Voilà plusieurs jours que les Achéens avaient dressé leur camp sur la plage troyenne. Au palais, les chefs troyens se disputaient inlassablement pour savoir quel moment conviendrait le mieux pour tenter une sortie et vaincre ces indésirables. Päris jeta un regard à son frère qui signifiait que la discussion le lassait et qu’il désirait partir. Hector acquiesça doucement et Päris disparut sans mot dire, sous le regard fatigué de Priam, son père. Le jeune prince quitta la salle pour se retrouver à l’extérieur du palais. Au loin scintillaient les feux des Grecs qui continuaient de fêter par le vin la victoire d’une trentaine des leurs. Malgré cela, chacun, il le savait se vanterait une fois rentré d’être le premier à avoir mis le pied sur le sol troyen. Il cracha sur l’orgueil de ces vauriens en espérant qu’aucun dieu de l’Olympe ne lui ferait la disgrâce de mourir sous l’épée de l’un de ces chiens. Seul l’un d’eux lui semblait digne d’un pareil honneur. Cet homme, qu’il avait l’impression d’avoir déjà vu. Lui semblait…différent. Selon son frère, c’était le premier homme à avoir mis le pied sur le rivage et c’est presque seul qu’il avait pris le temple et vaincu les défenseurs. Après une pensée pour ses frères morts au combat, Päris traversa les jardins et entra dans l’une des ailes du palais. Il poussa une porte et entra dans un couloir qui semblait descendre vers les Enfers. C’était un passage qui conduisait hors de la cité, connu par les seuls habitants du palais. Si la guerre venait à bout de la cité imprenable, alors ce couloir serait leur seul recours, et leur seul chance de rendre éternelle la mémoire du peuple troyen.
Une fois sorti, le jeune prince avança en prenant garde à ce que les défenseurs de la cité, patrouillant sur les remparts ne l’aperçoivent pas. Filant dans la nuit aussi invisible qu’une ombre, Päris arriva enfin dans cet endroit qui avait bercé son enfance et que peu de personnes connaissaient, même ceux qui vivaient à Troie depuis des générations. C’était une crique entourée de falaise, à laquelle on pouvait accéder par un passage étroit et glissant. Mais une fois en bas…Devant ses yeux sombres, la mer habituellement si claire avait unteint différent sans la lumière du soleil. La lune se reflétait cependant dans la crique et offrait une éclatante lumière qui admirait son reflet dans l’eau. Il s’assit alors dans le sable caressant les grains dorés qu’ils connaissait tant. Mais soudain :
- Ce n’est pas sage pour un prince de sortir seul le soir.
Il tourna la tête et se leva, se retrouvant face un homme de forte carrure, dont le visage était dissimulé par l’ombre de la falais. Päris tira alors son glaive et pointa ce mystérieux personnage.
- Qui êtes vous…Que…Etes-vous grec ?
- Je suis autant Grec que toi jeune prince, non, ne me compare pas à ces ivrognes aux ordres d’Agamemnon, sans aucun mérité. Je suis ici pour la postérité.
- Qui êtes vous alors ?
L’homme, dont la voix chaude avait troublé Päris s’avança alors, le jeune prince reculant à chaque pas. C’est alors qu’il reconnut l’homme qu’il avait aperçu au temple. Malgré la situation et le danger, Päris ne put s’empêcher d’admirer ce dieu vivant. Ses cheveux blonds tombaient sur son visage, mouillés, comme son corps l’était. Simplement vêtu d’un bas de tunique, il le regardait en souriant, mais Päris continuait de se méfier.
- Baisse ton arme, troyen ! Les journées sont faites pour la mort et la dévastation, la nuit est paix.
- Qui me dit que vous n’en profiterez pas pour me sauter à la gorge ?
- Personne ! C’est vrai. Seulement moi.
- Qui êtes vous ?
- Achille, roi de Thessalie.
Päris trembla. Cet homme était donc Achille. On disait de lui qu’aucune lame ne pouvait l’atteindre, et que tous ceux qui avaient tenté de le vaincre avaient déjà rejoint le royaume d’Hadès. On disait aussi que c’était un demi-dieu.
