Chapitre 38 : Avec Tony.
Il passèrent la soirée à manger des saucisses, des steaks, des épis de maïs, grillés. Ils évitèrent l’alcool, Tony sortit une bouteille de coca. Il faisait frais, la nuit tombait, ils avaient allumé la lumière sous le porche : Buck avait fermé son blouson bleu jusque sous son menton. Tony remarqua :
- Il te va bien.
- Quoi ?
- Ton blouson, j’étais allé avec Steve pour l’acheter. Il m’a dit qu’il voulait du bleu à cause de tes yeux… fichu romantique ce Steve…
- C’est ma couleur préférée, il le sait.
- Ah ! Voilà toute l’explication…
Il observa son compagnon, chercha comment tourner sa question, puis finit par demander :
- Alors, qu’est ce que vous avez fait de beau chez Clint ?
- Rien de particulier…
- Menteur !
- Non, c’est vrai. On s’est baladé, on a fait des pique-niques, on a joué avec les gamins, Clint nous a fait faire du tire à l’arc, on a été à une fête foraine. J’ai même failli me noyer…
- A la fête foraine ?
- Non, dans la rivière…
- T’as voulu te baigner en plein hiver ?
- Non, pas vraiment… bien que…
- Bien que quoi ?
- J’ai d’abord plongé volontairement pour rattraper Lila, le courant était très fort, on a failli y rester tous les deux…
- Tu as joué au héros…
- Non… je n’avais pas le choix, il n’y avait que moi pour la sauver, les autres étaient trop loin…
- Les Barton te doivent une fière chandelle !
- Ils ne me doivent rien du tout…
- Et ensuite ? Après avoir joué au héros ? l’eau était bonne ?
- Non, glaciale… Steve m’a fait prendre un bain forcé…
- Dans la même rivière ?
- Oui, mais dans un endroit plus calme, évidemment !
- C’est un sadique, ce type. Il y est allé aussi au moins !?
- Oui… c’était froid… mais avec lui, c’était presque agréable…
- Presque ?
- Oui, quand même, sur la couverture, après, c’était mieux…
Il avait l’air rêveur. Tony lui jeta sa serviette à la tête.
- Pense pas à ça ! Ça va te faire faire des cauchemars !
- Oh non… ça ne me fera pas faire de cauchemars. Aucun risque, c’est d’autres choses qui risquent de m’en faire faire…
- Et bien, je t’interdis d’y penser. Reste avec Steve, finalement, ça vaut mieux.
Il resta un moment silencieux, puis reprit :
- Donc, vous avez pris du bon temps…
- Oui…
Tony se leva.
- Tu veux de la glace au chocolat ?
- Non, j’ai plus faim.
Tony avoua :
- Moi non plus…
Il empila les assiette avant d’ajouter :
- Ça te dit d’aller pêcher, demain ?
- Je ne sais pas…
- Ne dit pas ça… t’as déjà pêché ?
- Non, jamais…
- Ok… on s’installera demain matin au bout du ponton, je te montrerais…
Ils débarrassèrent la table puis firent la vaisselle. Après une brève partie d’échec que Buck, comme d’habitude, perdit, ils montèrent se coucher. Dans le couloir, Tony questionna :
- Ça va aller ?
- Oui…
- Tu fais encore des crises d’angoisse ?
- Y’a longtemps…
- Bucky, si tu veux, je mets un matelas par-terre et je dors dans ta chambre.
- Non… c’est ridicule !
- J’ai pas envie que tu meures étouffé, Steve m’en voudrait beaucoup !
- Je poserai la boite de calmant à portée de main… et puis, je crie assez fort dans ces moments là… vous devriez m’entendre…
- Si t’étouffe, pas si sûr…
- Vous inquiétez pas, je ne suis pas en sucre… Bonne nuit.
- Bonne nuit, répéta Tony en regardant la porte se refermer.
