CHAPITRE 7 : Sibérie.
Les jours, les semaines, les mois passèrent sans nouvelle de Bucky. Le fait qu’il ait abandonné son téléphone prouvait à quel point il tenait à mettre une distance entre eux et lui. Steve tomba dans une profonde dépression. Tony dû faire appel à Natasha pour tenter de lui faire remonter la pente. Celle-ci passa beaucoup de temps avec lui. Elle l’entraîna dans des petites missions de sauvetage. Ils passèrent du temps à la salle de sport, à la piscine. Ils allèrent au cinéma, faire de grandes balades. Malheureusement, tout le ramenait à Bucky, il se reprochait son départ et ne parvenait pas à reprendre le dessus. Il rompit définitivement avec Sharon quand elle proposa de venir le voir, elle ne comprit absolument pas ce qui se passait et personne ne chercha à lui expliquer. Ils firent des recherches, mais comme ils s’en doutaient, tous, il leur fut impossible d’obtenir le moindre renseignement sur Bucky. Il avait tous simplement disparu. Bruce était venu avec Natasha, il passait une bonne partie de son temps avec Tony. Celui-ci s’était vite réconcilié avec Pepper. Toutefois, il se reprochait le départ de Buck, ce soir là, c’est lui qui avait tout fait déraper. Il se jura de ne plus jamais boire à l’excès. Quatre mois s’écoulèrent tristement. Les premiers jours de décembre étaient pluvieux et froid. Steve passait des heures entières dans la salle de sport à passer ses nerfs sur des sacs de frappe qui finissaient crever. Ce week-end là, il était seul à la base avec Tony. Celui-ci s’acharnait à des essais compliqués dans son atelier et ne voulait voir personne. Pepper était donc partie en balade chez sa sœur et Bruce et Natasha s’étaient offert un week-end en amoureux. Steve errait comme un lion en cage, entre la salle de sport, sa chambre, la cuisine et la grande salle où il passait des heures à lire. Vers onze heure, quand il vint dans la cuisine pour prendre un café, il trouva Stark faisant la même chose : il lui montra une enveloppe sur la table : « Y’a ça pour vous, dit-il simplement. Steve déchira le haut de l’enveloppe pour en sortir une feuille à l’écriture pointue. Tony vit son visage changer à mesure qu’il lisait. Quand il lui tendit la lettre, ses mains tremblaient, Stark lu : - Ne le cherchez plus. Il est de retour au bercail, avec moi. Il y a de quoi le rendre docile ici. Je me suis un peu amusé, je l’avoue… Je sais que vous tenez à lui. Je crois qu’il à besoin de vous, Captain. Je trouve qu’il supporte beaucoup moins bien la douleur qu’avant. Regardez dans le fond de l’enveloppe, pour l’instant je me suis arrêté là. Venez vite ou vous recevrez d’autres petits morceaux de lui. Steve retourna l’enveloppe et cinq ongles tachés de sang tombèrent sur la table. - Nom d’un chien ! Fit Tony. - Je ne sais pas de qui il s’agit, mais il l’a torturé… - Il est a l’ancienne base d’HYDRA, en Sibérie, remarqua Stark. - Je dois y aller. Comme Steve tournait les talons, Tony se leva en décrétant : - Je viens avec vous. - Il ne parle que de moi… Objecta l’autre. - Je m’en fiche, je ne vous laisserai pas vous jeter seul dans la gueule du loup. - Alors restez discret ! - Vous savez que je suis la discrétion même. Comme Steve ne sembla pas apprécier la plaisanterie, il ajouta en lui serrant l’épaule : - On va le sortir de là. » Ils se préparèrent. Steve se contenta d’une arme, de cartouches et de son bouclier, il opta pour la discrétion et un blouson assez chaud, la Sibérie au mois de décembre c’est le froid et la neige. Stark fit de même, préparant juste son armure afin de l’endossée rapidement. Le Quinjet décolla, Tony aux commandes : il y avait plusieurs heures de vol. Ils demeurèrent longtemps silencieux, Steve était inquiet, il se rongeait les ongles. Le pilote finit par rompre le silence : « Steve, vous avez une idée de qui peut être ce taré ? - Non, je ne vois pas qui pourrait s’en prendre à Bucky pour m’atteindre… - Quelqu’un qui sait combien vous tenez à lui. - Après que je me sois mis hors la loi pour le défendre, beaucoup ont dû le comprendre. - C’est quelqu’un qui connaissait HYDRA, sa base, le rôle de Buck… - Et même comment le manipuler, remarqua Steve, c’était écris. - Buck est déprogrammé, non ? - Oui, je pense. Mais, il a parlé de le rendre docile, je ne sais pas que ce type entend par là… HYDRA avait certainement une sécurité, un dispositif de secours au cas où Bucky leur aurait échappé… - Mais pourquoi s’en prendre à lui plutôt qu’à vous directement ? - Il a peut-être perdu des proches à cause de moi, qui sait où mène la vengeance… vous connaissez ça ? Tony savait à quoi il faisait allusion, il reconnu : - J’étais hors de moi, je n’ai pas su contrôler ma douleur, je le regrette aujourd’hui, c’est peut-être pour ça que je me suis attaché autant à lui… - Peut-être… répéta doucement Steve. Tony voulu lui remonter le moral et sans doute le sien en même temps : - Ça va aller, Steve, on va le sortir de là… L’autre renifla en regardant ailleurs. Stark reprit : - Sérieusement, Steve, les années avant qu’il ne parte au front, vous ne vous êtes jamais rendu compte qu’il était dingue de vous ? - J’en sais rien… je sentais que quelque chose n’allait pas chez lui, mais il ne se confiait pas. Les filles défilaient comme si sa vie en avait dépendue… De temps en temps, elles disparaissaient, plus une seule à l’horizon. Dans ces moments là, il était froid, distant : j’avais l’impression qu’il me faisait la tête. Il pouvait aussi, d’un coup, vouloir passer du temps avec moi… Il donnait, alors, l’impression de vouloir redevenir un gamin… Puis il y avait de nouveau une fille… Je crois qu’une fois, il a tenté de se suicider, déjà… - Vous croyez ? - Sa mère m’a appelée, elle m’a dit qu’il était parti voir une fille qui habitait le Queens. Elle l’avait trouvé bizarre, elle s’inquiétait parce qu’il ne rentrait pas alors qu’il lui avait promis d’être là pour manger. Je l’avais vu la veille, il était déjà dans un mauvais jour. Je l’ai cherché… Je l’ai trouvé, il était seul sur le nouveau pont de l’avenue Meeker. Je sais qu’on était en 1939, le pont venait d’être inauguré. Il était appuyé sur le garde fou, il avait le regard vide, j’ai compris pourquoi sa mère était si inquiète, ce