Voici la suite ! Elle est plus longue parce que j'ai pas réussi à couper dedans pour faire plus de morceaux !!
Cybelia.
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Une main chaude et rugueuse était posée sur son front lorsque Stephen sortit des brumes de l’inconscience. Il ouvrit prudemment les yeux, un mal de tête intense lui martelant le crâne. Il crut avoir l’esprit encore endormi en reconnaissant le visage inquiet qui était penché sur lui. Il leva une main pour repousser les cheveux longs de son vis-à-vis qui lui chatouillaient la joue.
— Enfin ! J’ai cru qu’il vous avait tué !
— Jack ?
Le Capitaine s’éloigna un peu et aida son ami à s’asseoir. Stephen s’adossa contre la cloison derrière lui, puis jeta un regard inquisiteur à son compagnon d’infortune. Celui-ci semblait aller un peu mieux que la dernière fois qu’il l’avait vu, mais une lueur étrange avait envahi son regard.
— Que s’est-il passé après que je me sois évanoui ?
— Dillon vous a fait emmener par les Espagnol et m’a parlé…
Une sueur froide coula sur l’échine de Stephen. Les battements de son cœur s’accélérèrent. Une peur incoercible s’empara de lui tandis qu’il demandait, d’une voix qu’il espérait posée :
— Que vous a t’il dit ?
— Il m’a raconté votre rencontre… et m’a expliqué la nature… particulière… de vos relations… répondit Jack en fixant le sol.
Stephen était anéanti. Plus que les coups, plus que la torture, plus encore que la révélation de sa vie d’agent double, en voyant James Dillon, il avait redouté que Jack apprenne la nature de leurs relations amoureuses. Un silence pesant s’installa entre eux. Stephen, les genoux remontés contre son torse, gardait les yeux baissés, n’osant pas lever la tête de peur de croiser le regard dégoûté de son ami.
Ex-ami… pensa t’il avec amertume. Pourquoi a t’il fallu que nous nous fassions capturer par LUI ! Justement le seul homme sur terre qui pouvais me mettre dans cette situation ! Quel dommage que les Espagnols ne l’aient pas tué, finalement… Maintenant, Jack ne voudra plus de moi sur son bateau… je sais très bien ce qu’il ressent envers ce que l’Eglise et les gens bien pensants nomment « la sodomie ». Je sais qu’il ne tolèrera pas d’avoir une personne comme moi sur son navire… Je ne sais s’il l’a fait exprès, mais Dillon ne m’aurait pas fait plus mal en me tuant… je ne pourrais pas vivre en sachant que je n’inspire que du dégoût à Jack… à celui que je rêve de serrer dans mes bras… à celui que j’aime à en mourir…
Stephen eut un long soupir puis se décida enfin à jeter un coup d’œil vers le Capitaine de « La Surprise » qui était toujours silencieux, assis à quelques mètres de lui. Jack avait les yeux dans le vague. Il semblait perdu dans ses pensées, son visage tuméfié complètement inexpressif. Au bout d’un long moment, le médecin ne supporta plus le calme qui régnait dans la cellule et supplia :
— Parlez-moi… je vous en prie…
Seul le silence lui répondit. Alors, il prit une grande inspiration et se lança :
— Je suis certain que vous êtes choqué par ce que Dillon vous a appris sur moi. Je suis désolé de vous avoir déçu, Jack, mais telle est ma nature et rien ni personne ne la changera. Je sais que je suis un pêcheur… je sais que pour certaines personnes, je n’ai même pas le droit de vivre… mais voilà… J’espère que vous ne vous sentez pas trahi car je n’ai jamais voulu vous mentir, mais je n’avais pas le choix. Si vous aviez su, vous m’auriez jeté par-dessus bord et j’avais une mission à remplir…
La confession de Stephen fut interrompue par quatre gardes qui entrèrent subitement dans la geôle. Ils s’emparèrent des deux hommes et les ramenèrent dans la pièce où Dillon les attendait. Jack fut attaché sur la chaise et Stephen contre le mur, debout, les bras au-dessus de la tête. Dillon patienta jusqu’à ce que les Espagnols soient sortis, puis il s’approcha de son ancien ami.
— Je vois que vous avez l’air d’aller mieux. J’ai eu peur de vous avoir tué.
— Vous auriez mieux fait… murmura Stephen.
Dillon sourit largement.
— Oh… votre ami Jack n’a pas apprécié mes révélations ? Franchement, si vous n’aviez pas été aussi cachottier avec lui, je n’aurais pas eu à lui apprendre que nous avons été amants. Allez, Stephen ! Souriez un peu !
