Me voici de retour avec un fandom un peu particulier, à la vérité je n'ai jamais lu de fics sur ce film mais bon, c'est sympa aussi parfois d'innover, et un pairing tout aussi particulier. Il n'y aura peut-être pas beaucoup d'amateurs, mais cette fic s'est imposée à moi sans prévenir et je ne me voyais pas y renoncer.
V... est l'un de mes films cultes, dénués à mes yeux jusque-là de potentiel slashique. Et puis en le revoyant il y a quelques jours, réunir ces deux personnages, campés respectivement par l'excellent Stephen Rea et le toujours adorable Rupert Graves, ne pas plus paru si improbable. De plus, le contexte du film me semblait intéressant.
A vous de me dire ce que vous en pensez.
Bonne lecture
ooOoo
Emergeant lentement d’un sommeil serein, toujours installé dans son fauteuil, qui désormais l’accueillait plus souvent que son lit, l’inspecteur Finch se sentait reposé pour la première fois depuis des jours. V, ces nouvelles attaques qui semblaient inévitables, le Grand chancelier et toutes ces choses louches qu’il était en train de découvrir sur le gouvernement au fil de ses recherches, l’obsédaient totalement, ne lui laissant que peu de répit depuis des mois. Il ne dormait pratiquement plus, ne vivait même plus, se contentant de passer des heures au bureau ou sur le terrain, dans l’espoir fou de venir à bout de toute cette enquête, même s’il n’avait pas la moindre idée de la façon de démêler ce sac de nœuds. Et la pression sur ses épaules étaient telle qu’il avait à plusieurs reprises envisager de démissionner, mais il n’était pas certain que Sutler aurait accepté ce genre de désistement aussi facilement. Alors il tenait bon, quoi qu’il en coûte.
Les quelques heures de sommeil qu’il était enfin parvenu à s’accorder avaient eu un effet plus que bénéfique et il avait l’esprit plus clair que jamais. Ce qui rendait sa situation d’autant moins enviable. Dans cette société où les libertés individuelles les plus élémentaires avaient été effacées, ne pas se fondre dans la masse pouvait s’avérer dangereux, de même que se montrer curieux. Ainsi, même s’il commençait à comprendre les tenants et les aboutissants de toute cette affaire qui allait bien plus loin qu’il ne le croyait au départ, la prudence était plus que jamais de rigueur. Une enquête sur sa façon de vivre lui aurait bien trop coûté pour prendre le risque de s’exposer. Il n’avait donc d’autre choix que d’adopter un profil bas, comme il le faisait depuis si longtemps.
Alors qu’il se levait finalement pour aller se servir un verre de son alcool favori, le bruit de la sonnette raisonna dans la pièce. Intrigué de recevoir de la visite à une heure pareille, il se dirigea rapidement vers l’entrée, pour découvrir son adjoint derrière la porte.
« - Dominic ?
- Inspecteur, désolé de venir vous importuner chez vous, mais vous ne répondiez pas au téléphone et comme vous aviez quitté le bureau plus tôt que d’habitude je voulais m’assurer que vous alliez bien… »
Finch sourit en faisant un signe de la main pour l’inviter à entrer. Il appréciait énormément ce gamin. Au début de leur collaboration il avait craint qu’il ne soit qu’une marionnette à la solde du parti, mais Dominic était intelligent et pas du genre à se laisser manipuler comme la plupart des autres policiers. Pas étonnant que les deux hommes ne s’entendent aussi bien.
Pénétrant dans le salon chichement meublé, Dominic jetait des coups d’œil discret autour de lui. C’était la première fois qu’il entrait chez son supérieur et la curiosité se faisait ressentir. D’autant qu’il y avait pas mal de bruits de couloir au bureau concernant la vie privée de Finch. Jamais marié à son âge, les rumeurs allaient bon train sur son compte, mais tant qu’il n’y avait pas de preuves il était plus ou moins à l’abri. Dominic pour sa part ne prêtait pas vraiment attention à ce qui se disait sur celui qu’il considérait comme son mentor. Lui-même dissimulait de son mieux un secret bien lourd à porter, il était donc bien placé pour comprendre la nécessité de conserver une vie privée.