regard ne présageait rien de bon. Il ne m’a pas entendu arrivé. Quand j’ai été assez proche, j’ai dit son nom pour qu’il me voit. Il s’est tourné vers moi en constatant : « Ah, c’est toi... », ensuite il s’est remis à contempler le vide. Je me suis appuyé au garde fou près de lui et je lui ai demandé ce qui n’allait pas. Il est resté silencieux, j’ai insisté en lui demandant si une fille lui avait fait de la peine. Il a sourit puis a répondu sans cesser de regarder au bas du pont : « Oui, quelqu’un me fait de la peine tous les jours, mais c’est sans le vouloir, ce n’est pas sa faute. - Tu ne veux pas me dire qui c’est ? - Non, je ne peux pas... Je ne savais pas quoi faire, il me faisait de la peine et j’étais furieux contre cette personne qui le faisait souffrir… C’était moi… C’est alors qu’il m’a dit froidement : - Il est vraiment chouette ce pont, il suffirait d’enjamber et hop… tout serait fini… Ça m’a fait froid dans le dos. Je me disais que si j’étais arrivé un peu plus tard, ou que si sa mère ne s’était pas inquiétée, il aurait peut-être mis sa menace à exécution. J’ai dit : - Viens, Bucky, ne restons pas là. Je voulais l’éloigner de ce pont. Il m’a regardé, je n’oublierai jamais ce long regard, j’ai dit : - Cette fille, il faut que tu lui parles ! Il avait toujours ce même regard que je ne comprenais pas quand il a répondu : - Laisse tomber, Steve, tu ne peux pas comprendre. Il a lâché le bord du pont et m’a suivi. Non, je ne comprenais rien. Toutes les filles lui tombaient dans les bras, je me disais : - Mais pourquoi faut-il qu’il s’attache à celle qui ne veut pas de lui ? Brusquement, j’ai cru comprendre, j’ai demandé : - C’est une femme mariée ? Il a secoué la tête et m’a pris par l’épaule comme il faisait souvent. - Ne sois pas idiot ! Évidemment que non ! Je lui ai fait remarquer que ce n’était pas si idiot que ça. Il a retrouvé son sourire en disant : - Je t’ai toi, c’est tout ce qui compte. Je suis désolé pour ce que j’ai dit tout à l’heure, je ne le ferais pas… J’ai remarqué : - J’espère bien ! Il m’a demandé si je voulais venir manger chez lui, comme j’étais content de le voir sourire de nouveau, j’ai accepté. Ses parents avaient fini de manger, sa mère nous a servi tous les deux. Il a été a mes petits soins toute la soirée. Si je voulais ci, si je voulais ça, si c’était bon, si j’en voulais encore… Je n’ai jamais rien compris… Maintenant, je me dis que c’était clair pourtant… - Ça peut le paraître aujourd’hui, répliqua Stark, mais sur le moment ça ne l’était sans doute pas tant que ça. - Quand il est parti pour le front, continua Steve, je crois qu’il pensait ne jamais rentrer, ne jamais me revoir. Il ne voulait pas que je cherche à m’engager, il me disait de rester tranquille et de faire ce que je pouvais en restant à Brooklyn. Il ne s’attendait certainement pas à me revoir quelques mois plus tard avec vingt centimètres de plus et des muscles tous neufs. Il est resté avec moi, dans les commandos hurlants, pendant plusieurs mois, je me demande ce qu’il pouvait ressentir. Je me souviens que ses yeux brillaient quand il me regardait, il admirait peut-être ce que j’étais devenu, il avait l’air fier de moi, fier d’être mon ami. En même temps, il m’a toujours dit qu’il suivait le petit gars de Brooklyn et que c’était pour lui qu’il était resté… je n’ai pas pu attraper sa main, ce jour là, quand il est tombé du train… Je pense que ça a été le moment le plus horrible de ma vie. Bien pire que de plonger dans les eaux froides de l’atlantique nord… - Vous n’aviez pas l’impression de l’aimer un peu plus que la norme ? - Non, il était mon ami, je le considérais comme mon frère… Steve sourit en se rappelant : - Il n’aimait pas que je lui dise qu’il était mon frère, il me disait : « Tu es bien plus qu’un frère pour moi, les frères se disputent, se battent. Jamais je ne me battrais avec toi, jamais. » Il insistait sur le « jamais », HYDRA l’a fait mentir… Stark assura : - Le Bucky Barnes que vous connaissiez ne s’est jamais battu contre vous, vous le savez… Tous comme il n’a jamais tué mes parents. Ce n’était plus Bucky à ce moment, il ne savait même plus qui il était. - Je sais, Tony, moi j’ai dormi pendant près de soixante dix ans, lui a souffert pendant tout ce temps, et moi, je n’étais pas là pour lui. Le pire, c’est que l’autre soir, quand j’aurai pu enfin faire quelque chose pour lui, que j’en crevais d’envie, j’ai été m’enfermer dans la salle de bain… Tony fut d’accord : - Et oui, conclut-il, là, c’était n’importe quoi ! » Ils se turent. Steve retomba dans ses pensées et Stark le laissa avec elles. Ils gardèrent le silence le restant du trajet. Steve décida de rentrer seul dans la base. Stark gardant l’effet de surprise. Ils pouvaient correspondre grâce à leur oreillette. L’ancienne base d’HYDRA était telle qu’ils l’avaient laissée trois ans auparavant. Tout cela ne lui rappelait rien de bon. Il explora prudemment chaque salle, chaque étage en rendant compte à Stark de ce qu’il voyait : pour l’instant rien. Ce ne fut qu’en arrivant au dernier sous-sol qu’il trouva une salle éclairée. C’était une grande pièce rectangulaire, aux épais murs de ciment, aux sol de terre battu. De vieux néons crochés aux plafond éclairaient d’une lueur blafarde, des caisses étaient empilées dans un coin. Il y avait une fenêtre blindée à environ deux mètres de haut. Derrière, un homme dont Steve distinguait difficilement le visage. Tous ceci lui rappelait la très désagréable mise en scène qu’il avait dû subir avec Bucky et Stark lors de leur dernière venue sur cette base. Steve informa Tony de sa position, puis cria : « Où est-il !? L’homme laissa un moment de silence avant de dire : - Voyez-vous Captain, si vous me tuez vous ne le saurez jamais et il mourra. - Qu’est ce que vous voulez ? - Vous voir souffrir. - Alors venez vous battre et laissez le partir. - Non, ce serait trop facile. La plus grande des souffrance c’est de voir ceux qu’on aime mourir, pas de mourir soi-même. - Je le sais ça ! Dîtes-moi au moins ce que vous me reprochez ?! - Vous vous souvenez de Washington ? De la base du SHIELD ? - De la base d’HYDRA vous voulez dire ? - Oui, si vous voulez. J’y étais le jour où vous avez