Il aurait aimé que Buck accepte. Il aurait préféré dormir près de lui. Il savait dans quel état il pouvait se mettre parfois… Il chassa l’idée, Buck était un grand garçon, il était sans doute capable de gérer, après tout…
Au moment où Buck se glissait sous la couette, son téléphone annonça un message. Il le lut, Steve lui disait : « On est dans le jet, bonne nuit, mon bébé. »
Buck sourit. Il savait que Steve n’était pas accro à ce genre de message : toutefois, il pensait à lui. Il se contenta de répondre de la même manière : « Je t’aime, Steve, donne-moi de tes nouvelles. »
Il savait qu’il ne répondrait pas. Steve se faisait difficilement aux méthodes de correspondances modernes, le fait qu’il lui ait envoyé un message était déjà une belle preuve de tendresse.
Buck eut du mal à trouver le sommeil, les bras de Steve lui manquaient, sa chaleur… Il avait emmené la chemise qui traînait sur la chaise de leur chambre et que Steve n’avait pas encore mise à laver. Il l’avait roulée en boule afin de la serrer contre lui. Elle avait l’odeur de Steve, c’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour l’avoir encore un peu avec lui. Néanmoins, il mis de longues heures avant d’arriver à s’endormir. Quand enfin il ferma les yeux un cauchemar le réveilla en sursaut. Il se leva d’un coup pour aller ouvrir la fenêtre et le volet, l’air de la nuit l’aida à retrouver son calme. Il se sentit désespéré : Steve venait de partir et tout recommençait déjà. Il resta là près d’une demi-heure avant de se remettre au lit, le nez dans la chemise bleue. Il tourna de longues heures, il était plus de six heures lorsqu’il parvint enfin à se rendormir.
Tony se leva vers huit heures. Il ne pouvait pas s’empêcher d’être inquiet. Il mit l’oreille contre la porte puis, n’entendant aucun bruit, il l’ouvrit doucement. Le soleil passait au travers des interstices des volets et éclairait la chambre. Tony entra sans bruit, il s’approcha du lit. Il sourit : Buck dormait sur le ventre, une chemise bleue dans les bras, le nez dedans. Stark s’assit avec précaution sur le lit. Il avait envie de le regarder, d’être un peu avec lui puisque Steve le lui avait confié. C’était comme un cadeau précieux, Tony avait envie de le toucher : il retint sa main. Il était content de voir qu’il allait bien, qu’il dormait, en apparence, paisiblement. Il n’essaya pas de bouger, il laissa les minutes s’écouler. Buck mit un moment avant de se réveiller. Il tendit un bras pour chercher quelque chose près de lui. Tony murmura : « Il n’est pas là…
L’autre sursauta, se redressa et s’assit sur le lit en apercevant Stark près de lui. Il bougonna :
- Qu’est ce que vous fichez là ?!
- J’étais un peu inquiet… je suis venu voir si tout allait bien…
- Il y a longtemps que vous êtes là ?
- Un quart d’heure, vingt minutes…
- Vous m’avez fait peur…
- Ce n’était pas le but… c’est quoi cette chemise ?
Buck la cacha sous l’oreiller.
- Ça ne vous regarde pas…
- Elle est à Steve !
- Puisque vous le savez, pourquoi vous demandez !
- C’est mignon…
Comme Buck le foudroyait du regard. Il sourit puis ajouta :
- T’as bien dormi ?
Buck hésita. Il ne savait pas s’il devait mentir ou dire la vérité. Il opta pour la vérité, le mensonge ne lui avait jamais réussi.
- Pas vraiment, avoua t-il.
- Des cauchemars ?
- Oui, malheureusement…
- La chemise n’a servi à rien.
- Oui, elle m’a aidé à m’endormir.
- Vraiment ?!
- Oui, elle sent lui…
Tony rit.
- Oui, j’en doute pas, il l’avait porté au moins trois jours !
- Idiot !
Plus sérieusement, Tony reprit :
- Si ça ne va pas, je viendrai dormir avec toi.
- Non. Ça ira.
- Oui… Arrête de faire le fier, je sais à quoi m’en tenir avec toi !
Il ébouriffa les cheveux emmêlés avant d’ajouter :
- Allez viens, on va se faire un bon petit-déj’ !