- Votre renommé vous précède. Et votre sincérité, je l’epère, ne vous fait pas défaut.
Päris baissa enfin son épée. De toute façon, Achille l’aurait pu vaincre qu’il soit armé ou non.
Le roi de Thessalie s’approcha alors de Päris et vint s’asseoir à son coté. Päris s’assit à son tour, confiant. Il ne pouvait s’empêcher d’admirer les reflets mouillés sur le corps du demi-dieu, mais espérait que celui-ci ne le voyait pas. Achille se contentait de regarder la lune, devant lui.
- C’est un beau pays que tu possèdes, Päris, fils de Priam.
- Il est vrai, Troie est la plus belle des contrées du monde des vivants.
- Par Zeus, j’aimerais que tu puisses admirer les rivages scintillants de la Thessalie. Tu en ressortirais changé.
- C’est possible, lorsque je vois que le premier homme de Thessalie que je rencontre est aussi l’homme le plus étrange que je n’ai jamais rencontré.
- Et cela te fais peur, jeune prince ?
- Non, la peur m’est passée. Je suis plutôt…intrigué.
Un silence s’ensuivit…
- Pourquoi es-tu parti avec Hélène ?
- Je vous demande pardon ?
- La question en est pourtant évidente, pourquoi l’as-tu emmenée ?
Päris ne savait plus ce qu’il devait répondre. Il avait tant envie de partager la vérité, mais ce ne serait rien moins que pure trahison envers son peuple et sa patrie...et Démétrius.
- Ma question te trouble, jeune prince ? Ne l’aurais-tu pas emmenée pour un amour partagé ?
- Non, pas vraiment ?
- L’as-tu enlevée contre son gré ?
- Pas du tout !
- Alors pourquoi ? Pourquoi tant d’hommes vont-ils mourir ?
- Parce que c’est leur choix. Ceux qui se battent ne se battent-ils pas pour la postérité ? N’es-tu pas ici pour cette raison même, Achille, roi de Thessalie ?
- Tu m’as tutoyé !
- Quoi ?
Le silence revint…
- Tu m’as tutoyé.
- Vous me tutoyez bien, vous.
- Et bien continue, je n’aurais pas l’impression d’être en face d’Agamemnon ainsi.
…
- Tu détestes cet homme, n’est-ce pas ?
- Qui, Agamemnon ?
- Oui !
- Tu as raison, mais je crains que les dieux aient décidé de faire de moi son simple esclave.
- N’est-ce pas à toi d’en décider ?
- Non !
…
- Tu es un homme étrange Achille, dans quelques heures tu seras peut-être en train de voir tes hommes mourir sur mes ordres et tu ne me tues pas, de tes mains, sur le champ. Tu en serais capable, je le sais.
- J’en serais capable, mais en serais-je soulagé, ou heureux ? Sans ton acte, nous ne serions que des rois destinés à mourir les uns après les autres, et seul subsiterait ce diable d’Atride qui nous commande. Non ! Tu es l’agent des dieux, et ils me puniraient pour un tel acte.
Les yeux bleus d’Achille se plongèrent dans le regard de Päris qui frissonna.
- Päris, tu me sembles être un homme plein de ressources et qui plus est, béni des dieux. Si leur sort souhaite que la bataille n’éclate pas demain, alors j’espère te revoir ici, à la lueur d’Artémis. Ainsi, nous pourrons continuer à converser. J’attendrai cet instant avec impatience.
- Si les dieux le souhaitent, je vous rejoindrai aussi.
C’est alors que le corps scintillant du demi-dieu glissa dans l’eau et après un dernier regard, le jeune prince vit son corps disparaître derrière un récif. L’esprit agité, il marcha vers le sentier et rentra au palais, ses pensées tournées vers cette mystérieuse apparition divine.
NDA : Voilà j’achève ici mon deuxième chapitre. Mes deux derniers mots sont mes remerciements pour Cybélia que je remercie de m’avoir donné envie d’écrire à mon tour. Merci pour vos reviews ! La suite, bientôt !
_________________ Mec atteint par le slash, décidé à en écrire maintenant.
Dernière édition par aranael le 27 Mai 2007 10:06, édité 1 fois.
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