tout détruit. J’ai tout perdu ce jour là. J’ai tout perdu à cause de vous.Tous mes amis, tout ce qui m’étais cher. Ça fait cinq ans que je vis la peur au ventre, qu’on me retrouve qu’on m’arrête. HYDRA était si près de réussir, vous avez tout gâché ! - Bucky n’est pour rien là-dedans ! - C’est vrai. Mais il est utile à ma vengeance. Je n’ai eu aucun mal à l’attirer, il a suffit que je lui rappelle quelques mauvais souvenirs et il a très vite voulu savoir qui j’étais. Une bien mauvaise idée, car dès qu’il est arrivé, j’ai actionné ceci. Il montra une sorte de petite télécommande et continua : - Son bras a tout de suite été désactivé et une petite puce situé dans son dos lui a rappelé comme il était douloureux de ne pas vouloir obéir aux ordres. Sur ce point, je vous félicite, vous l’avez parfaitement déprogrammé. - Vous êtes une ordure ! Pourquoi torturer Bucky alors que c’est de moi que vous voulez vous venger ! - Je vous l’ai dit, vous en souffrirez que davantage. Vous avez trouvé ses ongles ? - Qu’est ce que vous lui avez fait ?! Cria Steve de plus en plus furieux. - Vous connaissez le knout ? Steve serra les poings, il dit doucement à Stark dans son oreillette : - L’avez-vous trouvé ? Il est enfermé dans une pièce à mi-hauteur de la grande salle du sous-sol dont je vous parlais. Tony répondit : - Pas encore, j’avance… - Ne le tuez surtout pas, je ne sais pas où il a mis Bucky… - Ok. Comme Steve ne répondait pas, l’homme reprit : - C’est un fouet, un fouet très particulier. Une vingtaine de coup suffit à tuer un homme. J’ai voulu tester sa résistance. J’ai été déçu… bon, je dois reconnaître pour sa défense, que je l’avais déjà bien éprouvé… Mais j’ai dû m’arrêter à douze, je ne voulais pas risquer de le tuer si vite… - C’est abominable ! Bucky ne vous a rien fait ! Dîtes-moi où il est, ensuite nous réglerons nos comptes, vous et moi ! - Ah ! j’ai oublié ! Il a voulu s’enfuir… Du coup, j’ai dû lui loger une balle dans la jambe, comme il est têtu, il a fallu que je lui tire ensuite dans l’épaule, puis dans le ventre, ça l’a enfin arrêté. Il regarda sa montre, avant de poursuivre. - Je vais vous dire où il est, de toute manière vous ne pourrez plus le sauvez. Avez-vous remarqué que cette salle a quelque chose de particulier ? Steve regarda autour de lui, ne vit rien. - Non, continua l’autre, le sol, regardez le sol. - C’est de la terre ? Remarqua Steve. - Oui, et dans la terre on peut enterrer des choses…. Steve sentit son sang se glacer. Son regard scruta la terre battue autour de lui, il dit à Stark : - Il l’a enterré vivant ! » Au même moment, il vit Iron man entrer en trombe dans la petite pièce à mi-hauteur. Steve ne s’occupa pas de savoir ce qui se passait là-haut. Il n’avait qu’une idée trouver une pelle et l’endroit où était Bucky. L’endroit, il le trouva facilement, il lui suffit de pousser les quelques caisses empilées dans un coin. La terre avait été remuée. Mais pas de pelle. Il dû chercher dans les autres pièces. Il finit par trouver ce qu’il cherchait. Il se mit à creuser, les muscles tendus, la sueur au front. Il appela plusieurs fois Bucky, il lui sembla entendre une vague réponse. Mais l’appel était faible, il ne se renouvela pas. Stark entra bientôt en courant, il ne portait plus son armure. Il tomba à genoux et se mit à creuser avec un morceau de ferraille. Steve, sans ralentir le mouvement de la pelle, questionna : « Où est votre armure ? - Cet abruti l’a mis hors service avec une simple télécommande, je suis vert ! - Elle ne fonctionne plus du tout ?! - Non, rien, complètement HS ! - C’est sûrement le même truc qui a désactivé le bras de Bucky ! Là-dessus, il appela encore : - Bucky ! Tiens le coup ! On arrive ! - Il ne répond plus… remarqua Tony la gorge serrée. - Il me semble l’avoir entendu quand j’ai commencé à creuser… Et l’autre, là-haut, vous en avez fait quoi ? - Il est mort, il avait une pilule de cyanure dans la bouche. - Un pur descendant d’HYDRA, c’est lamentable... - Comme vous dîtes ! La pelle de Steve heurta quelque chose. Il se jeta à genoux dans le trou et frappa, d’un coup poing qui entama la peau de ses doigts, le couvercle qui venait d’apparaître. Le bois craqua, les jambes du prisonnier apparurent. Steve espérait faire entrer un peu d’oxygène, il aurait préféré tomber du côté du visage. Il bougonna : - Merde… c’est ses jambes… » Il se remit à creuser, la sueur lui coulait dans les yeux, Stark l’aidait de son mieux. Ils changèrent de place. Tony dégageant le côté des pieds, Steve ôtant la terre du côté opposé. Dès que sa pelle eut dégagé suffisamment de terre, il fit un nouveau trou dans le couvercle sans se préoccuper de son poing en sang. Cette fois, le visage de Bucky apparut. Steve passa sa main pour lui tapoter les joues, elles étaient chaudes mais il ne réagissait pas. Il sentit son cœur se serrer. Avec Stark ils finirent de dégager la terre puis arrachèrent le couvercle. Ce dernier prit les pieds, Steve les épaules, ils le sortirent du trou pour le poser doucement sur la terre battue. Stark était très pâle. Steve pleurait sans s’en rendre compte. La chemise, le tee-shirt, le jean de Buck étaient couvert de sang séché, il était pied nu. Steve tapota les joues, souffla un peu d’oxygène entre les lèvres. Stark s’agenouilla près de lui en murmurant : « J’ai peur qu’il ne soit trop tard… - Non ! Fit Steve, non ! Dans sa colère, il frappa plus fort le visage autour duquel les cheveux avaient repoussés, encadrant de longues mèches les joues, le front, le cou. Les lèvres remuèrent, laissèrent entendre un faible gémissement. - Il est vivant ! s’écria Steve. Stark retrouva instantanément des couleurs. - Il faut sortir de là au plus vite, remarqua t-il. - Il faut l’emmener au Quinjet, il a besoin de soins. - Prenez-le sur vos épaules et sortons vite… par là ! Dit-il en montrant la sortit opposée au Quinjet. - Mais le Quinjet est de l’autre côté ! Stark le bouscula et l’aida à charger Buck sur ses épaules en expliquant : - Il faut faire vite ! Il y avait un minuteur là-haut ! j’ai bien peur que tout ça n’explose ! Ils s’engagèrent dans les escaliers les plus proches. Steve questionna : - Il restait combien de temps ? - Une petite dizaine de