Kikoo à tous !!! vous vous rappelez de moi ?
wi, je sais, ça fait un bon moment que j'ai pas posté, mais bon, que de travail...
en tout cas, je continue encore un peu cette fic
(je pouvais quand même pas les laisser comme ça nan? cela dit, à vous de juger si c'est mieux à présent...^^)
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Alexandre s’éloignait du lit, lentement, les yeux rivés sur la silhouette effondrée d’Hephaistion.
Jamais encore il n’avait vu son ami aussi bouleversé, et son cœur ne le supportait pas. Il l’avait rarement vu pleurer, mais chaque fois, il était là pour enlacer son corps tremblant et bercer doucement son chagrin. Hephaistion s’apaisait toujours entre ses bras. Comme il était toujours là lorsque Alexandre avait besoin de lui, pour parler ou tout simplement sentir la chaleur de son corps contre le sien, aimant, réconfortant. La seule personne dont il ait jamais eu besoin.
Son cœur saignait, ses membres ne lui obéissaient plus. Il devait à tout prix courir vers lui, le serrer de toutes ses forces, jusqu’à sentir son cœur battre tout contre le sien, lier leurs mains, étouffer ses sanglots. Il ressentait sa détresse au plus profond de lui-même, comme si son âme se déchirait.
Pourtant ses jambes le portaient, le faisaient reculer, lentement, mécaniquement, et l’écartait de plus en plus du regard terrifié et suppliant du jeune homme. Alexandre sut qu’il venait de perdre une partie de lui-même. Un pan entier de sa vie s’écroulait devant lui.
Mais ce n’était qu’un rêve, rien n’était réel. D’ailleurs tout s’estompait déjà. Un rêve horrible, aussi noir et violent que le coup d’épée, qui mutile mais ne tue pas. Il ne contrôlait plus son corps, et déjà les sanglots semblaient résonner dans sa tête, s’arrachant de sa poitrine, martelant ses pensées. Sa vision se brouillait, le corps d’Hephaistion se tordait, désarticulé, lointain, mêlé aux ombres douloureuses qui l’étreignaient peu à peu.
Il fallait qu’il hurle, pour couvrir les pleurs déchirants qui le paralysaient. Il devait partir, maintenant, s’enfuir au plus vite, avant que son cœur glacé ne vole en éclat, avant de devenir complètement fou.
Il arracha ses yeux aveugles à la scène et se mit à courir en trébuchant. Il fallait qu’il sorte, ne plus penser, ne plus l’entendre, ne plus rien voir.
Il atteignit la porte, et allait agripper la poignée lorsque celle-ci s’enclencha d’elle-même. Sans réfléchir, il bondit derrière la grande colonne de marbre qui l’avait déjà caché juste avant, et aperçut le grand manteau pourpre de son père traverser rapidement la pièce.
Le roi se dirigea droit vers le lit, et se planta devant Hephaistion, perdu au milieu des draps chiffonnés. Sa voix forte et autoritaire retentit dans la chambre :
« Qu’y a-t-il, pourquoi ces larmes ? Que se passe t-il ? »
Hephaistion n’y prêta aucune attention, essayant désespéramment de se redresser, suffoquant, son regard noyé de larmes braqué sur la porte. Alexandre. Il avait disparu. Il l’avait abandonné. Il était parti, il ne reviendrait pas. Il l’avait perdu, à jamais, par sa faute.
Exaspéré, Philippe lui empoigna brutalement les avant-bras et l’obligea à lui faire face.
« Mais que t’arrive t-il ? Parle, immédiatement ! »
Les yeux terrifiés du jeune homme se plantèrent dans les siens. Hephaistion n’arrivait pas à reprendre son souffle. Tremblant, la voix paniquée, il balbutia, étranglant ses sanglots :
« Alexandre…il a vu…il est parti…il l’a cru, il a cru que…il a cru que je le voulais…que je l’avais voulu, coucher avec vous…il a cru que je l’avais trahi…»
A ses mots, Alexandre se figea. Il n’osait comprendre. Immobile, il entendit la voix d’Hephaistion se briser :
« …il a cru que je le faisais de mon plein gré… »
Le roi lâcha le jeune homme qui retomba sur le lit. Lui aussi avait comprit. Son fils les avait surpris, et en voulait à son ami plutôt qu’à lui. Pour un peu, il en aurait ri aux éclats. Même ici, Alexandre était incapable de voir les choses telles qu’elles étaient, et d’agir comme il le fallait…il se trompait d’ennemi, stupidement…
Hephaistion s’était relevé tant bien que mal, et voulu courir vers la porte. Rapide, Philippe le rattrapa et le plaqua fermement contre le lit :
« Et toi, où vas-tu donc comme ça…
- Le rattraper, je dois lui dire…ne pas le laisser croire ça, lui expliquer…il faut qu’il comprenne, je dois lui dire maintenant…lâchez-moi !
