*mode Karimero ON*
Bon alors si vous en avez marre que je poste virez-moi paske j'ai bien conscience que j'dois être un peu collante au bout d'un moment.
*mode Karimero OFF*
ATTENTION SPOILERS !
Ca se passe à la fin du film. Je pense que le point de vue est assez clair.
J'entre dans la chambre silencieuse. Tout le monde est prostré. Son état s'est aggravé mais on n'ose pas le dire à Alexandre. Il va bientôt le découvrir et sera fou de colère et de douleur. Je fais signe aux médecins de sortir. Ils savent qu'il n'y a plus rien à faire. Je lui donne à boire. Seulement de l'eau, il n'a plus besoin d'autre chose. Par les dieux, il est toujours magnifique. Malgré ses traits tirés, sa pâleur extrême, ses yeux rougis. Il a toujours été et restera beau jusqu'au dernier instant. Je comprend qu'Alexandre ait pu autant l'aimer. Il trempe ses lèvres faiblement dans le skyphos. Une quinte de toux l'empêche de boire. Je caresse son visage fatigué avec un chiffon humide. Il râle. Essaie de parler.
-Bagoas... Bagoas, je voulais te dire...
-Chut, ne fais pas d'efforts.
-Il le faut, balbutie-t'il. Je n'ai pas beaucoup de choses sur la conscience mais... il fallait que tu saches... tu peux me frapper, je ne répliquerai pas la fin est proche de toutes façons...
-Quoi ? Non, je ne vais pas te frapper, délires-tu ?
Je prend sa main tremblante. Il tousse encore douloureusement.
-Non, Bagoas... avant la fin je devais te dire...
Je continue de mouiller son front à l'eau tiède. Sa voix se brise, me fait mal au coeur.
-... je t'ai toujours détesté.
Il soutient mon regard difficilement, non par lâcheté mais submergé par la fatigue et la fièvre.
-Je préférais être honnête avec toi avant que...
-Hephaistion, dis-je en resserrant ma pression sur sa main. Moi aussi je voudrais être honnête avec toi. Je sais que tu vas mourir et ça m'attriste car Alexandre va perdre sa raison de vivre.
-Rien n'est moins sûr, murmure-t'il en détournant les yeux.
-Je te hais depuis que nous nous connaissons. Je t'ai haï dès la première nuit que m'a accordé Alexandre.
Il a l'air un peu surpris. Sa toux le fatigue beaucoup plus vite.
-Pourquoi dis-tu ça ? Tu as passé tellement de nuits dans son lit...
Sa voix se fait un peu plus forte. Il s'enflamme, dans un effort surhumain.
-... tu as partagé tant de fois sa couche ! Bien plus que ce que je n'ai jamais eu ! Tu ne...
Il s'interrompt dans un violent accès de toux qui le fait suffoquer. Je lui donne un peu d'eau en essorant un linge. Il retombe sur l'oreiller, épuisé. Je caresse sa joue doucement de mes doigts repliés. Comme si je n'en avais pas eu le droit. Pauvre garçon, il a lui aussi été victime des complexes d'Alexandre.
-Je comprend que tu m'en veuilles. Je le conçois tout à fait. A ta place j'aurais nourri les mêmes rancoeurs. Mais sache que tu n'as pas à m'en vouloir pour ça.
-Depuis que nous nous connaissons... nous ne l'avons fait que deux fois... pendant notre jeune adolescence. Il m'a donné sa virginité et je lui ai offert la mienne. Nous nous sommes affrontés deux fois aux jeux du lit et... et plus tard tu es arrivé...
-Il t'aimait plus que tout Héphaistion. Plus que sa vie même.
Il se décale sur les oreillers. Son regard malade me brise. Il reste fier.
-Je suis un homme... avant tout... Bagoas. Il m'aimait, je le sais. Mais la différence avec une simple amitié eut été qu'il me désire..., lâche-t'il, amer.
Je prend sa main dans un geste de soutien.
-Mais il te désirait. Il t'a toujours désiré...
Je vois ses yeux s'embuer.
-Ne mens pas, sale...
-Catin ? Je sais, oui. Ecoute-moi, par les dieux ! Tu ne le savais pas mais tous les soirs c'est à toi qu'il faisait l'amour.
Il renifle, l'air agacé.
-Quand il prenait son plaisir je sais qu'il ne pensait qu'à toi. Il ne m'a jamais regardé comme un homme. Malgré mes traits et attitudes de mignon, j'aurais aimé être respecté, moi aussi... mais je n'en ai pas le droit. J'ai toujours été la poupée, l'esclave de ses désirs. J'ai tout essayé. Aux moments ultimes, il fermait toujours les yeux et, c'est selon, criait ou murmurait ton prénom. Inlassablement.
Son regard me foudroie toujours. Mais je n'ai plus de raisons de lui mentir. Il faut bien tout lui dire avant le passage.
-Pourquoi ? Pourquoi me dis-tu tout cela maintenant ? Pourquoi n'as-tu pas avant...
-J'ai essayé, Hephaistion. Je te le jure. La première fois je me suis plaint. Il a manqué de me frapper et m'a ordonné de ne jamais raconter ça à personne. Et toujours il a recommencé.
-Toujours... ?
-J'ai tout tenté. Je lui ai tout fait. J'ai voulu le forcer à me regarder mais rien... rien ne l'a changé.
-Ce baiser qu'il t'a donné en public.