minutes ! - Bon sang, c’est pas vrai ! Ils avaient mis un certain temps à creuser, ils étaient incapables de dire combien. Steve râla encore : - Vous ne pouviez pas le dire avant ! - Ça aurait changé quoi, vous auriez abandonné Buck ? - Non. - Alors courez et taisez-vous ! » Une fois dehors, ils plongèrent dans le premier fossé venu. Ils échouèrent dans la neige. Steve s’allongea contre le blessé pour le protéger, Tony referma ses mains sur sa tête. Quinze secondes passèrent, puis trente. Steve redressa un peu la tête en objectant : - Vous êtes sûr qu’il ne restait que dix minutes ? - Oui ! Baissez-vous ! » Au même instant une déflagration, suivie de plusieurs autres, retentit envoyant promener dans les airs d’énormes projectiles de toutes sortes. Steve protégea le blessé de son corps et leur tête à tous trois de son bouclier. Quelque chose rebondit sur celui-ci faisant un bruit métallique. De nombreux débris de taille plus modeste tombèrent sur eux. Stark fit « aie », Steve demanda : - Ça va ? - Oui, mon armure me manque... Quand tout fut retombé, il se redressèrent. Devant eux, le spectacle était doublement désolant. La base était complètement détruite. Mais le pire dans tout ça, c’est que le Quinjet posé trop près de celle-ci était lui-aussi parti en fumée. - Nom d’un chien, bougonna Tony, nous voilà bloqué ici ! Steve sortit son téléphone, fit la grimace et le remit aussitôt en place. - Pas le moindre réseau… dit-il. La déflagration avait été telle que tout ce qui se trouvait à proximité était détruit ou enterré. Ils n’y avait plus aucun moyen de transport opérationnel. Steve redressa Bucky pour le sortir de la neige. Ceci fait, il se débarrassa de son porte bouclier, ôta son blouson et demanda de l’aide à Tony pour l’enfiler au blessé. Ensuite, il raccrocha son porte bouclier pour le remettre en place. Il regarda autour de lui en tenant son ami contre lui. - Il faut trouver un abri… Tout à l’heure, en arrivant, on a survoler des habitation, un ancien village sans doute… - Oui, mais il n’y avait apparemment plus grand-chose en état… - Dans ce froid, le moindre abri n’est pas négligeable, on ne peut pas rester là ! - On a plusieurs kilomètres à faire à pied… Bon sang, si j’avais mon armure… Puis, regardant Buck, il ajouta : - Et lui, vous allez le transporter comment ? - Mes bras suffiront, j’ai déjà transporté plus lourd. Stark toucha les joues du blessé comme pour s’assurer qu’il vivait encore. - Il est salement amoché, remarqua t-il, on n’a plus rien pour le soigner, tout était dans le Quinjet… - Oui… et qui nous cherchera ici ? On a prévenu personne, on est seul… - Pour ça je ne m’inquiète pas trop… Il y a une sorte de boîte noire dans le Quinjet, elle a sûrement résisté à l’explosion, si on nous cherche, on nous trouvera. La problème c’est que je voulais être tranquille ce week-end, j’étais de mauvaise humeur, j’ai envoyé promener tout le monde. Personne ne nous cherchera avant lundi… - Merde, fit Steve, il va falloir tenir trente-six heures… Il se leva et souleva, avec l’aide de Stark, Buck dans ses bras. Celui-ci était complètement dans les vapes, Steve remarqua : - Il est plus lourd que je ne pensais… - Vous pourriez le transporter sur vos épaules… - Non, il n’est pas en état. Tout à l’heure, je n’avais pas le choix, il fallait faire vite. Il crache du sang, le transporter sur mon dos ne ferait qu’aggraver les choses. Tony regarda le ciel. - Il ne faut quand même pas trop traîner, le ciel se couvre et la nuit va venir vite. - En route, décida Steve, il faut trouver ce village… - Ou ce qu’il en reste. » Ils marchèrent presque deux heures. Le vent se leva apportant la neige avec lui. Quand ils aperçurent les premières habitations, la nuit commençait à tomber. Seulement, les constructions qu’ils rencontrèrent étaient complètement écroulées, tout à fait inhabitables. Ils durent avancer encore de longues minutes dans le vent cinglant et la nuit à présent presque complète. Buck commença à s’agiter, il ouvrit les yeux et, ne comprenant pas bien ce qui se passait, il marmonna : « Steve ? c’est toi ? - Oui, ne bouge pas, t’es déjà bien assez lourd comme ça… - Tu m’as sorti de cette boite, il m’avait bien semblé t’entendre… - Chut… calme-toi… - Qu’est ce qui se passe, pourquoi on est dehors dans la neige ? - Le Quinjet a explosé avec le base, on est coincé ici… On cherche un abri. - Là ! Fit Stark, cette maison est encore debout ! Il poussa la porte qui s’ouvrit sans difficulté. C’était une toute petite maison d’une seule pièce. Il restait même quelques meubles poussiéreux à l’intérieur. Tony arracha le matelas du lit écroulé, le secoua et le tira non loin de la cheminée qui par chance était, elle aussi, encore debout. - Mettez-le là, dit-il à Steve. Il l’aida à l’allonger. Le blessé gémit un peu au contact du matelas. Steve pensa aux coups fouet qu’il avait reçu et s’excusa : - Désolé, Buck… Celui-ci tenta un sourire en répondant : - Merci, Steve… Merci de m’avoir sorti de là. - J’ai participé moi-aussi, remarqua Stark. - Merci à vous aussi, Tony. » Ce dernier s’empressa de trouver de quoi allumer un feu. Pendant ce temps, Steve ôta le blouson, la chemise et poussa le tee-shirt afin d’observer, d’abord la balle dans l’épaule, ensuite celle logé sous les dernières côtes, du côté droit. Le sang après avoir abondamment coulé avait coagulé. Il en était de même pour la jambe au niveau de la cuisse. Ça ne saignait plus. Steve remarqua en soupirant : « On n’a aucune chance de pouvoir extraire ces balles, il vaut mieux les laisser là où elles sont. Stark répondit, tout en regardant les flammes monter dans la cheminée : - Je suis d’accord avec vous, mais il aurait fallu pouvoir au moins les désinfecter, s’il reste comme ça trente-six heures ça craint… - Je sais… Il ne dit rien de plus. Il observa les doigts aux ongles manquants. Comme Bucky grimaçait, il demanda : - Je te fais mal ? - Toi, non. C’est mon dos, je ne peux pas rester coucher comme ça… Steve l’aida à se mettre sur le côté et tenta de relever aussi doucement que possible le tee-shirt qui adhérait aux plaies coagulées. Tony s’était mis à ouvrir les placards de ce qui, en son temps, avait été une cuisine. Steve finit par sortir