Buck poussa la couette pour s’asseoir sur le bord du lit : il était nu comme un ver. Tony constata :
- Tu dors à poil !
- Oui, sinon j’ai trop chaud.
- Tu pourrais prévenir !
- Fallait pas me surprendre dans ma chambre.
Il dit ça en lui jetant un petit regard narquois. Tony se sentit rougir. Pour cacher son trouble, il fit celui qui plaisantait :
- La pudeur, tu connais pas ?
- Non, c’est un truc de filles…
En disant cela, il enfila son boxer. Il se leva ensuite pour aller chercher ses vêtements qui étaient posés sur une chaise, un peu plus loin. Tony suivit des yeux le joli postérieur moulé dans le sous vêtements aux couleurs du drapeau des États-Unis. Il remarqua en le regardant enfiler son jean :
« Tu supportes Captain jusque sur tes sous vêtements ?!
Buck sourit. Il ferma les boutons sur le boxer en expliquant :
- C’est lui qui me les a achetés…
- Ouais… tout à fait lui... »
Il ne dit rien de plus. Néanmoins, il devait reconnaître que Bucky était bigrement agréable à regarder au levé du lit…
Ils allèrent pêcher sur le bord du lac, au bout du ponton. Tony fut content d’expliquer l’art de la pêche à son compagnon qui écouta, attentif. Le soleil se montrait, parfois, entre les nuages, amenant un peu de chaleur en ce jour un peu frais. Ils parlèrent de tout et de rien pendant un bon moment. Puis, au terme d’un long silence, Buck murmura : « Cette nuit, mon cauchemar… j’ai rêvé de tes parents…
Tony frémit, il posa son regard brun sur l’homme près de lui. Il reprocha :
- Bucky… !
L’autre fixait ses doigts, il reprit :
- Je suis tellement désolé…
Tony tendit la main pour serrer une épaule entre ses doigts.
- Ça va, Bucky…
Mais celui-ci était lancé, il avait quelque chose sur le cœur, il continua :
- Je connaissais votre père… on a travaillé ensemble, avec Steve et les commandos hurlants. On a mangé ensemble, on a plaisanté… et moi…
- Ce n’est pas ta faute, Bucky…
- Il m’a reconnu… il a dit mon nom, je m’en souviens. Ça m’a fait quelque chose… j’aurai dû réagir… pourquoi je n’ai pas pris cette fichue moto pour m’enfuir ! Pourquoi j’ai cogner ?! Pourquoi je m’en suis pris à votre mère ? Tony, vous devriez me détester !
Il regardait toujours ses mains, elles tremblaient. La mâchoire contractée, il serrait les dents pour ne pas pleurer. Tony, lui aussi, avait une boule dans la gorge. Il ne pouvait pas en vouloir à Buck, mais quand même les images en noir et blanc étaient encore gravées dans sa mémoire. Ses doigts allèrent caresser les cheveux sombres.
- Bucky, dit-il avec beaucoup de douceur, HYDRA t’avait parfaitement programmé. C’est facile de se dire après « j’aurais dû », malheureusement, sur le moment, tu n’avais pas les facultés de le faire…
- Votre père était un type bien… il m’a remonté le moral une fois…
- Je ne l’ai pas connu au même âge que toi… je me souviens de l’homme de soixante ans. Toi, tu te souviens du jeune homme de vingt-cinq ans…
- Il aimait bien Steve… ils s’entendaient bien tous les deux…
- Mieux que moi avec lui ?
- Oui, je pense… Steve et vous, vous êtes un peu comme chien et chat…
Stark acquiesça.
- Oui, c’est vrai… avec toi, il parlait moins ?
- On se voyait, on se connaissait… mais on était d’abord les amis de Steve.
- Pourquoi il t’a remonté le moral mon cher père quand il était jeune ?
