Voilà, voilà... Chapitre 63 : Un petit garçon battu.
Dès le mois de décembre, Steve commença à travailler à l’aéroclub où Clint était inscrit comme pilote. Il faisait de la mécanique et aussi beaucoup de pub au petit aérodrome qui subitement se mit à attirer beaucoup de curieux. Buck demeura à la maison, passant beaucoup de temps avec Laura, les enfants et surtout Nathaniel pour lequel il servait souvent de garde d’enfant. Il allait le chercher au car, le gardait le soir quand sa mère était occupée. Le gamin en était ravi, il ne se lassait pas de la compagnie de Buck : tous deux s’étaient trouvés et s’entendaient parfaitement. Le gamin savait que dès le retour de Steve, il était bon qu’il file, Buck n’avait alors que la joie de retrouver son compagnon. Ils passaient les week-end l’un avec l’autre, parfois, ils faisaient une sortie avec Clint, Laura et les enfants. Stark donnait toujours des nouvelles, ainsi que Sam qui passait beaucoup de temps à la base. Steve lui manquait, il trouvait que le quartier général avait perdu son âme sans Captain aux commandes. Pourtant, lui, comme les autres allaient devoir faire de plus en plus souvent sans lui, ils le savaient. Ce mercredi matin, après avoir fait un footing ensemble, les deux hommes se séparèrent : Steve partit en moto pour l’aérodrome et Buck rangea rapidement la maison en attendant l’arrivée du petit garçon qui devait venir passer la matinée avec lui. Il surveillait l’arrivée du gamin en écartant régulièrement le rideau de la cuisine. Après une heure d’attente, il se décida à aller prendre des nouvelles dans la maison voisine. Ce fut Laura qui l’accueillit, elle lui expliqua aussitôt : « Je lui ai interdit de sortir, il a un peu de fièvre et le nez qui coule, t’as pas reçu mon message ? Buck s’excusa : - J’ai encore oublié mon portable dans un coin… - C’est pas grave, il va être content de te voir. Il boude, il ne voulait pas resté couché ! - Qu’est ce qu’il a ? vous savez ? - Oh, un bon rhume ! La fièvre est légère, il a à peine 38°, rien de grave ! Viens ! » En voyant Buck, Nathaniel abandonna la bande dessinée qu’il était en train de lire. Il avait les joues un peu rouges mais semblait en assez bonne forme. Il s’empressa de récriminer : « Maman veux que je reste couché ! Je ne suis pas malade ! j’ai juste le rhume ! c’est embêtant les femmes ! Buck sourit. Il s’assit sur le lit en disant : - Tu as de la fièvre, si tu t’agites tu la feras monter. - On devait aller faire un tour tous les deux ! Et maintenant, je suis obligé de rester enfermé ! c’est pas juste ! Laura reprocha doucement : - Sois sage, Nathaniel, sinon Buck va repartir. - Non, je veux qu’il reste ! - Alors calme-toi, je vous laisse. Elle sortit. Le gamin poussa un gros soupir. - Pourquoi faut-il que je sois malade aujourd’hui mercredi, il aurait mieux valu que ce soit hier ! - On ne choisi pas… Tu veux faire un jeu ? - Non, je veux que tu me racontes une histoire. - Oh, tu sais, je ne suis pas très doué pour ça… - C’est pas vrai, tu sais bien ! - Une histoire de quoi ? - Je veux que tu me parles de ton méchant papa qui t’enfonçait des couteaux dans la main. - Ce n’est arrivé qu’une fois, heureusement. - C’était déjà très méchant, pourquoi il t’aimait pas ? - Il aurait voulu que je lui ressemble et ce n’était pas le cas… - Je ne ressemble pas à papa, il m’aime quand même ! - Oui, ça vaut mieux… la vie n’était pas drôle pour moi. - Raconte ! - Le matin quand je me levais pour aller à l’école, il était dans la cuisine, assis à table. En général, à cette heure là, il était sobre… - Ça veut dire qu’il n’était pas encore soul ? - Oui, c’est ça. Il ne me parlait pas, je mangeais très vite et je me sauvais, j’avais peur de lui. J’allais retrouver Steve. Lui et moi, on se voyait tous les jours, qu’il y ait de l’école ou pas. J’étais bien mieux avec lui ou chez lui que chez moi. Cependant, le soir, il fallait bien que je rentre, ma mère m’attendais pour manger. La plupart du temps, mon père rentrait quand j’étais à table, je me dépêchais de manger pour lui échapper, malheureusement si j’étais déjà dans ma chambre à son retour ça le rendait furieux. Il me rejoignait et me cognait pour m’apprendre à l’attendre. Alors, je restais à table. Il venait s’asseoir. Il sentait la sueur et l’alcool, je détestais ça. Il râlait après ma mère pour qu’elle le serve rapidement. Rien n’était assez bon pour lui, il n’était jamais content. Je me taisais, je me faisais tout petit. Il finissait