il sut le garder pour lui-même, devisant aimablement avec Mr. Cabot. Pour ma part je m’amusais des anecdotes familiales dont me faisaient profiter avec bonne humeur les deux femmes. Seule ombre au tableau, Sherlock. Mangeant du bout des lèvres et restant parfaitement silencieux, il semblait tout bonnement hermétique à la joie qui régnait là. Je le surveillais donc du coin de l’œil, espérant qu’il parvienne tout de même à s’amuser un peu.
Après un repas succulent, nous passâmes dans le salon, où Mrs. Black nous interpréta plusieurs chants de Noël de sa voix cristalline, accompagné de son époux au piano. Tout en fredonnant les airs connus qui me rappelaient mon enfance, je fixais Holmes. Enfin, pour la première fois depuis le début de la soirée, il était un peu plus réceptif à ce qui se passait autour de nous. En parfait mélomane qu’il était, il donnait l’impression de prendre plaisir à ce spectacle. Ce simple constat m’émut davantage que tous les autres évènements des dernières heures. A mesure que le temps passait à ses côtés, je prenais peu à peu conscience que lorsqu’il était heureux j’étais heureux moi-même.
Lorsque nos hôtes décidèrent d’échanger leurs cadeaux, mon compagnon et moi décidâmes tacitement qu’il était grand temps pour nous de nous éclipser. Et c’est tout naturellement que Holmes me suivit dans ma propre chambre. Nous entrions à peine qu’il m’accula contre la porte, m’embrassant avidement. Je répondis à ce baiser de façon tout aussi passionnelle, enfouissant mes doigts dans ses cheveux, collant mon corps au sien, sentant le désir monter rapidement autant chez moi que chez lui.
« Quel ennui cette soirée, dit-il lorsqu’il s’écarta de moi. Je n’attendais que l’instant de vous avoir tout à moi. »
Attrapant ma main dans la sienne, il m’entraîna sur le lit, s’allongea contre moi et nous reprîmes nos baisers. Je ne sais combien de temps nous restâmes ainsi, à nous embrasser longuement. Nous avions la nuit entière devant nous et entendions bien en profiter en prenant tout notre temps.
Lorsque nous entendîmes les Black rejoindre leurs chambres, Sherlock alla s’assurer que notre client s’enferme bien à clé, puis il me rejoignit avec un petit paquet sortit de je ne sais où.
« Nous pouvons peut-être échanger nos cadeaux à présent, qu’en dites-vous ? » proposa-t-il.
Je souris en me levant et allai récupérer la surprise que je lui destinais.
« Il ne s’agit pas à proprement parler d’un cadeau », dis-je sur un ton mystérieux tout en le lui tendant.
Intrigué, il s’empressa de l’ouvrir. Et pour la toute première fois je pus me vanter de l’avoir réduit au plus parfait des silences. Il fixait la montre à gousset qu’il avait sous les yeux et resta ainsi quelques instants avant de souffler finalement d’un ton ému.
« Comment avez-vous fait ?
- Je l’ai faite nettoyer et réparé, dis-je simplement un haussement d’épaules. »
Je me gardai bien de rajouter qu’il aurait été plus aisé pour moi d’en acheter une neuve, mais cette option n’avait jamais été envisagée tant je connaissais son attachement à cet objet. Il tenait cette montre de son père et elle comptait beaucoup pour lui. Il avait été désespéré lorsqu’après une course-poursuite suivi d’un corps à corps avec une brute il l’avait retrouvée dans la boue d’une ruelle. Non seulement sale, elle ne fonctionnait plus. La mort dans l’âme, il s’était vu contraint de l’abandonner dans sa chambre, où je l’avais récupéré un mois plus tôt dans l’otique de cette surprise. Apparemment parfaitement réussie.
« John, c’est… inattendu.
- C’est ce que j’espérais.
- Je… »
Le voir réagir ainsi, l’air hébété et tout simplement heureux m’emplit de joie. Réussir à le toucher, à l’émouvoir, n’était pas chose aisée, j’en étais fier à chaque fois j’y parvenais.
« Je sais combien vous y étiez attaché », expliquai-je lorsqu’il releva enfin la tête vers moi.
Je lui trouvai les yeux un peu trop brillants mais je le connaissais suffisamment pour avoir la présence d’esprit de passer ce détail sous silence. Il sourit puis s’éclaircit la gorge, essayant tant bien que mal de retrouver une certaine contenance.
« Je croyais vraiment qu’elle était définitivement inutilisable. Je… Merci John. Rien que le seul fait que vous y ayez songé… A présent mon cadeau est bien fade en comparaison.
- Votre plaisir actuel me suffit largement. »
Il m’attira à lui et déposa un bref baiser sur mes lèvres, à peine le temps d’une caresse, mais qui s’avéra plus doux que tous ceux que nous avions échangés durant la soirée.
« Maintenant… j’ai un peu honte de le dire, reprit-il en tripotant sa montre, mais vous devriez ouvrir votre paquet. »
Brûlant d’impatience, de toute façon je n’avais jamais été déçu, même si ses présents s’avéraient parfois des plus originaux, j’obtempérai rapidement.
« Sherlock, c’est parfait, dis-je en découvrant un superbe veston couleur champagne.
- Un peu impersonnel comme cadeau je suppose, mais puisque vous êtes toujours si élégant j’ai pensé qu’il vous irait à merveille.
- Sans aucun doute. Merci Sherlock.
- Joyeux Noël. »
J’appréciai avec délice l’étreinte qui suivie.
Je ne sus jamais si cela vint de romantisme dont nous venions de faire preuve l’un envers l’autre, de l’excitation d’être dans une chambre, une maison étrangère, ou les deux jours d’abstinence auxquels nous venions de nous prêter, peut-être était-ce un mélange des trois d’ailleurs, mais cette nuit-là lorsque nous fîmes l’amour j’eus plus que jamais la sensation d’être totalement en phase avec mon compagnon. Et tandis que je m’accrochai désespérément à ses épaules au plus fort de la jouissance, je compris qu’il n’y avait plus d’hésitation possible. Malgré les doutes qui nous animaient parfois à cause du genre de vie que nous avions choisie, nous étions faits l’un pour l’autre, c’était l’évidence.
Au petit matin je m’éveillais avec un sentiment de malaise inexplicable. J’avais certes le corps fourbu suite à nos acrobaties nocturnes, mais j’étais surtout nerveux, sans en comprendre la raison. Je constatai avec anxiété que Holmes n’était pas près de moi alors je me levai et me rendis dans sa chambre, que je trouvais tout aussi vide que ne l’était son lit.
Me forçant au calme en me traitant d’idiot, après tout si je devais paniquer chaque fois que je me réveillais seul cela risquait de devenir mon quotidien, je m’habillai rapidement puis descendit au rez-de-chaussée. Evidemment vu l’heure matinale il me sembla naturel de ne trouver personne nulle part, mais tomber sur mon amant en revanche m’aurait grandement rassuré. En dernier recours je me rendis dans le bureau de Black et ce que j’y découvris me glaça le sang.
TBC...