son couteau pour se débarrasser du tee-shirt. Celui-ci était collé de la ceinture aux épaules et, bien que son ami serrât les dents, Steve sentit bien qu’il lui faisait un mal atroce. Même avec l’aide du couteau, il abandonna. Il dit à l’intention de Stark : - Tony venez voir… - Deux secondes, fit ce dernier. Il remua encore le fouillis autour de lui puis revint vers eux en brandissant une bouteille au quart vide. - Regardez ce que j’ai trouvé ! Dit-il, de la vodka, ça peut servir de désinfectant… Il déboucha le goulot, renifla le contenu puis ajouta en s’agenouillant près du blessé : - Hum, ça à l’air correct… Son regard tomba sur le dos où le tee-shirt adhérait encore par endroit. - Mon Dieu, souffla t-il, un truc à faire des cauchemars... Le dos du blessé était couvert de longues plaies béantes, la chair à vif, du sang séché partout. C’est à cause de tout ce sang qu’il était si difficile de se débarrasser du tee-shirt. Tony regarda la bouteille la posa près d’eux et reprit : - Moi, je ne mets pas ça là-dessus… - Non, fit Steve, mais on peut s’en servir pour les autres blessures. Pour ça, il faudrait faire bouillir de l’eau, ça aiderait à décoller le tee-shirt et à nettoyer les plaies. - Il reste quelques casseroles dans les placards. Je vais prendre de la neige et faire ça. - Merci, dit Steve. Alors que Tony s’éloignait, il vint se placer face au blessé qui avait fermé les yeux. Il passa une main dans les cheveux bruns et demanda : - Ça va aller ? - Oui, ça fait mal, mais j’ai connu pire… Steve se demanda si on pouvait vraiment connaître pire que ça, mais il ne releva pas la question. Il prit la bouteille de vodka en mis un peu dans le fond de sa main, goûta du bout de la langue puis le prévint gentiment : - Stark a trouvé de la Vodka, je vais en verser un peu sur les blessures par balle… ok ? Il avait besoin de son assentiment pour le faire, il savait qu’il allait le faire souffrir. Buck hocha la tête : - Vas-y, ça ira. Steve coupa le tee-shirt du haut en bas pour faire apparaître les deux impactes de balle puis y versa rapidement un peu du liquide transparent. Son ami se raidit en serrant les dents. Steve agrandit ensuite le trou du pantalon avant d’y verser, là aussi, un peu de Vodka. Bucky se raidit de nouveau sous la douleur. Steve s’excusa encore : - Je suis vraiment désolé… L’autre, au lieu de lui faire le moindre reproche, lui tendit la main en disant : - Mets-en là-dessus aussi, ça vaut mieux. Steve obéit. Buck ne broncha pas cette fois, il secoua la main et la ramena contre lui. Il trouva même la force de sourire à Steve en remarquant : - Je savais que tu viendrais, j’avais confiance… - La dernière fois, je t’ai abandonné. - Tu ne m’as jamais abandonné, Steve. Si tu avais pu savoir que j’étais vivant tu serais revenu me chercher. Stark était assis près de la cheminée, il attendait que l’eau bout. Steve assis face à son ami lui caressa doucement les cheveux. - Ce type avait mal calculé son coup, heureusement pour nous. Il a regardé sa montre, il m’a dit que t’étais mort… Bucky lui sourit doucement. - Je savais que tu allais venir, j’ai évité de m’agiter, j’ai économiser au maximum mon oxygène. J’ai respiré le plus calmement possible, si j’ai gagné quelques minutes, elles m’ont sauvé. - Ça devait être horrible d’être là-dessous… - Ce n’est pas la pire façon de mourir, à la fin j’ai perdu conscience, c’est tout… - C’est tout, tu parles… - Je me suis réveillé dans tes bras, c’est pas si mal… Steve caressait toujours les cheveux sombres, il sourit : - Idiot, » dit-il. Ils restèrent là, de longues minutes à se regarder. Ce fut Stark, finalement, qui les rejoignit en disant : - Désolé d’interrompre ce joli tête à tête, mais l’eau a bouillie ! Steve trempa le bout de son auriculaire dans le liquide, Tony bougonna : - Ne mettez pas vos microbes dedans ! - On est pas à ça près et je préfère ne pas l’ébouillanter ! - J’avais vérifié ! Répliqua l’autre. - Vous disputez pas, soupira Buck. Leurs yeux tombèrent sur le pauvre dos en lambeaux. Stark abandonna l’eau entre les mains de Steve en constatant : - Je vous laisse… je ne me sens pas une âme d’infirmière… - Moi non plus, avoua Steve, mais il faut que quelqu’un le fasse. Coopératif, le blessé se tourna à demi sur le ventre en grimaçant : - T’inquiète, Steve, ça ira. Décolle ce tee-shirt qu’on en finisse. Ce dernier pris son courage à deux mains et versa l’eau tiède sur les pièces du vêtement encore collé à la peau. Buck ne broncha pas plus que ça. Steve attendit que le tissus s’imbibe afin de ne plus adhérer aux plaies. - Tu n’aurais pas dû remettre ton tee-shirt, remarqua t-il. - J’avais froid… - Oui, évidemment… Pourquoi t’ai venu ici ? - Ce type savait un tas de choses sur moi. Je ne sais pas comment il a su où j’étais, mais il m’a trouvé… - T’étais où ? - Morrisania, dans le Bronx… - Je ne te cherchais pas si près… - Je n’avais pas le cœur à m’éloigner, et puis je me suis dit que New-York serait le dernier endroit où tu me chercherais… Ce type m’envoyait tous les jours des photos de mes victimes, des trucs sordides qui m’empêchaient de dormir. C’est pour ça que je suis allé là-bas, je voulais qu’il arrête. Je ne connaissais pas l’existence de la petite télécommande… Ni de la puce dans mon dos. Je n’avais aucun moyen de lui résister. Il m’a arraché les ongles puis m’a laissé moisir un moment dans une cellule, je ne sais pas combien de jours, je n’avais plus la notion du temps là-dedans. Un jour, il est venu me chercher m’a amené dans une pièce face à un bureau, je me serais cru à un interrogatoire de la Gestapo… Il s’est mis a me parler de toi, de son plan de vengeance, ce type était particulièrement atteint… Il est mort ? - Oui, il a avalé sa capsule de cyanure… - Je ne le regretterai pas, il était cinglé. A un moment, emporté par ce qu’il disait, il s’est éloigné vers la fenêtre, il avait laissé la télécommande sur le bureau. Quand il a compris son erreur, il m’a tiré trois fois dessus pour m’obliger à la lâcher… ensuite, il m’a dit que là où il allait me mettre, je ne pourrais pas m’échapper… Steve soupira. - Je suis désolé, je me sens responsable, ce type s’est vengé de moi à travers toi. - Il était dérangé, tu n’es pas