Un classique dans les fic de Sherlock Holmes, avec les retrouvailles de Holmes et Watson après la chute dans le ravin
Résurrection 1.John avait beau être médecin, il était incapable de mettre un nom sur l'affliction qui le rongeait depuis des mois. Il n'avait peut-être simplement pas le recul nécessaire pour cela. D'abord, il y avait eu la douleur, lancinante, insidieuse, lovée dans sa poitrine et dans cœur comme un serpent tapi dans l'ombre et prêt a mordre à chaque seconde. Cette douleur. Présente du matin au soir. Puis il y avait eu la colère, ajoutant un bruit sourd au mal qui lui arrachait le cœur. Et cette colère, inconditionnelle, violente, blessante, l'avait isolé des autres. Enfin, était venu le renoncement, la disparition de l'espoir ténu qui logeait en lui malgré l'évidence. Et avec ce renoncement, l'indifférence. Et tous les autres sentiments s'étaient alors éteints...
En réalité, si. Il y avait bien un nom pour qualifier son mal. Un nom et même un prénom. Sherlock Holmes.
Sherlock Holmes. Sa disparition... Car il ne pouvait se résoudre à prononcer le mot "mort"... Il se souvenait... Son regard perçant, intense rempli de mille non-dits, lorsqu'il avait sauté dans ce ravin, entraînant avec lui le responsable de tout ça... Les chutes du Reichenbach... Ce regard hantait chacune de ses nuits, tout comme ces quelques mètres qui l'avaient empêché de le rejoindre. Et ce "pourquoi?" toujours sur ses lèvres restait sans réponse...Les nuits d'insomnie avaient creusé de profonds cernes sous ses yeux clairs a présent désertés de toute lumière et la mélancolie perpétuelle qui l'accompagnait avait eu raison de quelques uns de ses kilos du bon vivant qu'il était autrefois.
Mary comprenait sa détresse, elle comprenait ce manque dont il était rempli. Elle avait cru être assez forte pour le combler de sa présence, de son amour, mais ses efforts n'y suffisaient pas. Conscient de la peine qu'elle y mettait, John lui souriait alors d´un sourire vide qui lui déchirait le cœur. Elle avait cru aux vertus de l'oubli mais les souvenirs de John étaient trop nombreux et trop vivaces pour s'estomper en un battement de cil. Pourtant John aimait Mary.
Mais pas assez pour être heureux sans lui.Cependant, elle n'avait pas encore vu le pire.
Un jour, Lestrade était venu frapper à leur porte. Devant l'ombre fantomatique du docteur Watson, il n'avait pas osé entrer, il s'était tenu, hésitant, au chambranle de la porte. Et John avait cru, eh bien, il avait cru à une funeste découverte.
- Vous l'avez retrouvé, c'est cela?
- Pas vraiment ...
- Alors?
- Il est revenu, John. Holmes est revenu.
- Comment?
- Il s'est réinstallé à Baker street il y a quelques semaines.
Quelques semaines... Se-maines? Le policier avait à peine soufflé ces mots, réalisant pleinement leur poids et il n'avait rien tenté lorsque le médecin se précipita dans la rue, presque aveuglé par ce soleil qu'il n'avait plus vraiment l'habitude de regarder et il avait couru, vraiment couru, pour arriver à bout de souffle devant cet appartement qu'il ne connaissait que trop bien.
Impossible...
L'ombre à la fenêtre avait des contours familiers, comme la résurgence d'une autre vie, mais John se refusait à croire à l'impossible.
Impossible.
Quoi? De survivre à une telle chute? De mettre si longtemps à réapparaître? Ou bien de n'avoir pas prévenu de ce retour miraculeux ?Lorsqu'il sonna pourtant, il n'y eut plus de doutes. C'était bien Sherlock Holmes, ses cheveux bruns en pagaille, son haleine de whisky, son long pardessus noir, ses yeux orageux presque opaques... Il y eut un moment de flottement, un silence assourdissant et le détective disparu lui adressa un sourire de circonstances. Il toussota et s'exprima d'un ton détaché qui se voulait badin mais qui était mal assuré pour qui le connaissait bien :
- Ah Watson... Je comptais bien passer vous voir mais vous savez ce que c'est... la routine, les enquêtes...
Sherlock Holmes, sous son apparente décontraction, avait anticipé bien des réactions de la part de son associé. Du prévisible coup de poing dont le brave docteur pouvait tout à fait se montrer capable en pareille circonstance, jusqu'aux reproches légitimes et à la colère tout aussi justifiée. Dans ses phases les plus optimistes, il avait même imaginé que le pudique jeune homme le prendrait dans ses bras, simplement heureux de retrouver un vieil ami...
Mais il ne s'était pas attendu à
cela.
Watson n'avait pas prononcé un seul mot, il l'avait juste regardé dans les yeux, de ce regard vide, si loin de la joie simple qui se lisait autrefois dans ses prunelles claires. Le détective s'en trouva démuni, bien plus qu'il ne l'aurait cru, frappé par les traits tirés de son ami, frappé surtout par son indifférence, ce détachement, cette étrange apathie... Et doucement, John Watson avait reculé, quittant ces lieux sans un reproche, sans joie et sans tristesse.
Et Sherlock sut. Que peut-être, il avait été trop loin. Pourtant, il referma la porte sans chercher à le retenir...
A suivre