Le médecin leva les yeux vers le traître et gronda :
— Je vous jure que si le destin m’en offre l’occasion, je vous tuerai !
Ne semblant pas le moins du monde impressionné, Dillon s’avança encore, ne s’arrêtant que lorsque son visage fut à quelques centimètres de celui de Stephen.
— Vous m’avez beaucoup manqué… souffla le traître avant de plaquer ses lèvres contre celles de son prisonnier.
Après le premier choc de surprise, Stephen sentit une violente nausée l’envahir lorsque la langue de son ancien amant s’insinua de force entre ses lèvres. Il se débattit, mais Dillon le tenait fermement d’une main, l’empêchant de détourner la tête pour rompre le baiser. De son autre main, il déchira la chemise du médecin et commença à lui caresser le torse. Alors qu’il tentait de plus en plus fermement de se défaire de l’étreinte violente de son agresseur, Stephen s’immobilisa lorsque Dillon planta une dague à quelques centimètres de son visage avant de reprendre le baiser interrompu. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter dans son entreprise jusqu’à ce qu’une voix forte provenant de derrière le traître ne lui fasse lâcher sa victime :
— Ne le touchez pas !
Dillon s’écarta de Stephen en souriant, puis se tourna vers Jack. Celui-ci, toujours ligoté sur sa chaise, lui lançait un regard assassin. Son visage était déformé par la rage. Dillon s’approcha de lui, lançant :
— Vous vous décidez enfin à réagir ! Je me demandais jusqu’où il faudrait que j’aille pour que vous finissiez par vous manifester !
— Vous n’êtes qu’une ordure !
— Merci ! répliqua l’intéressé en souriant encore plus largement.
— Je vais vous tuer…
Dillon s’arrêta juste devant son ennemi et lui demanda d’un air narquois :
— Et comment comptez-vous vous y prendre, attaché comme vous l’êtes ?
Un sourire que Stephen connaissait bien apparut sur les lèvres de Jack. Dillon n’eut pas le temps de crier lorsque la main du Capitaine enserra subitement son cou. A demi-levé de la chaise, ses liens pendant derrière lui, Jack resserra sa prise avec son autre main. Dillon essaya de se dégager, commençant à suffoquer, mais la prise de son assaillant était ferme et solide. Les muscles des avant-bras de Jack, contractés au maximum, ne lui laissaient aucune chance de s’échapper. Au bout de quelques longues secondes, un craquement sonore se fit entendre et Dillon cessa de se débattre. Jack le relâcha brusquement ; le corps sans vie du traître s’effondra sur le sol. Stephen, encore sous le choc de l’agression dont il venait d’être victime, vit dans un état second le Capitaine s’approcher et sortir la dague du mur. Lorsque Jack coupa les liens qui lui maintenaient les poignets, ses genoux se dérobèrent sous lui et il s’effondra dans ses bras.
— Je suis désolé… murmura le médecin en essayant de reprendre ses esprits.
Son ami le déposa précautionneusement sur le sol contre la paroi, puis souffla :
— C’est à moi de m’excuser… Je n’aurais jamais du le laisser aller jusque là… Vous me pardonnerez ?
Stephen, surpris, ne répondit pas immédiatement. Alors qu’il allait enfin le faire, des voix leur parvinrent de l’extérieur.
— Les Espagnols ! s’exclama Jack. Cela ne va pas être évident de sortir d’ici avec cette petite dague pour toute arme ! Etes-vous en état de marcher ?
Stephen fit un signe de dénégation de la tête. Son corps se mit à trembler violemment lorsqu’il réalisa à retardement ce qui venait de se passer et, surtout, l’abomination de que Dillon avait failli lui faire subir. Jack se releva et alla ôter la veste du traître pour la donner à son ami. Il l’aida à l’enfiler et, voyant que Stephen tremblait toujours, il s’agenouilla près de lui et le serra doucement dans ses bras. D’abord crispé, le médecin finit par se détendre dans la douce chaleur de cette étreinte. Au bout de quelques minutes, très gêné, il repoussa Jack qui l’interrogea du regard.
— Ca va aller, murmura Stephen. Je peux marcher.
Il tenta de se lever, mais ses jambes n’étaient pas encore très sûres et il dut prendre appui sur son ami pour ne pas tomber. Celui-ci soupira :
— Vous n’êtes pas en état de vous battre… Je vais y aller seul, trouver un moyen de nous faire évader et je reviendrai vous chercher.
— Non… c’est trop dangereux… Partez sans moi…
— C’est hors de question ! Plutôt mourir que vous abandonner ici !
