Lost Innocence
Chapitre 2 : Feuer und Flamme sein.
Le tout premier contact avec l'irréalité de la chose est sûrement la plus cocasse. Que se soit pour l'un ou pour l'autre, il n'y a pas de plus amusant que de se rendre compte que l'on peut brûler à distance le bureau de son père qui vous a durement punis pour une cause plus ou moins juste ou non. Bien sûr, c'en est de plus étrange quand on réalise par la suite que personne ne vous soupçonne, comme si il était tout à fait normal que cela ne soit pas vous mais bien un pyromane qui en voudrait secrètement à votre dudit père. Maddox ne trouvait pas cette situation bonne ou mauvaise. C'était un fait paradoxalement normal qui s'imbriquait parfaitement à son tempérament et même à sa vie. Le problème n'est survenu que par la suite. Comme un incendie, Maddox était né flamme pour devenir brasier. Sauf que dans son cas, l'image est elle-même à prendre au premier degré. Pour dompter le feu qui était en lui, rien de mieux que le service militaire obligatoire. Et heureusement pour lui, le jeune homme avait un sacré talent pour survivre à travers les fields. Mais ce n'était pas là qu'il découvrirait l'horreur humaine. Non, ce n'était ni dans le sang, ni dans les champs de guerre, ni à travers les décombres et les cadavres. Non, ce fut près de ce camp, dont le nom imprononçable lui échappait encore aujourd'hui. Là où le mot misère, douleur et mort côtoyait celui de l'atrocité. C'était un camp spécialisé pour femmes. Et près de celui-ci, un étrange bâtiment aux fenêtre closes. Maddox avait été tout de suite interpellé par l'étrange bâtisse froide, surtout au moment où il vit un homme y sortir en courant, l'air plus satisfait que jamais. Il aurait pu le poursuivre, voir même le tuer d'une balle entre les deux yeux. Mais quelque chose le retint. Dans ce qu'était à présent une ruine de pierre et de fusion, se tenaient deux petites filles accrochées l'une à l'autre, aussi maigre et pâle que des squelettes. Leurs regards transperçaient le soldat avec inquiétude, lorgnant l'arme pendu à son bras. Un mouvement de la main les fit sursauter et Maddox n'eut pas le choix. Il dut lâcher son fusil pour ensuite rejoindre les fillettes qui pleuraient à présent. Elles n'avaient pas de tatouage mais l'une d'elle, celle qui avait le regard le plus sombre et les traits les plus tirés, semblait avoir été marquée au fer rouge. La marque avait été fait à la va-vite, brûlant son flanc de sa morsure. Sûrement d'il y a quelques minutes. Il les prit toutes les deux entre ses bras, essayant de calmer leurs sanglots. Sa mâchoire se contracta en sentant à travers ses vêtements à quel point les gamines étaient maigres. A sa plus grande surprise, il sentit une présence dans sa tête, comme si un courant d'air chaud venait de passer à travers ses oreilles. C'était un souffle distinct, qui pourtant, lui semblait étrangement lointain. Ne nous laisse pas. Maddox comprit alors que c'était l'une des filles. Laquelle, il ne le sut que bien après. Mais il devina aisément quelque chose qui, maintenant, lui réchauffait le cœur. Il n'était pas seul. Et ces petites filles ne le seront plus non plus.