- Oh non, sûrement pas… »
Hephaistion se débattit, les yeux toujours fixés à la porte, l’endroit où il avait vu Alexandre disparaître…il fallait à tout prix qu’il le rattrape, il fallait qu’il lui explique…il allait lui pardonner, quand il saurait tout, il ne pouvait pas le laisser ainsi, il ne le ferait pas…
Mais le roi le maintint sans grande difficulté et l’obligea à rester immobile
« Maintenant, écoute-moi bien, Hephaistion. C’est fini, je t’interdis dorénavant de parler à Alexandre. Et surtout je t’interdis de le démentir à propos de cette histoire. Cesse donc de te démener ainsi.
- Quoi ? Non…pourquoi, pourquoi voulez-vous…
- Il ne saura jamais la vérité, tu peux me croire. Qu’il continue de penser que tu l’a trahis, je le veux, c’est parfait, absolument parfait…il est bien trop fier, de toute façon, pour t’adresser la parole à présent. Non, il va t’en vouloir, comme un jeune lion blessé dans son petit amour propre. Et il te haïra, parce qu’il te faisait confiance. On ne saurait trouver blessure plus cruel pour mon fils, tout pétri qu’il est de ses histoires grandioses… »
Hephaistion écoutait, horrifié, impuissant entre les bras qui le serraient à le faire mal. Il ne pouvait plus bouger, ni détacher ses yeux troubles du visage odieux du roi. Sa voix trembla, faible, gémissante :
« Non…non…jamais, c’est trop horrible…lâchez-moi, je vous en supplie…
- Mais tu ne comprends pas, bien sur…pourtant, jamais je n’aurais pu trouver moi-même meilleure leçon pour Alexandre ! Il est temps qu’il apprenne que la vie n’est pas un poème. Il sera bientôt roi. Et un roi est seul. Il ne pourra jamais compter que sur lui même. Un roi ne peut faire confiance à personne. Il n’a pas d’ami, d’ailleurs il n’en a pas besoin. Il ne doit surtout pas en avoir... »
Le roi libera Hephaistion qui recula maladroitement, loin de lui, loin de cet homme dont chaque parole le blessait de plus en plus cruellement. Il ne voulait plus l’entendre, fuir ce visage ignoble, cet air triomphant… c’était impossible, rien de tout cela n’arriverait. Lui est Alexandre…jamais ils n’avaient imaginé leurs vies séparées, l’un était toujours là pour veiller sur l’autre… ensemble, à jamais, ils n’étaient qu’un, ils l’avaient toujours su…rien ne pourrait briser cela, rien…
« Les amitiés ne se mesurent qu’à la souffrance qu’amène leur trahison. C’est une chose que mon fils aura comprit désormais, grâce à toi… et qu’il n’oubliera pas, j’en suis sur…
- Non ! »
Hephaistion avait crié de toutes ses forces. Il sentait la colère l’envahir à présent. Non, il ne laisserait pas faire ça.
« Non, jamais, cela n’arrivera pas ! Jamais il ne me haïra, je vais lui expliquer, et il me croira, il me croira forcement ! Il va me pardonner, vous ne pouvez pas nous séparer…c’est Alexandre, vous ne me l’enlèverez pas, vous ne pouvez pas… »
Tapi derrière l’immense colonne de marbre, Alexandre crût que son cœur ne se remettrait jamais à battre. Hephaistion…comment avait-il pu douter de lui, comment avait-il pu penser que…
En entendant la voix de son père s’élever à nouveau dans la chambre, une rage folle s’empara de lui, bouillonnant dans ses veines. Son père, son propre père… il serra les poings, sentant ses ongles s’enfoncer dans sa chair, le sang perlant, jusqu’à ce que ses articulations lui fassent mal. Jamais il n’avait ressenti une telle haine, une telle envie de détruire, de blesser, d’anéantir l’homme qui riait à présent à quelques mètres de lui. Il sentit la fureur acide ruisseler sur son corps brûlant, aveuglant ses yeux, bloquant ses pensées sur la vision ardente du visage de son père. Son esprit s’embrasait. Il sut qu’il ne pourrait plus se retenir bien longtemps.