toujours par s’en prendre à moi. Il trouvait quelque chose : ma façon de me tenir, de manger, de respirer. Il lui fallait un prétexte pour me cogner. Ensuite, c’était le même scénario chaque fois. Il me giflait, m’arrachait de sur ma chaise, me bourrait de coups de poing, de coups de pied… Je me traînais dans l’escalier pour lui échapper. Il me suivait, m’attrapais par une épaule et me faisait redescendre les marches sur le dos. Ma mère hurlait, pleurait, le suppliait d’arrêter. Fatigué, il finissait par se rasseoir, je pouvais enfin aller me réfugier dans ma chambre… - Il était fou ton père ?! - Non, c’était un ivrogne, un ivrogne qui me détestait… - Moi aussi, je le déteste… - Il est mort depuis longtemps… - Tant mieux ! Raconte encore ! - Je me souviens d’un soir d’hiver, en janvier. Il faisait très froid dans ma chambre. J’avais enfilé plusieurs pull et mettais fourré dans mon lit. Mon père m’avait mis son poing dans la figure un peu avant, j’avais la lèvre qui saignait encore. J’ai entendu qu’il se disputait avec ma mère. Tous deux criaient de plus en plus fort. Je me suis levé, j’avais peur que mon père frappe ma mère. Du haut de l’escalier, j’ai regardé ce qu’ils faisaient : ils criaient… Ma mère reprochait à mon père sa façon de me maltraité. Elle était furieuse, je ne l’avais jamais vu se rebeller. Elle était petite, délicate et avait peur de mon père. Mais là, elle se rebellait. Alors, il a levé la main sur elle. Il l’a frappée, elle est tombée sur le plancher. Il l’aurait frappée encore si je n’avait pas crié en descendant l’escalier : « Laisse-la ! Je t’interdis de la toucher ! » Il est devenu blanc de rage, il s’est précipité sur moi. J’étais encore dans l’escalier, il n’a pas eu le temps de monter deux marches, je me suis jeté sur lui, j’étais furieux, je n’avais qu’une seule idée en tête : me venger de tout ce qu’il m’avait fait subir toute ma vie… Je suis tombé sur lui et j’ai commencé à cogner. Il avait le visage en sang, je cognais toujours : je lui ai cassé le nez et plusieurs dents… Ma mère me criait d’arrêter, que j’allais le tuer. Je crois, qu’au fond, c’est ce que je voulais… je voulais qu’il meure… Comme il ne remuait plus, j’ai fini par arrêter. J’avais mal aux mains, elles étaient pleines de sang… Je suis parti en courant jusque chez Steve, je pensais l’avoir tué… - Il est pas mort ? - Non, mais il m’a foutu la paix après ça. Je crois qu’il avait peur de moi. Ma vie est devenue plus simple, enfin, si on peut dire… - Il ne t’a plus jamais tapé ? - Non, plus jamais. - T’étais plus malheureux alors ? - J’ai eu d’autres misères… - Quoi ? - Je te raconterais ça plus tard… - Pourquoi ? - C’est des histoires compliquées d’adultes… - Je suis sûr que ce n’est pas si compliqué ! Vous, les grands, vous compliquez tout… raconte ! - J’aimais Steve… - C’est pas compliqué, ça… - A l’époque, ça l’était. Les garçons devaient aimer les filles… - Et les filles les garçons ?! - Oui, c’est ça… je ne pouvais pas le dire à Steve, c’était mon seul ami, j’avais peur de le perdre, je n’aurais plus eu personne. J’ai eu souvent envie de mourir. J’avais l’impression de ne pas être normal, j’avais honte… plus je grandissais, plus j’en souffrais… - On ne choisi pas pourtant… - Non, on ne choisi pas. J’aimais Steve depuis toujours… je me suis forcé à fréquenter des filles, pour faire comme tout le monde mais ça ne me rendait pas heureux… - Bah non, évidemment… Buck rit. - Je ne devrais pas te raconter ça, tu es trop petit. - Non, je comprends tout ! - C’est certain, tu as plus de jugeote que certains adultes ! Le gamin se rengorgea, tout fier. Buck se leva pour prendre un jeu de cartes. - On fait une partie ? - Si tu veux… Buck distribua les cartes. Nathaniel ajouta : - Il t’aimait, Steve, c’est bête que tu lui es pas dit plus tôt… - C’est facile à dire après coup, sur le moment ça l’était beaucoup moins… - T’es heureux maintenant ? - Oui… - Dis ? - Oui ? - Tu me raconteras quand tu étais prisonnier d’HYDRA ? - Tu sais ça aussi… - Oui, j’ai été voir sur internet, je voulais savoir. On m’a expliqué pour Steve, mais toi, personne voulait me dire… dis… tu me raconteras ? - Plus tard, j’ai beaucoup de mal à en parler… - Ça te rend triste ? - Oui, très triste… - Si ça te rend triste, je préfère jouer aux cartes. - Je préfère aussi... » Il présenta son jeu pour que le gamin choisisse une carte. Tout ça lui rappelait de bien mauvais souvenirs...
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