Se tournant vers l’inspecteur, le jeune homme l’observa un instant en silence, se faisant comme bien souvent la réflexion que la vie était injuste. S’il avait vécu à une autre époque, cette époque dont il n’avait que de vagues souvenirs avant que tout ne change alors qu’il était lui-même si jeune, tout aurait été tellement plus facile. Etre attiré part le sexe fort dans une société où l’homosexualité était proscrite, condamnable, n’était pas une sinécure. Bien souvent Dominic, dans son souci de préserver les apparences, avait l’impression de se perdre. Alors qu’il ne désirait que pouvoir toucher un corps masculin, il se retrouvait régulièrement contraint de sortir avec des jeunes femmes qui ne l’attiraient aucunement, les embrasser, leur faire l’amour, pour se persuader d’être normal. Mais la frustration qu’il ressentait ensuite était telle qu’il ne s’en sentait que plus anormal.
Il aurait pourtant pu assouvir ses pulsions. Régulièrement ses enquêtes le conduisaient dans les bas fonds londoniens, dont Sutler continuait à nier l’existence, et dans ces endroits malfamés, hommes et femmes vendaient leurs corps, avec tous les risques que cela pouvaient engendrer. Avec un peu d'argent, Dominic aurait pu s’offrir une étreinte dans une ruelle sombre, mais la crainte d’être découvert en fâcheuse posture l’avait jusque-là toujours retenu. Alors il ravalait ses envies, taisait sa frustration et se contentait de rêver à des rapports qu’il ne connaitrait probablement jamais.
Pourtant, tandis qu’il était aussi proche de cet homme qu’il admirait tant, sa faim se faisait plus forte que jamais. Imaginer Finch dissimuler un secret identique au sien avait de surcroit un côté excitant, même s’il savait que cela ne changerait rien. Se prêter à cet acte, même pour deux adultes parfaitement consentant, représentait bien trop de risques. Et même s’il caressait par moment l’espoir d’une relation qu’il ne pouvait connaitre, il savait garder la tête sur les épaules, aussi frustrant que cela soit.
« - Tu veux boire quelque chose ? demanda Finch, le sortant du même coup de ses pensées. »
Le jeune homme secoua la tête et montra le dossier qu’il avait à la main.
« - Non, merci. J’étais venu vous remettre ceci. Quelques archives sur Larkhill, dégotées par l’un de mes contacts. Je pense que cela peut valoir le coup. »
Finch prit le dossier et le feuilleta rapidement, étonné comme toujours du professionnalisme de son adjoint. Mais cette enquête était importante pour lui, alors Dominic lui aussi s’investissait corps et âme.
« - Nous en reparlerons demain, reprit le jeune homme. Il fait que je reparte avant le couvre-feu. »
Tout en parlant, il se dirigeait déjà vers la porte d’entrée, mais Finch le suivait de près.
« - Reste, dit-il brusquement. Il y a de la place, tu peux parfaitement dormir ici. Cela nous donnerait l’occasion de parler loin des oreilles indiscrètes. »
Etant donné son état d’esprit actuel, Dominic savait que le plus sage aurait été de refuser la proposition, pourtant il acquiesça presque immédiatement la tête. Comme s’il avait justement espéré ce genre d’invitation en venant ici. Il se mentait à lui-même depuis si longtemps que prendre enfin un risque ne semblait soudainement plus aussi grave, quel qu’en soit les conséquences.