- Je m’étais isolé, un jour qu’on était à la base. J’avais un gros coup de cafard, Steve se rapprochait de plus en plus de Peggy, j’étais jaloux…
- J’imagine… ça me fait de la peine rien que d’y penser…
Buck eut un pauvre sourire, il continua :
- Howard est passé, il m’a vu. J’étais assis sur une caisse de munitions dans un entrepôt. Il est venu s’asseoir près de moi, il a remarqué en riant : « Et bien, Barnes, vous n’avez pas peur que ça explose ? »
J’ai haussé les épaule en répliquant : « En ce qui vous concerne ce serait une perte considérable, mais moi, bon débarras... »
Il a eut l’air choqué, il s’est penché pour mieux me voir, il a dû voir des traces sur mes joues, car il a continué : « Vous avez pleuré ? »
Bien sûr, j’ai nié, j’avais honte… Il m’a tapé sur l’épaule, un peu comme vous le faites, parfois. Il a demandé, comme si c’était une évidence : « Amoureux ? » J’ai bougonné, je n’avais pas envie de répondre. Il a poursuivi : « Ça se voit… vous devriez faire attention quand vous regardez la personne en question. » Là, ça m’a scié. Je savais qu’il avait un très bon sens de l’observation mais là… J’ai dû rougir jusqu’au front. En même temps j’ai pensé qu’on ne pensait certainement pas à la même personne. Il a dit encore : « Je connais son prénom… » J’ai marmonné : « Taisez-vous…
Il a poursuivi : « Son prénom commence par un S et finit par un E… ses yeux son bleus, ses cheveux plutôt blonds… » J’ai répété : « Taisez-vous… » Il a encore serré mon épaules entre ses doigts...
Buck toucha son épaule comme s’il pouvait encore sentir le contact de la main de Howard, il continua :
- Votre père avait tout compris bien avant tout le monde… il a dit : « Laissez faire le temps… les choses se tassent avec lui... »
Je n’ai rien répondu. J’étais trop abasourdi pour réagir. Il s’est levé en ajoutant : « Je vous aime bien Barnes… si vous avez envie de parler, venez me voir, et ne vous en faites pas, je ne le dirais à personne... »
Il a tenu sa promesse… j’aurais peut-être pu me confier à lui si je n’étais pas tombé du train à la mission suivante…
Tony murmura :
- Je ne connaissais pas mon père sous ce jour là… je l’aurais cru moins ouvert…
- C’était un chouette type… Il m’a reconnu quarante sept ans après… mais, moi, qu’est ce que j’étais devenu ?…
- Bucky, arrête de te faire du mal. Si, moi, je ne te fais pas de reproche, tu ne dois pas t’en faire non plus.
- Comment vous faites ?
- Je t’ai détesté… maintenant je ne déteste plus personne. HYDRA n’existe plus… Je me dis que mes parents reposent en paix. Toi, tu n’es qu’une victime de plus.
Des larmes coulèrent sur les joues brunes. Tony caressa la nuque.
- Ne pleure pas, ça me rend malade. Je suis sûr que mon père avait sentit toute cette sensibilité que tu tentes de cacher.
- C’était encore plus vrai en 43, je détestais qu’on me voit pleurer. Les hommes ça ne pleurent pas, c’est ce que me disait mon père. Quand il me cognait, je ne laissais mes larmes couler qu’une fois loin de lui, sinon, il m’aurait traité de lavette et frappé encore plus fort…
- Ne pense plus à ça…
- J’essaie… mais depuis quelques mois, ça se bouscule dans ma tête. Il y a plein de souvenirs refoulés qui remontent à la surface.
- Ton cauchemar, cette nuit, c’était ce soir du 16 décembre 1991 ?
- Ça a commencé avec votre père en 43, il me disait cette phrase : « Je vous aime bien, Barnes » il était jeune, insouciant, il répétait toujours ces quelques mots… puis, brusquement, j’ai été face au Howard de 1991… je le frappais, votre mère l’appelait, c’était horrible. Le sang sur son visage, sur mes mains, les cris de votre mère… pardon, Tony… »
Il fondit en larmes. Stark l’attira contre lui. L’autre pleura, la tête sur son épaule. Tony avait des larmes dans les yeux, il renifla. S’il avait pu, a ce moment là, tenir l’un des responsables d’HYDRA, il l’aurait noyé dans le lac avec un plaisir sadique.