Et voici un petit OS écrit rapidement, en réponse à mon obsession actuelle pour Rupert Graves, qui d'ailleurs ne risque pas d'aller en s'améliorant si je continue à regarder sans me lasser "Maurice" (je suis tout bonnement tombée amoureuse de ce film), "Chambre avec vue" et autre "Fatale".
Une petite pensée pour Kami, qui semble apprécier ce personnage autant que moi
Bonne lecture
ooOoo
Jetant régulièrement des coups d’œil derrière lui pour s’assurer qu’il n’était pas suivi, Dominic avançait rapidement dans les ruelles sombres, ne prêtant aucune attention aux flaques d'eau dans lesquelles il marchait régulièrement. Rien ne pouvait le détourner de son but désormais. L’envie était là, vorace, douloureuse et ne lui laissait aucun répit. Dans ces moments-là, aucune alternative, un seul choix s’imposait à lui, le même que d’habitude. Et comme à chaque fois, même la crainte de se faire surprendre semblait bien dérisoire. De toute façon il avait ses habitudes dans ce quartier, il venait assez souvent pour cela. Et si nul ne connaissait sa véritable identité ou sa profession, exactement ce qu'il fallait pour éviter les problèmes, lui connaissait à peu près tout le monde, une façon comme une autre de limiter les mauvaises surprises. Pour le reste, le risque engendré par sa situation ne faisait rien de plus que rajouter à l’excitation du moment.
Passant devant plusieurs prostituées, il les laissa l’interpeller sans se donner la peine de leur répondre, il n’était pas là pour ça. En revanche, il s’autorisa à sourire devant l’ironie de la situation. Qu’un quartier comme celui-ci résiste dans cet état policier, surveillé d’une main de fer par les sbires de Sutler avait un petit côté rassurant. Ce n’était certes pas le côté le plus glorieux des Anglais qui survivait ici, mais au moins avait-on l’impression que tous ne se laissaient pas dicter leur conduite. Et puis c’était une très bonne chose pour lui étant donné son… mode de vie. Sans un endroit pareil, son existence aurait été encore davantage compliquée qu’elle ne l’était déjà. Et plus frustrante également.
Débouchant dans une nouvelle ruelle tout aussi sordide que les précédentes, il remarqua deux hommes nonchalamment appuyés contre un mur de briques, occupés à fumer tranquillement. Dominic comprit avec soulagement qu’il arrivait au bout de son entreprise. Il les connaissait l’un comme l’autre pour les avoir croisés à l’une ou l’autre occasion, ils feraient parfaitement l’affaire. Dévisageant un instant le premier homme, mais peu satisfait par ce qu’il découvrait, il passa au second. Et ce qu’il eut sous les yeux l'attira nettement plus. Grand, fin, les cheveux de jais, cet homme là avait de l’allure, presque de la classe étant donné l’endroit. Exactement ce qu’il fallait. Dominic se contenta de le fixer un instant avec insistance, et l’autre sembla comprendre le message. Se détachant du mur, il jeta au loin son mégot avec un petit sourire entendu.
« - C’est soixante-quinze, lança-t-il tranquillement en venant vers lui.
- C’est pas un problème, conclut Dominic. »
L’homme le jaugea un instant en silence, comme s’il tenait à s’assurer qu’il pouvait lui faire confiance, puis haussa les épaules avant de se mettre en route vers l’extrémité de la ruelle, Dominic sur les talons.
Les deux hommes atterrirent derrière plusieurs bennes à ordures et le policier se retrouva très vite adossé au mur, l’autre l’embrassant avec ardeur tout en dégrafant son pantalon. Dominic ne s’était pas trompé, il était tout à fait doué pour ce qu’il avait à faire.
Tout cela n’avait certes rien de romantique, mais dans un monde où l’homosexualité était considérée comme un crime, un homme attiré par d’autres n’avait pas le loisir de se montrer romantique. Dominic le savait mieux que quiconque et avait appris à ne plus se plaindre de ce que ses choix de vie engendraient.
Pantalon et caleçon sur les chevilles, il se décida finalement à reprendre le contrôle de la situation, entendant bien prouver à son compagnon qu’il n’avait nul intention de se contenter d’un rôle de passif lors de leurs prochains et inévitables ébats. C’était toujours ainsi qu’il fonctionnait. Diriger les choses dans ces moments-là lui donnait l’illusion de tout diriger dans sa vie, sentiment ô combien jouissif. Lui tournant le dos pour s’appuyer au mur, l’autre homme ne sembla nullement s’offusquer de son choix, mais après tout c’était aussi pour cela qu’il était payé.
Tout se déroula rapidement, comme toujours dans ces instants-là. Il n’y avait pas de place pour la tendresse lors de pareilles étreintes, juste deux hommes qui s’offraient un plaisir aussi bref que nécessaire. Et si Dominic ne se sentait généralement pas forcément bien ensuite, au moins était-il un minimum apaisé, amélioration non négligeable à son quotidien en somme.
Il finissait tout juste de remettre ses vêtements en place lorsque plusieurs hommes se matérialisèrent comme par enchantement autour d’eux. Dominic s’apprêtait à sortir son arme mais plusieurs insignes firent leur apparition. Des représentants du Doigt, inutile donc de tenter quoi que ce soit. Le policier connaissait parfaitement leurs méthodes et savait que lors de ces rafles, ils étaient suffisamment nombreux pour n’avoir rien à craindre de représailles. Ils gagnaient toujours de toute façon.
Alors Dominic haussa les épaules tandis qu’un sourire naissait sur ses lèvres. Il souriait toujours lorsque le premier coup de matraque fut porté, brisant net son nez, et il souriait encore quand le sac noir se referma sur sa tête. Ce n’était pas de la bravoure, pas plus que de l’inconscience, juste du soulagement. Plus besoin de mentir à présent, désormais il pourrait être celui qu’il était, s’assumer, quel qu’en soit le prix. Après des années passées à mentir, il était prêt pour cela, pour le meilleur, et plus certainement pour le pire.
THE END