Il aida le médecin à se rasseoir par-terre, puis se releva et s’approcha de la porte. Il posa son oreille contre le battant de bois, essayant d’entendre combien de gardes se trouvaient derrière. Soudain, un bruit sourd le fit sursauter et reculer vivement. Son regard croisa celui de son ami. Tous deux semblaient aussi inquiets l’un que l’autre jusqu’à ce qu’un second grondement fasse vibrer le navire.
— La Surprise ! s’exclama Jack, un grand sourire aux lèvres.
— Vous êtes sûr ? demanda Stephen, perplexe.
— Certain ! Je reconnaîtrais le bruit des canons de mon vaisseau entre mille ! Ils sont venus nous chercher !
Le Capitaine se figea, écoutant attentivement, essayant de deviner ce qui se passait au-dehors. Stephen, adossé contre le mur, laissa son regard errer sur le visage tuméfié de son ami, admirant la force de caractère qui se dégageait de cet homme en toutes circonstances. Jack dut sentir que le médecin le fixait car il se tourna brusquement vers lui. Embarrassé de s’être fait prendre en flagrant délit de contemplation, Stephen baissa les yeux. C’est alors que son ami souffla :
— Lorsque nous serons en sécurité sur la Surprise, il faudra que nous parlions…
Le médecin n’eut pas le temps d’assimiler ce que Jack venait de lui dire car le navire fut ébranlé et une partie du plafond de la pièce s’effondra, heureusement assez loin d’eux. Au milieu de la poussière, ils virent alors une tête connue apparaître à l’envers par le trou béant.
— Cap’taine ? Doc ? Vous êtes là ?
— Ici Mr Bonden , répondit Jack, aidant à nouveau Stephen à se lever.
Le timonier de la Surprise sauta lestement dans la pièce et tendit à une épée à son Capitaine.
— Cela pourra vous servir, Sir.
— Merci.
Il confia le médecin au nouveau venu, puis jeta un regard circulaire autour de lui tout en interrogeant :
— Quelle est la situation ?
— Nous avons eu presque tous les Espagnols, les autres sont en train de s’occuper de ceux qui restent. Mais on devrait partir vite d’ici, le bateau est en train de couler.
Jack acquiesça silencieusement, puis se dirigea vers la porte qu’il ouvrit en grand. Comme il s’y attendait, plus personne ne la gardait. Les trois hommes se ruèrent alors dans le couloir désert, puis finirent par déboucher à l’air libre. Deux Espagnols se jetèrent sur eux et Jack dut s’en occuper.
— Ramenez le docteur sur la Surprise ! lança t’il à Bonden tandis qu’il se repoussait l’attaque.
Le timonier ne répondit pas, obéissant sans attendre. Stephen aurait voulu protester, ne supportant pas de s’éloigner de Jack, mais il n’en eut pas la force et se laissa emmener en sécurité sur le vaisseau anglais. Bonden l’assit sur les marches menant à la barre et reprit son poste qu’il avait abandonné à l’un de ses camarades lors de l’abordage. D’où il était, Stephen pouvait très bien voir Jack se battre contre les Espagnols, en tuant un rapidement avant de se débarrasser du second en le faisant tomber par-dessus bord. Lorsqu’il fut certain que plus personne ne lui barrerait la route, Jack courut vers son vaisseau, lançant un ordre à ses hommes :
— Coupez les cordes et repoussez-moi cette épave !
Les marins s’affairèrent à obéir, sectionnant l’un après l’autre les liens qui maintenaient la Surprise et le vaisseau espagnol côte à côte. Jack mit le pied sur son navire au moment où le dernier grappin tombait. Libéré de son soutien, le bateau ennemi commença à s’enfoncer, mais entraînait la Surprise avec lui. Les marins poussèrent le navire espagnol à l’aide de tout ce qui pouvait leur tomber sous la main. Enfin, l’épave s’écarta du vaisseau anglais et s’enfonça rapidement dans les eaux sombres de l’océan . Jack leva les yeux vers le ciel qui commençait à s’assombrir et Stephen sut qu’il remerciait Dieu d’avoir épargné leurs vies et son navire. Ce simple geste raviva chez le médecin la peur d’être rejeté. Difficilement, il quitta l’escalier et se dirigea vers l’entrée des cabines. Une fois à l’intérieur, il alla jusqu’à l’infirmerie, mais elle était encombrée par les blessés. Alors, ne se souciant pas des personnes qui s’approchaient de lui pour lui demander de l’aide ou s’enquérir de son état, il quitta les lieux et alla s’enfermer dans sa cabine. Là, il s’allongea sur le lit et ferma les yeux, espérant de tout cœur que tout ce qui venait d’arriver n’était qu’un mauvais rêve. Epuisé, il s’endormit rapidement.
A suivre...
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