Les yeux à moitié clos, Sheila respirait tranquillement les dernières minutes de ses vingt-quatre ans. Une odeur, à la fois rare et chaleureuse, s'était échappée de la cuisine. Ses membres encore engourdis par la moiteur de la nuit de mars, s'étirèrent automatiquement lorsqu'elle se mit au bord de son lit, les jambes tendues vers l'avant. Elle remercia en silence sa sœur qui avait eut la bonne idée de ne pas la réveiller brusquement pour cette journée si spéciale (bien qu'il n'y ait bien qu'elle pour trouver cette journée particulière). La jeune femme enfila un pantalon, profitant pleinement de cette nouvelle mode qui consistait à s'habiller comme un garçon puis s'admira un instant dans la glace, le torse totalement nu. Sa poitrine était peu développée, ne marquant que très brièvement sa silhouette. Un peu plus bas, aux travers des côtes, se tenait toujours le sceau de Schmidt. Sheila ne put retenir une grimace, et cacha bien vite cette horrible cicatrice à l'aide d'un vieux pull noir qui avait autrefois appartenu à sa mère. Sa haine la faisait avancer. Et chaque jour, la marque le lui rappelait, telle une petite voix lui murmurant combien elle avait souffert aux côtés de sa sœur. Cette dernière avait tout oublié heureusement. Être télépathe avait parfois ses avantages. Les pas de Maddox derrière sa porte l'arracha à ses pensées. L'homme ne les avait plus quittés depuis qu'ils s'étaient rencontrés, et c'était peut être mieux pour tout les trois. C'était devenu un peu leur grand frère, de sept ans son aîné. Sheila inspira profondément puis colla un sourire extatique sur ses lèvres qui oubliaient parfois ce qu'étaient d'être étirées par autre chose que le cynisme. - Bonjour ! S'exclama-t-elle en entrant dans la cuisine, réceptionnant au passage une fusée aux longs et interminables cheveux bruns. - Joyeux anniversaire ! Cria Laélia avec l'intention d'embrasser les deux joues de sa sœur. Son cri venait sûrement de réveiller tout le voisinage mais la jeune femme ne semblait pas s'en plaindre ni s'en soucier. Maddox quand à lui, ne put s'empêcher de faire des yeux ronds, faisait largement comprendre à son amie qu'elle n'avait pas été plus discrète qu'un pachyderme dans un magasin de verrerie. Finalement, il vint jusqu'à Sheila et lui souhaita également un très joyeux anniversaire. Après quelques accolades et questions foireuses telles que « Alors, ça fait quoi d'être vieille ? » ou encore « Tu sens déjà les rhumatismes ? », les trois amis s'installèrent autours d'une vieille table en bois, vestige d'un passé lointain. - Vous avez bien dormi ? C'était Laélia, toujours curieuse des songes fantasmagoriques que pouvaient avoir sa petite famille. - J'ai fait des rêves assez... Horribles. Avoua Sheila en se frottant les yeux. Mais ce ne sont que des rêves après tout. Un sourire amer vint se peindre sur la bouche de la jeune femme. De son côté, Maddox fronça les sourcils. Lui, il se souvenait de tout. Être télépathe avait parfois des désavantages. Sheila pinça les lèvres, se demandant un instant si son pouvoir lui avait amené une seule chose de bien dans sa vie. La réponse était évidente. Elle ne savait pas lire dans les pensées. Mais elle savait plonger dans vos plus horribles cauchemars. Elle ne savait pas aller dans vos souvenirs. Mais elle savait vous les voler. Elle ne savait pas communiquer. Mais elle savait vous faire entendre ses propres pensées. Toujours à sens unique, pensa Sheila. Ce pouvoir n'avait rien de positif ni de salvateur. - Tu as rêvé de quoi ? La voix de sa sœur la ramena sur terre, le front légèrement plissé par l'anxiété. Les deux filles se fixèrent un instant, le brun confrontant le bleu.
Finalement, Sheila répondit de sa voix grave. - Rien de bien méchant, ne t'inquiète pas. Je suis contente d'être à vos côtés en tout cas. Elle prit les mains de ses compagnons de vie et ferma un instant les yeux, goûtant à ce que le destin lui avait laissé de mieux. L'amitié. Son esprit vagabonda un instant, survolant le périmètre que son pouvoir lui avait administré. Elle put ressentir un instant la présence des voisins, des passants et même ceux des enfants qui dormaient encore, à l'intérieur de leur orphelinat. Ce n'était que des lumières dans son âme mais Sheila pouvait les sentir palpiter doucement, comme une multitude de petits cœurs n'attendant qu'à être repêchés. - On avait pensé qu'on pourrait ailler boire un coup ce soir. Ça nous ferait du bien de sortir. C'était Maddox. Il était le seul de la bande à aimer abandonner sa routine pour aller s'amuser dans