responsable. Steve tira doucement sur les morceaux du tee-shirt, ils se détachèrent les uns après autres sans trop de difficulté. Steve demanda encore : - Pourquoi il t’a fouetté ? - C’était juste avant de me mettre dans cette saleté de boite. Avec trois balles dans le corps j’avais perdu beaucoup de sang, je n’étais déjà pas très en forme mais faut croire que ça ne lui a pas suffit. Il est venu dans ma cellule avec ce fouet qu’il appelait un knout… Il voulait tester ce que cela faisait… Je ne sais pas pourquoi ce type me détestait, je ne me souviens pas de lui… Mais, lui, par contre… Pendant qu’il parlait, Steve, à l’aide d’un morceau de tissus et d’un peu d’eau, nettoyait avec des mouvements prudents les plaies à vif. Comme Bucky s’était tu, il demanda : - Quoi, qu’est ce qu’il savait, lui ? - Il savait des choses sur moi, des choses que je n’avais jamais dit à personne, jusqu’à il y a peu… Stark, assis près de la cheminée, écoutait la conversation. Buck continua : - Je crois que j’ai dû me rappeler de toi, parfois, pendant qu’il me torturait le cerveau avec leur machine infernale. Il savait combien je tenais à toi… - Pauvre Bucky, soupira Steve, à une époque où toi-même tu ne savais plus qui tu étais, lui te connaissais… Il te détestait parce que tu m’aimais. - Tu peux le dire au présent, rectifia l’autre, c’est toujours d’actualité… Steve sourit. - Je sais, tu n’aurais pas dû partir si vite… - Steve, ce que tu as pensé de moi, ce soir là… Sa gorge se noua : il n’en dit pas plus. Steve s’empressa de le rassurer : - Ça va, Tony m’a expliqué… Et puis, l’alcool ne te réussis pas. Je ne t’en ai pas voulu longtemps. J’ai vraiment regretté que tu sois parti, on t’a chercher avec Stark… - Il a retrouvé sa voiture ? - Heureusement pour toi, lança Tony, sinon je t’aurais laissé mourir dans cette caisse ! Jusqu’alors, Buck avait bien supporté la douleur, brusquement il frémit et serra les dents en ronchonnant : - Là, ça fait mal, Steve… - Excuse-moi, fit celui-ci, en montrant quelque chose à Stark. - Regardez ! Ajouta t-il. Il tenait entre son pouce et son index une petite puce sanglante. Tony la prit, la posa au creux de sa main et la montra à Buck en remarquant : - Personne ne te contrôlera plus grâce à ça en tout cas… Buck regarda la minuscule carte tachée de sang avec une moue dédaigneuse : - Saleté de truc, bougonna t-il, vous pouvez la jeter au feu. Tony la jeta dans les flammes avant de demander : - Et ton bras, Bucky, enfin ton bras spécial… il ne fonctionne plus ? - Non, il est comme mort depuis que je suis arrivé ici, il connaissait un truc pour le désactiver. - Ça a même marché pour mon armure… Elle s’est désactivé, rangée et plus rien… me voilà un homme comme les autres au milieu de ce désert de glace ! Buck le regarda d’un air désolé, toujours couché sur le côté gauche, légèrement sur le ventre, face à la cheminée où les flammes dansaient, dessinant sur son visage des lueurs orangées. - C’est pas grave, poursuivit Stark, ne fait pas cette tête de chien battu. Quand on sera de retour à la base, je la réparerai… et ton bras aussi. Buck ferma les yeux. Steve avait fini avec son dos, il ramassa son blouson et le posa avec précaution sur les épaules nues. Stark lui tendit le sien en disant : - Tenez, mettez celui-là sur ses pieds… Steve obéit. Ensuite, il fit le tour du blessé pour venir s’asseoir face à lui. Celui-ci posa sa main valide sur son genou. Steve regarda les doigts sans ongles, tachés de sang puis posa sa paume sur le haut de la main. - Tu souffres beaucoup ? s’enquit-il doucement. - Non… - Tu mens ! - Oui… mais à quoi bon me plaindre, vous avez fait tout ce que vous pouviez… - Je ne veux plus que tu me mentes ! Lui reprocha Steve. - Je t’ai donc menti si souvent ? - Tout le temps ! Chaque fois que je te demandais qui était cette fille qui te rendait si malheureux ! - Oh, c’est loin, tout ça… - Je m’en souviens comme si c’était hier ! Assura Steve. - Pour moi, c’est loin, comme dans un brouillard… mais c’est vrai, j’étais obligé de te mentir… - Tu aurais pu me dire la vérité ! - Ne sois pas idiot, Steve, tu sais que je ne pouvais pas. Steve serra la main sous ses doigts, sa voix tremblait : - J’ai détesté cette personne qui te faisait du mal. Combien de fois je t’ai supplier de me dire qui c’était… J’aurais voulu pouvoir la voir, lui hurler dessus… cette personne, c’était moi… - C’était toi… il n’y a toujours eu que toi… - Tu te souviens du pont ? Demanda Steve en repensant à sa conversation avec Stark. - Le Kościuszko pont ? - Oui, on ne l’appelait pas encore comme ça… - Non, c’est vrai… J’étais triste ce soir là… - Tu as pensé à sauter ? - Oui… J’avais passer une sale soirée… - Tu ne m’as jamais raconté. - Oh, rien d’extraordinaire. J’étais avec une fille et ça n’a pas marché… Je me sentais nul… Les filles en général étaient plutôt compréhensives, c’est moi qui ne supportait pas mes défaillances, elles me rappelaient trop… Il y eut un long silence, Steve ne fit rien pour le rompre. Il regardait le visage aux paupières closent de son ami : il semblait ne plus avoir la force de tenir les yeux ouverts. Il finit par avouer : - Ça me rappelait trop que c’était avec toi que j’avais envie d’être. - Qu’est ce que tu aurais fait si je n’étais pas venu ce soir là ? - Je ne sais pas… Stark bougonna : - Il dit toujours ça, mais au fond, il sait très bien… Steve caressa les mèches sombres, en écarta une ou deux qui barrait le front pâle puis il reposa sa main sur le haut de celle que son ami appuyait toujours sur son genou. - Tu es fatigué ? Demanda t-il, je t’embête avec mes questions. - Non, Steve… ça m’empêche de penser à la douleur. Je ne crois pas que j’aurais sauté… tu avais besoin de moi et ma mère aussi. - Tu étais tout ce que j’avais, Bucky, sans toi qu’est ce que je serais devenu… Ce n’était pas une question, d’ailleurs Buck n’y répondit pas, il reprit : - Je t’avais promis que je serais toujours là pour toi, je n’avait pas le droit de sauter. - J’ai l’impression de n’avoir toujours pensé qu’à moi, Bucky. Je ne voyais que mes problèmes, je ne comprenais pas les tiens… je ne pouvais pas t’aider… - Personne ne pouvait m’aider, tu le sais, Steve. A l’époque, dans notre