-Hephaistion...
-Il ne me l'aurait jamais accordé, à moi.
Sa voix est de plus en plus faible. Je lui fais signe de se calmer et reprendre son souffle.
-Hephaistion, ce baiser est la pire chose qu'il m'ait jamais faite.
Il ne me croit pas, aveuglé comme il l'est par la jalousie, je le comprend. J'explique :
-Il ne t'aurait jamais embrassé comme ça car il te respecte trop. Tu fais battre son coeur... tu...
-Quel est le rapport ?
-Pourquoi crois-tu qu'il m'ait fait l'immense honneur d'un baiser en public ? Devant ses compagnons, devant les grands d'Inde ? Pour asseoir sa domination sur moi. Pour bien signifier que j'étais sa putain. Je ne suis que son jouet, un moins que rien, il devait le montrer. C'est uniquement pour ça.
-C'est... c'est horrible, murmure-t'il en se ralliant à mon jugement.
-Je... je sais... je m'y suis habitué... mais je ne cherche pas à te faire pitié. Je veux juste être franc. Peut-être ai-je une condition peu glorieuse mais je suis honnête avec toi.
Il tousse, je lui tend des raisins pour adoucir sa gorge. Il n'arrive pas à les manger alors j'émiette la pulpe sur sa langue blanche. Ses yeux sont bordés de larmes. Vraiment de magnifiques yeux. Sa respiration se fait de plus en plus sifflante. Il reprend :
-Mais... pourquoi allait-il avec toi alors ? Craignait-il que je ne sois pas à la hauteur de ses besoins... ? Je ne comprend pas, nous...
-Non, ce n'est pas ça. Il avait peur, il te respectait trop pour ça. Il ne voulait pas te souiller.
Il me regarde sans comprendre. Sa main tremble contre la mienne. Je me penche sur lui doucement. Il me fait vraiment de la peine. La colère que je ressentais envers lui, ces soirs où Alexandre m'ignorait, m'a quittée.
-Alexandre est un homme. Il avait des besoins et il les soulageait. Même à deux, c'était toujours une orgie bestiale. Son désir n'était qu'une réaction mécanique. Son plaisir n'était que la marque de sa débauche, il n'aurait voulu pour rien au monde te mêler à ça, même si la seule pensée qui animait ses ardeurs était ton corps. J'aurais échangé toutes ces nuits pour un seul des regards qu'il te donne.
-Bagoas, tu l'aimes ?
Je soupire. La première fois que j'ai vu ce conquérant, je l'ai admiré, m'y suis attaché. C'était à la fois le viril tyran qui nous avait "délivrés" et un homme curieux, respectueux malgré tout un peu de notre civilisation. C'était celui qui se compromettait dans les bras d'un efféminé perse. Et plus il me méprisait, plus je ressentais des émotions contradictoires.
-Pas autant que tu ne l'aimes.
Il sourit, me croit-il ?
-Je suis désolé...
-Non, c'est moi qui le suis ! répondis-je précipitemment. Je voulais que tu saches qu'Alexandre t'a toujours réservé toute sa tendresse.
-Merci... mais j'aurais aimé retrouver ces émotions quand... quand il était à peine sorti de l'enfance... quand il m'a fait devenir un homme...
-Tu le referas, Hephaistion. Là-bas...
-Je ne sais pas.
J'ose venir m'asseoir plus près de lui. Il ferme les yeux, tenant toujours ma main entre les siennes, moites et chaudes.
-Tu en es sûr ? reprend-t'il.
-Oui.
-Raconte-moi comment ça va se passer, Bagoas. Le sais-tu ?
Sa voix n'est plus qu'un souffle. Je repousse ses cheveux collés à son visage par la sueur. Il est brûlant.
-Bien sûr. Tu vas glisser de l'autre côté et Charon, le passeur, te mènera dans ton lieu d'éternel repos, les Champs Elysées.
-Je ne suis pas certain de les mériter.
-Tu iras, n'aie crainte. Et à peine seras-tu arrivé dans ce pays où le miel tombe du ciel et où le lait fait les rivières, que tu entendras une voix t'appeller. Une voix que tu connais si bien. Tu te retourneras. Alexandre t'enlacera et te dira tout l'amour qu'il a... pour toi. Il t'embrassera avec toute la passion dont il brûle... pour toi. Je pense que tu te sentiras fondre dans ses bras...
-Je le pense aussi, murmure-t'il d'une voix rauque.
-Et loin de sa vie terrestre il pourra enfin se consacrer à toi. Tu seras son éternité. Et il sera la tienne.
Il tousse encore une fois. Les larmes roulent sur ses joues.
-J'ai peur...
-Je sais que vous serez heureux. C'est tout ce que je vous souhaite.
-Et toi ?
-Moi, j'oublierai et je referai ma vie.
Des éclats de voix nous parviennent du couloir. Je me relève. On ne doit rien savoir. Ses yeux brillent, il a compris qu'Alexandre venait. Je recule et reprend mon rôle. N'être qu'une amphore utilitaire, un vase à parfums dont on vante la beauté, au passage, pour faire bien devant les invités. La porte s'ouvre avec fracas. Héphaistion me jette un dernier regard amical. Son coeur est soulagé. Qu'il meure heureux. Il est en paix et moi aussi.
Fin
Dernière édition par Gâ-L le 23 Mar 2006 11:11, édité 1 fois.
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