Un grand merci à Aléa pour la bêtalecture.
Disclaimer : Les personnages ne m’appartiennent pas, je ne tire aucun profit de cette fanfiction.
A jamais.
Du plus loin que je m’en souvienne, et pour autant que j’étais sobre, tu as toujours été maître de moi. Un seul mot de toi suffisait pour que je revienne à la raison lorsque je me laissais emporter.
Je me rappelle du jour de mon mariage avec Roxanne, de ces quelques heures avant la cérémonie pendant lesquelles je m’étais violemment disputé avec tous les membres de mon conseil, tous sauf toi évidemment. Pourtant c’est toi qui aurait eu le plus le droit de me dire de ne pas me lier à cette barbare, c’est toi qui aurait pu exiger que j’en fasse ma maîtresse et non mon épouse. J’offrais une reine à la Macédoine mais celle-ci ne voulait pas d’elle, ses nobles ne voulaient pas d’elle. Toi seul, mon amant, respectais mon choix.
Il est vrai que tu étais tout aussi visionnaire que moi. Pourtant tu souffrais, et moi aussi. Oui j’aimais cette femme, d’une certaine façon, mais je l’épousais avant tout pour avoir un héritier à qui léguer l’empire que nous avions conquis lorsque le jour serait venu… celui où je serais trop vieux, celui où je serais tué par un de mes compagnons d’arme. Je ne me faisais aucune illusion, pas plus hier qu’aujourd’hui. Aucun d’entre eux n’hésiterait entre ma vie et le pouvoir. Aucun. Excepté toi, Héphaïstion. J’en reviens toujours à ça. Tu étais le seul qui m’aimait pour moi et non pas pour ce que je pouvais potentiellement lui donner en terme de gloire, de richesses ou d’honneurs. Si je t’avais proposé de diriger une de nos satrapies tu m’aurais ri au nez, peut-être même insulté. Et pour le coup tu aurais eu raison.
Je me revois, excédé, à bout de patience, plaquer Cassandre contre le mur. Ma main droite crispée sur son cou, je serrais si fort que j’aurais pu le tuer. Et puis ta voix s’est élevée dans le silence de la pièce. Juste mon prénom murmuré du ton apaisant et intime que tu utilisais lorsque nous faisions l’amour. Et j’ai relâché mon emprise… sans que je me souvienne l’avoir voulu.
Les quelques minutes que nous avons volées avant ma nuit de noce me reviennent en mémoire. Tu m’as offert une magnifique bague égyptienne, tu m’as dit qu’elle te faisait penser à moi, et tu l’as passée à mon doigt. Si tu savais ce que j’ai ressenti à ce moment là… Je ne te l’ai jamais dit, je n’ai pas osé, et maintenant il est trop tard ; mais à cet instant, par ce geste, tu as fait de moi ton mari bien plus que n’aurait pu le faire n’importe quelle cérémonie, n’importe quel serment. Les promesses que l’on s’est faites, toi seul les as tenues. Moi je me suis contenté de suivre mon instinct. La plupart du temps ça ne nous a pas trop mal réussi, mais maintenant qu’elle importance ? Tu n’es plus là pour m’accompagner dans ma conquête inlassable, tu n’es plus là pour que je puisse te serrer dans mes bras et embrasser tes lèvres fines, tes lèvres que je connais si bien que je pourrais les sculpter moi-même dans le marbre.
Le jour où j’ai tué Claytos… ce jour là ta voix n’a pas suffie. Je suis tellement honteux de mon emportement, tellement triste d’avoir eu cet accès de colère. L’alcool et la fatigue de ces mois passés à combattre expliquent peut-être mon geste mais ils ne l’excusent pas. J’ai ôté sa vie sans raison valable. Il était le compagnon d’armes de mon père, il m’avait sauvé à Gaugamèles, et moi je l’ai remercié en l’assassinant. J’aurais dû être jugé pour ça, payer pour mon crime, mais il n’en était pas question. J’étais Alexandre n’est-ce pas ? Alexandre le Grand. Qu’ai-je encore de grand aujourd’hui que tu n’es plus là ? Seule l’admiration que je lisais dans tes yeux faisait de moi un être d’exception. Seul ton avis m’importait. Et je n’ai même pas été capable de tenir ta main pendant ton agonie. Je n’ai pas eu la force de voir tes yeux se voiler et ta bouche tenter d’aspirer une dernière goulée d’air encore empreinte d’un semblant d’espoir de vaincre la maladie et de rester près de moi.
J’ai bien vu que tu te battais jusqu’au bout, que tu m’as attendu pour mourir, que tu ne voulais qu’une chose… ne pas partir seul, abandonné au fond de ce grand lit, sous ces couvertures brodées d’or. Mais que l’or m’a-t-il apporté ? Rien, puisqu’il n’a pas pu te sauver. Je suis probablement l’homme le plus riche de ce monde mais en cet instant c’est parfaitement inutile.
Oui, maintenant je te tiens la main. Tes magnifiques prunelles fixent désormais un monde qui m’est inaccessible… pour le moment. J’ai été lâche Héphaïstion, je n’ai pas su t’accompagner jusqu’aux portes de la mort. J’aurais dû te tranquilliser, te réconforter, apaiser au moins la peur que je sentais dans ton cœur à défaut de pouvoir soulager la douleur de ton agonie. Si tu savais comme je m’en veux… bien plus que d’avoir épousé Roxanne, bien plus que d’avoir tué Claytos, ou encore insisté pour aller jusqu’en Inde. Mes plus grandes erreurs je les mesure en fonction du mal qu’elles t’ont fait.
Je te demande pardon mon aimé, mon tendre amour. Et je te jure, tu entends… je te jure… que je vais te rejoindre. Tu ne resteras pas seul très longtemps. Alors attends-moi s’il te plaît. Attends mon âme qui se meurt sans toi.
Tu m’as reparlé de nos années insouciantes, ces années pendant lesquelles nous avons voyagé tous les deux, à l’époque où la conquête du monde n’était pas encore ma plus grande obsession. Non, à cette période c’était ton corps ma seule obsession, c’était ton expression pâmée et repue quand je te faisais l’amour, c’était ta façon de m’ouvrir les bras avec ce sourire lascif qui me rendait complètement fébrile. Et je sais que si tu m’as rappelé ces instants pendant lesquels tu te déguisais en prince arabe c’est uniquement pour que je tienne sans toi, pour que je continue ma quête… ma conquête.
Mais ce que je ne t’ai jamais dit, c’est que je t’aime Héphaïstion.
Je t’aime tant. A jamais. Comment pourrais-je te survivre ?
FIN
Dernière édition par MAPI le 24 Oct 2010 10:03, édité 1 fois.
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