des bars mais il était vrai que pour une fois, l'homme avait raison. Cela faisait presque une semaine que les deux filles n'avaient pas mis un pied dehors. Sheila par méfiance, Laélia par habitude. Cette dernière hocha la tête, satisfaite que quelqu'un prenne une initiative. - Pas de problème. Tant que l'un de vous n'essaie pas de me bourrer. Je déteste ça et il pourrait y avoir des conséquences désastreuses. - Tu sais bien que ce ne sont pas dans nos habitudes. Morigéna Maddox. Et puis, nous ne sommes pas non plus des grands buveurs, hein Laélia ? - Moi oui, mais toi... C'est encore à prouver ! - C'est vrai qu'on ne t'a jamais vu boire une seule goutte d'alcool. - Bah, je suppose que c'est pour la même raison que vous deux. On ne sait pas ce que ça donnerait si on ne contrôlait plus nos pouvoirs. Les trois mutants firent silence un instant, plongés dans de longues réflexions sur ce qu'on appelait communément « pousse-au-crime ». Somme toute, ce n'était pas si grave. L'humain n'est pas obligé de boire pour être heureux. Le mutant non plus. - J'ai repéré un endroit qui n'a pas l'air trop mal, tout près d'Oxford. C'est une amie qui me l'a conseillé. - La fille aux yeux vairons ? - Ouai. Elle m'a dit qu'on y trouvait des personnes intéressantes. - Elle entendait quoi par « intéressantes ? ». - Je ne sais pas, elle a commencé à me parler d'hétérochronie puis j'ai décroché. Sheila haussa un sourcil, les deux mains jointes où reposait à présent sa tête. Oxford n'était qu'un refuge de riches à papa et d'étudiants qui vivaient en plus grande harmonie avec les grands bâtiments immaculés qui leur servait d'école ainsi que de la débauche bourgeoise. Un monde bien trop différent du leur mais qui semblait si propre. Une propreté un peu effrayante pour ceux qui avaient vécu dans la noirceur de la réalité. Mais Sheila haussa les épaules. Après tout, un peu de lumière même naïve lui ferait peut être du bien.
Le soir arriva bien vite. Bien que l'été approchait inexorablement, la journée paraissait toujours aussi courte pour les trois compères. Maddox conduisait une vielle voiture dont la carrosserie n'arborait à présent que la pellicule d'une couleur qui devait sûrement bien lui aller aux temps de leurs grands-parents. Elle pétaradait et sentait fort le gaz mais cette petite casserole était sûrement l'objet le plus important que le jeune homme possédait. - Tu pourrais faire quelque chose pour le bruit ? Hurla Laélia en rigolant, essayant en vain d'aller plus fort que le vacarme que créait la voiture. - J'essaie mais c'est du boulot ! Maddox aussi avait crié, l'air désolé. En somme, ils arrivèrent à Oxford, presque à moitié sourd mais déjà pliés de rire. Maddox dut même aider les deux sœurs à sortir, tant elles étaient peu habituées à rouler dans ce genre de locomotion. - Où se trouve ton fameux café ? Demanda Sheila lorsqu'elle arriva enfin à s'extirper de sa prison de fer, tout en se massant les reins. - Pas loin. On peut le voir d'ici. En effet, quelques lampadaires éclairaient la ruelle, permettant aux deux jeunes filles d'apercevoir un établissement propret qui se mélangeait parfaitement aux édifices de pierres environnants. Tout semblait luxueux. La lumière était partout, ainsi que des personnes grouillant dont ne sait quelle fourmilière humaine. Sheila se colla contre sa sœur, légèrement pâle. - Il y a tant de monde. Maddox se retourna vers elle, surpris. - Pourtant nous sommes en début de soirée. Il y a beaucoup moins de personne que... - C'est bon, je suis peut être lente mais pas bête non plus. En avant ! Bande de Muschel ! Le dernier mot avait été craché avec hargne, comme si Sheila y mettait toute sa haine. Ce qui devait être sûrement le cas. Elle utilisait rarement l'Allemand mais il lui arrivait de temps en temps que, sans faire exprès, elle en lâchait une bribe. Bien que cela ne soit pas du tout sa langue maternelle, la jeune fille avait pris un soin consciencieux à apprendre cette langue. « Pour me rapprocher de Schmidt » avoua-t-elle un jour à Maddox, lorsque celui-ci lui demanda la cause de ce mélange de dialecte. Ce dernier lança un regard gêné vers son amie, puis lui emboîta le pas quand celle-ci ouvrit la porte du café.
Alors, vous en pensez quoi jusqu'à maintenant ? Je pense que j'aurais terminé le troisième chapitre d'ici mardi. En tout cas, si vous ne le voyez pas avant mercredi, vous devrez attendre longtemps car je pars ce jours là pendant deux semaines.
_________________ Oo~oO~ Cherry-chan ~Oo~oO
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