Les deux se retrouvèrent ainsi assis face à face dans les deux fauteuils de la pièce. Ils parlèrent un moment de cette affaire qui les occupait tant puis, comme ils avaient compris depuis bien longtemps qu’ils pouvaient se faire confiance, ils en vinrent à aborder des sujets plus personnels, plus intimes. Et à mesure qu’ils parlaient, Finch étaient de plus en plus intéressé par la personnalité qu’il découvrait. Au fil des mois, Dominic s’était montré moins naïf, plus critique à l’égard d’un parti qu’il était pourtant dangereux de remettre en question. Et ce soir il découvrait de surcroit un homme sensible, qui lui ressemblait tellement plus que ce qu’il n’avait soupçonné jusque-là. Et alors qu’il ne lui était apparu que comme un fantasme lointain, le jeune homme semblait finalement accessible et totalement réceptif.
Ses premières avances furent aussi bien accueillies que possible, aussi se prit-il à persévérer, faisant taire de son mieux la petite voix intérieure qui ne cessait de vouloir lui rappeler que, outre le danger inhérent à une telle relation, la différence d’âge était bien réelle elle aussi. Mais après tout Dominic semblait bien s’en moquer, alors pourquoi lui aurait-il dû se poser autant de questions ?
Le premier baiser laissa un goût d’inachevé à l’inspecteur, pourtant, découvrant l’air lointain du jeune homme tandis qu’il s’écartait de lui, Finch préféra ne pas insister, parvenant même à suivre la voie de la sagesse.
« - Dominic, tu préfères que nous en restions là ? Ce serait effectivement plus sage. Je vais te conduire à la chambre d’ami. Et demain… nous tâcherons d’oublier ce qui s’est passé.
- Non, souffla le jeune homme. Je n’ai pas l’intention d’oublier. Je n’en ai pas envie. J’ai juste besoin d’y aller doucement. Je n’ai pas l’habitude… Je n’ai jamais… »
Et immédiatement Finch comprit pourquoi Dominic semblait si vulnérable. Cela rendait du même coup la situation d’autant plus difficile.
« - En ce cas il faut mieux tout arrêter, décréta-t-il en s’éloignant.
- Non ! s’écria le jeune homme. Vous ne comprenez pas ? J’en ai assez de me mentir. Je veux… j’ai besoin de continuer. C’est ce que je veux depuis toujours, même si j’ai été jusque-là bien incapable de faire ce que mon cœur, mon corps tout entier me réclamait. Ce soir, ici, je dois le faire. Cet homme, ce V, se bat pour notre liberté. Si je reste enferré dans ces mensonges qui sont les miens depuis toujours alors son combat est vain. Nous devons accepter ce qui fait de nous des êtres différents, ainsi seulement nous mériterons le salut. »
C’était là des paroles censées, mais Finch ne pouvait s’empêcher de s’interroger. Comment être sûr que Dominic désirait vraiment cela et ne se laissait pas simplement dicter par l’admiration qu’il éprouvait pour son mentor ? C’était une décision bien trop grave à prendre, bien trop lourdes en conséquences pour être prise sur un coup de tête. Et le problème de la différence d’âge n’arrangeait rien par ailleurs. Dominic n’était certes plus un gamin, mais Finch n’aurait pas voulu pour autant prendre le risque de profiter de la situation.
« - Dominic, reprit-il donc, tu es sûr que c’est ce que veux vraiment ? Je veux dire, même si tu en as envie, rien ne presse, nous avons parfaitement le droit de nous montrer patients. Ce serait même recommandé.
- Je sais depuis l’adolescence que je suis attiré par les hommes, de cela je n’ai jamais eu le moindre doute, ce n’est certainement pas cela qui m’a fait hésité à franchir le pas. J’ai suffisamment attendu par peur, alors maintenant je ne veux plus perdre de temps. »
Achevant sa phrase, le jeune homme se leva pour aller se planter devant l’inspecteur, glissant une main dans ses cheveux.