quartier, personne n’aurait compris. Steve savait que c’était la vérité. Il passa une main rageuse sur ses yeux et renifla. Stark se leva d’un coup en constatant : - J’ai faim ! Steve le regarda un peu surpris : - Je n’en doute pas une seconde, admit-il, mais à quoi ça sert de le dire ?! Sans répondre, Tony alla ouvrir un placard à moitié écroulé en disant : - Il reste des vieilles boites de conserves là-dedans… regardez ça ! - Oui, fit Steve, mais elles sont là depuis combien de temps ? - C’est des conserves ! Même qu’elles soient là depuis vingt ans ça se mange ! - Vous êtes sûr ? - Oui… et puis l’ouverture est assez moderne ! Regardez, pas besoin d’ouvre-boîte ! - C’est quoi ? - Des petits pois. Il renifla le contenu. - Ça sent bon, je vais les faire chauffer... - Vous avez trouvé autre chose ? - Il y a deux boites comme celle-ci plus une de carottes. Le reste ne vaut pas la peine qu’on en parle. Il revint près de la cheminée avec sa casserole de petits pois. - Il dort ? Demanda t-il en montrant Buck du menton. - Non, je ne crois pas, répondit Steve. - Vous n’avez pas faim, vous ? - Oui… un bon steak avec des frites… - Ah ! Désolé ! y’a pas ça au menu ! Steve allait répliquer quand Buck fut prit d’une brutale quinte de toux. Cela le fit se recroqueviller sous l’effet de la douleur. Ses doigts se crispèrent sur le genou de Steve, celui-ci s’inquiéta en venant poser une main sur le visage tendu : - Ça va Bucky ? L’autre hocha lentement la tête puis finit par répondre : - Si tu veux toute la vérité… ça fait mal… et j’ai dû sang dans la bouche… Steve croisa le regard de Tony, celui-ci prit un air qui se voulait rassurant : - Allez Captain ! Il est solide. Il tiendra. Buck sentait la main de Steve trembler contre la sienne, il assura à son tour : - Je ne mourrai pas pour ça, Steve, je veux rester avec toi… » Steve reposa sa main sur celle de son ami qui la retourna et, malgré ses ongles arrachés, serra les doigts de Steve entre les siens. Le vent s’était levé. Ils bousculait les vieux murs, glaçant l’atmosphère. Tony partagea ses petits pois avec Steve puis se mit à tourner en rond comme un lion en cage. Il échoua le nez contre une vitre fêlée à regarder la neige tombée. De temps en temps, il trouvait quelque chose à jeter au feu avant d’arpenter de nouveau la pièce et de finir le nez contre le carreau. Il frissonna : il avait froid, mais, pour rien au monde, il aurait récupéré son blouson qui réchauffait les pieds du blessé. Celui-ci était curieusement calme, il demeurait immobile, tenant toujours la main de Steve. Tony finit par revenir s’asseoir près de la cheminée. Comme le silence lui pesait, il demanda : « Vous croyez qu’il dort maintenant ? - Je ne crois pas, répondit Steve. - Je me demande comment il fait pour rester aussi calme, je crois qu’à sa place je n’arrêterai pas de me plaindre… - Ça ne m’étonnerai pas de vous. - Je ne suis pas un surhomme, désolé, je fais juste de mon mieux. Steve sourit. - Je crois que lui aussi fait de son mieux pour ne pas trop nous encombrer. - Il vous encombre ? - Non, il est vivant, c’est tout ce qui compte. Je resterais près de lui le temps qu’il faudra. Stark montra du menton les doigts du blessé qui serraient toujours la main de son compagnon. - J’ai l’impression qu’il n’est pas là de vous lâcher, remarqua t-il. - Il me serre la main si fort que j’ai les doigts paralysés, avoua Steve. Il sentit la poigne qui se desserrait. - Pardon, dit Buck. - Il ne dort pas, constata Tony. Après quelques secondes, il ajouta : - Purée ! qu’est ce qui fait froid ici, quel saloperie de pays ! - Reprenez votre blouson si vous voulez, proposa Buck. - Pas question ! Tu es pieds nus ! Gravement blessé ! Tu rigoles là ?! - Comme vous voulez, Tony… accepta l’autre, ne criez pas, ça me fait mal à la tête. Stark se leva, alla jusqu’au lit défoncé et récupéra le sommier troué. Il le posa aussi près de l’âtre que possible, après l’avoir secoué un peu, puis s’allongea dessus en déclarant : - Ce sera toujours moins froid que par-terre… Il alla poser deux portes de placard sur le feu avant de revenir se coucher en croisant ses bras derrière sa nuque. Il bougonna : - Je ne tiendrai jamais encore plus de vingt-quatre heures enfermé ici… - Il va bien falloir, soupira Steve. - Nom d’un chien, quel bled abominable ! Vous m’étonnez qu’il n’y ait plus personne ! - Essayez de dormir. - Qu’est que vous croyez que j’essaie de faire là ! - Pour l’instant, vous râlez. - C’est mon somnifère préféré, râler ! Buck interrompit la discussion. - Steve ? - Oui. - Tu devrais essayer de dormir toi aussi. - T’en fait pas pour moi. - Si tu dors, j’arriverai peut-être à dormir aussi. Stark bougonna. - Prenez-le dans vos bras, c’est ça qu’il veut ! - Taisez-vous, Stark ! s’indigna Steve, c’est pas le moment, il a mal partout ! Tony n’insista pas, il se contenta d’un soupir qui en disait long. Ce fut Buck qui reprit : - Tu peux au moins te coucher près de moi au lieu de rester assis, ça me fiche le tournis. Steve après une brève hésitation, s’allongea sur un coin du matelas, le nez en l’air. Buck vint poser ses doigts sur la poitrine, il murmura : - Pourquoi tu ne me regardes pas ? - Sois sage, Bucky, essaies de dormir, il est tard… - Steve ? - Quoi encore ? L’autre resta silencieux, Steve répéta : - Quoi ? Qu’est ce qu’il y a, casse-pied ? - Rien… Steve, cette fois, se tourna sur le côté pour regarder son ami. Son regard tomba sur les yeux bleus qui le fixaient, un peu hésitants. Il alla poser ses doigts sur les joues, caressa une oreille, le cou. Il sentit la pomme d’Adam rouler sous son pouce. Il remonta sa main sur le visage puis dans les cheveux un peu longs. Là, il la laissa et questionna encore : - Quoi ? qu’est qu’il y a ? Buck sourit. Steve se dit qu’il était plus beau que jamais quand il souriait. Il passa son pouce sur le sourire et répondit à la question muette que l’autre ne se décidait pas à poser : - Tu veux que je te prennes dans mes bras ?