Son père riait. Un rire grinçant, comme les crépitements d’un brasier.
« Je ne peux pas ! »
Le roi se pencha sur le visage défait d’Hephaistion.
« Je ne peux pas…dois-je te rappeler que si Alexandre est prince, s’il est encore mon fils, je suis encore le roi ? J’ai droit de vie ou de mort sur tout mes sujets, sur toi, ou sur lui, mon cher Hephaistion…
- Non, vous ne le ferez pas… vous ne m’empêcherez pas…
- Sache que je peux tout à fait décider de vous séparer par d’autre moyens bien plus cruels si tu refuses de te soumettre à mes lois !
- Non ! »
La voix d’Hephaistion s’étrangla de nouveau, tandis qu’il fixait le regard impitoyable de Philippe. Ce dernier repris, d’une voix lente et méprisante :
« Tant de larmes, tant de chagrin pour si peu de chose… cesse donc, à présent. Tes yeux sont trop clairs pour les laisser s’abîmer ainsi.
- Alexandre… »
Le cœur d’Alexandre se fendit lorsqu’il entendit son ami gémir son nom. Il fallait qu’il le rejoigne, qu’il se précipite vers lui, qu’il le console. Mais il ne devait pas sortir, il ne devait pas se montrer. Son père pouvait en effet les éloigner l’un de l’autre à jamais. Oui, il était encore le roi.
Hephaistion gisait à présent sur le sol, les épaules secouées de frissons violents. Philippe le toisait avec indifférence, agacé par ses pleurs et ses gémissements.
« Alexandre ? Mais pensais-tu réellement qu’Alexandre avait besoin de toi ? Que croyais-tu donc, Hephaistion ? Un roi n’a pas d’ami. Il n’a que des sujets, avec lesquels il peut se divertir. Mon fils rêve de pouvoirs et de conquêtes, et ne renoncera à rien, je le sais. Mais qu’il apprenne dès maintenant qu’il n’y a aucune place pour les sentiments dans la vie d’un guerrier. Le cœur n’est que faiblesse, quand la main est inflexible. »
Philippe se pencha un peu plus sur le visage désespéré du jeune homme.
« Tu ne lui adresseras plus la parole désormais. Il n’a pas besoin de toi. Je suis heureux qu’il s’en soit rendu compte. »
Le roi se redressa lentement, et tourna les talons, prêt à s’en aller.
« C’est faux… »
Hephaistion ne pleurait plus, n’en avait plus la force. Etendu sur le sol, son corps tremblait toujours, mais sa voix était sèche, à peine plus perceptible qu’un murmure, lente et rauque comme dans un dernier souffle.
« C’est faux, non…Alexandre n’est pas ainsi, il ne le sera jamais… »
Il releva faiblement les yeux pour rencontrer le regard sombre du roi.
« …mais il est parti…je l’ai perdu. A jamais…par votre faute, je l’ai perdu.
- Tu l’as perdu…mais croyais-tu vraiment qu’il faisait autre chose que de jouer avec toi, Hephaistion… »
La voix de Philippe était calme et profonde à présent. Glacé de douleur, Hephaistion détourna les yeux de l’expression grave apparue sur le visage du roi.
Oui. Ca, peut-être pouvait-il encore y croire.
Au milieu du vide noir, du gouffre de souffrance dans lequel il s’immergeait, peut-être pouvait-il encore espérer avoir au moins été autre chose qu’un amusement pour Alexandre. Mais à quoi bon, à présent ?
« Croyais-tu donc qu’il t’aimait, Hephaistion… »
Il ne répondit pas.
Abattu, immobile, il laissa le silence le recouvrir peu à peu, et n’entendit pas les pas lourds du roi s’éloigner lentement, ni la porte se refermer.
Aimer…tout était gelé à présent.
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