« - Je sais très exactement ce que je veux, souffla-t-il à son oreille. »
Finch hocha la tête, cette fois il n’avait plus aucune raison de résister. Et lorsque Dominic amorça lui-même le second baiser, l’aîné n’eut plus le moindre doute. Quelque soient les conséquences, le prix à payer, ni l’un ni l’autre ne ferait plus marche arrière désormais.
« - Emmenez-moi dans votre chambre inspecteur, demanda Dominic tandis qu’ils s’écartaient l’un de l’autre.
- A ce stade, tu pourrais m’appeler Eric, tu ne crois pas ?
- Eric…, prononça précautionneusement le jeune homme comme si ce simple détail rendait toute la situation plus tangible. »
Les deux hommes se rendirent de concert vers les escaliers, montant rapidement à l’étage.
Dans la chambre, Dominic prit à nouveau quelques instants pour détailler tout ce qui l’entourait. Tout dans cette pièce démontrait que seul un célibataire pouvait vivre ici, l’absence de décoration, la fonctionnalité de chaque chose… Dominic lui-même vivait dans un environnement semblable. Cela avait un petit côté rassurant.
Se tournant vers l’autre homme, il lui adressa un sourire qui se voulait rassurant, pour que Finch n’ait plus le moindre doute quant à ses attentions. Il se dirigea ensuite vers lui et le prit d’autorité dans ses bras, dissimulant son manque d’expérience sous ses excès de motivation.
Motivation qui ne faiblit jamais lorsqu’ils se laissèrent choir sur le lit. Et pour la toute première fois de sa vie, entre les bras de cet homme, Dominic avait enfin la sensation d’être à sa place. Exactement là où il fallait, quoi qu’en pensent certains. Il avait possédé biens des femmes dans ce passé qui lui semblait brusquement tellement lointain, tellement étranger, mais à chaque fois il s’était senti terriblement seul malgré le plaisir physique. Cette fois au contraire, alors qu’il s’offrait sans retenu à cet homme, il faisait ce pourquoi il était venu au monde, sans mensonge, sans dissimulation. Il était enfin lui et cette révélation lui procurait davantage encore de plaisir que le corps qu’il découvrait peu à peu, que la peau qui caressait sa chair.
Ouvrant lentement les yeux, Dominic mis quelques instants avant de se souvenir où il était et surtout ce qu’il avait fait de sa nuit. Rien n’avait fondamentalement changé, il allait continuer à se cacher une fois sorti d’ici et n’avait aucune idée de la façon dont les choses évolueraient avec Finch, mais il se sentait étrangement serein.
Il remarqua alors qu’il était seul dans ce lit qui avait accueilli cette nuit des ébats qu’il avait craints ne jamais pouvoir connaître, mais avant qu’il n’en éprouve une quelconque déception, il se retourna pour découvrir son amant planté devant la fenêtre, occupé à regarder à l’extérieur. Ressentant le besoin irrépressible d’aller le rejoindre, le jeune homme remua précautionneusement non sans étouffer un gémissement de douleur. Non dénuées de tendresses, ses activités nocturnes avaient pourtant laissés leurs marques sur son corps courbaturé.
Il alla ensuite se planter derrière Finch, posa le menton sur son épaule, et regarda à l’extérieur la rangée de maison de l’autre côté de la rue.
« - A quoi pensez-vous ? s’enquit-il d’une voix douce.
- Je me demande simplement en voyant tous ces rideaux clos combien d’autres personnes sont obligés de se cacher comme nous le faisons. Combien de ces maisons anonymes dissimulent les mêmes secrets que le notre ?
- Plus que ce que Sutler voudra bien reconnaitre. »
L’aîné hocha doucement la tête tandis que les bras de son compagnon se nouaient autour de sa taille. Tant que des gens comme eux continuaient à exister, malgré les efforts de certains, l’espoir demeurait pour voir enfin les choses changer. Mais combien de vies brisées jusque-là ?
« - Ils ont tort, reprit la voix lointaine de Dominic. Nous sommes aussi normaux que n’importe qui. »
THE END.