… - Je ne sais pas… Steve eut un rire bref. - Tony a raison, remarqua t-il, quand tu ne veux pas répondre, tu dis « je ne sais pas » ! Il n’attendit pas la réponse. Il se rapprocha du blessé pour attirer le front contre sa poitrine et entourer d’un bras une épaule. Il embrassa les cheveux. Buck glissa son bras autour de lui. Il toussa un peu, Steve caressa la nuque, chaude sous ses doigts. - Ça va aller ? Demanda t-il. L’autre répondit quand la quinte de toux fut passé. - C’est la blessure à l’abdomen… ça fait un mal de chien… - Si je pouvais faire quelque chose… - T’avoir là, Steve, c’est tout ce dont j’ai besoin… Je n’ai toujours eu besoin que de ça… - Petit cachottier… - Je n’ai plus la force de dissimuler. - Tant mieux, ça m’a ouvert les yeux… Je n’avais pas vu que la personne que j’aimais le plus au monde étais juste à côté de moi, quel idiot je faisais… - Je te l’ai toujours dit que t’étais idiot ! - Abruti... - Ne me fais pas rire, ça fait mal… - Alors ne rit pas. Contente-toi de dormir. » Buck avait fermés les yeux. Il sentait les doigts de Steve dans sa nuque. Il tenta d’oublier la douleur et de ne penser qu’à cette petite caresse apaisante. Il sentait le tissus du tee-shirt tout près de son visage, le tissus imprégné de l’odeur de son ami. Il devinait le cœur qui battait plus vite, là, quelque part, sous la poitrine musclée. Il se dit qu’il allait peut-être mourir là, ne jamais se réveiller. Cette idée l’enserra comme un étau, il eut dû mal à respirer : il n’allait pas mourir maintenant, alors que les choses allaient enfin dans son sens ?! Il se sentit obligé de dire encore, histoire d’être certain de lui avoir dit : « Je t’aime, Steve… L’autre embrassa encore les cheveux, il se sentait brûler bien plus qu’il n’aurait voulu en cet instant. Ces trois mots ne firent qu’empirer les chose. Il respira à fond pour garder son calme, toutefois son cœur tapait comme un fou dans sa poitrine. Il murmura, le plus bas possible, afin que Stark ne l’entende pas : « Je t’aime, Bucky, dors… Il laissa sa phrase en suspens, puis ajouta : - Ne meure pas… - Je ferais de mon mieux. - Je sais. » Buck posa son front contre le tee-shirt, il sentit le cœur battre sous l’arête de son nez. Il sourit : Steve était plein de vie, lui. Il se souvint du petit Steve de Brooklyn contre lequel il se couchait déjà, il a si longtemps, en cachette… Il sombra dans un sommeil agité. Il se réveilla plusieurs fois, il avait froid, il avait chaud. Près de lui Steve dormait, un peu plus loin, Stark ronflait. Il comprit qu’il avait de la fièvre. Il s’écarta de Steve pour tenter d’avoir moins chaud. De longs frissons le parcoururent : pendant un instant, il ne su plus s’il avait froid ou chaud. Il ne voulait pas réveiller les autres. Il poussa le blouson de Steve et se tourna sur le dos. Son dos rentra en contact avec le matelas, il grimaça et s’empressa de se tourner de l’autre côté. Il serra ses pieds glacés sous le blouson de Tony en le remerciant de ne pas l’avoir récupéré puis attira celui de Steve contre lui pour fourrer son visage dedans, contre la doublure où il y avait son odeur. Il toussa aussi silencieusement que possible, le goût du sang dans sa bouche lui donna envie de vomir. Il essuya ses lèvres du revers de la main et songea qu’il ne tiendrait jamais toute une journée comme ça. Il demanda pardon mentalement à Steve et finit par se rendormir le blouson serré dans ses bras… Ce fut Steve qui se réveilla le premier le lendemain, le jour était levé. Il s’assit sur le matelas, jeta un coup d’œil à Stark, au feu éteint, à la fenêtre gelée, puis son regard se posa sur Buck près de lui. Il lui tournait le dos : les longues plaies qui lui zébraient le dos avaient séchées. Il tenait serré contre lui le blouson de Steve. Ses joues étaient rouges, son front moite, ce qui n’était pas logique par le froid ambiant. Steve appela : « Stark ! Celui-ci se redressa en bougonnant : - La vache ! Il fait un froid polaire ici ! - Il a de la fièvre… Tony s’agenouilla près du malade pour toucher le front comme Steve venait de la faire. - Il est brûlant… constata t-il, fallait s’y attendre, avec trois balles dans corps depuis plus douze heures. - On ne peut rien faire, soupira Steve. - Non, confirma Tony, rallumer du feu pour ne pas mourir de froid, c’est tout ce qu’on peut faire. Bientôt, de hautes flammes montèrent dans la cheminée. Steve restait prostré à regarder son ami à ses côtés. Stark finit par venir s’asseoir près de lui. Il remarqua, histoire de meubler le silence : - La fièvre l’a complètement abattu… - Il a au moins 40… - Il n’a pas l’air de vouloir lâcher votre blouson… - Il est mignon… Il se trouva tout bête d’avoir dit ça devant Stark, il rougit et s’agita, marque d’un embarras évident. Tony sourit et confirma : - C’est vrai, il est mignon comme ça, il a l’air fragile… Steve le foudroya du regard en bougonnant : - C’est pas fini ! Allez voir ailleurs si j’y suis ! Tony sourit en retournant s’asseoir sur la cheminée. - Vous êtes jaloux, Steve, dit-il, il faut vous contrôler ! Je croyais que c’était votre truc le contrôle ! - En ce moment, je ne contrôle plus rien, avoua l’autre. - Je vois ça… - Il va mourir… - Si personne ne revient à la base avant demain, il ne tiendra pas. Avec les sept heures de décalage, à New-York il est deux heures du matin. Tout ce qu’on peut espérer c’est que quelqu’un s’aperçoive que le Quinjet a disparu avant lundi… Steve se leva, tourna en rond dans la pièce, regarda longuement par la fenêtre. - Il n’y a rien… rien que le froid, la neige, le vent, la solitude… Il appuya son front contre le mur, les poings serrés, il constata tristement : - Il est là, en train de mourir et je ne peux rien faire… Je me sens aussi inutile que sur ce saleté de train… - Vous avez tort. Là vous pouvez rester près de lui… Steve se retourna face à Stark. Il eut un pauvre sourire. Il respira à fond pour ravaler sa peine puis vint de rasseoir sur le matelas. Il fit glisser ses doigts sur le bras d’acier puis s’allongea près de lui à une distance raisonnable du dos à vif. Les mèches sombres s’emmêlaient à quelques centimètres de son visage. Il murmura : - Je suis là, Bucky, je ne te laisserais pas tomber cette fois. Stark jeta un morceau de bois dans l’âtre. Il alla lui aussi regarder par la fenêtre, soupira puis revint s’étendre sur le vieux sommier troué, il n’y avait rien d’autre à faire qu’attendre…
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